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Kairos, « outil d’expression militante »

Nous partageons dans cet article les trois pages de décision de la Commission de première instance relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel, dans le cadre de la demande de renouvellement de la carte de presse d’Alexandre Penasse, qui lui a été refusée à l’unanimité des membres. Ces instances qui représentent les médias de masse, instruments de propagande, ont le culot de reprocher à Kairos d’avoir un point de vue et une ligne éditoriale. Ils peuvent se permettre l’absurde, car ils ont avec eux le pouvoir de nommer, adouber ou bannir. Pour l’instant… 

En décembre 2021, la Commission d’agréation avait refusé de prolonger ma carte de presse, énonçant que je ne l’avais pas prévenue que j’exerçais une autre activité rémunérée — continuant, comme la Commission a pu le constater, mon activité de journaliste, mais refusant un double salaire et donc d’être payé pour cette activité. La Commission a dès lors considéré que le journalisme n’était plus mon activité principale. A côté de cela, Amid Faljaoui, directeur des magazines Le Vif/L’Express et Trends-Tendances, touche 150.000 euros par mois de la banque Degroof Petercam, mais continue ses chroniques économiques sur les ondes de La Première, sans parler de tous les autres qui font des ménages, passant des médias au privé ou en politique, et vice versa.

A l’époque où ils ont refusé une première fois le renouvellement de ma carte de presse, fin 2021, la Commission n’avait aucune critique à porter sur la nature du travail que je faisais. Depuis, plus de deux ans sont passés, rémunérés plein temps comme journaliste. J’ai donc refait en juin 2022 une demande de renouvellement de ma carte de presse, demande que la Commission vient de refuser à l’unanimité, invoquant que mon « activité journalistique ne correspond pas aux termes de la loi de 1963 précisés par la jurisprudence de cette commission » (La loi de 1963 organise la reconnaissance et la protection du titre de journaliste professionnel, voir le document en fin d’article).

La Commission qui m’a jugé rappelle que la loi du 30 décembre 1963 prévoit que le titre de journaliste professionnel ne peut être reconnu qu’à une personne qui participe « à la rédaction de journaux quotidiens ou périodiques, d’émissions d’information radiodiffusées ou télévisées, d’actualités filmées ou d’agence de presse consacrées à l’information générale. Conformément à sa jurisprudence constante depuis sa création, la Commission assimile les activités de communication à de la publicité ou du commerce, activités incompatibles avec le titre. Il convient en effet de distinguer la communication, au service de l’intérêt public ou de l’intérêt général (…) La commission rappelle que la finalité de l’organe d’information auquel participe la personne qui souhaite être reconnue, doit être l’information. Le rédactionnel ne doit pas servir d’alibi à d’autres motivations ».

« Le rédactionnel ne doit pas servir d’alibi à d’autres motivations », dites-vous, vous reprochez donc à Kairos de faire de la « communication » et de ne pas participer à une information d’intérêt général. On dirait que par projection vous parlez des médias dont vous êtes les représentants. Ce sont bien des grandes familles qui ont concentré la presse dans quelques groupes se partageant les différents supports qu’ils nomment désormais « marques », marques journalistiques qui utilisent leurs contenus rédactionnels pour nous faire acheter les produits des annonceurs, non ? 

Publicité pour une voiture, trônant pleine page à côté d’un article du quotidien Le Soir, propriété de la richissime famille Hurbain

N’est-ce pas non plus eux qui ont servi de caisse de résonance des choix gouvernementaux, de façon encore plus visible depuis la crise du Covid, traitant les journalistes et citoyens qui ne suivaient pas les ordres narratifs officiels de « complotistes » ou « antivaxx » ? 

C’est que les médias de masse ne sont que des officines de fabrication du consentement dont vous êtes les garants officiels. Cela ne vous plaît évidemment pas de l’entendre, vous n’aimez pas vous observer dans le miroir, surtout lorsque, comme plusieurs membres de la Commission d’agréation, vous êtes pensionnés : on ne regarde pas avec lucidité toute une carrière au service de l’ordre, on risquerait de tomber de haut…

« Le bimestriel Kairos, le site kairospresse.be, la page facebook de Kairos apparaissent aujourd’hui comme des outils d’une expression militante »extrait de la Décision de la Commission d’agréation

Est-ce que ce ne sont pas les universités et hautes écoles qui ont modifié leur intitulé et sont passées de « journalisme » à « communication », avalisant définitivement le basculement du journaliste dans le formatage publicitaire ? Vous dites dans votre décision, je vous cite : « Le bimestriel Kairos, le site kairospresse.be, la page facebook de Kairos apparaissent aujourd’hui comme des outils d’une expression militante ». Et ajoutez : « La démarche d’information requiert, pour une thématique donnée, de couvrir l’ensemble des sujets liés à celle-ci, de relater l’ensemble des faits, des opinions et commentaires pertinents en sens divers la concernant. Elle n’empêche en rien l’auteur d’exprimer une position personnelle , voire un engagement, en développant un raisonnement et les arguments qui les soutiennent. En revanche, un média d’information ne peut constituer un relais d’une telle position présentée de manière unilatérale. L’engagement ne peut pas mettre en péril l’indépendance journalistique ».

Votre aveuglement ne vous fait-il pas mal aux yeux ? L’épisode Covid, depuis presque trois ans, a été traité médiatiquement d’une façon qui restera dans l’histoire, si un jour les officines de la propagande officielle arrêtent de l’écrire elle-même. Jamais le débat n’aura été autant interdit, alors que Kairos proposait un grand débat en juin 2021 et y invitions tous les experts officiels, dont un seul a répondu — et refusé l’invitation. Débat qui nous vaudra la fermeture de notre chaîne Facebook, sans que vous vous en indigniez. Jamais ceux qui pensent autrement n’auront été autant vilipendés par l’ordre politico-médiatique. Et vous osez dire que nous étions les relais d’une position présentée de manière unilatérale ? Le futur nous montrera que votre traitement de l’information, votre stigmatisation, division, culpabilisation sont directement responsables de la mort d’individus. Et votre silence, impardonnable, alors que nous savons par exemple que le rédacteur en chef de La Libre qui vilipendait dans son journal les médecins qui traitaient précocement le Covid à l’ivermectine, s’est personnellement soigné avec celle-ci.

C’est que vous n’êtes pas des instances visant à protéger la presse libre et la Charte de Munich[note], mais, à l’instar de l’Ordre des médecins, des officines constituées de représentants de l’Ordre médiatique, ces grands groupes de presse, dont votre fonction principale est d’assurer leur pérennité et de les protéger de tout ce qui pourrait leur nuire. Vous ne représentez donc que vous-mêmes et craignez la vérité.

Je termine de citer votre oukase: « Les médias auxquels participe le demandeur ne présentent pas un tel traitement multilatéral des sujets. Le demandeur y fait usage de sa liberté d’expression sans donner la parole aux thèses opposées à la sienne. Il y exprime notamment un soutien appuyé à divers acteurs du débat social sans mettre cet engagement en perspective. Le choix des sujets, des sources et des personnes interviewées est orienté par ses seules convictions ». En conclusion : « Les médias auxquels participe le demandeur visent à convaincre le public du bien-fondé d’une thèse, non à l’informer de manière multilatérale des différentes positions en présence afin qu’il puisse librement se forger sa propre opinion. La Commission refuse systématiquement le titre de journaliste professionnel aux personnes qui contribuent à des publications dont l’objectif est le relais de thèses d’une organisation, quelle qu’elle soit, et qui n’offrent pas au public une garantie d’indépendance dans le choix des sujets, des sources et de l’approche de ceux-ci ». 

Il suffit d’ouvrir un quotidien comme La Libre, Le Soir, la Dernière Heure, mais aussi de nombreux périodiques, pour comprendre que ce que vous nous reprochez correspond parfaitement à leur fonctionnement. Par exemple, « Garantie d’indépendance dans les choix des sujets », alors que les maîtres de la censure et de l’auto-censure se trouvent parmi les médias que vous représentez, qui envoient tous les 5 ans leur listing de journalistes dont l’agréation est renouvelée automatiquement par vos soins. Quelle formidable dissonance. 

Comme la Commission d’agréation l’énonce elle-même, on peut être journaliste sans posséder de carte de presse. Certes. Mais il est particulièrement intéressant de voir à qui cette Commission l’accorde et à qui elle la refuse. A ce titre, un gage de liberté aujourd’hui serait paradoxalement de ne pas en posséder, à moins de dissoudre ces instances nullement garantes de la liberté de la presse, mais dont l’existence au contraire assure de ne pas la voir advenir.

Loi de 1963Télécharger

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L’éthique de la militance

Sarah Fatmi

Dans « L’impossible militantisme de gauche[note] » on trouvera l’inventaire des entraves actuelles au militantisme et son contexte historique. Le militant « de gauche » est, en effet, confronté à la quasi-impossibilité de faire valoir son point de vue par quelque action que ce soit. 

Tout ce qu’il a fait ou fera sera, d’une manière ou d’une autre, retenu contre lui. Que le militant agisse ou non, qu’il s’explique ou non, qu’il présente ses excuses (!) ou non, il ne communiquera que son indigence à communiquer, c’est-à-dire la non-maîtrise de son argumentaire, de sa propre image et de sa diffusion. Reprenons la question à sa racine en évoquant successivement militance, philosophie et éthique, deux disciplines et un mercenariat aux destins (pieds et poings) liés par le néolibéralisme. 

1. Le terme même de militantisme révèle, sans surprise, l’engagement profond, si pas total, dans la lutte sociale pour faire advenir un idéal. Dans son acception principale, qui est aussi la plus noble, le militantisme est une forme d’engagement collectif pour le bien commun, c’est-à-dire contre ce qui est perçu comme une injustice (une fois n’est pas coutume, Wikipedia est ici plus explicite que les dictionnaires traditionnels). La rationalité qui s’y joue est donc double : elle est théorique et visionnaire en tant qu’elle identifie les enjeux politiques, et elle est pragmatique en tant qu’elle suscite l’action. Un idéal qui n’est pas vécu est une idée morte-née. 

2. De ceci il suit que la militance est de l’ordre de la pensée vivante ou, si on préfère, de la philosophie vécue. D’une part, il ne saurait y avoir de pensée — et donc de philosophie — qui ne vise le bien commun : penser veut dire dépasser ses contingences personnelles pour énoncer les propositions respectueuses de toute forme de vie. Tout le reste n’est qu’opinion, égoïsme, et prédation. D’autre part, quelles seraient la cohérence et l’applicabilité d’une pensée qui n’occasionnerait aucune conséquence pratique ? De fait, les philosophes grecs articulaient la sagesse théorique (« sophia ») et la sagesse pratique (« phronèsis »), la vraie sagesse devant être le fruit de la conjonction des deux. À la fois contemplative et active, elle requiert alors l’homme tout entier et invoque l’abîme de sa liberté. Le mythe platonicien de la caverne est peutêtre le plus explicite à cet égard : l’épreuve de la philosophie consiste à dépasser le miroir des contingences spectaculaires pour accéder à la contemplation du Bien souverain (et de sa réflexion sur les Idées) afin de retourner dans la caverne pour y promouvoir le Bien commun, quelles que soient les conséquences pour le philosophe … 

3. Il faut surtout comprendre qu’il existe une éthique de l’irresponsabilité, voire une éthique totalement irresponsable. Depuis que sévissent les philosophes professionnels (les « Denker von Gewerbe » de Hannah Arendt), et surtout depuis que la culture est devenue scientifique et l’université une entreprise, le champ de la philosophie s’est progressivement réduit à celui de l’épistémologie et de l’éthique. Ce faisant, la philosophie ne s’est émancipée de la théologie (n’écrivait-on pas « philosophia ancilla theologiae » ?) que pour être réduite en esclavage par la science et donc, finalement, par les bailleurs de fonds, c’est-à-dire le capitalisme. 

D’une part, l’épistémologie et les disciplines connexes que sont la philosophie des sciences et la philosophie de la nature, n’ont généralement plus d’autre ambition que de contextualiser les percées conceptuelles scientifiques et leurs inévitables conséquences idéologiques, la dernière en date étant le transhumanisme[note]. Seule la science pourra répondre aux questions philosophiques comprises jusqu’il y a peu comme insolubles (« dieu » existe-t-elle ? la « femme » est-elle libre ? l’âme est-elle immortelle ?, etc.) Certains, comme Bertrand Russell, vont jusqu’à prétendre que la raison ne doit pas interrompre son travail avant que le sens de l’existence ne soit détruit et l’eugénisme imposé[note]. Il la compare d’ailleurs à une scie circulaire et aurait pu s’approprier le cri d’Ubu « Cornegidouille ! Nous n’aurons point tout démoli si nous ne démolissons même les ruines ! Or je n’y vois d’autre moyen que d’en édifier de beaux édifices bien ordonnés. » Seul reste alors l’aveuglante opacité du progrès scientifique. 

D’autre part, le mirage de l’éthique est savamment entretenu, encore une fois à la remorque de la recherche scientifique et de ses créations technologiques, fussent-elles des plus funestes. Là où le sens commun devrait suffire à exiger un moratoire sur les derniers développements totalitaires de la technoscience, on injecte un discours complexe qui se déploie essentiellement sur l’argument d’autorité : selon le Pr. Dupont, Dr. en philosophie, habilité à diriger des recherches, Directeur du Centre de bioéthique de l’Université (catholique) de New York (celle de Kinshasa-Limete ne ferait pas l’affaire), il est illusoire de vouloir brider la recherche alors que des balises éthiques ont été clairement énoncées et qu’un comité éthique vise au respect absolu de ces impératifs éthiques… Il faudra néanmoins tempérer avec le plus grand discernement l’enthousiasme de nos chercheurs, car nous sommes déjà très en retard par rapport à la Chine. 

Mais l’histoire vient parfois remettre en question cette division du travail entre épistémologie scientifique et éthique existentielle. Comme l’a fait remarquer Foucault, et comme cela se dit encore dans les alcôves, ce ne sont pas les philosophes de l’engagement qui se sont engagés lors de la Seconde guerre mondiale… Les mathématiciens et épistémologues Albert Lautman et Jean Cavaillès sont entrés dans la Résistance après s’être, l’un comme l’autre, évadés de leurs Oflags. Pendant que Georges Canguilhem, épistémologue lui aussi, Paul Éluard et René Char, poètes, et Léon Chertok, psychiatre, prenaient toute la mesure de leur responsabilité, Sartre médite sobrement (?), en 1944 donc, au Café de Flore, sur l’évidence de « Jamais nous n’avons été plus libre que sous l’occupation allemande ». N’aurait-il pas plutôt dû écrire « On ne naît pas Homme, on le devient » ? Ou, plus simplement, « On parle que de ce que l’on ne connaît pas » ? 

. En somme, puisque le phénomène humain est de l’ordre de la machine (La Mettrie avant Cabanis : « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile »), il peut être machiné optimalement sans états d’âme (!)[note]. L’intelligence a toujours-déjà été artificielle et la politique néolibérale. De là il suit que la philosophie est devenue cybernétique, un art de gouverner rhétoriquement — c’est-à-dire de manipuler — les masses, que le militantisme est injustifiable, et que l’éthique occupe coûte que coûte le terrain de la violence symbolique laissé en friche par le monothéisme. 

Tout aurait été dit dans deux articles fameux de Max Weber : « Le métier et la vocation de savant » (1917), avance la thèse de la neutralité axiologique de la science ; et « Le métier et la vocation d’homme politique » (1919), fait dépendre l’éthique de la responsabilité du politique au sens large. Le taux de dilution de la conscience éthique de chacun des acteurs allait bientôt pouvoir atteindre des proportions homéopathiques, le GIEC en témoigne avec panache : le scientifique argumente en faveur de la thèse politique imposée par le monde économique ; le politique s’appuie sur la neutralité de la science[note]. 

Il existe pourtant des voix dissonantes dans le bêlement académique généralisé. Karl-Otto Appel propose une justification (pragmatico-transcendantale) des présupposés éthiques de la communication mettant en évidence que la logique elle-même présuppose une éthique en tant que condition de possibilité[note]. Jean-Pierre Dupuy et Jaime Semprun plaident pour un catastrophisme éclairé. Hans Jonas et Serge Latouche refondent le principe de responsabilité et le principe de précaution. La figure, plus ou moins mythique de Socrate, est loin d’être étrangère à ces questions : seul importe d’être en paix avec soi-même. En témoigne V. Klemperer, qui écrit le 16 août 1936 dans son Tagebücher que les vrais responsables de la montée du nazisme sont ses collègues universitaires qui auraient dû le contrer par tous les moyens et ont préféré regarder ailleurs ou même collaborer plus ou moins activement[note] … Comme Gœthe bien avant lui, il a compris que la responsabilité du penseur est l’immense et grave fardeau que l’initié ressent lorsque, rompant et débordant les domaines rationnels de la connaissance, il se met en quête du bien commun et reconnaît dans ce (dé-)devenir un impératif rien de moins que religieux[note]. Mais combien sont-ils, aujourd’hui encore, à mettre leur inconscience au service du plus offrant ? Personne n’a donc entendu parler du Docteur Faust ? Qu’est-il advenu du sens commun ? 

Trois conclusions s’imposent : il y a nécessairement une philosophie de la militance, et celle-ci est réflexion du bien commun ; la philosophie ne peut être que militante ; l’éthique est un grand vide instrumentalisé par le capitalisme technocrate. 

Michel Weber 

Sarah Fatmi

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Impérialisme : racines philosophiques et autres voies 2/2

Antoine Demant

De la première partie de l’article, il ressort que la guerre en Ukraine découle notamment des influences d’idéologues comme Brzezinski, porteurs d’un fantasme funeste : celui d’une gouvernance mondiale. (« La seule alternative [au « leadership mondial des USA »] se résumerait à l’anarchie sur le plan international.[note] ») Comme nous l’avons vu, ces idéologues se réfèrent à des philosophes selon lesquels la paix ne peut être atteinte que par le « haut », par la force d’un grande puissance. 

De telles références sont sans doute un vernis philosophique que se donne l’impérialisme. Mais l’idée que les personnes et les peuples ne peuvent se gouverner par eux-mêmes, cette idée est présente tout autour de nous, y compris dans les sphères académiques[note]. Beaucoup voient l’être humain comme le jouet de passions chaotiques. Or, une telle idée sera encore et toujours utilisée par les partisans des visions dirigistes. De la question de savoir si la personne humaine peut se guider par elle-même dépend donc, sans doute, la possibilité d’un monde libre et démocratique. 

Clarifier cette question, de grands penseurs l’ont tenté. L’un des plus intéressants est Spinoza (1632–1677), qui a entre autres investigué la possibilité de développer des passions éclairées par la raison et les idéaux. Il a ainsi poursuivi le travail d’Aristote notamment, selon qui, de même qu’on peut cultiver le corps par l’entraînement physique et le mental par l’exercice intellectuel, on peut aussi, par un entraînement approprié, développer les qualités morales. 

Essentiel : Spinoza a manifesté par sa propre vie le réalisme de ses idées, car il a vécu en profond accord avec elles ; cela ressort de l’ensemble des biographies qui lui sont consacrées. 

Pour ce philosophe, nous avons très souvent une connaissance floue des causes de nos actes, mais il est possible d’en atteindre une connaissance claire, qui donne la possibilité d’agir sur nos passions : « l’âme a la puissance de former des idées claires et distinctes, et de les déduire les unes des autres (…) ; d’où il résulte (…) qu’elle a la puissance d’ordonner (…) les affections du corps[note] ». Si nous agissons suivant ces idées claires, nous pouvons alors devenir la véritable cause de nos actes, pour Spinoza (dans les autres cas, nous ne sommes que les jouets de causes inconscientes) : « Quand quelque chose arrive (…) dont nous sommes la cause adéquate, (…) quand quelque chose (…) résulte de notre nature, qui se peut concevoir par elle clairement (…), j’appelle cela agir. Quand, au contraire, quelque chose arrive en nous (…) dont nous ne sommes point cause, (…) j’appelle cela pâtir.[note]» 

Les passions, justement, Spinoza les aborde sous un angle particulièrement intéressant et motivant : « J’entends par passion (…) ces affections du corps (…) qui augmentent ou diminuent, favorisent ou empêchent sa puissance d’agir, et j’entends aussi en même temps les idées de ces affections. C’est pourquoi, si nous pouvons être cause adéquate de quelqu’une de ces affections, passion (…) exprime alors une action.[note] » On considère en général les passions comme des choses auxquelles nous sommes soumis ; les voir comme pouvant être des actes change totalement la perspective. Dans le même esprit, Spinoza qualifie aussi ces passions de puissances d’actions. P. ex. : « la clémence (…) n’est point une affection passive de l’âme, mais la puissance par laquelle l’homme modère sa haine et sa vengeance.[note] » 

Ces approches font aussi apparaître que la morale de ce penseur se fonde sur le désir et l’enthousiasme, l’énergie qu’on peut y trouver, non sur des principes qu’on s’impose. Sous cet angle, ce qu’on nomme les vertus n’apparaît pas comme lié à des devoirs ou fardeaux, mais comme des forces, des capacités d’actions. 

EXPÉRIENCE ET DÉPASSEMENT DE SOI 

Tout cela, ce philosophe le fonde sur des observations et démarches très concrètes, dont on peut sans doute tous expérimenter l’efficience. L’exemple suivant est très parlant : « …ce que l’homme a de mieux à faire tant qu’il n’a pas une connaissance accomplie de ses passions, c’est de concevoir une règle de conduite (…), de la déposer dans sa mémoire, d’en faire une application continuelle aux cas particuliers (…), de telle sorte (…) que sans cesse elle se présente aisément à son esprit. (…) [p. ex.], nous avons mis au nombre des principes qui doivent régler la vie qu’il faut vaincre la haine (…) par la générosité (…). (…) nous devons (…) souvent méditer sur les injustices (…) et les meilleurs moyens de s’y soustraire en usant de générosité ; et de la sorte il s’établit entre l’image d’une injustice et celle du précepte de la générosité une telle union qu’aussitôt qu’une injustice nous est faite, le précepte se présente à notre esprit[note] ». 

Ainsi, sous le regard de Spinoza, la personne humaine apparaît comme capable de se développer dans un sens toujours plus éclairé et autonome, à partir du centre qu’est sa pensée active, et avec l’énergie qu’elle trouve en agissant ainsi sur ses émotions ; de sorte à pouvoir transformer ses passions en actes, ses tendances psychiques en puissances d’action morale. 

Certes, tout cela suppose que la raison ou la pensée soit une activité qui puisse se fonder sur soi, tendre vers une pleine clarté sur soi. Spinoza considère apparemment cette possibilité comme découlant, implicitement, de l’expérience qu’on peut tous faire de la raison. Beaucoup ne le suivront pas, à cet égard. Mais son approche peut être complétée par des apports essentiels de Rudolf Steiner (1861–1925), apports qui découlent d’une observation de la pensée. Ou plutôt du penser (das Denken), c’est-à-dire – dans l’esprit de Spinoza – de la réflexion comme activité tout à fait consciente et dynamique[note]. 

LA LUMIÈRE DE LA PENSÉE 

Du point de vue de Steiner, quand le penser est développé de cette manière consciente et active, il se présente comme un phénomène capable de se connaître lui-même et de constater qu’il repose sur soi. Pour comprendre, comparons le penser aux autres expériences : perceptions, sentiments, volonté… Si l’on considère ces expériences en elles-mêmes, avant qu’on leur ait associé des concepts, elles se présentent sans lois, déterminations ou rapports entres elles.[note] Couleurs, sons et autres sensations, sentiments, rêves, etc., sans relations entre ces éléments. On ignore alors ce qui serait cause ou effet, réel ou illusoire, etc. (Certes, dans la vie quotidienne, ces expériences sont déjà fortement entremêlées de concepts ; mais on peut tendre à les en épurer, à revenir à l’expérience initiale.[note]) 

Or, dans le penser, ce manque de relations ne se présente pas ; car il est justement un producteur de rapports, de déterminations.[note] P. ex. le rapport de causalité, celui de différence, celui entre tout et partie… Et c’est cela qui implique cette clarté du penser. P. ex., ne suffit-il pas de nous demander ce qu’est une cause pour penser aussitôt : « Ce qui produit un effet » ? L’idée de cause nous mène donc, par elle-même, à celle d’effet, et vice versa.[note] On peut faire de telles observations avec une série d’autres idées : qu’est-ce que le tout ? L’ensemble des parties. Idem avec l’existant et le néant, le nécessaire et le contingent, etc. Les idées mathématiques sont aussi un bon exemple. Dans un simple calcul pensé activement, on peut bien observer comme chaque élément et rapport est saisi avec clarté. On y voit bien, aussi, la différence entre un penser actif et une démarche passive : p. ex., on peut juste mémoriser que 4 x 4 = 16, mais aussi vérifier le calcul par soi-même, en additionnant 4 ensembles de 4 unités. 

