Plus de 15 mois qu’on n’entend que cela, qu’on ne lit que cela, qu’il y a toutes les probabilités que des inconnus que l’on croise en rue en parlent entre eux, que tout semble s’être arrêté pour « sauver » l’humanité. Nous tiendrons donc la gageure dans cet édito de ne pas le citer une seule
fois : il nous sort par tous les pores, nous empêchant de penser, de nous toucher, nous rassembler. Il ne faudrait toutefois pas qu’il serve d’exutoire à une population à bout de nerfs, car ce pauvre virus n’y peut rien au fond, au contraire de ce que médias et politiques en ont fait(1). Les hommes, ou l’histoire, les jugeront.
On nous demande de parler d’autres choses, mais le paradoxe est que la focalisation monomaniaque de la caste politico-médiatique nous en empêche. Nous aimerions évoquer la vie, le théâtre, la nature, l’amour, l’amitié, les lectures, la poésie, les voyages (pas les « vacances »), la beauté du monde, d’un tableau, d’une fleur… ils nous confinent dans la distanciation, l’essentiel unilatéralement et arbitrairement défini, la fuite existentielle, la peur de l’autre, la division, les écrans.
La gestion de ce virus défini pernicieusement comme « la pandémie du siècle », a mis formidablement en évidence la gabegie des États, leur mise au service des intérêts de quelques multinationales, secondées par Facebook et YouTube – censeurs zélés de la parole incorrecte –, leur fonctionnement totalitaire, leur mépris de la vie… mais elle aura aussi permis d’attirer l’attention de certains sur les crimes qu’ils commettaient ou laissaient faire avant. Car que sont devenus ceux qui acceptaient que le poison du Roundup puisse continuer à inonder nos champs ; que la nourriture industrielle rende obèses nos enfants, génère cancers, hypertension, diabètes, ces « comorbidités » qui font la létalité du « grand mal » du XXIe siècle ; que la finance dirige le monde. Ceux qui laissaient crever en rue alors que la misère était endémique et les écarts de richesse de plus en plus grands ; qui toléraient que nous étouffions sous des tonnes de bouffe alors que, toutes les 5 secondes, un enfant mourait de faim ; que l’air devienne irrespirable ; que la biodiversité, ce qui fait le miracle et la beauté de ce monde, soit détruite à petit feu ? Ce sont les mêmes, ils sont toujours là. Le « mal » – le virus – planétaire générant « l’état de guerre » et permettant d’occulter tout le reste.
Pendant 15 mois, nous n’avons pas pu parler du « mal » autrement que de la façon dont les « experts » patentés le définissaient. À présent, il faut accepter son antidote : la « solution ». Leur solution. Comme si un vaccin allait éradiquer ce virus et nous promettre le nirvana du risque zéro, fantasme menant à l’ultime délire transhumaniste de la « mort de la mort ». Il nous permettrait aussi, un jour, de revenir au « monde d’avant », prétexte qui, après des mois de manipulation des masses, convaincra le quidam prêt même s’il le faut à prendre le risque de mourir pour pouvoir continuer à vivre.
Preuve à l’appui de cette formidable aliénation : les gens sont maintenant disposés, et parfois impatients, de se faire inoculer un produit développé dans une précipitation dont l’origine est plus à rechercher dans l’hubris actionnariale que dans la volonté de sauver des vies, tout cela pour pouvoir partir en vacances. Ou comment accepter de potentiellement mettre sa vie en danger pour continuer à la fuir. Les gouvernements, serviteurs zélés des décideurs issus des multinationales, auront donc réussi une chose inédite et épouvantable : diviser le peuple en deux, mais aussi, faire que dans chacun de ces groupes, chacun se méfie de l’autre, et que le tout ne forme plus qu’un amas de monades dont l’Autre n’est plus qu’élément de décor.
Les mêmes sont toujours au pouvoir donc, ceux qui nous veulent du « bien », issus du Boston Consulting Group, de Friends of Europe, de Mc Kinsey ou encore du lobby pharmaceutique, ces grandes boîtes et autres Think Tanks de « décideurs », magnanimes dans la com’, réalistes dans la pratique :
« Les remèdes qui guérissent immédiatement représenteraient un intérêt formidable pour les patients et la société, mais pourraient être un obstacle pour ceux qui cherchent un cash-flow financier durable »(2).
Ces technocrates qui, quand l’appartement brûle, installent en toute précipitation la 5G, l’éclairage led sur les autouroutes, les parcs d’éoliennes … plutôt que d’appeler les pompiers, sauver ce qu’il reste, s’asseoir enfin et réfléchir au monde à reconstruire. Car c’est le moment, le kairos. Il n’y en aura plus d’autre.
Alexandre Penasse
Notes et références
De là le fait que si les gens ne réalisent pas que la crise est politique et non sanitaire, l’exutoire risque fort bien d’être ceux qui le disent.
Rapport de la banque Goldman Sachs « Guérir les patients est-il un business model soutenable ? », cité dans Big Pharma démasqué, Xavier Bazin, Guy Trédaniel éditeurs, 2021, p. 214.
Alors qu’on ne sait pas comment démanteler et recycler les plus anciennes.