Ainsi, « Ce qui ne peut être trouvé que de façon médiate dans les autres sphères d’observation – les liens de correspondance (…) entre les divers objets – dans le penser, nous le connaissons de façon tout à fait immédiate. Pourquoi le tonnerre suit-il l’éclair pour mon observation, je ne le sais pas d’emblée ; pourquoi mon penser relie-t-il le concept de tonnerre à celui de l’éclair, je le sais immédiatement par les contenus des deux concepts (…), [que j’ai ou non] les concepts exacts de tonnerre et d’éclair.[note]» 

UN FONDEMENT POUR L’ASCENSION 

Conséquence essentielle : le fait que le penseur vraiment actif passe d’une idée à l’autre en fonction des contenus de ces idées uniquement, ce fait signifie visiblement que les causes des actes de penser se trouvent dans le penser-même, non dans une autre réalité (comme le cerveau), qui déterminerait le penser de l’extérieur[note]. (Au sujet du cerveau, notons que ce qu’on observe en lui, avec les sens, est un tout autre contenu d’expérience que celui du penser – comme d’ailleurs du reste de la conscience. On n’a jamais observé un concept, dans un cerveau en tant qu’objet perçu, ni un sentiment…). 

Une telle déduction se heurte au préjugé que la pensée n’aurait aucune réalité. Mais si l’on constate qu’elle ne se développe qu’en fonction de ses propres contenus, non perceptibles aux sens, cela devrait bel et bien impliquer une autonomie au niveau de l’être, pas seulement à un niveau « seulement logique ». 

De ces observations découle aussi qu’avec le penser, on dispose d’une base depuis laquelle on peut espérer pouvoir connaître petit à petit le reste des phénomènes. La question capitale du rapport entre les concepts et les autres expériences dépasse le cadre de cet article, mais nous y viendrons bientôt. 

Pour cette fois, limitons-nous à cette observation déjà essentielle : tout cela fait apparaître le penser comme une réalité fondée sur elle-même, à partir de laquelle la personne humaine peut travailler sur ses passions et s’orienter intérieurement. Ce qui renforce considérablement l’approche de Spinoza, et contribue fortement à réfuter l’idée que l’humanité aurait besoin de puissances dirigistes ou de morales autoritaires. 

Daniel Zink 

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Édito lu: Journal #56

Nous n’avons jamais considéré utile de porter la critique sur des médias qui semblaient plus proches de nous que ceux communément appelés « mainstream ». Si nous nous refusions de les nommer explicitement et d’aborder de façon critique leur ligne éditoriale, nous ne nous étions toutefois pas empêchés dans certaines de nos analyses de situer cette presse dite « alternative », « indépendante » ou encore « inclusive ». C’est le moment de faire le point. 

Si des publications dites alternatives, ou encore « slow press », qui commentent le monde, font un travail journalistique parfois intéressant, il demeure quelque chose de contradictoire, même insoluble dans l’idée même de faire autre chose: comment en effet coexister pacifiquement à côté de la presse de masse sans en faire la critique? Comment travailler à la fois dans l’une et dans l’autre, sans vivre de dissonance(1), mais aussi sans être dérangé par les médias dominants qui contribuent à une partie de leur revenu ? 

L’explication n’est pas compliquée. La coexistence est tout à fait sereine parce que cette presse alternative ne vient pas s’opposer à la presse de masse, mais s’inscrit dans sa continuité. Pas d’étonnement dès lors qu’elle soit invitée sur les plateaux de La Première la veille de la publication d’un nouveau numéro ou que les réseaux médiatiques, de façon générale, leur soient ouverts. Le prix à payer est le silence sur un certain nombre de thèmes, avec une omerta obligée et tacite sur celui qu’ils ne peuvent aborder sous peine d’anathème et de licenciement: la critique des médias(2). 

La presse alternative se révèle ainsi un fourre-tout commode, surtout pour ceux qui veulent surfer sur la vague et s’ériger en nouveau trublion. En manque d’une certaine forme d’action, coincé dans une rédaction à la botte du pouvoir, le sujet s’embête, mais peut aussi se sentir visé par la critique de plus en plus grande des médias mainstream. En somme, il faut trouver un remède. Quoi de mieux alors que pour se refaire une santé et supporter encore les médias dominants qui nous emploient que de se lancer dans l’« alternative press ». Yes! Traiter les scandales, investiguer, fouiner dans le monde politique et se faire des relais (qui sait, il y aura peut-être un engagement futur à la clé), c’est en effet grisant. La machine à scandale médiatique bien rodée, on peut ainsi profiter à la fois du beurre et de l’argent du beurre: on produit d’un côté de l’info formatée, de l’autre on feint de s’en écarter en dénonçant ; d’un côté on accepte la censure, sereinement, sachant évidemment qu’on ne peut pas tout dire, de l’autre on plane sur le nuage de la dissidence, prêt à démonter toutes les cabales, malversations et trafics en tous genres qui ne manqueront pas de venir, encore et encore. 

Le problème, c’est que de l’un et l’autre côté, on bafoue joyeusement ce qui est au fondement de la liberté de la presse et du travail du journaliste : « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité » (Charte de Munich). En faire un véritable quatrième pouvoir, et donc analyser, décrire, dénoncer le fonctionnement des structures de domination, dont les médias de masse font partie. Mais difficile quand on va au Gala de l’Association des journalistes professionnels avec tout le gratin du journalisme installé, de tenir après un comité de rédaction où l’on critique ceux qui viennent de nous nourrir et de nous abreuver de petits fours et de champagne. 

La réaction à la censure dont Kairos est l’objet joue comme révélateur du véritable visage de ceux qui se disaient différents, mettant en lumière que ce n’est qu’un masque dont ils se paraient et qu’ils sont en fait les mêmes. En général, ils prirent position en restant silencieux, même quand on leur demandait explicitement de réagir(3). Ce n’est qu’au détour d’un courrier d’indignation d’un de nos lecteurs adressé au journal dit alternatif, que la réponse de ce dernier identique à une speakerine de RTL ou un éditorialiste du Soir ou de La Libre -, qu’il nous a transmise, révélait explicitement de quel côté il penche : celui du pouvoir, de la continuité, qui assure la « carrière » : 

Nous avons été empêchés pendant 9 mois d’entrer en conférence de presse après la « question biaisée politiquement » posée à la première ministre(4). Ensuite, à l’aide d’une avocate et avec persévérance, nous avons pu y revenir le 27 novembre 2020. Ce jour-là, la régie du gouvernement coupera ma question en plein direct. Depuis, ma carte de presse m’a été retirée, les subsides également, suite à une nouvelle condition décidée arbitrairement par la ministre Linard. Déclarer que se plaindre et dénoncer cette situation relève de la victimisation et du complotisme, révèle le rôle véritable de ces nouveaux médias: feindre la différence en jouant l’impertinence, tout en acceptant parfaitement les règles du jeu d’un système dont ils veulent s’assurer qu’il les fasse exister. En somme, des chiens de garde qui voudraient se voir en lanceurs d’alerte. 

Alexandre Penasse 

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Avec volonté de nuire

Photo: Lubo Durzo

Autrefois, il existait des constitutions, des protocoles, des rites de passage pour accéder à des postes de décisionnaires. Le clan, la tribu puis les peuples choisissaient, nommaient, ceux d’entre eux qui allaient mener à bien un destin commun. Aujourd’hui, les raccourcis, les cooptations, les fraudes, etc. ont remplacé ce qui pouvait encore nous rappeler au principe démocratique. Pour installer des « élites » prêtes à tout, même au pire.

Nous assistons à l’avènement de personnages détestables aux sourires de façade qui, de leur œil froid, nous annoncent restriction sur restriction et menaces sur menaces. Pandémies, climat, récessions, guerres… tous leurs moyens sont bons pour nous unir dans l’angoisse (nous pourrions nous unir dans l’espoir en refusant leur mainmise mais on peut toujours rêver). Et ça fonctionne, comme au temps du Covid. L’inquiétude pour les factures et les fournitures en énergie dans les mois qui viennent (ne parlons pas des denrées alimentaires) gagne les foyers. Seule la forme change, il y a deux ans, la question était pourrons-nous fêter Noël en famille ? Cette année, c’est pourrons-nous fêter Noël… ? Peut-être cette manœuvre s’ajoute-t-elle à l’agenda, dans l’idée des vacances de Noël maintenant appelées vacances d’hiver ou celles de Pâques dites de printemps ? Hypothèse probable, puisque peu de choses sont laissées au hasard chez les dirigeants que l’on qualifie d’« élite ». Devant l’apathie toujours majoritaire des masses, ils peuvent prétendre à ce titre.

Ces personnages détestables occupent des postes-clés et, de leur arrogance crasse, nous portent la mauvaise parole. L’exact contraire de ce que l’on est en droit d’attendre de ceux qui sont à la barre. À moins que le projet soit de couler le navire. Est-ce normal qu’un Premier ministre belge déclare tranquillement au peuple que « les 5 à 10 prochains hivers seront difficiles ? »[note]. Est-ce la bonne manière de s’exprimer ? Serait-ce ainsi que l’on conforte et assure l’avenir d’un pays ? Et que penser d’un président français de retour de vacances (de luxe et aux frais du contribuable) qui annonce « la fin de l’abondance et de l’insouciance » ?[note]. De même, quels sont précisément les « pouvoirs » de la Présidente de la Commission européenne pour se permettre de refuser toutes discussions avec la Russie et de clouer au pilori qui serait tenté de le faire ? Que signifie une telle ingérence, de telles envolées dictatoriales avec à la clé des risques considérables pour les pays européens et la pérennité d’une Union déjà en perdition ? Et comment justifier ce dédain pour les lois et la commission d’enquête à propos des mails échangés avec le groupe Pfizer et le conflit d’intérêts manifeste du mari de Madame la Présidente ?[note] À noter également qu’Albert Burla, PDG de Pfizer, a refusé de venir s’expliquer sur ce dossier devant une commission du parlement européen[note].

Pour rappel de son parcours, Ursula von der Layen (puisqu’il faut nommer l’ennemi) a planté le ministère de la défense allemand en y faisant preuve d’une rare incompétence et a quasiment été exfiltrée pour se retrouver à son poste actuel. Par les miracles du copinage et manifestement avec une mission spécifique. Élue par aucun peuple, mais imposée à tous, Madame la Présidente a dans son escarcelle garnie des outils du chaos, des moyens de répression contre ceux qui ne suivraient pas les prérogatives du Nouvel Ordre Mondial. Une appellation qui depuis longtemps n’est plus l’apanage des milieux dit conspirationnistes (précision pour ceux qui ne suivent toujours pas).

Dans sa ligne de mire, après la Hongrie qui vient d’avoir l’outrecuidance de demander la levée des sanctions contre la Russie, l’Italie et ses vilains citoyens qui ont mal voté. Madame la Présidente les avait pourtant prévenus[note] mais voilà que l’élection de la Mussolinienne Georgia Meloni fait flirter la botte avec les heures les plus sombres de notre histoire. À quand un italoexit ? Peut-être pas pour demain, sachant que n’est pas sûr que celle qui devrait succéder à Mario Draghi, malgré ses envolées censées effrayer les chantres du mondialisme, ne soit rien d’autre qu’une nouvelle pièce de l’opposition contrôlée. Affaire à suivre.

Alors que certains réclament sa démission, nullement inquiétée, la surprenante[note] Ursula von der Layen est l’un des meilleurs exemples de cette caste méprisante qui appuie sur l’accélérateur avec un sourire pervers alors que le mur est en vue. À l’instar de ceux de son espèce, elle pense qu’elle aura quitté le véhicule avant l’impact. Elle peut le souhaiter pour elle et ses semblables. Car livrés à une vindicte populaire désespérée dans un monde en chute libre, leur destin pourrait être tragique. L’Histoire regorge d’exemples.

Il est probable que parmi ces gens-là se trouvent de vrais crétins, de parfaits incompétents. Mais cette simplification déjà utilisée au temps du Covid, ne devrait pas nous faire oublier que la plupart savent très bien ce qu’ils font. Et qu’ils ne seront pas pardonnés. L’incompétence en guise d’explication est une autre voie pour la gouvernance mondiale. En vérité, ils sont au mieux en roue libre, au pire, ils roulent pour le monde d’après, celui du calendrier de Davos. Avec cette suffisance que l’on retrouve dans des moments plus légers et qui démontre à quel point, ils se foutent de ce que l’on peut en penser. Comme la Première ministre finlandaise et ses soirées dansantes[note] ou comme lors des funérailles de la Reine d’Angleterre, quand le Premier ministre canadien entonne une chanson de Queen dans un piano bar[note] ou que le Président français débarque en mode costume décontracté et basquets[note]. Tels des ados insolents faisant fi de toute bienséance et dépourvus d’exemplarité. Anecdotique de prime abord, mais les médias nous ayant pratiquement vendu Élisabeth II comme notre grand-mère à tous, on pourrait presque s’en offusquer. Remarquez que ces mêmes médias ont annoncé très sérieusement que plus de 4 milliards de personnes avaient suivi la cérémonie en direct à la télévision[note]. Rappel : officiellement, nous sommes bientôt 8 milliards d’humains sur cette planète. Cherchez l’erreur, il y en a une.

Ce simulacre de communion n’est pas une première. En septembre 2022, nous sommes tous orphelins comme nous étions tous américains en septembre 2001. Un véritable mantra qui a, entre autres, accouché du Patriot Act. Ce qui n’est pas sans nous rappeler des événements récents. Au hasard, un passe sanitaire qui n’est, pour le moment, plus de rigueur. Cela dit parce que les mesures antiterroristes qui ont découlé des attentats du 11 septembre 2001 à New-York sont la norme internationale depuis plus de 20 ans, avec toutes les controverses que cela implique[note]. On ne reviendra pas sur le fait que le Patriot Act était prêt (132 pages) le 26 septembre, soit 15 jours après les attentats. Apparemment, des gens ont sué pour produire ce document en peu de temps. Les victimes, le mystère de l’effondrement des trois tours et l’enquête censée faire la lumière sur toute cette affaire étaient secondaires. L’histoire, aussi frelatée soit-elle, se poursuit attendu que dans le cadre de l’opération militaire de la Russie en Ukraine, avec l’hégémonie atlantisto-otanesque, nous sommes encore une fois tous américains, mais cette fois-ci à l’insu de notre plein gré. Car (pour ceux qui n’auraient toujours pas suivi) nos pays sont les laquais de Washington et nous sommes en train d’assister et de participer au suicide de l’Europe. Ce n’est pas un symbole, c’est une réalité et nos fossoyeurs se pavanent entre Nations Unies, Sommet du G7 ou Parlement européen. Emprunts d’une morgue spectaculaire et des agissements qui méritent la mention Avec volonté de nuire.

La question est de savoir jusqu’à quand va continuer ce cirque qui n’a pas commencé hier et dont les représentations sont toujours plus grotesques avec leurs sinistres clowns et leur comédie funeste. Le sabotage des pipelines — l’accident paraît aussi probable que l’idée de bombarder une centrale nucléaire dont on a pris le contrôle[note] — Nord Stream 1 et Nord Stream 2 est peut-être la séquence de trop. Mais après tout, comme Ursula von der Layen prévient les Européens qui ne font pas ce qu’on leur dit, Joe Biden avait averti en février dernier[note] et les Américains ont déjà de l’expérience dans ce domaine[note]. On peut relever que l’actuel président de la plus grande puissance du monde est la preuve plus ou moins vivante que n’importe quelle marionnette peut occuper sa fonction. C’est inquiétant, mais moins que les manigances de ceux qui tirent les ficelles et qui sont capables de tout. À l’image de la nouvelle (vraiment incompétente dans son cas) Première ministre anglaise qui n’hésiterait pas à appuyer sur le bouton nucléaire. Sa réponse suit la question avec une effrayante conviction[note].

Les fossoyeurs enfoncent le clou et accusent déjà la Russie d’avoir elle-même détérioré ses gazoducs[note] alors qu’aucune enquête n’a commencé. Une condamnation sans fondement, car pour schématiser (et pour ceux qui ne suivent toujours pas), il suffit aux Russes de fermer les vannes pour obtenir le même effet. De plus, avoir la main sur le robinet est un moyen de négociation efficace. En détruisant leur propre installation, en plus des longs et lourds frais de réparation, ils perdraient ce sérieux avantage. Mais ce n’est pas en adéquation avec la version dont on nous gave en permanence et pas uniquement au sujet de la guerre. On n’ose imaginer ce qu’il pourrait se passer maintenant que la Russie vient de signer l’annexion de quatre régions ukrainiennes après un référendum qui a vu le « oui » des populations l’emporter[note]. Quel nouveau numéro les « élites» vont-elles mettre en place, quitte à ce que nous nous demandions réellement et avec une légitime anxiété : pourrons-nous fêter Noël… ? Le tout relayé par la partialité et le manichéisme médiatique ambiant. Jusqu’à l’écœurement, jusqu’à la saturation, jusqu’au suicide collectif. Mais au demeurant, le travail des fossoyeurs est bien de creuser nos tombes.

Nicolas d’Asseiva

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La toile d’araignée belgo-congolaise

Vos programmes télé vous lassent, plongez-vous dans la politique du clan Reynders en Afrique !

Dans un article intitulé « Bienvenue en ploutocratie », Kairos avait déjà décrit en 2018 les réseaux africains de Didier Reynders[note]. À une grosse année de la date des élections en RDC, nous vous proposons d’actualiser cette véritable toile d’araignée tissée autour du commissaire européen à la justice et de son protégé, Moïse Katumbi.

Nous allons voir que de nombreuses manœuvres sont en cours visant à permettre à l’ancien gouverneur du Katanga d’accéder à la fonction suprême au Congo. Une règle prévaut dans ce combat : tous les coups sont permis. En effet, l’enjeu est de taille. Les ressources naturelles du Congo n’ont jamais été aussi stratégiques à l’heure de la guerre en Ukraine et des tensions sino-américaines.

Le noyau dur du dispositif

L’équipe d’origine se composait de Reynders et Katumbi appuyés par le milliardaire Georges Forrest. Autour d’eux, on retrouve leurs fidèles lieutenants. Pour Reynders, il s’agit de Jean-Claude Fontinoy. Ce dernier est plus que jamais obligé d’occuper un rôle de l’ombre après la parution d’un livre écrit par le journaliste Philippe Engels et intitulé « Le Clan Reynders ». Dans cet ouvrage, Fontinoy apparaît de façon évidente comme l’exécuteur des basses œuvres de Reynders.

Son alter ego congolais est un certain Salomon Idi Kalonda Della. Ce dernier seconde Katumbi dans la « gestion » de ses affaires. Sur le plan politique, c’est Olivier Kamitatu qui est un opérateur privilégié par le clan Katumbi.

On trouve enfin un personnage digne d’une série télévisée dans l’entourage de la famille Forrest en la personne de Pierre Chevalier. Cet ancien homme politique flamand a été mêlé à un nombre incalculable d’affaires judiciaires. Ce qui ne l’a pas empêché d’être nommé administrateur de Go Congo Holding Belgium et d’autres sociétés de la famille Forrest. Pierre Chevalier était bien présent à l’hôtel Pullman de Kinshasa ce 7 septembre 2022 aux célébrations pompeuses du 100e anniversaire du Groupe Forrest. Outre sa casquette au Groupe Forrest, l’ancien Secrétaire d’État de Verhofstadt est aussi actif dans le secteur bancaire en sa qualité de Directeur du Board de Equity BCDC. Cela peut toujours être utile.

Autre lien entre Forrest et Katumbi; le football. À la manière d’un Roman Abramovich avec le F.C. Chelsea, Katumbi durant de longues années fera du football son véhicule de communication principale. Le TP Mazembe, club phare de la cité lushoise, devient un poids lourd continental. Il permet surtout à son propriétaire de tisser des liens intéressants et d’être bien vu. Qui est désormais Président du club ? Malta David Forrest, le très belge Consul honoraire de la République française à Lubumbashi.

Les personnages clefs

Inutile de dire que Reynders dispose encore de nombreux alliés dans son parti ainsi que dans les structures européennes. Il en va de même pour Katumbi au Congo. Certains personnages moins connus jouent cependant des rôles de l’ombre d’une importance vitale dans cet ordre de bataille.

Hubert Leclercq est le journaliste phare de la Libre Belgique pour l’Afrique. Il est également complètement affidé à l’équipe Reynders-Katumbi avec lesquels il déjeune en ville, sans doute pour se faire servir la soupe. L’affaire du faux diplôme de Félix Tshisekedi, c’est lui. En matière de déontologie et de neutralité journalistique, difficile d’être moins bon.

Rachel Mujinga Mwa-Maneng née à Kananga, est une amie très proche de Didier Reynders. Elle joue un rôle de liaison entre le Congo, l’équipe de Katumbi et celle de Reynders. Son métier de décoratrice permet d’écouler des objets d’art africain servant de monnaies d’échange et de blanchiment.

Bertrand Kirszbaum est le conseiller financier belgo-suisse de Moïse Katumbi[note]. Il est spécialisé dans les sociétés offshore. Cela tombe bien, car Katumbi en raffole. Il ne paye pas d’impôts au Congo. Il est aussi le fer de lance de l’équipe dans des contentieux judiciaires d’envergure, sans oublier son appétit pour les positions d’administrateurs dans diverses sociétés minières directement contrôlées par le clan Katumbi ou pas, sa position au sein de la minière Teichmann étant quelque peu contradictoire, sauf s’il s’agissait de truster le marché katangais.

Autre homme lige de la nébuleuse katangaise, Paul Kaponda. Ancien directeur financier de la société MCK trucks soi-disant fondée en 1997 par Moïse Katumbi (les documents officiels indiquent plutôt une création de cette société phare de l’empire financier du « Chairman » alors qu’il était déjà Gouverneur du Katanga), Kaponda est aujourd’hui référent de MCK (Mining Company Katanga) sarl mais aussi, depuis 2021, fondateur de New MCK Trucks SA. Nébuleux on vous disait.

L’alter ego de Kirszbaum est un certain Robert Claushuis. Il s’agirait, selon nos sources, du blanchisseur en chef de Didier Reynders, responsable de ses comptes dans des paradis fiscaux. C’est là que les grosses commissions occultes sont payées. Le problème, c’est qu’il faut idéalement les réinjecter dans le système européen sans laisser trop de traces… D’où l’intervention du personnage suivant.

Robert Levy, lui, est un véritable trait d’union entre Reynders et Katumbi, et également un personnage tout droit sorti d’une série B. Il a été mis à la tête de la banque TMB (Trust Merchant Bank.) Celle-ci a une succursale à Bruxelles gérée par une amie très proche de Levy, du nom de Carine Douenias. Elle peut dès lors remonter discrètement les fonds mal acquis du Commissaire européen à la Justice vers Bruxelles. La banque vient d’être cédée à des kényans pour 2 milliards de dollars, pas mal pour préparer une campagne électorale.

En effet, il ne sert à rien d’être milliardaire dans des paradis fiscaux si vous ne savez pas rapatrier votre magot de façon discrète.

Levy a été nommé Consul honoraire de Belgique au Congo avec comme objectif initial de faire bénéficier ce dernier d’une protection diplomatique[note].

La TMB est liée à une petite compagnie aérienne du nom de Buzzy Bee dont les avions relient les grandes villes de l’Est congolais. Ils sont réputés également d’être la courroie logistique de nombreux trafics comprenant des armes au profit de milices salafistes.

Fermer la Sûreté, surtout ne pas creuser…

Tout cela aurait donné lieu à une amplification des moyens d’investigation pour confondre les coupables. Mais c’est le contraire qui eut lieu… Frank Jaumin, responsable du pilier contre-espionnage de la Sûreté de l’état, ancien assistant parlementaire de Reynders, après avoir enterré le Kazakhgate en supprimant la section économique de la Sûreté, s’apprête désormais à fermer la section Congo. Au moins il y aura de témoins gênants, au mieux ce sera…

Comme Thierry Lakhanisky, marchand d’armes. Il a travaillé à de nombreuses reprises avec le binôme Fontinoy-Reynders, en particulier en Libye. Il fallait que Reynders dégèle des tranches de 20 millions d’euros des fonds libyens gelés par l’ONU pour financer ses trafics d’armes. La seule solution était de créer une cause humanitaire comme la construction d’un hôpital. Pas de problème ! On construisait un dispensaire pour 500.000 euros et le reste était destiné aux Kalachs et surtout aux commissions de Didier et des autres.

Lakhanisky vient d’être arrêté. Nul doute qu’une intervention du procureur général Johan Delmulle va régler cela rapidement. C’est lui qui a, en trois jours, relaxé Reynders suite aux accusations de l’ancien agent de la Sûreté Nicolas Ullens de Schooten.

Des bruits récurrents faisaient état de la préparation d’un coup d’État au Congo. Les putchistes auraient été armés par un certain Lakhanisky. Est-ce que Reynders pourrait appuyer un coup d’état au Congo ? Selon certains, il y aurait eu un précédent durant la période Kabila.

Au début des années 2010, le leader d’un petit parti congolais du nom de Frédéric Boyenga Boffala aurait été appuyé par une cellule secrète du MR dirigée par l’ancien patron de la base de Florenne, Luc Gennart, pour faire un coup d’état au Congo.

Ils auraient bénéficié du soutien d’un certain Didier Reynders… Or quelques années plus tard, il a été arrêté pour tentative de coup d’État !

Ibrahim-Ahmad-Issaoui et Kassem Tajeddine sont deux financiers du Hezbollah actifs en RDC[note]. Très curieusement, on les décrit comme très proches de Moïse Katumbi.

Cette situation est d’autant plus curieuse que Katumbi est juif par son père. Il use de cette filiation pour obtenir le soutien de l’European Jewish Association, allant jusqu’à Cracovie pour y dénoncer l’antisémitisme du pouvoir en place. Cette dualité est permanente dans le clan, car Forrest qui a le même type de filiation a été accusé d’avoir fourni de l’uranium à l’Iran. Et comme signalé plus haut, Levy est soupçonné de fournir des armes à des milices salafistes via sa compagnie aérienne Buzzy Bee.

Ainsi, Moïse Katumbi est capable d’aller le matin à l’Église ou en pèlerinage à Lourdes, le midi à la synagogue ou à Cracovie et le soir voir ses amis pour rompre le ramadan. Très œcuménique n’est-ce pas. Mais la fidélité et la loyauté, ce n’est pas son moteur. Ni l’ego d’ailleurs, lui qui serrait dernièrement la main de son bourreau, le Président Kabila qui l’avait contraint à un exil (doré au soleil Ucclois, tiens, commune bien connue d’un Commissaire européen), lors d’une mise en scène de réconciliation ou de Grand Pardon, c’est selon.

À propos de loyauté, celui qui est officiellement membre de l’Union Sacrée, ne recule devant aucun moyen pour dénigrer partout où il le peut l’actuel pouvoir en place. Cette appartenance à l’Union Sacrée n’empêche pas Moïse Katumbi de payer des fortunes, y compris via la société MCK, à des sociétés de lobbying à Washington (plus que l’État congolais ne dépense lui-même) pour faire savoir notamment que s’il devenait président en RDC, sa politique serait plus positive pour les USA que celle de son prédécesseur. Mais surtout pour se plaindre et se positionner déjà en victime d’une machination politique. Avec des alliés pareils, il vaut mieux éviter d’aller à la guerre. Surtout avec le Rwanda où il a de nombreuses relations. À propos, nous n’avons pu lire aucune déclaration du Chairman pointant du doigt le Rwanda dans la crise sécuritaire à l’Est du Congo, son pays (ou l’un de ses pays).

Concernant la France, on constate que Katumbi dispose de l’appui de l’actuel Garde des Sceaux… Qui n’est autre que son avocat. En effet, un des clients les plus prestigieux de Maître Eric Dupont-Moretti et de son cabinet n’est autre que Moïse Katumbi.

Comme à Washington, Katumbi recourt en France à des sociétés de lobbying et de conseil en communication. ESL Network, Avisa partners ou même le très influent Ben Yahmed de Jeune Afrique sont de ceux-là, certains d’entre eux étant plus proche de la barbouzerie que du conseil.

Tout ceci est parfois difficile à tracer car, officiellement, l’ex-gouverneur du Katanga n’est propriétaire de rien. Ce sont ses proches et en particulier sa femme, Carine Nahayo Katumbi, qui sont à la tête de toutes les sociétés off-shores ou de biens immobiliers. Son très jeune fils, Champion (oui, c’est son prénom), est une autre façade très régulièrement employée. Lui, il n’est « que » Président de Ensemble, membre de l’Union Sacrée. Et sa richesse ? Selon lui, elle provient de quelques minoteries et d’une pêcherie, peut-être de la revente d’une mine d’émeraude en Zambie.

Il vient également de se faire adouber numéro deux de l’International Libérale où le fidèle Kamitatu le représente. Cela peut toujours être utile comme bouclier.

Détruire ce qui est dans le chemin : l’affaire MCK

Lorsqu’il était candidat aux dernières élections présidentielles congolaises, Moïse Katumbi a pris la décision de vendre sa société de matériel minier du nom de MCK Trucks afin d’obtenir les liquidités nécessaires à sa campagne électorale. C’est la société Necotrans Holding qui va la lui racheter pour 140 millions $. Néanmoins, suite aux difficultés de la holding française dont tous les clients congolais ont disparu après la vente au profit de sociétés de la nébuleuse (je vends un œuf puis je le vide pour ne laisser que la coquille), c’est une autre société, Octavia Ltd qui va reprendre les actifs et subir le retour brutal de Katumbi. Sa campagne électorale s’est mal passée et il a été obligé de s’exiler en Belgique (à Uccle donc) mais lorsqu’il revient au Congo, il est réhabilité par Félix Tshisekedi. Il reprend alors manu militari sa société entre-temps rebaptisée NB Mining Africa (il y aura un mort et trois blessés graves dans le personnel qui s’opposait au retour par la force de Katumbi).

Depuis lors, Pascal Beverragi, le français véritablement et indiscutablement propriétaire de NB Mining Africa au regard des décisions judiciaires rendues en dernière instance, subit les assauts de Katumbi et son clan. Il gagne systématiquement devant les juridictions internationales et kinoises mais perd bizarrement toujours devant les tribunaux de Lubumbashi. En cela, ce contentieux judiciaire est l’illustration parfaite de l’utilisation de la pieuvre katumbiste.

On assiste dans ce cadre à des pressions d’une violence inouïe faites sur Beverragi. Il fait l’objet de 17 actions judiciaires pénales contre lui au Congo en quelques mois, encore en juillet dernier suite à une lettre ouverte adressée au Président Tshisekedi. Un de ses cadres à Lubumbashi est attaqué à la bombe. Le parquet national financier français enquête sur lui en permanence[note]. Il fait l’objet d’une campagne de calomnie sans précédent jusqu’en France[note]. Ses comptes sont saisis dans diverses juridictions. Il est menacé de mort (empoisonnement ou exécution sommaire), intimidé en permanence, harcelé par une Justice aux ordres du clan. Ses équipes sont suivies, mises sous pression. Les greffes, tribunaux et huissiers de justice sont alimentés pour initier des procédures inacceptables dans un État de Droit d’un côté, menacés par écrit et physiquement pour avoir dit le droit et exécuté des décisions inattaquables.

Ses avocats, en particulier Patient Mukendi (à la fois conseiller de MCK sarl et de Astalia) ne reculent devant rien et investissent beaucoup pour empêcher l’homme d’affaires français de récupérer ses droits et biens. C’est crucial pour le clan, ne pas perdre cette vache à lait qui permet de payer lobbyistes, communicants et autres campagnes, y compris électorales. Nous y reviendrons.

Un des meilleurs agents de la VSSE

Il y a au sein de la Sûreté de l’État belge une section Congo. Elle a été un des fleurons de la maison pendant des décennies. Elle permettait d’avoir une monnaie d’échange avec les grands services qui n’avaient pas de positions de renseignement en Afrique centrale. Ses effectifs tournaient autour de 20 inspecteurs, jusqu’à ce que Didier Reynders se rende compte de l’importance de l’institution.

Alors commence un long calvaire pour cette unité. Elle tombe à 4 inspecteurs[note]. On les mute sous l’autorité de Frank Jaumin, ancien assistant parlementaire de Reynders. Ils ne peuvent plus travailler que sur le service congolais en Belgique, l’ANR, alors qu’avant ils avaient une vue d’ensemble des problématiques congolaises. Un de leurs meilleurs inspecteurs subit une cabale. Il est perquisitionné et sous enquête judicaire ainsi que sous enquête du Comité R. (ce dernier est dirigé par le très libéral Serge Lipszyc).

Sur quoi travaillait cet inspecteur pour subir ces foudres ? Une tentative de coup d’état au Congo ? Les pots-de-vin de Katumbi payés à Reynders ?

Conclusion

Est-ce que le Congo qui a déjà subi tant de malheur peut se permettre d’avoir comme président quelqu’un de ce type avec l’entourage mafieux que l’on vient de voir ?

Est-ce que le Congo peut avoir comme vice-roi occulte un personnage comme Didier Reynders ?

Cette équipe qui récolte des fonds auprès des amis d’Israël, mais qui fraye simultanément avec le Hezbollah en ne cherchant que son bénéfice.

Cette équipe qui est accusée d’avoir fourni des armes à des milices salafistes et de l’uranium à l’Iran.

La réponse va de soi.

Éric Arthur Parme

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Christian Perronne, le « cas » qui explique le système

Docteur en médecine, professeur, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches, co-fondateur et ancien président de la Fédération française d’infectiologie, qualifié en Bactériologie et Virologie par l’institut Pasteur, ancien directeur adjoint du Centre National de Référence sur la Tuberculose et les Mycobactéries à l’Institut Pasteur de Paris, passé par la présidence du Collège des Enseignants de Maladies Infectieuses et Tropicales (CMIT), celle de l’Agence du médicament (ANSM, ex-AFSSAPS) de groupes de travail élaborant des recommandations basées sur les preuves du traitement antibiotique des infections respiratoires, Conseil Supérieur d’Hygiène publique de France ou encore du Groupe consultatif national sur la vaccination ou du Conseil national des universités (CNU), sous-section Maladies infectieuses et tropicales, vice-président à l’Organisation mondiale de la santé, du groupe ETAGE (European Advisory Group of Experts on Immunisation), groupe d’expert conseillant la politique vaccinale dans la région EURO de l’OMS (…), auteur ou co-auteur de plus de 300 publications scientifiques internationales, Christian Perronne était, avant la crise Covid, un homme reconnu et apprécié, pour son intégrité, son intelligence et sa profonde connaissance qui le caractérisent dans son domaine de compétence.

Interview du Professeur Chistian Perronne à la sortie de son audition devant l’Ordre des médecins, le mardi 13 septembre 2022

Continuité ou rupture ?

Il est intéressant, ou surprenant, de voir comment l’expertise passée unanimement reconnue du Pr. Perronne, peut désormais être interprétée différemment à l’aune de ses prises de position présentes. Ses détracteurs, pour lesquels il est impossible de nier ses références antérieures[note], diront qu’il a depuis 2020 pris le mauvais chemin, que « sa splendeur s’est ternie ces dernières années », « qu’en pleine crise du Covid-19, Christian Perronne multiplie les dérapages »[note]. C’est donc pour le monde politico-médiatique « l’histoire d’une chute », un « naufrage[note] » le passage d’un homme respectable et respecté devenu « l’une des blouses blanches les plus en vue dans la sphère complotiste[note] ». Cette métamorphose pour le moins étrange, ceux qui aiment les processus de catégorisation excluante ne l’expliqueront jamais. Est-il devenu fou, le Perronne, « jadis respecté[note] », piqué par un des ces insectes qui transmettent certaines de ces maladies qu’il étudie, pour qu’il mute ainsi en « Antivax, idole de l’extrême droite[note]», amorçant ainsi une « descente dans l’irrationnel[note]» ?

Ceux qui le soutiennent voient par contre dans ses prises de position par rapport au Covid-19 et les mesures politiques et sanitaires imposées par les gouvernements, le signe d’une continuité, où la déontologie l’emporte sur la soumission à un pouvoir devenu fou, faisant preuve de l’honnêteté du personnage. Sous le signe de la logique, ces derniers paraissent pourtant plus crédibles, la fidélité intellectuelle expliquant les prises de position actuelles du Pr. Perronne, plutôt qu’une rupture incompréhensible, là où la continuité idéologique caractériserait le milieu médiatico-politique, doté de cette formidable persistance à faire toujours la même chose camouflée sous leur indéfectible tendance à nous dire qu’ils révolutionnent sans cesse leurs pratiques. Le premier, Perronne, inoffensif tant qu’il n’entrait pas en opposition avec le discours officiel, ou en tous cas ne se trouvait pas désigné à la vindicte des projecteurs médiatiques[note], resta le même, mais fit un pas de trop dans le contre-narratif, suscitant la réaction des seconds, chiens de garde du statu quo et du maintien de l’ordre cérébral. L’explication est dès lors simple : Christian Perronne et la sphère politico-médiatique ont continué, chacun de leur côté, à faire ce qu’ils faisaient depuis toujours. Le premier, devenant gênant, il ne restait plus qu’aux soldats du pouvoir la seule possibilité d’expliquer que celui qu’on avait des années respecté avait basculé de façon incompréhensible dans le camp du « mal ». S’il était devenu paria, ce n’était point parce que la sphère politico-médiatique l’avait fait ainsi, non ! Cela relevait uniquement de sa responsabilité; rien n’avait changé dans le chef de ceux qui jugeaient et prononçaient les ukases.

Le « cas » Perronne peut donc être interprété de deux façons différentes, donnant à se focaliser sur la personne ou le système dans lequel elle prise :

- Un homme devenu infréquentable dès le moment où il a franchi la ligne rouge, affublé par les médias de tous les noms visant à le disqualifier, et par extension, sa pensée.

- Un homme objet d’une transformation virtuelle orchestrée par les médias. Ce qui fait de Perronne non pas un sujet à étudier, mais, à travers de lui et de son lynchage, une grille de lecture du système médiatico-politique dans lequel il est pris.

Interview de Me Thomas Benages, conseil du Professeur Perronne, à la sortie de son audition devant l’Ordre des médecins à Paris.

La contagion du stigmatisé

Il est important, avant d’entrer dans le cœur du sujet, de procéder à une analyse, succincte ici, des méthodes utilisées pour discréditer le sujet, dont il faudra aux lecteurs de cet article se départir avant d’être capables de nous lire[note]. L’une de celles-ci, la stigmatisation, procède de manière épidémique. Dans un premier temps donc, celui qui, selon l’interprétation des maîtres de la représentation, modifierait tout à coup sa perception de la réalité, le Professeur Perronne dans le cas qui nous occupe, basculerait automatiquement dans le camp des parias : « complotistes », « rassuristes », « conspirationnistes », « extrémiste de droite », « antivax »…

Ce répertoire identitaire est indispensable au pouvoir en place afin d’opérer la réduction des idées à un individu désormais devenu « infréquentable », ces idées le devenant également par association réflexe. Cette stratégie de manipulation et de blocage intellectuel, donc de la capacité de s’ouvrir au débat, n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années après-guerre, les intellectuels de gauche énonçaient qu’il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aaron. Cette forme de prostitution de la pensée vise plus l’attachement à une cause et un groupe que la recherche de la vérité. Cette contagion de l’individu « malsain » aux propos qu’il tient se répand également sur tous ceux qui ne participeraient pas de cette stigmatisation et penseraient comme le nouveau paria. Ainsi, ceux qui ce 13 septembre voulaient montrer leur soutien à Christian Perronne, se retrouvèrent sur le même ban que l’hérétique Perronne, traités de « complotistes, antivax, adorateurs de l’hydroxychloroquine ». Aucune nuance, mais un objectif, conscient ou pas en fonction du niveau de forfaiture du journaliste : ne surtout pas dépasser le domaine de l’invective, ce qui permettrait d’entrer dans celui de la pensée contradictoire, donc du débat. Ce qui est tout simplement interdit par le pouvoir[note].

Interview de Me Carlo Brusa, venu soutenir le Professeur Perronne lors de son audition devant l’Ordre des médecins, à Paris. 

Au cœur de l’Ordre des médecins d’Île-de-France

Ce 13 septembre, des centaines de sympathisants attendent le Professeur Perronne à la sortie de la station métro Volontaires, à Paris. Ce dernier doit comparaître devant la chambre disciplinaire du Conseil régional Île-de-France de l’ordre des médecins. À l’intérieur, le public est limité à 12 personnes. À la demande du Professeur, j’assiste à l’audience, dans une salle où sont également présents son épouse, Me Brusa, Pierre Barnerias (réalisateur de Hold-up, Hold-on, Hold-out), Francis Lalanne, l’avocat de Christian Perronne, Me Benages, ainsi que d’autres proches.

Quatre affaires sont à l’ordre du jour de ce matin, trois concernent le Professeur. La première affaire a pour objet une plainte du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) contre le Docteur Nicole Delépine, oncologue. On lui reproche d’être intervenue sur différents supports, dont France Soir, et d’avoir dit en substance que beaucoup de vieux moururent seuls, que ce qui se passe depuis deux ans est un véritable coup d’État, comparable à l’eugénisme nazi, perpétré avec le Rivotril, que l’histoire se reproduit, dans une société où nous sommes dans le règne de l’argent et de Big Pharma. On lui reproche encore d’avoir dit sur Sud Radio qu’il fallait distinguer la médecine des tableaux Excel de celle d’Hippocrate ; que le refus de soigner les vieux s’assimile à un acte d’euthanasie, alors que le covid était une maladie pas si terrible ; que le consentement libre et éclairé n’a pas été respecté. Le CNOM l’accuse également d’avoir « défendu » l’Hydroxychloroquine (HDC).

La CNOM souligne que la liberté d’expression n’est pas un droit absolu lorsque les propos ne sont pas étayés par des données scientifiques. Il faut demeurer prudent, ajoute le Conseil. Pour l’avocate de la CNOM, qui ne parlera que quelques minutes, les propos de Nicole Delépine pourraient nuire à l’honneur de la profession.

Toujours les mêmes griefs

À 9h40, la première affaire concernant le Professeur Perronne débute. Comme pour la première, il s’agit d’une plainte instituée par le CNOM – nous verrons que l’acte d’accusation est très similaire. Plusieurs médecins de Garches, dans l’hôpital où travaillait Perronne, se sont plaints au Conseil des Hauts de Seine quant aux propos qu’il a tenus sur France Soir, Sud Radio et dans différentes vidéos, qui constituent « plusieurs manquements graves au code de déontologie ». Ils n’acceptent pas que Perronne ait pu dire que toutes les institutions ont été manipulées par l’industrie pharmaceutique, que la corruption est généralisée, ayant mené au rejet de l’HDC, qu’il ait mis en cause des médecins et considéré les gestionnaires de la crise comme des criminels ; que le vaccin n’était pas nécessaire pour la population générale… L’avocat de la CNOM signale que le propos attribué à Christian Perronne « le vaccin tue » est contraire à tout principe de dignité de la médecine, qui doit rester au service de la personne. Il ajoute que son statut de professeur d’université devrait l’amener à prendre garde et qu’il devrait apporter son concours aux autorités sanitaires.

Les principaux manquements que l’avocat des plaignants identifie sont de trois types :

1. Manquement de confraternité : lequel pourrait conduire à la mise en danger des confrères, alimentant une « mouvance très violente ».

2. Absence de soutien aux autorités compétentes : Perronne a « refusé et dénigré les mesures, préconisé l’Hydroxychloroquine, critiqué les vaccins ». Il aurait dû faire cela de manière posée, en se basant sur les données scientifiques.

3. Prise de parole : il lui est reproché d’avoir dit publiquement que le vaccin provoque des décès, « contre toute logique statistique », « a dissuadé la vaccination, promu l’HDC, traitement illusoire et dangereux ». « Le Professeur Perronne n’est plus guidé par le respect des patients, mais par la vindicte personnelle ».

L’avocat de Christian Perronne répond sur des points qu’il considère essentiels :

1. Si la matérialité des faits n’est pas contestée de manière générale, l’avocat de la défense rejette l’attribution à Christian Perronne de la phrase « Le vaccin tue », qu’il n’a jamais prononcée, CNews ayant détourné ses propos originaux. Il va de soi qu’à ce stade, l’avocat tente de protéger son client contre les sanctions que lui vaudrait ce genre de propos, la question de la vérité n’ayant pas sa place ici – Il est intéressant de constater qu’il est donc interdit de dire que le vaccin tue, même si les témoignages affluent[note].

2. Concernant la plainte de certains soignants de l’hôpital de Nantes, la défense fait remarquer que Christian Perronne n’a jamais nommé ses confrères, et que c’est un droit de porter la critique sur les pratiques médicales de certains dès lors qu’ils restent anonymes.

3. Sur la question de la prise de parole publique : Christian Perronne a dénoncé l’ingérence de la hiérarchie politique (Agnès Buzyn, Olivier Véran) dans la liberté d’appliquer le décret du 25–26 mars sur l’Hydroxychloroquine. Si l’on suit jusqu’au bout la logique de l’acte d’accusation, déclare Me Benages, il serait interdit pour un médecin de critiquer un ministre. Or, c’est son expertise qui lui permet de parler. « Qui l’aurait fait sinon » ? « C’est un débat d’intérêt général. La controverse scientifique existe encore. L’État n’a pas la légitimité de la parole publique », ajoute-t-il également[note].

Comme pour Nicole Délepine, la CNOM reproche à Christian Perronne de critiquer l’industrie pharmaceutique. Outre l’absurdité de ces propos, la légitimité de Perronne à parler des conflits d’intérêts est évidente, ayant fondé il y a plus de 20 ans des comités d’éthique pour lutter contre les risques liés aux conflits d’intérêts.

La soif d’ego

Les deux dernières affaires portaient sur une plainte de Nathan Peiffer-Smadja contre le Professeur Christian Perronne, ce dernier portant également plainte contre Nathan Peiffer-Smadja.

À la plainte du premier, il faut remarquer que s’associait le Conseil de l’Ordre du 92 (département des Hauts-de-Seine), alors qu’il ne s’associait pas à la plainte de Perronne, cela indiquant une évidente partialité de la part du Conseil, soulignée par l’avocat. L’accusation de non-confraternité contre Christian Perronne fut à nouveau portée, le plaignant évoquant également des « paroles antiscientifiques », « pleine de contre-vérités », « des propos qui font du mal à l’information scientifique de qualité ». Nathan Peiffer-Smadja, à qui il est reproché d’avoir usurpé le titre d’infectiologue alors qu’il n’était pas encore diplômé, défend la ligne gouvernementale: tests PCR/masques/vaccins… Ainsi, ses paroles coïncident parfaitement avec la parole médiatique, comme porteuse de cette bien-pensance et émanant du camp du bien. Pétri de cette certitude, porté par le contexte, il n’hésite pas à discréditer le Professeur Perronne dans 14 tweets qui font l’objet de la plainte à son encontre. Il a notamment rencontré Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, pour dénoncer Christian Perronne, ce qui conduira à la destitution de sa fonction de chef de service.

Nathan Peiffer-Smadja représente ce type de personnes qui s’attaquent à ceux qui s’opposent au pouvoir, dans l’espoir du « moment médiatique ». Dans une lutte d’ego, ils rêvent d’être sur les plateaux, devant la scène, emplis de cet orgueil qui est à la source de la servitude volontaire de ces icônes médiatiques qui savent que pour briller il faut dire ce qu’on attend d’eux et rien d’autre.

Mais ce qui reste incroyable dans cette convocation de Christian Perronne devant le Conseil de l’Ordre des Médecins, c’est que s’y déroula un débat d’intérêt général qui aurait dû depuis longtemps se faire publiquement. Avec ce paradoxe : les accusations à l’encontre des médecins « désobéissants », peuvent presque systématiquement se retourner contre les accusés, s’appuyant sur des règles, purement théoriques, qu’ils ne respectent pas. Ainsi, ceux qui demandent de parler avec prudence et de vérifier les données ne l’ont jamais fait eux-mêmes ; ceux qui parlent de manque de confraternité sont les premiers à stigmatiser les collègues qui ne suivent pas le chemin officiel ; ceux qui parlent de respect du patient ont bafoué le serment d’Hippocrate ; ceux qui reprochent l’absence de soutien aux autorités compétentes ont oublié la liberté du patient, le consentement libre et éclairé et le devoir de désobéir à un ordre injuste ; ceux qui contestent le fait d’avoir pris la parole publiquement oublient l’inaliénable liberté d’expression.

Enfin, en ces temps sombres, beaucoup marchent sur la tête. Heureusement qu’il demeure de ces hommes comme Christian Perronne pour tenir debout.

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Notre rentrée littéraire

« Seuls les hommes libres sont très reconnaissants les uns envers les autres.« Spinoza

Force est d’en convenir : la plupart des blogs de la résistance (les « complotistes », comme le disent les innombrables officines de la CIA implantées en occident pour encadrer la quasi-totalité des médias grand public), sont souvent très mal écrits. Mon explication, à ce sujet, est d’une désarmante simplicité : Dieu (si vous me passez l’expression) ne fait pas acception de personnes. Ceux qui sont frappés par la grâce de la vérité ont gagné à la loterie, point. Il leur a été donné de toucher du doigt de quelle vérité politique profonde était issue notre époque apocalyptique; peu importe alors de quelle extraction on procède, on doit participer au dévoilement de cette vérité. On n’a tout simplement pas le choix : il s’agit d’une tâche, d’une vocation à laquelle on ne peut pas couper. Bien des gens cultivés, érudits, diplômés, etc., n’auront rigoureusement rien compris à la crise que nous traversons depuis deux ans et demi; et bien des gens modestes, à l’orthographe ou à la syntaxe hésitante, « roturiers » comme aurait dit Kant pour illustrer la notion de « respect » (en gros : une grosse tête érudite qui fait le contraire de ce qu’il dit ne mérite que mépris, un paysan inculte qui obéit au doigt et à l’œil à la loi morale force en nous le respect), ont parfaitement compris de quoi il retournait. La vérité parle par leur bouche, peu importe que le langage soit maladroit.

Dieu merci (si vous me passez donc l’expression), il y a aussi dans la résistance des talents de plume considérables, et même du génie. On verra que c’est peu de le dire. Comme l’écrivait à peu près (car je cite de mémoire) Nerval, la République des lettres est la seule qui doive être teintée d’aristocratie : car on ne contestera jamais celle de l’intelligence et du talent. La preuve (roborative) tout de suite.

Mais avant d’entrer immédiatement en matière, signalons que l’intitulé du présent article (« Notre rentrée littéraire »), ne réfère à aucune « actualité » stricte. Tous les ouvrages dont je vais rendre compte ont parus cette année, mais plutôt avant l’été. Voilà qui est salutaire : s’il y a quelque chose qui, depuis plus d’un demi-siècle, nous a prédisposés à assister sans moufter à l’installation d’un totalitarisme dont ceux du vingtième siècle n’étaient que les antipastis, c’est l’un des prédicats principaux que Debord attribuait à la société du spectacle : ce qu’il appelait « le présent perpétuel ». “Ce dont le Spectacle peut cesser de parler pendant trois jours est comme ce qui n’existe pas. Car il parle alors de quelque chose d’autre, et c’est donc cela qui, en somme, existe.” Dans l’insipide monde des gensdelettres français, c’est tout à fait pareil : un « événement littéraire » ne cesse d’en chasser un autre, et, de tout le cirque médiatique qui recouvre depuis un demi-siècle toute vie intellectuelle authentique, il ne reste jamais rien. Suppléments de quotidiens, folklore des prix, tournées médiatiques… Tout est fait pour que des écritures réellement singulières, novatrices, ne surgissent jamais, et laissent place à des livres presque totalement standardisés et aseptisés, ceux qui font ce qu’on appelle si précisément « l’actualité ».

Les deux années et demie qui viennent de s’écouler ont donc officialisé ce que je pressentais depuis longtemps : désormais, tout ce qui créera d’important, en littérature comme ailleurs, se fera, jusqu’à ce qu’un événement d’ampleur mondiale nous libère, dans la clandestinité. Et c’est, somme toute, très bien comme ça : en temps de coercition consensuelle absolue (je dis toujours que le consensus, c’est quand les cons nous sucent le sang), de totalitarisme new look, la liberté et la souveraineté sans laquelle aucune création digne de ce nom n’est possible se doivent de vivre cachées, pour vivre heureuses. Et, par rapport au rouleau compresseur du « présent perpétuel », creuser en sous-sol sociétal une autre temporalité, qui échappe à la sacro-sainte « actualité du jour ».

Et le moindre luxe permis par une telle hygiène temporelle est que, parmi les centaines de livres et les quelques dizaines de revues que j’ai pu lire sur le sujet qui nous concerne (le « Covid », what else?), on peut à la longue trier sur le volet, et ne sélectionner que le tout meilleur, la crème de la crème, les VIP littéraires de la résistance. On voit alors se dessiner avec émerveillement une véritable culture alternative, une sorte d’underground aristocratique, avec des plumes toutes plus incisives, originales, enthousiasmantes les unes que les autres. J’ai donc choisi ici de faire la chronique de trois livres, et d’une revue.

Je commencerai par le livre incontestablement le plus littéraire de tous ceux dont je vais parler. Il s’agit d’un certain Guillaume Basquin, auteur de plusieurs essais (sur le cinéma, sur des écrivains cultes comme Jean-Jacques Schuhl ou Jacques Henric), d’un premier « roman » qui n’a rien d’un roman (Livre en papier), directeur des éditions Tinbad (où le livre est publié, 2022 donc) et d’une revue éponyme (que je n’ai pas encore pu consulter) et spécialiste de Joyce (et de beaucoup d’autres choses, comme on va voir).

Le livre s’intitule : L’histoire splendide. De quoi s’agit-il? Laissons parler le principal intéressé, dans le quatrième de couverture : « L’histoire splendide est (…) le titre d’un projet de livre abandonné par Arthur Rimbaud. » Lequel « passait ses journées à lire et écrire au British Museum », pour faire de ce livre « la véritable Histoire, littéralement et dans tous les sens », la dernière phrase est de Rimbaud lui-même. Basquin, dans ce noble sillage, se propose donc de « raconter de façon la plus polyphonique possible les dessous réels de l’Histoire, sur plus de quarante siècles, jusqu’à l’accident global des communications instantanées que fut la crise du coronavirus, tout en mélangeant les langues de façon babélienne ».

Excité par cet alléchant programme, on ouvre donc le livre. La dédicace qui zèbre la toute première page n’y va pas par quatre chemins, et sonne un peu comme le « Vous qui entrez, laissez toute espérance » qui ouvre La divine comédie de Dante : « Pour mes amis complotistes, pas pour le public. » On continue, et voilà qu’on se trouve face à une distorsion radicale de la syntaxe, des règles typographiques, de la ponctuation courante, etc. : « j’imagine le début d’un livre / au commencement n’était ni le verbe ni l’émotion ni le sexe : au commencement était le foutre! & le foutre était en l’hom’  ». Nous voilà sur les chapeaux de roues. D’emblée se télescopent des références qui reviendront tout du long de ce livre-monstre : le rythme de Céline, les syncopes verbales de Guyotat. Mais nous rencontrerons bien d’autres références dans ce texte-tourbillon : Dante, Rimbaud, Guyotat et Joyce bien sûr, la Bible, les auteurs grecs et romains, Hegel, Marx, Villon, Shakespeare, Sade, Chateaubriand, Lautréamont, Nietzsche, Kierkegaard, Artaud, Debord, Sollers, Daney, Canetti, Deleuze, Beckett, Schuhl, Boccace, Proust, Orwell, Huxley, Melville, Rabelais, Cervantes, Agamben, Pasolini, Genet, Hölderlin, Foucault, Burroughs, et j’en passe.

Cette avalanche d’auteurs, à quoi Basquin n’hésite pas à se mesurer pour nous montrer qu’il n’a pas le covid des yeux, sont aussi bien abondamment cités tout du long du flot textuel torrentiel qui prend le lecteur à la gorge dès la première page : mais sans jamais les moindres guillemets, et sans la plupart du temps dire de qui est ladite phrase. C’est une sorte de blind test pour lecteur lettré, une sorte de Sollers à l’encre sympathique (Sollers a exaspéré toute une partie du public de son époque en passant son temps à citer les auteurs qu’ils lisaient; pas moi, tant son goût dans la sélection citationnelle est exquis : c’est un érudit virtuose de la plus rare espèce, comparable seulement à Borgès). On songe surtout à Isidore Ducasse, vrai nom civique du comte de Lautréamont : « Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. » Et donc à Debord et aux situationnistes, grands lecteurs de Lautréamont : ce qu’ils appelaient le détournement, c’est-à-dire, en effet, extraire une phrase de son contexte et la placer ailleurs, comme du Marcel Duchamp textuel. Walter Benjamin, un écrivain-philosophe majeur qui reviendra à plus d’une reprise dans cet article, rêvait de faire un livre qui ne serait composé que de citations; et Thomas Mann parlera de l’existence humaine comme étant une « vie dans la citation », ce qui était bien vu, surtout par les temps qui courent : certains préfèrent citer l’OMS, les gouvernements et les médias mainstream, d’autres préfèrent citer Rimbaud, Artaud ou Debord. Il y a de ça dans L’histoire splendide, mais en mode « transe ». Et donc je ferai la même chose en abyme : cet article sera en grande partie « citationnel » (mais avec des guillemets!). Plus généralement, je citerai énormément de passages des auteurs que je chronique, pour donner envie de les lire.

Le véritable atout fatal de L’histoire splendide, qui le rend irrésistible, c’est son rythme. Enivrant, varié, virtuose, c’est lui qui enveloppe toutes les autres immenses qualités du texte (style, encyclopédisme, lyrisme moderne, implacable lucidité sur l’époque). C’est pourquoi, plus qu’à Lautréamont, plus même qu’à Joyce, c’est au Tristram Shandy de Laurence Sterne (un classique injustement méconnu, dans les pays francophones, de la littérature anglo-saxonne) que L’histoire splendide fait penser le plus. Même allégresse constante du ton, même grâce aérienne de la phrase, même liberté digressive, même burlesque quasi psychédélique.

Le livre est découpé en cinq parties. Au commencement, la première, dont nous avons cité plus haut la phrase d’attaque, est une sorte d’autoprésentation hallucinée de l’auteur, doublée d’une exposition de son projet, résolument tourné, comme une machine de guerre, contre la marchandise franchouillarde vendue sous l’étiquette de « roman » : « se limiter à une seule histoire — une story — quelle surignominie! » Plus loin dans le livre, Basquin dira que « le roman roman tel que le conçoivent la quasi-totalité de mes confrères — confrères entre guillemets que je ne peux rendre ici sans cette périphrase — est un genre moribond & usé par les redites — sans intérêt pour moi — fi de l’intrigue traditionnelle ! » Non, ce roman pour kiosques à journaux (c’est-à-dire du même niveau que l’indigeste paperasse propagandiste que contiennent ceux-ci), très peu pour Basquin (plus loin il écrira : « il n’y a pas de différence de fond entre un journal & un vomitif : quand on l’a dégueulé / on se sent mieux / & il n’y a pas d’autre traitement possible »). Ces romans faisant tout pour ménager le confort de leur lecteur, au sens ferroviaire de la liberté (« tu es libre d’aller où je te dis d’aller » nous dit en substance le système depuis deux ans et demi, c’est-à-dire depuis toujours), est ce que le tourisme de masse est à l’expédition en Amazonie. Non, car « rien n’est plus effrayant qu’un labyrinthe qui n’a pas de centre — ce livre est exactement ce labyrinthe ». Cette jungle amazonienne littéraire, ce véritable OVNI textuel dans le train-train éditorial courant, nous l’avons donc bel et bien sous la main. Les preuves de suite.

La seconde partie du livre s’intitule, à point nommé, « Mille romans ». Il se taille la part du lion livresque. Il est divisé, en effet, en mille fragments, dont les durées vont de quelques mots à quelques dizaines de phrases scandées, là encore sans ponctuation traditionnelle, et d’une poésie parfois presque insoutenable : « la connaissance a tué le soleil / & l’a transformé en une boule de gaz / semée de taches — la connaissance a tué la lune : ce n’est plus qu’une petite terre morte — criblée de volcans éteints comme par la petite vérole ». Ou encore : « je suis un avaleur non de sabres, mais de sabirs — je compile les mystères Égyptiens / les oracles grecs & Latins / les rites et les prédictions des druides ». Ou encore : « l’incantation est la forme originelle de la poésie — & voilà pourquoi Pierre Guyotat fut l’un des plus grands poètes du dernier demi-siècle : les soldats / casqués / jambes ouvertes / foulent / muscles retenus / les nouveau-nés emmaillotés dans les châles écarlates ». On s’y croirait, surtout par les temps qui courent…

Des pépites comme cela, vous en trouverez par centaines dans cette partie-fleuve, fractale, abyssale. Toute cette partie fait songer à un équivalent, dans l’expérience langagière, à la Descente dans le Maelström de Poe, mon poète de chevet, et que Basquin aurait parfaitement pu « détourner » dans sa symphonie métapoétique : « Le bord du tourbillon était bordé par une large ceinture d’écume lumineuse; mais pas une parcelle ne glissait dans la gueule du terrible entonnoir, dont l’intérieur, aussi loin que l’oeil pouvait y plonger, n’était faite d’un mur liquide, poli, brillant et d’un noir de jais (…), tournant sur lui-même sous l’influence d’un mouvement étourdissant », et ainsi de suite. C’est exactement à ce genre de sensations vertigineuses que s’expose, mentalement, le lecteur de L’histoire splendide. Et il en redemande.

J’ai à dessein utilisé plus haut le mot de durées : tant la question de la musicalité, on l’aura compris, est essentielle pour comprendre la nature de ce livre. Il y a régulièrement, en miroir, un côté « Traité du style », et ce rythme nouveau qu’on rencontre dans l’écriture de Basquin est expliqué point par point, par exemple les raisons pour lesquelles il malmène la ponctuation : « la ponctuation c’est l’embrayage / l’embrayeur de l’écriture — l’équivalent des griffes du projecteur dans le système du cinématographe — ». Puis : « 243 : pour une nouvelle physique livresque : le livre sera quantique ou ne sera pas! » Et Basquin tient totalement sa promesse : il est impossible, en un petit article, de ne serait-ce qu’effleurer la richesse poétique, sémantique, épistémologique et cognitive d’un tel livre. L’équivalent, en effet, d’une bombe quantique sur le cerveau. Pour faire la transition avec la troisième partie (et aussi la cinquième), citons le fragment 216 : « zombie vient du créole zombi qui désigne un mort sorti de sa tombe & rendu esclave d’un sorcier vaudou : ce sorcier s’appelle par exemple Bill Gates ». C’est ça, la poésie au sens fort : tout dire, en une seule phrase. Et, ici, l’entièreté d’une époque est résumée en une seule sentence fulgurant comme l’éclair.

Chose promise, chose due, mais il s’agit là de la chose la plus impossible à rendre dans un article : c’est la manière dont Basquin parvient à faire se télescoper des époques puisées dans quarante siècles de périples anthropologiques. Par exemple, fragment 57 : « pendant la crise internationale du covid-19 / rien ne fut plus médusant que l’ensemble du PC chinois masqué — la Gorgogne postmoderne nous apparut bien sous cette forme-là — bien peu furent ceux à lui opposer / comme Persée autrefois / un moderne bouclier magique : fermer tous les robinets tous les tuyaux / absolument infectés / des infos en continu ». Ou encore, encore plus dense et enchevêtré, fragment 639 : « dans Epidémies / vrais dangers & fausses alertes du Pr. Didier Raoult j’apprends ceci : la Grande armée de Napoléon / durant sa retraite de Russie / fut en grande partie décimée par une épidémie de typhus propagée par les poux — environ 30% des soldats furent infectés selon une étude rétrospective par prélèvements dans les dents des cadavres dans un cimetière de Vilnius — Raoult nous remet en mémoire un épisode de Guerre & Paix de Tolstoï où Pierre observe les soldats ennemis jetant leurs poux au feu / qui craque — comme quoi très souvent les épidémies jouent un rôle considérable dans l’Histoire / tuant la plupart du temps bien plus que les armes / de la Guerre du Péloponnèse à la Grande Guerre de 14–18 / en passant par les invasions des Amériques par nos aïeux — & si / dans cette crise du covid-19 / la Chine nous avait vaincus sans tirer une seule balle? » Ou, en moins dense historiquement, mais encore plus édifiant pour aujourd’hui : « finalement / et après moult réflexions / la réaction mondiale au nouveau coronavirus ressemble par beaucoup d’aspects (CONfinements et masques pour tous) à la campagne dite des quatre nuisibles — rats / mouches / moustiques & moineaux — de 1958 à 1962 en Chine lorsque Mao décida la mise à mort de tous les oiseaux qui volaient dans le ciel de la République populaire de Chine & cela parce que les oiseaux du ciel volaient les grains de blé / de maïs & de riz qui appartenaient aux hommes — verbatim : nos camarades doivent tuer les oiseaux parce qu’ils sont des voleurs et personne ne vole impunément la nourriture des citoyens / je dis bien : pas même les oiseaux du ciel n’ont le droit de voler le pain des hommes & des bêtes qui travaillent / & si les oiseaux n’ont pas compris cela / eh bien on les tue tous / comme on tue les criminels — tout camarade chinois a le droit de tuer l’oiseau qui ose se poser sur le sol de la République populaire pour voler des grains — mais quand il n’y eut plus d’oiseaux en Chine pour manger les vers & les insectes / les criquets dévorèrent les récoltes & la terre de Chine ne produisit plus rien — toutes les récoltes furent compromises & il y eut une grande famine & le pays de Chine devint désolation et ruine : 30 millions de morts de faim — voilà ce qui arrive quand on voit les choses sous un seul angle — le manque de pensée dialectique & les grands bonds en avant engendrent bien souvent des monstres & produisent le Mal qu’on ne voulait pas faire ». Je contesterai simplement le dernier point : il n’est pas du tout sûr que Mao, qui tenait plus du sadique pervers que du psychotique « bien intentionné » à la Hitler ou Staline (car Hitler et Staline voulaient sincèrement le bien de leurs peuples respectifs, et donc « collent » bien davantage à la conclusion de Basquin que le cas de Mao), n’ait pas abattu cette calamité absolue, avec quelques autres (Révolution culturelle, etc.), sur son pays de manière tout à fait délibérée. En tout cas, on ne peut qu’apprécier la pertinence de la comparaison avec ce que nous endurons depuis deux ans et demi, et qui fait penser à la remarque du Pr Perronne : comme quoi, pour chasser une mouche de la chambre, nous avons mis le feu à la maison. C’est pourquoi la célèbre phrase de Mao, ânonnée à plus soif par ses groupies, « une étincelle peut mettre le feu à la plaine », m’a toujours semblé avoir été comprise à parfait contresens, comme un appel à la révolte qui, par quelque effet papillon chanceux, pourrait se transformer en insurrection. Elle m’appert plutôt être, à la rétrospection, comme le syllogisme pervers de l’exterminationnisme les plus convaincu et conscient de lui-même qui soit. Et si vous remplacez « Mao » par « Gates », vous ne pouvez plus avoir le moindre doute sur le caractère intentionné de ces politiques de la dévastation; mais j’y reviendrai plus loin.

Faisons-nous plèze entre amis, en concluant la chronique de la partie la plus sismique du livre, la plus riche, la plus infinie (c’est un livre que je relirai régulièrement toute ma vie, comme tous les classiques), par cet hommage à la philosophie (mais Basquin peut avoir des mots assez durs à son sujet, cf. le fragment 384, je lui répondrai ailleurs), et une dédicace par procuration : « la philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident — la propagande / au contraire / nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter — Aldous Huxley — toute ressemblance avec la situation actuelle du covid-19 serait bien sûr tout à fait fortuite je dédie cette pensée à Jean-Dominique Michel ».

La troisième partie, donc. Elle s’intitule sobrement Terreur, et entend établir quelles sont les racines du Mal qui nous ronge depuis des décennies, et s’est exposé au grand jour depuis mars 2020. Il s’agit, bien entendu, de la Terreur révolutionnaire, initiée pendant la Révolution française et poursuive jusqu’à Pol Pot ou le Sentier Lumineux, en passant par le fascisme et le nazisme, pour culminer de manière absolue dans le covidisme, le covidiotisme, la covidarchie ou la covidocratie, comme on voudra bien l’appeler. Dès les premières lignes de cette partie (« depuis que le monde est monde & que les hommes s’entretuent jamais un crime ne s’est commis sans que son auteur n’ait trouvé un apaisement & ne se soit dit que c’était pour bien public — pour le bonheur supposé d’autrui — »), j’ai su que je rencontrerai les noms de non seulement Nietzsche, mais Joseph de Maistre, l’essayiste favori de Baudelaire, spécialisé dans la polémique contre la Révolution française, et styliste de tout premier plan (comme tous les auteur(e)s dont je parle ici). Bingo.

En tant que philosophe, j’aime dans l’art (littérature, musique, peinture, cinéma…) la force de me déporter violemment hors de ma zone de confort, pour regarder voir si mes conceptions conceptuelles sont assez robustes pour résister à de telles expériences. Je le dit en passant, car cette troisième partie est incontestablement la plus philosophique du livre.

Les aperçus sont en tout cas fulgurants : « c’est au nom de Jean-Jacques Rousseau qu’on a fini par couper le cou des jeunes prêtres & de jeunes nobles enthousiastes c’est au nom de Karl Marx que la dictature stalinienne a fait couler des torrents de sang ouvrier — & c’est au nom des boomers qu’on a détruit un an de vie de notre jeunesse en 2020–21 ». Soit! Diagnostic impeccable, et sans appel. Mais il n’est pas à exclure qu’on ait fait dire à Rousseau ou à Marx (comme, par exemple, à Darwin) pas mal de choses qu’ils n’ont jamais dites. On y reviendra en son lieu. Ce qui compte ici, c’est la transition vers le dénouement du livre, la « crise sanitaire » : « il ne semble plus rester que la Terreur pour nous obliger à penser qu’il se passe encore quelque chose & voilà pourquoi le covid-19 a tant occupé les pages des médias : la Terreur sanitaire est le dernier combat entre les hommes ».

On approche donc du dénouement, moyennant un « entracte » (Pourquoi j’écris de si bons livres, « détournement » là encore d’un chapitre de l’Ecce homo de Nietzsche), une quatrième partie qui tient en deux pages : la cinquième partie, intitulée « Journal de CONfinement » (bien vu!), qui commence ainsi : « au début était le virus tout près du Big Bang clap ». S’ensuit un torrent, comme à la fin d’Ulysse de Joyce, de prose dénuée de la moindre ponctuation : un « monologue intérieur » sur le monde délirant et irrationnel du covid-19, et sa parodie grotesque de l’impératif catégorique kantien (« vit, pense et agis, en toute circonstance, de manière à ne pas attraper la grippe »). Même si Basquin y est allé, dans la partie antépénultième, de ses diatribes contre la Révolution française, il y a ici un petit côté « Comité de Salut public sémantique », et la guillotine nominale est pour le moins généreuse. Tout le monde de la collaboration biopolitique davosienne y passe : Macron, Buyzin, Véran, Lacombe, Preciado, Barrau, Salomon, Cohen, Thunberg, Cohn-Bendit, Zizek, Blanquer, Coccia, Bergoglio, Depraz… Les têtes roulent les unes après les autres aux pieds du lecteur, à la grande délectation de celui-ci. Je ne vais pas parler ici de la catharsis, dont je suis un spécialiste, mais enfin, je n’en pense pas moins; et ici, c’est du très lourd, et du très bon.

On y trouve encore de nombreux vibrants hommages au Jean Moulin de la biopolitique contemporaine, nommément Didier Raoult, la personnalité publique la plus diffamée de tous les temps dans le monde francophone. Rembobinons un peu vers la deuxième partie, qui donnait le ton : « le pr Raoult invité chez Pujadas chez LCI / best of : il n’y a pas de science sans conflit intellectuel — il n’y a pas de progrès scientifique sans polémique (du grec polemos / guerre / puis polemikos / qui concerne la guerre) — le défaitisme (on ne peut rien faire / donc restez chez vous & prenez du Doliprane) / c’est la même chose que Pétain en 1940 face aux Allemands : une lâche capitulation : il n’y a plus rien à faire / on se rend : très peu pour lui — je te salue ici / vieux Raoult! » (Le clin d’œil ici — j’ai parlé plus haut de blind test à l’encre sympathique — est aux Chants de Maldoror, où toute une séquence scande « Je te salue, vieil Océan! »).

Revenons à la partie conclusive, qui cite Raoult lui-même : « quand l’informateur multiplie par 20 un risque de mortalité & divise par 100 un autre risque nous ne sommes plus dans une exagération nous sommes dans un autre monde putain Dr Raoult on pense tout pareil vous êtes un génie ». En face, le message est plutôt : « vous allez tous fermer fermer vot’gueule oui ou merdre (…) le rêve absolu comme aucun État totalitaire n’en avait seulement rêvé ».

Le livre se conclut par un Epilogue mordant, où la ponctuation « normale » est pour finir rétablie. On y trouve des propositions concrètes pour rendre à tous les collabos de la « crise covid » la monnaie de leur pièce, et que je laisse à la dilection du lecteur.

Car c’est bien de ça qu’il s’agit : de la première guerre civile mondiale de notre Histoire, comme je le dis à la cantonade depuis un an et demi. Basquin : « c’est comme la guérilla telle que théorisée par T.E. Lawrence dit Lawrence d’Arabie : une rébellion peut être menée par 2% d’éléments actifs & 98% de sympathisants passifs — les quelques rebelles actifs doivent posséder des qualités de vitesse / d’endurance & d’ubiquité / ainsi que l’indépendance technique nécessaire pour détruire ou paralyser les communications ennemies ». Première cible : « l’idiot en chef Bill Gates ». Si vous me trouvez enthousiaste, détrompez-vous : me relisant, je me trouve encore trop tendre avec ce chef‑d’œuvre annoncé, et absolu, de l’histoire de la littérature; si bien sûr la terre n’a pas été transformée en cratère radioactif d’ici-là, pour que l’Ukraine puisse entrer dans l’OTAN.

Passons au second livre, Les indomptables, sous-titré : Au-delà de l’effondrement (éditions Talma, Paris, 2022), et préfacé par Louis Fouché. L’auteur, Tristan Edelman, est une « œuvre d’art totale » à lui tout seul : avant d’être un nouvel écrivain de premier plan, il est chorégraphe, musicien et énergéticien. Il possède le QI d’un physicien d’Oxford, l’érudition de Borgès, le physique d’un dieu grec (il a cinquante ans, mais on lui en donnerait tout juste trente-cinq). Le fil rouge de son livre, lui aussi très digressif et multipolaire (mais dans un style très différent de celui qui précède, plus intimiste et plus lent), est la mort de ses deux parents.

Le livre a la forme d’un Journal. On songe à un improbable mixte de Montaigne (pour l’éclectisme et la variété des styles employés), de Lévi-Strauss (pour la méticulosité des détails anthropologiques) et du Genet de Journal du voleur (pour une certaine poétique de l’errance). Il se divise en deux parties : Niki et Bernard. Il s’agit des deux prénoms de ses parents; dans le cas de sa mère, il s’agit d’un surnom abréviatif pour « Nicole-Edith ». Les deux parents de Tristan sont morts en 2020, l’année fatidique que nous savons tous; il s’agit donc d’un livre de deuil, d’une sorte de poème mortuaire en figure libre.

La première partie accompagne la longue agonie de Niki à travers d’innombrables hôpitaux, tous plus sinistres et cruels les uns que les autres. Cette déchéance de l’institution soignante précède la « crise du covid », puisque le livre commence dès janvier 2020. À peine la mère de Tristan aura-t-elle mis les pieds dans ce système qu’elle commence à vivre un véritable chemin de croix, un Golgotha médical. On songe très fort au sublime film de Sokourov (argh! un russe! Rauss!), Mère et Fils, dont Les indomptables seraient une sorte de remake littéraire.

Ce que la prose de Tristan donne à voir, c’est cette déliquescence de l’hôpital non seulement public, mais privé : « Le privé, c’est forcément mieux, puisqu’on paye cher. Ils ont acquis du matériel technique performant dernier cri en ce qui concerne les pneumopathies; ne faisons pas la fine bouche. Le plus important : du matériel, de l’efficacité, de l’expertise et de l’argent! Les humains, c’est secondaire, nocif : ils font des erreurs. » Tristan tombe donc de haut, et s’aperçoit vite que le privé ne rattrape en aucun cas le public. « J’entre dans la clinique. Une saleté faite de stérilisations et de détritus invisibles. Envie de gerber. Trop de monde. L’immigration s’entasse. Une tension dans l’attente et dans l’accueil. Le personnel saturé semble déambuler par hasard. » Il gagne la chambre de sa mère. « Au fond du lit, empêtrée dans les tuyaux sales, baignés d’un clair-obscur jaunâtre, avec cette odeur persistante d’urine et de javel, j’entrevois le visage de ma mère. Fixant intensément le mur, elle se mord les lèvres. Sous-alimentée, maltraitée, ignorée, elle lutte contre la dépression. En quelques jours, elle a perdu beaucoup de poids. »

Face à ce fiasco du privé, notre héros (comment l’appeler autrement?) arrache sa mère à cette clinique foireuse pour l’emmener à Bichat. Nous est décrit l’accueil catastrophique, l’attente interminable, l’impossibilité de savoir à temps ce qui arrive à sa mère : au final, « deux AVC consécutifs. Le premier dans la clinique privée Pasteur avant le passage dans l’ambulance, où elle perd l’usage du corps, le deuxième à l’hôpital public Bichat, lors de l’admission où elle perd l’usage de la parole. »

Tristan oscille dès lors entre chronique du calvaire hospitalier, et digressions rétrospectives où il dresse le portrait de sa mère : sa passion de la première heure pour l’activisme politique (et les nombreuses lectures afférentes, notamment Marx et Lénine), son rapport complexe à la parole et à l’écriture, le lien obsessionnel qui l’unit à la vérité et au réel, sa passion pour la psychanalyse, sa pudeur maladive : « Incapable de rapprochements physiques avec ses enfants, ne pouvant exprimer directement ses émotions, dans l’impossibilité de contacter son corps blessé et sa mémoire défaillante, elle avait écouté le fond de sa parole jusqu’à se fondre en elle. »

Tristan constate chaque jour, sans cesse plus effaré, que l’hôpital fait à sa mère beaucoup plus de mal que de bien : « J’aurais dû la garder à la maison! » Il s’avère dès lors que nous tenons le vrai sujet du livre, sujet qui me tient particulièrement à cœur dans mon travail philosophique : le Mal (Système du pléonectique, Diaphanes, Berlin, 2020, entrée éponyme). « Les mots d’Hanna Arendt, « Banalisation du mal », résonnent autrement : plus le crime est massif, moins on le considère comme un crime. Il devient une fatalité qui pousse à la résignation. L’un des effets de l’industrialisation est de rendre le crime inodore. Le rendre politiquement correct à renfort de chantages, d’infantilisations, de culpabilisations. Mettre en branle une cascade de déresponsabilisations qui s’abat sur le citoyen, afin qu’il se sente coupable d’une barbarie qui lui échappe. Parfois, on ouvre les yeux. L’avenir d’une prise de conscience. Dans mon cas : par la douleur. » On songe ici très fort au mot de Nietzsche : « Comprendre le monde à partir de la souffrance : voilà le tragique. »

Car oui! Il y a bien, dans le livre de Tristan; la redécouverte de la voie, oubliée par la tradition philosophique (à partir de l’exclusion par Platon du Poète hors de la Cité), d’une sagesse tragique. Là encore, rien qui ne puisse davantage toucher ma fibre philosophique : puisque je travaille dans le sillage de ceux qui, comme Hölderlin, Schürmann ou Lacoue-Labarthe, auront voulu rouvrir l’accès à ce savoir tragique que l’essentiel de la tradition philosophique aura voulu oublier.

« Ici donc, le système sanitaire détruit Mam : intubation, ventilation artificielle, prise d’anticoagulants sur le tard, protocoles infinis, examens, antibiogrammes, injections, impossibilité de sommeil et de récupération, mauvaise alimentation, erreurs de diagnostic, informations erronées, manque de personnel soignant, manque de lits… Résultat : délabrement physique et mental. » Et tel est le « tragique moderne » selon Schürmann : le pathétique. Il y a déjà deux siècles, Hölderlin avait génialement annoncé ce qui serait cette « condition pathétique » du sujet moderne : là où la mort tragique, chez les Grecs, prenait une forme flamboyante, héroïque et sacrée, nous, nous sommes sommés de raser les murs biopolitiques, et d’endurer une mort atone, misérable et sordidement profane : « Car c’est là le tragique, chez nous, que nous quittions tout doucement le monde des vivants, empaquetés dans une simple boîte ». Ce que Jean Beaufret appelait encore, commentant justement Hölderlin, la « tragédie de la mort lente ».

Comme prévu, la pandémie et ses effets encore plus délétères, comme une sorte de peste de Thèbes cérébrale, s’invitent dans la Tragédie moderne du “covid-19”. Du biopolitique, les réflexions du livre glissent lentement mais sûrement vers le politique, tout court : on organise partout « l’instrumentalisation du virus Covid » pour que, « à partir de la peur de la mort et du chantage à la survie sociale, une oligarchie toujours plus concentrée, s’appuyant sur la confiance et la soumission des foules, organise la terreur. Celle-ci a pour but une banale restructuration du Capital industriel vers le digital, le dressage des peuples pour la normalisation collective, l’accélération de l’utopie du nouvel homme sur le mode du cyberconformisme. »

Ici j’ai irrésistiblement songé aux propos d’un penseur contemporain, philosophe et psychanalyste, que je suis de près depuis plus de deux décennies, et qui répond au nom de Pierre-Henri Castel. Son silence public quant aux événements des deux dernières années et demi m’étonne, tant ce qu’il écrit ces dernières années, et qui est une analyse novatrice et pointue, là encore, de la question du Mal, fût prophétique (je conseille notamment, et toutes affaires cessantes, la lecture d’un des plus importants livres de philosophie des dernières années, Pervers, analyse d’un concept, Ithaques, Paris, 2015). Jugeons plutôt : « Il ne serait absolument pas raisonnable, il serait même politiquement absurde et dangereux de ne pas partir de cette hypothèse : les puissants savent. Ils n’ont pas attendu de lire ces lignes. Or c’est bien pourquoi, au lieu de parler d’insensibilité et d’aveuglement, voir de déni ou d’auto-intoxication à coup de pseudoscience, il faudrait aussi sérieusement envisager, face au Mal qui vient, la possibilité du mensonge conscient et délibéré de la part de quelques-uns dont nous sous-estimons l’intérêt non seulement à nier, mais à aggraver (à leur profit) les déséquilibres sociaux et naturels. Car (…) il suffit que quelques-uns seulement nous devancent aujourd’hui sur le chemin de notre certitude croissante de la fin, et tous les effets pratiques fort réels de cette certitude croissante s’en suivront en cascade, jusqu’aux derniers, c’est-à-dire jusqu’au pire. » (Le Mal qui vient, Cerf, Paris, 2018).

Comme Basquin, Tristan constate le naufrage de l’écrasante majorité des intellectuels face à l’installation pourtant flagrante d’une tyrannie biopolitique délirante, avec une cinglante ironie : « Nouveau coup du destin : le virus du millénaire! Sans surprise, voilà nos ersatz d’intellectuels de gauche qui filent droit se confiner en critiquant de leurs balcons « la mauvaise gestion ». Toujours leurs balcons. Bien peu ont remis en question le confinement total et la folie du projet 2.0 qui avance gros comme le nez de Pinocchio au milieu de la figure. On s’indigne après coup. On critique après coup. On pense après coup. (…) Eux qui parlent d’  »événement », de « situation », de « capital », de « fascisme »… eh bien… quand cela arrive sous leur grand nez tendu, ils restent interdits. Le bec cloué. Un Gilet jaune, un virus à couronne, plein de flics dans la rue, et les voilà titubants la bouche ouverte. Les mêmes qui faisaient des acrobaties sur la République laïque libre et sans voile sur le visage, les voilà qui braillent dans un masque en plastique, une dose d’ARN artificiel dans le sang et un QR code comme tatouage. » Cruel et sévère, mais parfaitement ajusté. L’intellectuel de gauche rugit comme un lion, mais agit comme un mouton.

Tristan accoste alors (après de très beaux apartés sur ses longs séjours à Vanuata et au Brésil) l’événement crucial que furent, pour lui, les Gilets jaunes. Il dénonce le travail calomniateur des médias, la répression féroce du gouvernement, ainsi que la mécompréhension de l’écrasante majorité de la gauche, « radicale » comprise. Comme me l’a dit un jour un gilet jaune : « L’extrême gauche? Ce sont des bourgeois blancs diplômés, qui ne parlent qu’à d’autres bourgeois blancs diplômés, tout en prétendant parler du peuple, pour le peuple et au nom du peuple ». La mère marxiste-léniniste de Tristan, après un très bref moment d’hésitation due à sa formation idéologique, rallie le mouvement et se jette dans l’arène des rassemblements, des manifestations et des ronds-points. « Pour une marxiste-léniniste comme ma mère (…), c’était invraisemblable de l’écouter défendre les paysans et pas seulement les ouvriers, défendre les petits entrepreneurs et petits commerçants et pas seulement les salariés et les fonctionnaires, défendre les blancs et pas seulement les immigrés » : j’en connais qui, du côté de la bourgeoisie du « radical chic », devraient en prendre de la graine… L’analyse que développe Tristan sur les Gilets jaunes est l’une des plus justes, au sens de la justesse et au sens de la justice (salut Etienne! Chouard du nom), qu’il m’ait été donné de lire sous la plume d’un intellectuel.

S’amorce le dénouement proprement dit, comme dans toute tragédie : la fin de l’agonie médicalisée, la mort implosive dans la « boîte » hölderlinienne. Ce sont des pages d’anthologie. « Au centre du crépuscule entre chien et loup, je me réveille. Quand l’heure terrible vous murmure les secrets de votre vie. Les signes tapissent les fenêtres. Les entrebâillements des volets écrivent ce qui doit être écrit. (…) Je retourne dans sa chambre. Je me place à côté d’elle. Soudainement, elle se redresse et me saisit la main. Elle me fixe droit dans les yeux. (…) C’est le moment le plus fort de ma vie. Le plus marquant. Une marque que l’on découvre et qui est là depuis toujours. Une marque qui vous accompagne dès la naissance. Peut-être avant. Le sceau de la continuité entre la vie et la mort, entre la naissance et la fin. Ce à partir de quoi, hors de la grammaire et de la logique des temps linéaires, s’élabore le flux des souvenirs. Écoutez cette marque silencieuse. J’écoute ce silence. Voici le point crucial d’une vie et d’une époque. Le point de rencontre ultime de la transmission. Le dernier message, la clé de l’énigme. J’écoute ce lien sur lequel nous imaginons les constructions les plus folles et les plus contradictoires. » Je ne peux ici qu’inciter le lecteur à découvrir la suite, proprement sublime, au sens philosophique de l’adjectif : ce qui excède de toute part notre capacité à mesurer un événement, ce qui met en défaillance notre raison, ce qui porte le sens des mots à la limite de la syncope.

Passons à la seconde partie, intitulée donc Bernard, du prénom de son père : et c’est pourquoi j’ai toujours ici dit Tristan, et pas Edelman. Ce n’est pas par familiarité déplacée (enfin, quand même un peu, et je conclurai cet article là-dessus!), mais parce que le père Edelman était un juriste et essayiste de très grand renom (« jusqu’à être désigné par ses pairs — de son vivant — comme le plus grand juriste français »). Il m’a semblé qu’à tous égards, étant donnée la nature même du livre, il était plus approprié de l’appeler par son prénom (Tristan bien sûr, pas Bernard).

Incipit : « L’isolement forcé du confinement a exaspéré la mélancolie, la détérioration physique et le besoin de contact. Un grand nombre de personnes au grand âge ayant vécu la Seconde Guerre mondiale se sont laissées dépérir pendant le confinement. On appelle cela le syndrome du glissement. Ils ne veulent pas revivre l’horreur absolue. La sensation d’une telle répétition est insoutenable. Ils préfèrent se laisser glisser consciemment ou inconsciemment — vers la mort. »

Bernard Edelman compte au nombre de ces victimes du « syndrome du glissement ». Il est juif. Il est un juriste de génie. Il comprend parfaitement bien ce qui est en train d’avoir lieu. Son fils lui rend visite, il n’arrive plus à écrire, il erre dans sa bibliothèque comme un fantôme, lui-même hanté par ses propres souvenirs : l’horreur en abyme. Il dit à son fils : « Vois-tu, pendant la guerre, quand j’étais un enfant caché, j’ai vécu les liens comme une menace. Aujourd’hui, tout est fait pour détruire les liens. Avant, j’étais dans la cave, maintenant, je suis dans le mitard. J’assiste impuissant à un isolement par la terreur. J’ai l’impression de retourner en arrière. Je ne t’envie pas mon fils. Tu es dans la fleur de l’âge et tu vas devoir faire avec une fin du monde. »

Tristan se met alors à retracer le parcours du juif ashkénaze soucieux de s’assimiler à la France : il doit montrer patte blanche, et clamer son amour de la France, de la République, des institutions, enfin et surtout de « l’Europe-la-belle-idée », qui nous mène aujourd’hui aux pires des catastrophes imaginables. Cet « impératif catégorique » de l’immigré frais émoulu, décortique Tristan, ne peut mener qu’à un état d’angoisse permanente : « « l’intégré » aura beau faire montre du plus grand zèle possible, il y a toujours meilleur, et personne n’est indispensable ».

Vient la partie augustéenne, ou rousseauiste, de la partie : confessionnelle. Pour donner une idée des liens intimes qui l’unissaient à son père, Tristan n’y va pas de mainmorte : « Mon père s’occupait de moi comme une mère. Une mère juive qui vous remplit sans s’inquiéter de votre capacité à recevoir. » Bernard ne cesse de se projeter dans Tristan, « qui vous met en haut alors que vous vous traînez encore en bas ». « Puis arrive la puberté : vous êtes soudain un rival, un animal sauvage. (…) Cependant, Der mamen (en yiddish, la maman dans toute sa splendeur) souhaite toujours le meilleur pour vous et, surtout, que vous soyez le meilleur, même s’il sera toujours impossible d’être meilleur qu’elle. » Tout est dit en cette phrase à l’humour typiquement juif (Tristan, même s’il n’est pas au départ « techniquement » juif puisque sa mère était goyim, a été converti au judaïsme, par ds Lubavitchs). Mais ce n’est pas fini, le petit Tristan continue à grandir. Et, à l’adolescence, on passe à la phase « tout belle-mère et rien père. » Jugeons plutôt : « Le père s’absente derrière la marâtre balzacienne. Ce n’est plus le féminiarcat fashion mais un matriarcat old school : jugements intempestifs, actes de violence verbale, agressions physiques, rituels militaires, punitions alimentaires, enfermements, mises à l’écart, rabaissements psychiques… »

Ici, on est en droit de se demander si le fait que la mère de Tristan fût une goyim n’explique pas ce précoce « mortel transfert » du père en figure de « Mère fouettarde », comme dit aussi Tristan (j’ai beaucoup écrit sur le sadomasochisme dans mon travail philosophique, on pourra en reparler). Rappelons que Niki, la mère, était férue de psychanalyse, et par ailleurs que Tristan nous fit état de son extrême pudeur et de son avarice totale en termes de signes physiques d’affection. Le père venant à se substituer, balourdement comme il se doit, au manque laissé par la fonction maternelle, le résultat était couru d’avance. Je me trompe peut-être dans cet exercice de psychanalyse sauvage; à Tristan de me détromper.

Ici, pendant des dizaines de pages, commence un « roman dans le roman », plus exactement un livre dans le livre, puisqu’il ne s’agit pas d’un roman, et plus exactement encore d’un roman dans le livre, mais pas n’importe quel roman : un roman sous forme de dialogue, comme on en faisait tant au dix-huitième siècle. Autant dire qu’il s’agit du passage le plus philosophique du livre, donc celui qui me parle plus; et, pour cette raison même, c’est celui dont je parlerai le moins (comme avec Basquin…). Car justement, comme dans ces romans dialogiques du dix-huitième, façon Diderot (on sous-estime de manière scandaleuse l’importance cruciale qu’ont eus Le neveu de Rameau ou Jacques le fataliste sur la philosophie allemande qui allait suivre d’une génération), le propos est pour ainsi dire impossible à résumer en un espace bref. Je m’avoue donc à ce point vaincu : ces dialogues sont si denses, si riches en pépites intellectuelles, que je renonce à en rendre le contenu. Surtout, ils obéissent à une logique qui leur est tellement propre, et l’ensemble des propos, sur près de quarante pages, se tiennent tellement les uns les autres (c’est-à-dire qu’il est impossible de comprendre le contenu de telle page sans avoir lu tout ce qui précède) que je me contenterai d’en dresser une sorte de menu (non exhaustif) : à partir d’une dissertation sur la fable du loup et de l’agneau, sont abordés des thèmes aussi divers et aussi brûlants que la propriété privée (salut Davos), la raison et l’instinct, le droit, la guerre, la bioéthique, la technoscience, le transhumanisme, la culture, le salariat, le progressisme, le néolibéralisme, le sacrifice, les intellectuels…

Comme avec la partie précédente, le dénouement arrive à pas de velours. Tristan nous décrit comment, bien avant la « crise Covid », son père accepte sa propre mort, en se résolvant d’abord à être un mort-vivant civique. « Il savait que la folie humaine pouvait revenir à tout moment et tout retourner. Qu’elle pouvait à nouveau faire irruption et vous envoyer aux camps de la mort. » S’ensuivent de pénétrantes considérations sur le rapport au langage : « La France, c’était la langue française. La langue française, c’était son premier et dernier repère. L’écriture, c’était la consécration de la langue. Son bouclier contre le réel, son évasion du réel. » Tout ce passage me parle tout particulièrement, moi qui aie tout appris en arabe jusqu’à l’âge de huit ans : la langue française comme arme. « La rationalité était une arme efficace, mais la langue avait le dernier mot. Bien écrire, c’est bien penser. (…) La modernité déteste la langue. Elle préfère l’algorithme. »

L’agonie du père commence donc par une perte de confiance dans les pouvoirs prophylactiques de la langue : « J’ai vu son sang s’écouler dans les cartouches du stylo, sa peau se fondre dans les papiers des livres et son âme partir dans les hauteurs mélancoliques du signe utopique. (…) Lorsqu’il me confia « Je ne trouve plus de sens à écrire », je compris que c’était sérieux. Il avait perdu l’axe de sa vie. La fin était proche. Il ne bougeait plus de son pigeonnier, de sa tour d’ivoire, de son tombeau. (…) Je compris que si je voulais avoir — enfin — un vrai dialogue avec mon père, il fallait que je retourne, et plonge à mon tour, au saint lieu du crime, là où il avait disparu dans la plus grande discrétion : sa bibliothèque. » Suivent quelques poèmes : l’un de Bernard, l’un de Niki, l’un de Tristan. Rideau.

Le livre se conclut par un épilogue, lequel commence comme suit : « Temps de crise. Des amis chers meurent. Beaucoup trop de myocardites brutales et de cancers qui dégénèrent rapidement. Je suis en deuil permanent. (…) Les gouvernements essaient d’imposer l’idée qu’être un citoyen jouissant de tous ses droits est un mérite temporaire et que devenir un citoyen de seconde zone, un proscrit, un paria est un choix. » Tristan décrit ensuite les innombrables rencontres positives qu’il a faites à la faveur de l’escroquerie covidiste, pour rebâtir le monde sur des bases saines, en construisant de nouvelles structures associatives sur tous les plans : « Nous comprenons, avec notre commando de juristes, parlementaires, journalistes, têtes de réseau et organisateurs de manifestation, que nous sommes arrivés à la limite du droit, de la démocratie, de l’information libre et des réclamations. Quand un gouvernement écrase, avec une jouissance non dissimulée, la Constitution, les libertés, l’information et les gens, il faut passer à une autre forme de contre-pouvoir en même temps qu’une autre forme de société. » Amen.

Le troisième et dernier livre canonisé par cette chronique annonce la couleur sans nous ménager : La fin du monde moderne, de Salim Laïbi (Fiat Lux, Marseille, 2020). De tous les auteurs dont nous traitons ici, Laïbi est, de loin, celui à se coltiner la réputation la plus sulfureuse. À cause de casseroles fréquentationnelles du passé (Soral, Dieudonné, Nabe…), à cause de son panarabisme et panislamisme, Laïbi est un exemple en or de ce que Debord appelait une « mauvaise réputation » (Cette mauvaise réputation, Gallimard, Paris, 1993), dans les milieux intellectuels et bien au-delà. Il a beau s’être expliqué en long et en large, et pas avec le dos de la cuillère, sur ses erreurs passées (Nabe lui voue une haine écumante, Soral le considère aujourd’hui comme son « pire ennemi au monde »); il a beau avoir développé, via des dizaines d’auteurs de sa très belle maison d’édition (Fiat Lux), une vision très intelligente, savante et rationnelle de l’islam et de l’  »arabitude », rien n’y a fait. Dans la société du Spectacle, la plus normative qui ne fut jamais, malgré sa promotion incessante et creuse de la « démocratie », de la « pluralité » et de la « tolérance », la réputation et l’image de marque sont tout, l’anathème et l’excommunication, sans appel.

Peu me chaut, sinon rien. Par les temps apocalyptiques et génocidaires qui courent, personne ne m’empêchera de fréquenter Salim (nous avons réalisé un entretien, à sa demande, sur mon Colaricocovirus (Exuvie, Thervay, 2022)); il ne me connaissait pas jusque-là, moi je le connaissais), ni surtout de dire le plus grand bien de son travail. Pour une raison très simple : Salim est à mes yeux un Héros et un Juste, au même titre que, mettons, le dr Perrone ou le dr Mac Cullough, le dr Zelenko ou le dr Ochs. Cet homme sauve des vies, et pas qu’un peu. C’est, et de plus longue date que ceux que je viens de citer, un des plus formidables lanceurs d’alerte qui soient aujourd’hui en activité en France; pour ce, sa tête est quasiment mise à prix dans les médias mainstream. En particulier, ses connaissances quant aux rouages criminels de l’industrie pharmaceutique n’ont que très peu d’équivalents non seulement dans notre pays, mais dans le monde entier.

Laïbi écrit comme il parle (il fait de nombreuses émissions numériques qui sont très suivies dans l’entièreté du monde francophone) : avec une gouaille sui generis. Sa langue est une sorte de créole algérois où la langue française et sans cesse contaminée par des tournures improbables, des adjectifs impronostiques, des ponctuations incongrues, des néologismes géniaux (les « doctateurs », les « zététiciens »…). Il y a véritablement un « argot Laïbi ». Comme le français n’est manifestement pas la langue maternelle de Salim, il visite le français comme un alien, et, comme aurait dit Deleuze, il « fait bégayer la langue » de l’intérieur, ce qui est la condition, ajoute Deleuze, de tout style. D’où le caractère presque toujours « funambulesque » de la phrase laïbienne : à tout instant elle menace de perdre l’équilibre et de tomber, et elle trouve toujours in extremis une expression étrange qui la “repêche” au dernier moment, et donne à l’ensemble de la phrase sa dégaine singulière. La phrase laïbienne ne cesse de trébucher, et finit pourtant toujours par retomber sur ses pieds, au sens métrique du terme : là encore, c’est cette unicité absolue du rythme des phrases d’un auteur qui les frappe du sceau du style.

Le style étant l’homme, comme chacun sait, le tempérament explosif de Salim dans la vie se transfère à son écriture, dont l’énergie contamine irrésistiblement le lecteur, le plongeant dans une étrange euphorie, malgré l’horreur de tout ce qui est décrit. Et pour cause : plus que n’importe quel auteur sur la question, Salim a choisi de le traiter par le burlesque, avec une ampleur panoramique digne d’un grand opéra (genre Wagner, ou Richard Strauss première période) : aussi rit-on beaucoup en lisant ce livre à la démesure de son sujet. Pour un effet comique maximal, Salim ne cesse d’avoir recours au registre psychiatrique : de fait, mars 2020 marque dans l’histoire de l’humanité la date où le monde entier est devenu totalement fou (avec, en avant-première expérimentale quelques mois auparavant, la Chine de Xi Jiping, l’ami de Bill Gates). Le livre décrit un asile planétaire à ciel ouvert, et c’est tout aussi hilarant qu’un sketch des Monthy Python sous LSD.

C’est donc par un saisissant paradoxe que Laïbi rejoint les grands « monstres » de la langue française que furent Rabelais ou Céline, si terriblement drolatiques eux aussi, et avec qui Salim partage un sens stratosphérique de l’imprécation (jaloux, Marc-Edouard? Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle). Fier de son « arabitude » comme Artaban, Laïbi est pourtant bien un auteur français, au sens le plus plein de l’adjectif. Oui, nous avons bien affaire à un phénomène défiant les lois de la nature, à une sorte de Léon Bloy muslim moderne.

De plus, des trois livres dont il est ici fait la chronique, La fin du monde moderne est, et de loin, le plus extraordinairement documenté et sourcé. Fondu dans un flot verbal incoercible, on obtient une sorte d’équivalent français foutraque et exaltant du classique instantané d’un autre Héros, Robert F.Kennedy Junior, et son The Real Antony Fauci (Children Health Defense, Peachtree, 2021) : quand on a lu les deux, difficile de savoir qui le cède à l’autre en matière de connaissance encyclopédique quand à la « covidologie ». Ce sont, en tout cas, deux bibles épistémologiques et cognitives irremplaçables quant au combat que nous menons tous ensemble (« Ouais! Ouais! »).

Le livre se divise en six chapitres, une conclusion, plus de nombreuses annexes. Pour des raisons d’économie textuelle (cet article est déjà bien long!); parce que le premier chapitre se taille la part du lion (près de la moitié du livre!); parce que tout le livre est, je le répète, un geyser inépuisable de connaissances impossibles à résumer en un article; mais, surtout, parce que les cinq autres chapitres traitent d’autre chose que de la « Crise Covid » stricto sensu, je me contenterai ici, pour mettre l’eau à la bouche du lecteur, de traverser ce chapitre-là, plus un commentaire sur la conclusion, et quelques mots sur les fourmillantes annexes.

Ce premier chapitre s’intitule sobrement : Covid-19 et médias. Laïbi n’avait pas lu Debord lorsqu’il a écrit ce livre (il semble s’être rattrapé depuis, suite à notre interviouve), mais enfin, son analyse le place dans le droit fil de la critique situationniste du Spectacle. Je vous avais dit qu’on riait énormément dans ce livre, et Laïbi commence très fort, en mettant en exergue une citation anonyme tirée d’internet : « La troisième dose augmente l’immunité, donc après la quatrième dose, vous êtes protégé. Une fois que 80% de la population a reçu la cinquième dose, les restrictions peuvent être assouplies, car la sixième dose empêche la propagation du virus. Je suis calme et je crois que la septième dose résoudra nos problèmes et nous n’avons aucune raison de craindre la huitième dose. La phase clinique de la neuvième dose confirme que les anticorps restent stables après la dixième dose. La onzième dose garantit qu’aucune nouvelle mutation ne se développera, il n’y a donc plus de raison de critiquer l’idée de la douzième dose. »

Le chapitre commence par battre le rappel de la chronologie du scénario film-catastrophe « Covid » (car nous savons qu’il s’agissait bien d’une histoire écrite à l’avance, une « plandémie »). Tel Michel Jonasz dans la boîte de jazz, Laïbi se lance tout de suite dans la description de l’  »Absurdistan », quand par exemple « on apprend qu’un sauna libertin est félicité par la police pour son respect du protocole sanitaire, alors que les restaurants sont toujours fermés depuis 10 mois! La grande roue de Lille sera autorisée à tourner, mais sans public! »

Laïbi ne décortique ensuite point à point (et, je le répète, son savoir de la question est véritablement encyclopédique, cet homme est un stakhanoviste enragé) les mensonges et les cafouillages sans nombre de la gouvernance « Covid ». Naufrage de l’hôpital public déguisé en « La France est prête, nous avons un système de santé parfaitement solide » de l’arracheur de dents Véran, par la mise hors-jeu de 90.630 médecins généralistes alors qu’ils auraient dû être les premiers réquisitionnés si la « pandémie » en avait été réellement une; des dizaines de milliers de soignants suspendus maquillés par le même Véran en 3.000; annonce d’ouvertures de lits d’hôpitaux alors qu’on en ferme des milliers… le lecteur est d’ores et déjà bombardé d’informations accablantes. Les journalistes, “manipulateurs et mythomanes”, font tout pour amplifier les faits et les chiffres quand ça arrange le gouvernement, puis à les minimiser quand ça l’arrange aussi. L’AFP, mille exemples à l’appui, joue un rôle faisant passer l’appareil d’État de Big Brother pour de la marelle.

Puis arrive le « Lancetgate », « la plus grande fraude scientifique du siècle, certainement de toute l’histoire humaine ». En réalité nous montre Laïbi, cette corruption totale de la littérature scientifique remonte à bien plus loin, et il nous fait l’historique de cette longue décadence, que Debord résumera en quelques phrases comme toujours canoniques : “Quand l’économie toute-puissante est devenue folle, et les temps spectaculaires ne sont rien d’autre, elle a supprimé les dernières traces de l’autonomie scientifique, inséparablement sur le plan méthodologique et sur le plan des conditions pratiques de l’activité des “chercheurs”” (Commentaires sur la société du spectacle, éditions Gérard Lebovici, Paris, 1988). Laïbi : « Le mensonge le plus important sera bien entendu celui de la mortalité. L’INSEE a publié un papier évaluant à 68.000 le nombre de personnes décédées du Covid-19 en 2020! Sauf qu’il y a un tout petit problème, un léger souci qui exige d’être résolu de toute urgence. Selon les chiffres officiels de l’INED ou Institut national d’études démographiques, il y a 55.257 décès, toutes causes confondues, supplémentaires en 2020 par rapport à 2019. Comment est-il possible qu’il y ait 13.000 morts supplémentaires dues uniquement aux Covid-19? C’est impossible, c’est mathématiquement inconcevable. (…) Alors que l’on nous a présenté l’Italie comme un des très mauvais élèves au niveau de la mortalité Covid-19, il s’avère finalement que sur les 130.468 décès enregistrés par les statistiques gouvernementales au moment de la réalisation de ce rapport (5 oct. 2021), seulement 3783 seraient dus au virus lui-même. Les comorbidités étaient nombreuses et sérieuses : 65,8% d’hypertension artérielle, 23,5% de démence sénile, 29,3% de diabète, 24,8% de fibrillation auriculaire, 17,4% avaient des poumons malades, 16,3% avaient eu un cancer au cours des 5 dernières années, 15,7% d’insuffisance cardiaque… »

On passe ensuite à l’autopsie de l’état de droit dans notre beau pays si notoirement « démocratique » (comme dans tous les pays francophones : Belgique, Québec…), assassiné au nom d’une guerre totale contre la grippe, sans que l’énormité de la chose ne fasse moufter le gros de nos concitoyens. Laïbi pointe l’aberration qui consiste à monter de toutes pièces un « conseil de Défense » pour lutter contre un virus : « ça n’a intellectuellement aucun sens », mais autorise comme on sait le gouvernement à rogner sur tous vos droits jusqu’à suppression totale, pour qu’il ne vous reste plus que des « devoirs ». La constitution d’un « conseil scientifique » tout aussi artificiel pour le soi-disant Bien de tous n’est pas moins démentiel, si on y regarde de près : « « Mme Clarisse Sand, avocate au barreau de Paris, explique dans une vidéo (…) comment le Conseil scientifique qui est en train de détruire l’économie française et la santé mentale des Français en toute illégalité puisqu’il ne respecte absolument aucune règle régissant son fonctionnement! » Laïbi fait alors l’inventaire copieux des anomalies judiciaires qui ont parsemé la saga covidienne. Puis il passe au « cas Mc Kinsey », ce cabinet de conseil américain qui a déjà des holocaustes chimiques sur la conscience dans son pays d’origine. Parmi les nombreuses preuves à charge, celui des conflits d’intérêts, comme du reste avec le Conseil scientifique; sauf que pour contrer cet argument, « la presse parisienne a inventé un nouveau concept adapté à cette situation grotesque, celui de conflit d’intérêts par « interférence faible »! On a donc un conflit d’intérêts, mais ça va, ça passe, il n’est pas trop prononcé. Il est tout petit, insignifiant, à peine visible de près et encore, à l’aide d’une loupe. » (Soit dit en passant, cette dernière phrase est un échantillon parfait du caractère “funambulesque” du style laïbien, dont je parlais plus haut.)

Vient le tour de nos chouchous à tous, les médecins de plateaux télévisés, à commencer par les champions en la matière, les plus corrompus par l’industrie pharmaceutique; le premier, franc-maçon très haut gradé, a hérité d’un nom qui con-sonne de manière troublante avec le pédocriminel le plus célèbre du Moyen-âge, Gilles de Rais. « Parlons maintenant des conflits d’intérêts des médecins médiatiques, des têtes de gondole, de ce que les Américains nomment les KOL, ou key opinion leaders. Nous allons ici traiter de quelques cas, les plus illustres, ceux de Karine Lacombe et Gilbert Deray. Il y en a une bonne trentaine que tout le monde peut reconnaître sur les plateaux télé puisqu’ils ont passé leur temps à blablater sur les ondes au lieu d’aller soigner les malades tout en affirmant que la situation était dramatique et que les morts se comptaient par milliers. (…) J’ai même été surpris de voir à la télé certains morticoles plusieurs fois le même jour, tôt le matin et tard le soir (Bruno Mégarbane)! » « Héroïne » de la persécution diffamatoire sans précédent qui a, pendant deux ans et demi, visé sans relâche le Pr Raoult, nommément la pataude Karine Lacombe, Laïbi remet en une phrase les pendules à l’heure, résumant toute la grave délinquance déontologique dont se seront rendus coupables les « doctateurs » médiatiques : « En prenant publiquement la parole et en s’exprimant publiquement sur le sujet, Karine Lacombe n’a jamais fait état de ses liens d’intérêt, privant ainsi le public d’une information cruciale à même de lui permettre de se faire une idée sur la crédibilité des propos qu’elle a tenus ». « Concernant Gilbert Deray c’est encore plus malsain, car ce chef de service en néphrologie n’a strictement rien à voir avec le Covid-19! Des internautes ont posté, notamment sur le réseau social Twitter, des informations concernant des conflits d’intérêts évidents entre Gilbert Deray et l’entreprise Gilead. Pourtant, il avait posté sur son compte Twitter le 26 juin 2020 à 19h02 un message dans lequel il niait tout conflit d’intérêts avec Gilead suite à un article publié par le site d’information France Soir. » Nous v’là bien.

Après s’être payé les « têtes de gondoles » médicales des plateaux télévisés, Laïbi fait encore état d’un phénomène consubstantiel à la société du Spectacle : « le présent perpétuel » encore une fois, qui permet au Spectacle non seulement de mentir éhontément sur à peu près tout, mais même de remplacer les mensonges de la veille par de nouveau chaque jour que Dieu (si vous me passez encore l’expression) fait. « On peut se tromper sauf que les morticoles cathodiques semblent dénués de toute humilité et ne s’excusent absolument jamais. Bien au contraire, ils repasseront 5 jours plus tard avec de nouvelles prédictions à la Madame Soleil, toutes aussi fausses que les précédentes avec la même arrogance. »

Dans la série « champion du Raoult-bashing », nous voulons évidemment Patrick Cohen. Celui-ci décrit Raoult, après l’avoir présenté il y a des années comme l’un des plus grands microbiologistes et spécialiste des maladies infectieuses au monde, désormais le dépeint comme « le point de rencontre de la puissance des réseaux sociaux, d’une médiatisation débridée et », tenez-vous bien (c’est moi qui soulignerait), « d’un des pires accès de désinformation et d’offensive anti-science. » Réponse de notre pistolero sémantique « Slim » Laïbi : « Alors que ce clown ne sait même pas ce qu’est un virus et encore moins différencier ce dernier d’une bactérie, alors qu’il n’a aucune idée de ce qu’est une moyenne statistique, un chi‑2 ou encore une régression linéaire, il ose accuser le Pr Raoult de faire de l’anti-science! »

Laïbi n’a pas son pareil pour détecter les innombrables contradictions que contient la mythologie covidiste et son « terrorisme médical », comme il dit. Quiconque a ouvert ne serait-ce qu’un livre de psychiatrie moderne sait que la psychose naît toujours de ce que les cliniciens de la santé mentale nomment double bind, la double contrainte : deux injonctions psychiques contradictoires, dont chacune tire en sens inverse de l’autre, et coupe donc la conscience du sujet en deux, le rendant psychotique. Mais, avec la covidolepsie qui s’est emparée d’une majorité de nos congénères (plus pour longtemps, s’ils sont « vaccinés »…), ce ne sont plus deux, mais dix, cent, mille injonctions contradictoires qui bombardent le sujet à tout instant, H24 et 7 jours sur 7. Dans la toute dernière Annexe du livre, Laïbi en donne quelques échantillons croquignolets : « confinez-vous, mais allez travailler / ne vous rencontrez pas, mais soyez solidaires / restez chez vous, mais faites du sport / le masque est inutile, mais il est pourtant obligatoire / pour protéger nos enfants, acceptons de les maltraiter / pour sauver nos seniors, laissons-les mourir de solitude dans les EHPAD / pour éviter les attroupements, fermons les petits magasins / pour réserver notre santé, fermons les salles de sport / pour sauver nos hôpitaux, détruisons nos économies, etc. » Ma préférée étant tout de même : « en restant chez moi, je sauve des vies ». Et telle est l’une des plus profondes innovations historiques du « covidisme » : c’est la toute première fois qu’un pouvoir, mondialement coordonné (autre phénomène sans précédent historique), décide sciemment de tout faire pour rendre la population totalement démente.

Mais la contradiction, nous montre Laïbi, est en réalité à tous les étages. Par exemple, et toujours dans le registre psychiatrique qui soutient tout l’humour ravageur du livre : « Allons encore plus loin dans le délire. Si l’état et les télétoubibs — de véritables petits doctateurs -, avaient réellement voulu sauver la vie des Français, il eût fallu qu’ils aillent plus loin, beaucoup plus loin dans cette hystérie et commencer par fermer immédiatement tous les McDonald’s et autres restaurants de junk food, car non seulement ils sont la cause de plusieurs millions de morts chaque année, ils sont, aussi, responsables de la comorbidité la plus grave concernant le Covid-19, l’obésité. Cette dernière est responsable de l’hypertension artérielle et du diabète. Est-il utile de rappeler que les maladies cardio-vasculaires sont responsables de près de 30% des décès en France, juste après les cancers. Cela représente 180.000 personnes sur les 600.000 décès que comptabilise la France chaque année; bien plus que le Covid-19. » « Et paf dans les gencives », comme l’écrivait Beckett. Évoquant plus loin la famine, Laïbi démontre impitoyablement que « les sociopathes qui font croire au monde qu’ils veulent nous sauver la vie permettent la mort de près de 10 millions de personnes chaque année — dont une majorité d’enfants — depuis des décennies et tout le monde trouve ça normal. »

Après de longues pages consacrées à démontrer l’inefficacité des confinements (autre cas d’école de psychiatrisation du public, puisque les mêmes autorités qui imposent cette mesure reconnaissent officiellement que 80% des contaminations se font en milieu familial), puis à l’apocalypse des effets secondaires dus des vaccins (notamment sur les graves dysfonctionnements de la pharmacovigilance, délibérément organisée pour que le moins de témoignages possibles ne remontent à l’ANSM : génocide bien ordonné commence par…), à la stupidité foncière du passeport vaccinal (toujours et encore la psychiatrisation du public, en le forçant à accomplir des choses absurdes, puisque le vaccin n’empêche ni la contamination, ni la transmission, ni les formes graves comme promis la main sur le coeur par les labos), enfin au scandale des EHPAD (maltraitance sadique, Rivotril, etc.).

Ici, Laïbi s’arrête sur le terrible précédent du produit Oxycontin, un opioïde (on se souvient que Mc Kinsey a donc trempé dans ce « génocide », comme n’hésite pas à l’écrire Laïbi plus qu’à son tour). Tout y est déjà : falsification des données démontrant que ce « médicament » rendait ses consommateurs toxicomanes; mythologie sur les effets positifs de ce produit vénéneux; campagnes publicitaires tonitruantes et corruption lourde du personnel médical; dissimulation, aussi longtemps que possible, des effets secondaires désastreux, en plus de l’addiction quasi systématique; etc., etc. Toute ressemblance… Laïbi : « Mais là où ça devient démoniaque, là où ça devient réellement un système criminel mafieux, c’est lorsque l’on constate que toutes les associations et autres académies de la douleur aux USA sont également financées par Purdue Pharma [le producteur de l’Oxycontin, NDMBK] (…). Elles sont toutes financées par l’industriel et produisent toutes une documentation qui sera utilisée pour faire la promotion de leur poison mortel. (…) Mais là où c’est véritablement satanique, c’est lorsqu’on s’aperçoit que même les associations de malades, elles aussi financées par Purdue Pharma, font la promotion des opioïdes de synthèse! (…) Curieusement, seules 2300 plaintes ont été déposées contre Purdue Pharma alors que les décès se comptent par centaines de milliers! » Toute ressemblance…

Après cette édifiante parenthèse pharmacologique, Laïbi revient aux conséquences de la « gestion lamentable et désastreuse de cette crise », comme la paupérisation de la population à cause du confinement : « 1 million de pauvres venant de toutes les couches sociales (entrepreneurs, artisans, intérimaires, étudiants…), que tout le monde peut observer lors de la distribution de paniers de nourriture (…) les dégâts collatéraux économiques sont dramatiques. Il est également de notoriété publique que la pauvreté engendre plus de maladies et que le chômage est une cause d’augmentation de la mortalité ». Par ailleurs, et c’est ce qui démontre, parmi tant d’autres preuves, que tout ceci est parfaitement concerté et délibéré, sous couvert de « crise sanitaire », la destruction totale du système de santé publique français, qui était l’un des meilleurs au monde il y a encore quatre décennies, s’est intensifiée comme jamais depuis deux ans et demi; notamment bien sûr avec la révocation des horribles soignantes et soignants « antivaxx » par l’Inquisition biopolitique moderne.

Tant qu’à parler d’Inquisition new look, impossible ne pas en venir aux principaux exécutants des basses œuvres en France de la politique gouvernementale : l’Ordre des médecins. Comme chacun devrait le savoir, mais que presque personne ne sait, ce qui en dit long sur l’état de notre « démocratie » (on ne rit pas), cette institution a été créée en 1941 par le maréchal Pétain, d’abord pour excommunier au plus vite le personnel soignant juif, ensuite pour veiller à ce que les goyim ne fréquentassent sous aucun prétexte des femmes juives et des hommes juifs (quant à les soigner…). Tout était, sous ce rapport, sous haute surveillance, et l’aimable atmosphère de délation qui a marqué la collaboration trouve ici une sorte d’échantillon très concentré, et révélateur de tout le reste. À ce titre aussi, on peut dire que les institutions ne diffèrent pas foncièrement des êtres humains ou des animaux : elles ont un ADN, persistant, dont le « caractère » refait surface avec force ces dernières années, relativisant même l’atmosphère de mouchardise et de calomnie permanentes qui avait cours sous Vichy. J’écris ces lignes le jour même (13 septembre 2022) où le professeur Perrone était convoqué à ce fameux Ordre.

Mais le passif historique ne s’arrête pas là. Laïbi nous en apprend des vertes et des pas mûres sur les autres précédents dudit Ordre. Par exemple : « L’Ordre des médecins, c’est bien cette corporation officielle qui a été condamnée par la justice pour avoir protégé pendant des décennies un violeur en série, le gynécologue André Hazout! En effet, l’Ordre ne décidera finalement de le radier qu’après sa propre condamnation par la cour d’administration d’Appel pour son absence de réaction et malgré les nombreuses plaintes adressées par les victimes depuis des décennies. Par contre, dès qu’il est question des professeurs Even, Joyeux, Perrone ou Raoult… les décisions pleuvent et sont très sévères. » L’écrivain à qui je pense le plus depuis deux ans? Sade, que j’ai pas mal commenté dans certains de mes livres (et Castel, le penseur que je citais plus haut, encore beaucoup plus que moi). La cruauté et la torture institutionnalisées, l’atrocité au pouvoir, la « société des amis du Crime », disait le divin marquis.

Suivent des enquêtes scrupuleuses et passionnantes sur les « affaires » hydroxychloroquine et Ivermectine, que je saute allégrement, même si là encore ces passages font vraiment penser à une version beaucoup plus rock’n’roll, et à la franco-algéroise, du Real Antony Fauci de Kennedy-le-neveu. Je vais droit à cette citation fulgurante, qui fait en effet de Laïbi le digne héritier inconscient de Debord (qui utilisait beaucoup, dans ses descriptions définitives du Spectacle, le mot « complot ») : « Le covidisme est une véritable menace pour la santé mentale des Français. Le seul coupable de la mise en place de ce culte n’est rien d’autre que l’appareil médiatique ultra puissant. Alors que les cultes des trois religions célestes n’ont réussi à mettre en place qu’une seule messe hebdomadaire, le culte covidiste a quant à lui réussi à célébrer une messe quotidienne, 24h sur 24 et 7J/7 depuis deux ans. » Ces phrases m’ont irrésistiblement évoqué les phrases d’un immense écrivain et penseur juif allemand, Walter Benjamin donc, qui a vécu très pauvre et est mort suicidé à la frontière espagnole en fuyant les nazis : « Le capitalisme est peut-être la seule forme d’un culte non expiatoire, mais culpabilisant… une monstrueuse conscience coupable qui ignore la rédemption se transforme en culte, non pas pour expier sa faute, mais pour la rendre universelle… et pour finir par prendre Dieu lui-même dans la faute… »

Continuant la déconstruction du Spectacle au bistouri argumentaire, Laïbi attaque cette fois l’arnaque hélas sédentaire, dans nos « démocraties » en peau de lapin, des sondages. Le réveil est dur à ce titre aussi, comme la phrase, prophétique, de Goebbels : « La politique est l’art plastique de l’État »; et les sondages constituent, à l’intérieur de l’appareil médiatique ultra-subventionné (sinon aucune de ces chaînes télévisées, de ces radios nationales, ou aucun de ces soi-disant « grands quotidiens », ne survivraient une minute de plus, tant ils peinent chaque jour un peu plus à trouver preneurs), les doigts les plus boudinés de la manipulation des masses. Laïbi : « Il faut dire que ces fameux sondages permettent de déblatérer pendant des heures sur les plateaux télé alors qu’il n’y pratiquement rien à dire. » Comme le dit le titre du chef‑d’œuvre du grand cinéaste Douglas Sirk : Écrit sur du vent : et les sondages, c’est, ça a toujours été et ce sera toujours du zéphyr cognitif, une simulation de grand pet collectif, qui permet au pouvoir de dire à la cantonade médiatique : « Voilà ce que le peuple pense! » Il a envie de voter pour ceci, ou pour cela, il est pour ou contre telle mesure, il est plutôt chair, euh non, il est plutôt poisson : de la flatulence sémantique qui n’a aucun rapport avec la réalité. Du Spectacle. Laïbi : « C’est une façon d’occuper l’espace et le temps et d’habiller ses propos par des chiffres mathématiques qui vont leur donner un semblant de crédit, c’est du moins ce que croient les éditocrates de plateau alors que jamais de toute l’histoire les médias n’ont eu si peu de crédit. Même le baromètre de confiance des médias est manipulé par ces mêmes médias, tout est corrompu jusqu’à la moelle. »

Laïbi analyse ensuite le rôle de « répétition générale » qu’auront joué depuis des décennies les industries du film et des séries télévisées dans l’endoctrinement des peuples, en les habituant à l’avance, par bourrage de crâne, aux absurdités psychotiques d’État qu’ils subissent depuis deux ans et demi. Laïbi cite par exemple Walking dead, ou TWD. Comment ne pas souscrire à cette analyse? J’ai seulement envie d’ajouter ceci : en plus de ces visions anticipatrices et donc éducatrices de l’horreur que promeuvent tant de films et de séries télévisées (et j’en parle énormément dans mon travail philosophique tant, comme Salim, j’estime le sujet crucial), il y a aussi, de manière au moins aussi visible, depuis quatre décennies à peu près, le gavage des oies médiatiques à coup d’émissions débiles, de chansons débiles, de livres débiles, avec une intensité renforcée d’année en année. Un gueux moyenâgeux n’avait accès à la Culture qu’une fois par semaine : en allant à l’Église, où le Spectacle avait tout même une autre gueule que Loft Story ou Les Anges de la télé-réalité (ou, il y a quatre décennies, Dallas ou Dinasty), et où les chants liturgiques, c’était incontestablement autre chose que les navets sonores de Gold ou Patrick Bruel, que nous sommes obligés de subir de manière incessante dans les conditions du « monde moderne ». Je renvoie à la citation de Benjamin plus haut : le Capitalisme comme Culte le plus extrême et le plus impudemment bouffon qui soit jamais apparu sur terre : culminé aujourd’hui dans le délire à crâne ouvert du « covidisme ».

N’en jetons plus. Tout ce qui précède n’est qu’un timide survol de la quantité de renseignements dont Laïbi nous pourvoit à jet continu, sur près de cinq cents pages très serrées. Et allons droit à la conclusion, laquelle porte un titre léniniste : Que faire? Réponses : d’abord s’unir et créer des liens. « Il faut donc contrer cette stratégie de la division et de l’atomisation de la société en individus isolés en recréant du réseau (…). Si on prend l’exemple de cette crise sanitaire et l’extrême difficulté pour les malades de trouver, par exemple, de l’Ivermectine pour se soigner, le réseau peut le permettre sans grande difficulté via un simple coup de fil. (…) Il faudra également songer à remettre au centre de nos relations commerciales le troc. Il ne sera pas question uniquement d’échanger de la marchandise, mais des compétences. (…) Les sociétés africaines fonctionnent ainsi depuis longtemps et c’est ce qui leur permet de survivre dans des environnements hostiles, étant gouvernés par des truands. De plus, absolument personne ne peut vous en empêcher tandis que l’argent est traçable et que l’État mafieux peut y mettre le nez à tout moment. » Laïbi, lequel a consacré tout un chapitre de son livre à la crise économique cataclysmique qui arrive (« nous savons que les distributeurs automatiques de billets seront très vite vidés »), chapitre non traité dans cet article, nous prescrit d’acheter de l’or, de faire de gros stocks alimentaires (« au moins trois mois »), de faire un potager dans son jardin si on en a un. La seconde réponse donnée par Laïbi à la question léniniste, c’est de faire sécession (un très bon livre des éditions Fiat Lux s’appelle d’ailleurs Sécession, l’Art de désobéir, par Paul-Eric Blanrue). Il s’agit d’un programme clairement anarchiste, même si l’adjectif n’est jamais prononcé. « L’État s’est transformé au fil des années en monstre aussi incompétent qu’insatiable, incapable d’apporter le moindre bien-être à la société. (…) Les gouvernements détruisent méthodiquement chaque jour ce qui fonctionne depuis des décennies. Les députés votent toujours plus de lois qui freinent toute initiative. Pire encore, cet État qui est censé gérer correctement les affaires des citoyens devient vorace puisqu’il ponctionne plus de 50% du PIB de la richesse du pays tout en répétant à longueur de journée (…) sur les médias que les caisses sont vides et qu’il faut toujours plus de taxes, de cotisations, d’impôts. Bien sûr, plus vous payez d’impôt et moins il y a de service public. » La sécession est donc devenue « la seule solution possible et souhaitable afin de sortir de ce chaos et de la mainmise de cet État; c’est d’autant plus urgent que nous observons actuellement la fin de l’État de droit depuis deux ans, ce qui lui ôte toute crédibilité. À partir du moment où le gouvernement piétine, en une seule décision, tout autant le Code pénal, que le code de santé publique, la constitution et les différents accords et conventions internationaux signés, il ne doit plus être respecté; bien au contraire, il doit être combattu, dénoncé et rejeté avec détermination. » Voilà qui n’aurait pas déparé sous la plume d’un Bakounine… Laïbi dénonce ensuite la fantasmagorie du suffrage universel et de la démocratie représentative, qui, comme dit un peu plus haut, ne fait que permettre à l’  »élite » parlementaire de voter des lois chaque jour plus absurdes et contraignantes les unes que les autres. Là-dessus Laïbi a une remarque qui titille mon oreille philosophique : « Les lois communes doivent être peu nombreuses, extrêmement limitées, conformément à un principe du droit connu : « La liberté doit rester la règle, les restrictions l’exception. » » Et en effet, dans mon travail philosophique, où la question du jeu tient une place importante, je démontre, sur la base de la lecture de La lettre volée de Poe (encore lui), que les meilleurs jeux sont ceux dans lesquels les règles sont les plus faciles à assimiler. Pour Poe, comme pour moi, les dames sont sous ce rapport un bien meilleur jeu que les échecs, ou le Whist que le Bridge. Et, dans la même réflexion, je dis explicitement que cette vérité concernant les jeux doit servir de paradigme concrètement politique : le contrat social qui vient doit être minimaliste, et, comme dit Laïbi, « la liberté doit être totale pour tous, sauf en ce qui concerne les grands principes (vol, meurtre, viol…) ». Là encore, c’est tout à fait explicitement que, dans ma réflexion sur le jeu, je me sers de son paradigme pour proposer une conception radicale de la liberté, sur laquelle je ne m’étendrai pas ici, y renvoyant simplement le lecteur (Système du pléonectique, op.cité, entrées éponymes « Jeu » et « Liberté »), avide de comprendre ce que pourrait bien être un concept moderne, clair, distinct et pleinement intelligible, de la liberté.

Bref : je ne peux que saluer avec mon enthousiasme libertaire de toujours le programme conclusif de Laïbi. Le livre se termine ensuite par une trentaine d’annexes passionnantes, qui comprennent de nombreux graphiques statistiques, des chroniques de Laïbi lui-même (souvent au vitriol, sur le loukoum intellectuel Caroline Fourest par exemple), des droits de réponse incendiaires aux calomnies des médias mainstream (Salim passe pas mal de temps devant les tribunaux, et gagne quasiment toujours), des textes d’autres auteurs (Agamben, Vigano…), une ou deux lettres ouvertes… J’ai une faiblesse toute particulière pour l’annexe 15, qui montre des dessins d’enfants de 5 à 6 ans qui regardent moins d’une heure de télévision par jour, puis d’enfants du même âge regardant la télé plus de trois heures par jour. Ça se passe de commentaires. Mon fils ayant à peu près cet âge (il va sur ses sept ans), je lui dédie le présent article. Car il a dit à sa mère, il y a quelques mois, tout simplement de ne plus jamais allumer la télé, trop anxiogène à son goût. Je l’ai congratulé et récompensé pour cela, après coup. Il est des réflexes héréditaires qui ne s’expliquent pas : pour ma part, cela fait plus de vingt ans que je n’ai pas allumé la télévision.

Trois livres fuoriclasse, comme on dit en italien, et, pour finir cette chronique, une revue. Ligne de risque est l’une des meilleures revues littéraires françaises des trente dernières années, et certainement la plus singulière. Elle se plaça, à ses débuts, sous l’invocation de Lautréamont, et sous le parrainage de Philippe Sollers (encore lui, notre Pape bien-aimé de la littérature!). De plus, elle n’a fait, chose rare, que se bonifier avec le temps (l’antépénultième numéro, Dévoilement du Messie, était de très haute volée). La preuve : le dernier numéro est tout bonnement exceptionnel (Ligne de risque nouvelle série, numéro 3, éditions Sprezzatura, Brest, 2020). Il s’intitule : Aperçus sur l’Immonde, et est sous-titré : ou la route de la servitude. En seulement soixante-douze pages, on a une analyse impeccable des événements récents, et qui fournit une perspective encore différente des trois livres que nous venons de parcourir. L’Éditorial plante le décor : « D’un bout à l’autre de cet astre errant qu’est la terre, un étrange virus, à partir de mars 2020, a soudainement privé d’intérêt tout ce qui n’était pas lui. S’arrogeant un pouvoir absolu sur une bulle d’information sans cesse regonflée à son propre vide, il s’est imposé à nous sur tous les plans, à l’instar d’un souverain dominateur qui mettrait sous son joug les vaincus. On ne parlait que de lui dans les médias; et jusque dans les conversations privées, il n’y en avait que pour lui. Sous l’égide de gouvernants à la fois pervers et absurdes, nous étions en permanence assaillis par des mots d’ordre angoissants et exposés à des recommandations contradictoires, mordant sans arrêt l’un sur l’autre. Bref, nous avons été travaillés, comme on le dit en sorcellerie. On a porté la main sur nous; et d’abord sur notre appareil psychique. Nos idées et nos manières de sentir, on les a brassés; on a modifié en profondeur nos conduites, et de même nos automatismes. »

Le sommaire, en plus de l’Éditorial, comprend : un texte baptisé Notes sur l’annulation en cours (sur lequel je reviens très vite), un autre Au nom de la science, signé Sandrick le Mager, qui analyse de manière très fine le déroulement des événements, et à échelle mondiale. Le troisième texte est une sélection de larges extraits du Rapport d’information n°673 du Sénat, où le programme d’installation du totalitarisme le plus délirant qui ait jamais été est avoué à chaque ligne (« si une « dictature » sauve des vies pendant qu’une « démocratie » pleure ses morts, il y a sans doute d’autres questions à se poser », genre. On appréciera l’usage des guillemets, qui détonnent comme deux lapsus). Vient ensuite un savoureux Florilège de citations de collabintellos du crétinisme covidien, d’Onfray à Badiou en passant par Gulcksmann, Einthoven et bien d’autres. Enfin, un court texte de Julien Battisti contre le livre électronique, beaucoup moins hors sujet qu’il n’y paraît à première vue, comme on va très vite le comprendre.

J’ai choisi de me concentrer sur le joyau de ce numéro, Notes sur l’annulation en cours, signé par le principal animateur de la revue, François Meyronnis. Meyronnis est un auteur rare, discret, auteur d’une poignée d’essais, dont un prophétique De l’extermination considérée comme un des beaux-arts en 2007 (Gallimard, « L’infini », 2007), est de quelques romans, dont tout récemment un magnifique Le messie (Exils, 2021), dont je parlerai ailleurs. Le texte s’intitule donc : Notes sur l’annulation en cours, et commence comme suit : « Je le dis depuis longtemps, et mes contemporains se tapotaient la tempe avec l’index, ou du moins refusaient-ils de prendre au sérieux le message. Mon propos était simple, pourtant, et d’une flagrance toujours plus obscène : la fin du monde a eu lieu. Elle a déjà eu lieu. » Meyronnis date de 1914 ce début de la fin du monde, d’un processus d’autoanéantissement qui, malgré les nombreux signes d’alerte rouge surgis depuis, semble ne jamais ralentir, et au contraire aller d’accélération en accélération (de pseudo théoriciens universitaires, « de gauche » comme il se doit, s’étaient crus originaux, il y a quelques années, en se fendant d’un Manifeste accélérationniste pour soutenir que, somme toute, l’accélération technologique toujours plus intense devait être poussée jusqu’au bout, comme on appuie sur la pédale d’une voiture sans volant).

Meyronnis évoque, au sortir de la « der des der », un intellectuel viennois aussi crucial que méconnu du grand public, Karl Kraus, et qui écrit une pièce de théâtre à ce sujet. « Rien que son titre proclamait une vérité terrible, encore valable aujourd’hui — Les derniers jours de l’humanité. Évidemment seule une poignée de séditieux de l’intelligence eurent les oreilles pour saisir la portée d’une telle parole visionnaire; parmi eux, Ludwig Wittgenstein, Walter Benjamin [tiens tiens, NDMBK] et Elias Canetti », Basquin citant souvent ce dernier dans L’histoire splendide.

Vient à nouveau sur la table la question centrale de toute cette affaire, celle qui hante décidément l’ensemble de mon travail philosophique : celle du Mal. Or, voici ce qu’écrit Meyronnis : « À considérer l’histoire mondiale du siècle précédent, une évidence s’impose — il est arrivé quelque chose au Mal. Cela s’est traduit par une mise hors de ses gonds du néfaste, dont l’étrange lumière nimbe dorénavant notre époque terminale; une lumière laiteuse et morbide, qui tire sa radiation de ce double foyer : Auschwitz et Hiroshima. »

La phrase de Meyronnis est lente, aristocratique, précise; elle frappe à chaque fois dans le mille. Et Meyronnis, en commençant son texte par l’évocation des atrocités du vingtième siècle, que nous sommes en passe de surpasser haut la main et de tous les côtés, nous amènent, sous couvert d’une « crise sanitaire » montée de toutes pièces, à rien de moins qu’à un gigantesque camp de concentration numérique. « Qu’on en prenne conscience ou pas, nous voilà devenus les têtes de bétail de la cybernétique. Avec la force de l’éclair, l’instant spectral des réseaux nous expulse du présent, nous privant du passé aussi bien que de l’avenir. (…) En effet, comment serions-nous assez redoutablement vivants pour contrecarrer cet énorme escamotage? Lequel va de pair avec le raccordement de tous les lieux de la planète; et avec l’hégémonie de la sans-distance qui s’ensuit, rivant nos corps à une possible annihilation. »

C’est sur cette toile de fond, nous dit Meyronnis, qu’il faut comprendre la soi-disant « pandémie », comme son imprescriptible condition de possibilité. Sans la toile d’araignée cybernétique numérique prenant presque toutes les mouches anthropologiques dans ses fils, pas de « pandémie » du tout (on connaît le fameux slogan des manifestations : « les médias sont le virus »). « Alors que le virus couronné commençait à nous détremper la cervelle, on ne se doutait pas que cet ennemi de l’homme régnerait bientôt du pôle boréal au pôle austral, en passant par tous les méridiens; ni qu’on allait lui rendre un culte à l’instar d’un dieu païen, tel un vaudou omniprésent et fuligineux. » Benjamin…

Meyronnis bat alors le rappel des mesures : confinement, distanciation, fermeture de presque tout, masques, et, pour couronner le grotesque psychiatrique, « chaque Français [devait] se signer à lui-même une autorisation circonstanciée pour sortir de chez lui, sous peine d’amende; et pire, en cas de récidive. Le ridicule absolu de cette dernière mesure, son caractère avilissant, ne provoqua aucun soulèvement, pas même un hourvari de protestations : tout juste s’exposa-t-elle aux brocards d’une poignée de récalcitrants (…). Mais loin de tempérer la servilité des conformistes, de tels sarcasmes furent accueillis avec la plus grande dureté par les relais du pouvoir; comme si les ironistes mettaient en péril, avec leur légèreté, la précieuse santé du troupeau humain. »

Meyronnis voit parfaitement comme, sous couvert d’une inepte « guerre contre le virus », lors même qu’il est « remarquablement peu létal », nous aurons assisté, hébétés, à un glissement tectonique de paradigme civilisationnel. Témoin : l’interdiction, pendant quelques mois, des rites funéraires, l’un des sceaux les plus sacrés, depuis les néandertaliens, de ce qu’est un être humain. « Pourvu qu’on le supposât porteur du virus, le cadavre ne faisait le plus souvent l’objet d’aucunes funérailles : on traitait, ni plus ni moins, la dépouille comme un déchet. » Pour appuyer ce basculement civilisationnel majeur, le « gouvernement s’est (…) mis à mentir chaque jour avec frénésie, épaulé dans cette entreprise par la pègre volubile des médiatistes. On tournait des écrous dans nos têtes, et la fabrique du mensonge marchait à plein régime. »

« Les tourneurs d’écrou commencèrent par expliquer à chaque Terrien qu’il était à découvert, exposé au virus couronné, donc sous le coup d’une menace de mort. »

Évoquant une perspicace expression d’Huxley — le « conditionnement néo-pavlovien » -, Meyronnis entre dans le détail de quelques-unes des techniques de ce conditionnement, comme le nudge : « Ne tombant pas dans les défauts d’une

propagande ordinaire, il instille dans nos esprits des liens, dicte des réponses, suscite des idées et des images que nous n’avons pas formées. » Et Meyronnis en vient très vite à la finalité qui était, dès le départ, celle de cette gigantesque mise en scène, et de ce conditionnement : les « vaccins », « confectionnés à la va-vite ». Comme le dit à peu près Reiner Fuellmich : si vous croyez que les « vaccins » ont été créés pour le virus, vous restez dans le brouillard insensé de la narration officielle. Si vous comprenez que c’est le virus qui a été créé pour les « vaccins », tout fait soudain sens, tout devient cohérent.

Il s’agit donc bien de l’installation de ce que Meyronnis, empruntant le terme à Agamben (cité plusieurs fois dans le texte), appelle un Dispositif. Après l’instauration du pass sanitaire, le dessein poursuivi se précise, est tout près de s’avouer : « Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en désole, le sésame électronique s’imposait comme le porche de toute vie sociale. À moins de l’avoir, aucun accès à une existence normalisée. » Les « non-vaccinés » devinrent des parias, la lie de la Cité; et le « président Macron avait fini par proclamer, avec son aplomb habituel, qu’un esprit éclairé ne pouvait que lui dénier le titre de « citoyen » ». Le tout, avec le docte assentiment de nos « élites » intellectuelles (pour de rien ne dire des médias), jamais avares en sermons frappés au sceau de leur belle âme, de leur appartenance au camp du Bien, et de la veille perpétuelle au « plus jamais ça ». Avalisant par là, et en toute bonne conscience, le régime politique le plus abject à avoir régné en France depuis Vichy. De même, dans les autres pays francophones (salut aux amis belges).

« Prérogative du Dispositif : il se tient de tous les côtés à la fois. Indissociable de l’avènement du numérique, il est toujours fluide, n’occupe aucune position déterminée (…) », mais est la création de « fortes oligarchies globalisées, et celles-ci le servent, tout en se servant elles-mêmes. Ainsi, faute de commandement général, a‑t-il au moins des états-majors, connectés entre eux et efficaces. Dans le professeur Schwab, président du forum de Davos, on reconnaît ordinairement l’un des principaux syndicateurs des oligarchies planétaires. Or cet Allemand de pouvoir a publié, dès 2020, un rapport sur la crise sanitaire avec un comparse français, sous-titré dans la langue du comparse — La Grande Réinitialisation. »

La suite, on la connaît : la « pandémie » hologrammatique représente un tournant, un basculement civilisationnel inouï. « Repartir de zéro, tel est l’ordre du jour. (…) Beaucoup de choses persisteront de notre ancienne vie; seulement, au loin, selon une « nouvelle obsession de la propreté ». Certes, on échangera toujours avec des humains amis, collègues — mais par l’entremise d’un portable ou d’une console. Selon nos guides, et ils ont raison, l’emprise algorithmique s’élargira. (…) On aura peur les uns des autres : on nous repaîtra de cette peur. On portera des bracelets biométriques. On sera toujours plus grégaire, mais on se gardera des rapprochements. (…) Comme l’annonçait Bill Gates, le grand oligarque, on entrera dans l’âge de la « substitution logicielle ». »

Après un nouveau récapitulé des séismes du vingtième siècle et au-delà (les deux guerres mondiales, la guerre froide, l’effondrement du mur de Berlin, le démantèlement de l’URSS, le World Trade Center, la crise des subprimes), Meyronnis serre d’encore plus près la vraie nature du coup d’État mondial de mars 2020. « Grâce à Sa Majesté le virus, le Dispositif, implacablement, organisait son espace de jeu à nouveaux frais. Rien d’autre ne compte dans ce qui arrive, tandis que les placiers en quatrième main de l’opinion, nous étouffant dans la layette de nos lâchetés, mettent l’accent sur le seul aspect sanitaire. Or celui-ci n’a qu’une incidence minuscule comparée à ce qui se passe en effet autour de nous, et qui ne cesse de prendre de l’ampleur. »

Meyronnis enchaîne en évoquant une déclaration d’Elon Musk, en même temps que le début de la « crise sanitaire », où l’on apprend que « le langage, selon le milliardaire américain, n’en avait plus que pour cinq à dix ans, au maximum », ce que relaye allégrement notre Laurent Alexandre national, le chantre officiel des dix doses pour tous. Or, tel fut bien le combat de Ligne de risque pendant vingt-cinq ans, qui l’a fait sortir du lot éditorial courant : un combat pour le dévoilement de la vérité par le langage. Combat non seulement esthétique et littéraire, donc; mais politique et philosophique. Or, pour la seule France, c’est de longue date que le langage est mis à mal, quatre décennies au moins; que l’installation définitive du Spectacle s’est accompagnée d’une marchandisation de la littérature, et donc d’une paupérisation de la langue, du style, de la sémantique; dans un pays qui compte historiquement plus d’écrivains et de poètes majeurs qu’aucun autre, et qui avait donc plus à perdre qu’un autre dans cette pénurie linguistique organisée. Le Spectacle n’en a que pour son propre langage binaire, stéréotypé, qui veut encore faire se passer pour de la « démocratie »; alors que les deux années et demie qui viennent de s’écouler ont démontré que nous n’étions plus libres de rien, sous peine d’anathème : ni de penser, ni de questionner, ni de parler dans une langue qui nous soit propre.

Le programme du quatrième Reich transhumaniste s’épelle donc comme suit : « la démultiplication indéfinie de la puissance de calcul des ordinateurs entraîne le besoin impérieux de « fusionner » le cerveau avec les nouvelles architectures numériques. Il s’agit d’  »augmenter nos capacités en truffant neurones et synapses de composants électroniques. (…) D’où la proposition, affolante autant que niaise, de Musk : engloutir, avec le monde, la parole qui le porte. Soyons honnêtes : cela ne gêne que moyennement le petit-bourgeois réticulé. Du langage, il se fait une conception tellement indigente et minable qu’il bronche à peine quand un milliardaire cybernéticien lui annonce sa fin avec le toupet d’un représentant de commerce. » Aussi, si « la parole se résume à l’usage quelle moyenne, pourquoi ne pas se débarrasser de cet outil, si l’implant Neuralink donne de meilleurs résultats? » Aux yeux d’un transhumaniste — qui fera passer, dans quelques années ou décennies, l’appellation « nazi » presque pour un compliment -, « traverser la parole et être traversé par elle, rien de plus superflu. Avec fougue, il choisit cette autre option : traverser le Dispositif et être traversé par lui. »

Le dessein secret de la fausse « pandémie » se montre alors sous une lumière aveuglante; et Meyronnis, en abyme, de réaliser un tour de force performatif avec ce texte à la prose d’orfèvre, et à la pensée étincelante de lucidité : à faire advenir, à point nommé, la vérité par la parole. Puisqu’à l’évidence, la « pandémie », planifiée depuis des décennies par les « propriétaires du monde » (Debord), est une attaque sous faux drapeaux, un cheval de Troie communicationnel, qui n’aura visé qu’à aplanir le terrain pour « l’aménagement, étape par étape, de cette biocratie cybernétique prônée par les maîtres de la terre ». C’est un peu « Zorglub à l’OMS ».

« Un autre rapprochement donne à la prétendue « crise sanitaire » l’éclairage qui permet d’en saisir, l’espace d’un instant, les véritables contours : on avait cherché à les estomper sous les dehors d’un problème de santé publique, et voilà qu’ils se manifestent brusquement avec leurs bords déchiquetés, méandreux cependant, plein de coudes et de zigzags. En effet, les contours sont ceux d’un crime parfait (…). Il ne s’agit de rien d’autre que de parachever le remodelage du monde depuis le virtuel d’engouffrer ce qui persiste néanmoins d’attesté et d’observable, mais aussi de vivant! »

La suite du programme? Zuckerberg (qui consonne avec « Zorglub ») nous l’annonce un certain 28 octobre 2021 : l’avenir sera Meta ou ne sera pas. Le « Métavers » parachève l’installation de l’humanité dans les paradis artificiels du numérique et du virtuel : pour paraphraser Debord, quand le « Métaverse » aura été branché sur tous les “cerveaux disponibles”, tout ce qui était directement vécu se sera définitivement éloigné dans une représentation. « Le Métavers est un monde parallèle en 3D, auquel nous donne accès un visiocasque. Ce que nous y découvrons ressemble à une expérience immersive, où chaque élément de notre réalité sensorielle se trouve simulé. (…) Un programme informatique élaborera artificiellement ce pseudomonde virtualisé, où des milliards de dindons, farauds de leur duperie, pourront interagir en direct, empaumés à chaque seconde par cette mystification qui les fera vivre dans une réalité ayant pour seule consistance les algorithmes (…). Un détail encore — Meta, le nom de la holding de Zuckerberg, désigne assurément son objet : le Métavers. Mais ce mot, en hébreu, a un sens qui n’est pas anodin si l’on songe à la Terre du Milieu. En effet, il veut dire : la « Morte ». »

Apocalypse signifie étymologiquement : dévoilement, à point à nouveau nommé. Et qu’ont fait les « écrivains, les artistes, les intellectuels » en assistant à cette apocalypse littérale, à ce dévoilement de vérité sans précédent dans toute notre Histoire? Ils se sont empressés de se couvrir de ridicule et de déshonneur, en avalant cul sec la fable de la « pandémie », et en avalisant les « mesures » en aboyant à qui mieux mieux avec la meute médiatique (ou « médiatiste », comme Meyronnis aime à l’écrire). A minima, ils « détournaient les regards; ils recevaient des prix, des décorations, pour récompenser leur châtrage; ils bavardaient, caquetaient, jabotaient, en général à propos de superfluités morfondantes. (…) Tels des autruchons, ils se cachaient la tête, et se la cachent encore; parce qu’ils n’ont absolument pas les réceptacles pour accueillir l’événement qui marche sur eux, comme sur l’ensemble des êtres parlants, avec une rapidité toujours croissante. » Le foutriquet préoedipien qui nous tient lieu, en France, de président (marié, comme chacun sait, à une tortue ninja zombie), les a pourtant prévenus : “La bête de l’événement est là.”

La solution? Pour commencer, « ne pas perdre tout aplomb devant des mots fallacieux et empoisonnés, des mots tels que « complotisme » et « conspirationnisme »; car ils ne servent qu’à en imposer aux têtes de linotte. » Ce qui me fait songer à un autre mot de Debord, dans cet immense livre de dévoilement qu’est Commentaires sur la société du Spectacle (op. cité), paru il y a déjà 34 ans, et pourtant c’est comme si c’était hier : « Le complot est devenu si dense qu’il s’étale quasi au grand jour. » Le « complotiste », c’est celui qui a le malheur d’avoir conservé l’une des choses les plus précieuses de l’existence, son âme d’enfant; et de pointer, comme l’enfant de la fable, lors même que les adultes ne mouftent pas, que le Roi est nu comme un ver, et le complot contre l’humanité, parfaitement transparent.

André Bercoff m’avait interrogé, dans son émission, sur le fait que, dans mon Colaricocovirus (op.cité), j’écrivisse que « Hitler ou Pol Pot, ce sont des scouts à côté de Klaus Schwab ou Bill Gates. » Je passe donc la main à Meyronnis, c’est télépathique (cette télépathie des styles, qu’aucune Intelligence artificielle n’arrivera jamais à coordonner) : « On s’éloigne des Staline, des Hitler, des Mao; apparaissent maintenant des monstres comme Bill Gates, Jeff Bezos, Elon Musk, Mark Zuckerberg, pour citer les plus redoutables chefs de file de la Silicon Valley. » Meyronnis répond ensuite à l’argument qu’avec ces derniers, les « Zorglub » 1, 2, 3, 4… de la Silicone Valley, nous n’avons quand même pas affaire aux dictateurs fous évoqués plus haut : « On dira peut-être : ils sont beaucoup moins sanglants que leurs devanciers. (…) leur influence s’accompagne rarement d’un déchaînement de brutalité; tout n’est pas assassinats, tortures et sévices dans leur élévation. » Certes. Mais en un sens, c’est bien pire : Hitler ou Staline (Mao, je l’ai montré, c’est différent) ne dissimulaient pas, ou si peu, où ils voulaient en venir; ils avançaient à visage découvert, disaient ce qu’ils faisaient et faisaient ce qu’ils disaient, et croyaient réellement bien faire. Avec nos « Zorglub », rien de tel : tout est enveloppé dans une rhétorique de la bienveillance et de l’intérêt public (en particulier, bien entendu, « sanitaire »), et même de la philanthropie. Comme le dit avec mordant un commentateur : dire que Bill Gates est un philanthrope, c’est comme dire que Jack l’Éventreur est un amateur d’anatomie. C’est pourquoi j’avais rétorqué à Bercoff : « C’est pour ça que Colaricocovirus est sous-titré : D’un génocide non conventionnel. À savoir qu’on n’utilise plus des mitrailleuses, des chambres à gaz, ou des machettes comme au Rwanda; mais des confinements, des masques et des injections. » C’est non seulement beaucoup plus efficace, mais beaucoup plus ravageur : les confinements ont mis à genoux notre économie, plongé des centaines de millions de gens de par le monde dans la misère, traumatisé les enfants et les adolescents des couches les plus pauvres de la population. Les masques, itou : ils ont abêti et martyrisé nos ados et surtout nos gosses, tout en leur fourrant dans le cerveau que, pour la première fois de l’histoire de toutes les Civilisations et de toutes les Cultures sans une seule exception, ce n’étaient plus leurs aînés qui étaient responsables d’eux, mais eux de leurs aînés; et que s’ils devaient mourir de culpabilité pour ça, eh bien qu’il en fût ainsi. Enfin, les injections expérimentales, faisant de la Terre un Laboratoire à ciel ouvert, ont provoqué une avalanche d’effets indésirables souvent atroces; l’ampleur des dégâts ne fait donc pas que soutenir la comparaison avec les abominations du vingtième siècle : on s’apercevra qu’elle les aura dépassées, quand les comptes seront à peu près faits. D’où le qualificatif de « génocide non conventionnel », comme on dit « guerre non conventionnelle » : et comme l’ampleur de tout ce qui se sera passé en le minuscule tournemain de deux ans et demi saute aux yeux d’une partie de plus en plus large de la population, rien de mieux que de déclarer une bonne vieille guerre conventionnelle (à l’escalade nucléaire près, encore qu’il y ait le précédent d’Hiroshima), pour étouffer, autant que se faire se pourra, le plus grand scandale humanitaire de tous les temps, par un holocauste encore plus grand. Comme le dit la grande Véra Sharav : « Le « plus jamais ça », c’est maintenant. »

Le mot de la fin, c’est bien le moins, à Meyronnis : « De cette « crise », on retiendra un jour qu’elle fut le moment psychologique de la virtualisation; et que ce processus ne tend lui-même qu’à une annulation des êtres et des choses, prenant d’ailleurs l’apparence d’une structure en palier. Que serait cette devise, en effet, sinon une injonction à tout enlever, à tout supprimer; et à le faire graduellement, étape par étape. Avec froideur et méthode. Mais aussi avec une rage décuplée par sa propre violence. »

Résumons-nous : texte magistral. D’une magistralité dont nos caciques universitaires sont devenus, dans leur quasi-totalité, incapables, si l’on excepte Agamben, Esfled, Weber et quelques autres moutons noirs égarés.

Ajoutons pour finir qu’à ceux qui, du fait que je sois lié de près ou de loin à tous les auteurs ici cités, m’accuseraient dès lors de copinage et de renvoi d’ascenseur (Basquin a consacré un article magnifique à mon Colaricocovirus (op.cité), facilement accessible sur la toile), j’opposerai simplement qu’en temps de guerre totale contre les peuples, ce n’est pas simplement un luxe inestimable que d’avoir de tels camarades intellectuels de tranchée : il y va, tout simplement, désormais de survie. C’est pourquoi, à la lumière des événements des deux dernières années et demie, la phrase de Spinoza m’appert avoir été, au futur antérieur, la plus importante de toute l’histoire de la philosophie : « Seuls les hommes libres sont très reconnaissants les uns envers les autres. » Je la dédie à tous les artistes résistants, qui constituent aujourd’hui, comme aurait dit Deleuze, non pas une contraignante « école », mais un mouvement; et assurément le plus important, de très loin, de ce début du vingt-et-unième siècle. Comme les avant-gardes artistiques dominèrent le début du vingtième siècle, et à peu près pour les mêmes raisons : elles furent une protestation enragée contre la civilisation qui avait accouché de la boucherie de la Première Guerre mondiale. Il y a toute une « culture conspi » qui est en train de se constituer, avec ses films cultes, ses musiques, ses arts, ses jeux (si si, par exemple un jeu hilarant et génial vient de sortir, État d’urgence, créé par Mickaël Dion et Jérémy Ferrari, dont je parlerai bientôt dans Kairos) et, bien sûr, ses grands livres. Bon appétit.

Mehdi Belhaj Kacem

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Quand les chiens de garde du journalisme se la jouaient« alternatifs »

Nous n’avons jamais considéré utile de porter la critique sur des médias qui semblaient plus proches de nous que ceux communément appelés « mainstream ». Si nous nous refusions de les nommer explicitement et d’aborder de façon critique leur ligne éditoriale, nous ne nous étions toutefois pas empêchés dans certaines de nos analyses de situer cette presse dite « alternative », « indépendante » ou encore « inclusive ». C’est le moment de faire le point. 

Si des publications dites alternatives, ou encore « slow press », qui commentent le monde, font un travail journalistique parfois intéressant, il demeure quelque chose de contradictoire, même insoluble dans l’idée même de faire autre chose: comment en effet coexister pacifiquement à côté de la presse de masse sans en faire la critique? Comment travailler à la fois dans l’une et dans l’autre, sans vivre de dissonance[note], mais aussi sans être dérangé par les médias dominants qui contribuent à une partie de leur revenu ? 

L’explication n’est pas compliquée. La coexistence est tout à fait sereine parce que cette presse alternative ne vient pas s’opposer à la presse de masse, mais s’inscrit dans sa continuité. Pas d’étonnement dès lors qu’elle soit invitée sur les plateaux de La Première la veille de la publication d’un nouveau numéro ou que les réseaux médiatiques, de façon générale, leur soient ouverts. Le prix à payer est le silence sur un certain nombre de thèmes, avec une omerta obligée et tacite sur celui qu’ils ne peuvent aborder sous peine d’anathème et de licenciement: la critique des médias[note]. 

La presse alternative se révèle ainsi un fourre-tout commode, surtout pour ceux qui veulent surfer sur la vague et s’ériger en nouveau trublion. En manque d’une certaine forme d’action, coincé dans une rédaction à la botte du pouvoir, le sujet s’embête, mais peut aussi se sentir visé par la critique de plus en plus grande des médias mainstream. En somme, il faut trouver un remède. Quoi de mieux alors que pour se refaire une santé et supporter encore les médias dominants qui nous emploient que de se lancer dans l’« alternative press ». Yes! Traiter les scandales, investiguer, fouiner dans le monde politique et se faire des relais (qui sait, il y aura peut-être un engagement futur à la clé), c’est en effet grisant. La machine à scandale médiatique bien rodée, on peut ainsi profiter à la fois du beurre et de l’argent du beurre: on produit d’un côté de l’info formatée, de l’autre on feint de s’en écarter en dénonçant ; d’un côté on accepte la censure, sereinement, sachant évidemment qu’on ne peut pas tout dire, de l’autre on plane sur le nuage de la dissidence, prêt à démonter toutes les cabales, malversations et trafics en tous genres qui ne manqueront pas de venir, encore et encore. 

Le problème, c’est que de l’un et l’autre côté, on bafoue joyeusement ce qui est au fondement de la liberté de la presse et du travail du journaliste : « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité » (Charte de Munich). En faire un véritable quatrième pouvoir, et donc analyser, décrire, dénoncer le fonctionnement des structures de domination, dont les médias de masse font partie. Mais difficile quand on va au Gala de l’Association des journalistes professionnels avec tout le gratin du journalisme installé, de tenir après un comité de rédaction où l’on critique ceux qui viennent de nous nourrir et de nous abreuver de petits fours et de champagne. 

La réaction à la censure dont Kairos est l’objet joue comme révélateur du véritable visage de ceux qui se disaient différents, mettant en lumière que ce n’est qu’un masque dont ils se paraient et qu’ils sont en fait les mêmes. En général, ils prirent position en restant silencieux, même quand on leur demandait explicitement de réagir[note]. Ce n’est qu’au détour d’un courrier d’indignation d’un de nos lecteurs adressé au journal dit alternatif, que la réponse de ce dernier identique à une speakerine de RTL ou un éditorialiste du Soir ou de La Libre -, qu’il nous a transmise, révélait explicitement de quel côté il penche : celui du pouvoir, de la continuité, qui assure la « carrière » : 

Nous avons été empêchés pendant 9 mois d’entrer en conférence de presse après la « question biaisée politiquement » posée à la première ministre[note]. Ensuite, à l’aide d’une avocate et avec persévérance, nous avons pu y revenir le 27 novembre 2020. Ce jour-là, la régie du gouvernement coupera ma question en plein direct. Depuis, ma carte de presse m’a été retirée, les subsides également, suite à une nouvelle condition décidée arbitrairement par la ministre Linard. Déclarer que se plaindre et dénoncer cette situation relève de la victimisation et du complotisme, révèle le rôle véritable de ces nouveaux médias: feindre la différence en jouant l’impertinence, tout en acceptant parfaitement les règles du jeu d’un système dont ils veulent s’assurer qu’il les fasse exister. En somme, des chiens de garde qui voudraient se voir en lanceurs d’alerte. 

Alexandre Penasse 

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Cordon sanitaire et strangulation

« Si les sociétés démocratiques aujourd’hui (ou ce qu’il en reste) ne sont pas tant menacées par le caractère totalisant de la contrainte idéologique que par le risque d’une indifférenciation généralisée des croyances, des pratiques et des expériences, reste que le “monde” fictif qui se dessine avec l’émergence de la post-vérité travaille à la ruine de la faculté de juger, cette faculté qui nous permet à la fois de différencier et d’organiser le réel et de configurer le “commun” en partageant nos expériences sensibles. »[note]Myriam Revault d’Allonnes 

Une particularité de la politique belge — au départ flamande — est d’avoir inventé la notion de cordon sanitaire, comme une prémonition, avant même toute survenue d’une épidémie ! Il s’agissait, au moyen de cet accord sans force de loi, de se prémunir contre la « peste brune » dont la percée électorale, à partir de 1989, menaçait de rompre les équilibres politiques acquis[note]. Elle se décline en deux volets : politique et médiatique. Nous ne développerons pas le premier dans cet article ; bien qu’il soit l’objet de critiques parfois fondées, il serait difficile de le délégitimer, et il ressortit de la liberté de s’allier, ou non, avec d’autres groupes politiques. Nous nous concentrerons par contre sur le deuxième, plus discutable dans son principe : les médias du service publics sont incités à boycotter tout délégué d’un parti extrémiste — dans les faits, la droite — tant que ledit parti n’a pas de représentation parlementaire — ce qui est le cas en Wallonie, contrairement à la Flandre. Pour ses défenseurs, c’est justement grâce au cordon sanitaire que la région a pu jusqu’à présent éviter des séismes électoraux comme le nord en a vécu. Pour ses détracteurs, le cordon sanitaire est contre-productif car il maintient l’extrême droite dans une position victimaire, ce qui augmente son capital de sympathie auprès de certains. À la RTBF, on ne voit jamais de « fachos », mais, depuis les années 2010, la chaîne a fini par inviter le PTB au vu de ses succès électoraux, non sans malice d’ailleurs, mettant ses représentants sur le grill à chaque occasion. Alors qu’il était le porte-parole du parti, Raoul Hedebouw en a fait les frais, surtout au début, comme aucun autre représentant politique[note]. Du service public, le concept s’est subrepticement étendu aux autres médias. Ainsi, il fut reproché à notre confrère Wilfried d’avoir interviewé Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang, en 2020. 

Quels sont les rapports entre le cordon sanitaire et la censure ? Un média réellement libre ne peut tolérer la censure de l’État qu’à doses homéopathiques et dans des limites strictement définies, histoire d’éviter le fait du prince. Il doit d’abord respecter la loi[note] : ne pas relayer les appels à la haine, les propos racistes, antisémites ou pro-nazis[note]. Ces précautions étant prises, le boulevard est ouvert à la circulation des idées. Si le cordon sanitaire peut se justifier en politique, il ne devrait pas être d’application dans le débat idéologique[note]. Selon Jürgen Habermas, la démocratie suppose l’agir communicationnel et l’éthique de la discussion. Mais le vieux philosophe allemand, né en 1929, appartient à l’ancien monde de la modernité, celui où les idéologies s’entrechoquaient mais ne cessaient pas pour autant de dialoguer[note]. Un penseur aussi poussiéreux n’a plus la cote auprès de nos actuels moralistes qui rétablissent la censure avec entrain et prêchent l’intolérance face aux opinions divergentes. Deux lecteurs suisses nous ont récemment admonestés pour avoir offert une tribune (n° 55) à Piero San Giorgio, « homme d’affaires et militariste sulfureux, aux idées nauséabondes, qui a fait fortune grâce au système techno-capitaliste et qui a pu se payer un chalet (sa « BAD ») pour ensuite critiquer ce même système pour mieux vendre ses conseils et bouquins survivalistes. Un personnage qui, de surcroît, avait des sympathies pour les régimes autoritaires et affichait ouvertement son mépris de classe ou son darwinisme social sur le web », selon leurs termes. San Giorgio était interviewé sur le thème spécifique de la décroissance, ce qui constitue déjà une première balise, et les quatre autres ci-dessus ont été évidemment respectées, à commencer par l’interviewé. Rien de sulfureux, donc. À partir de là, que chacun se fasse son opinion, notamment sur base de ce que San Giorgio a déclaré dans d’autres interviews sur la Toile (auquel nos lecteurs suisses font allusion). 

Les médias doivent-ils avoir une vocation « pédagogique », comme on l’entend souvent ? Autrement dit, doivent-ils éduquer leurs lecteurs, en les voyant comme des arriérés ou des enfants ? Ou bien les considérer comme des adultes libres et responsables ? Monique Canto-Sperber indique que « la censure est toujours pire que le mal causé par la parole et, quand elle est nécessaire, elle doit être minimale, justifiée et circonstanciée[note] ». On se souviendra aussi du raid dont ont été victimes notre confrère La Décroissance à Bure à l’été 2019, mené par une bande d’activistes woke, qui ont agressé leur stand à trois reprises, volant et brûlant leurs journaux ! Un autodafé de nos jours en république française, voilà à quoi peut mener la rage de censurer. 

Là où nos postmodernes moralistes se rattachent à une bribe de modernité, c’est quand ils visent une aussi illusoire que dangereuse pureté idéologique. Les marxistes staliniens d’antan[note] et les militants woke actuels ont un point commun : il faut forcer le réel à coller à leur idéal respectif. Si cela ne marche pas rapidement, alors on rompt le dialogue, on tourne le dos à ses contradicteurs et on cherche éventuellement à leur nuire à distance (merci le Web !). De temps en temps, des lecteurs nous annoncent tout de go arrêter de nous lire, et des distributeurs, de nous distribuer, parce qu’un seul article leur a déplu, voire une seule phrase, un seul terme ou un seul nom ! Une librairie engagée bruxelloise n’a pas supporté qu’Alain Gaillard parle plutôt positivement de la thèse de Samuel Huntington[note], et que nous ayons cité Michel Onfray sans dire du mal de lui ! Et hop, nous ne vous distribuerons plus, fut la sentence[note]. Toujours cette pureté idéologique qui amène au refus de l’échange, à la tyrannie des opinions, au non-respect des faits et des évidences, à la certitude d’être dans le juste, le bien et le vrai, à l’esprit pointilleux à l’extrême, à l’intolérance portée à incandescence, à la haine larvée ou au mépris affiché… On est loin des conditions pour reconstruire un « nous » démocratique pourtant indispensable en ces temps tourmentés. Pouvons-nous au moins converger sur les constats ? Pour certains, c’est déjà une trop grosse concession faite aux réactionnaires, aux fascistes, aux « confusionnistes », aux « rouges-bruns ». Jadis, on faisait dire aux antifas hexagonaux : « Si Le Pen affirme que le ciel est bleu, eh bien rétorquons qu’il est blanc ! ». La lutte contre un adversaire politique exige-t-elle de faire fi du réel ? Le monde commun est par définition commun à tous, de la gauche à la droite. À partir de là, les choix éthiques et politiques des uns et des autres peuvent se déployer et s’opposer. 

Comme l’écrit le politologue Philippe Bénéton, « […] les hommes en désaccord doivent s’accorder sur des procédures qui leur permettent de vivre en commun dans le désaccord[note] ». Une de ces procédures est d’organiser les conditions concrètes de la liberté d’expression dans l’espace public. « On ne peut pas à la fois se dire démocrate et vouloir diaboliser et/ou interdire les courants qui vous font peur, même s’ils vous font peur pour de bonnes raisons[note] », précise la philosophe Chantal Delsol. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? Le débat est loin d’être clos… C’est sur un cordon (sanitaire) raide que nous devons apprendre à marcher, au risque de tomber. Puis de se relever. 

Bernard Legros 

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Articles

LA « LIBERTÉ » DE CHOISIR DE NE PAS CHOISIR

«L’emprise des élites sur les médias et la marginalisation des dissidents découlent si naturellement du fonctionnement même de ces filtres[note] que les gens de médias, qui travaillent bien souvent avec intégrité et bonne foi, peuvent se convaincre qu’ils choisissent et interprètent « objectivement » les informations sur la base de valeurs strictement professionnelles. Ils sont effectivement souvent objectifs, mais dans les limites que leur impose le fonctionnement de ces filtres ».  Noam Chomsky et Edward Herman, La fabrication du Consentement[note].

Suite à la carte blanche « Le journalisme citoyen n’existe pas »[note], nous avions donc proposé avec d’autres médias libres, une réponse au quotidien (voir p.10–11). Nous pensions avoir le droit de dénoncer ce qui était pour nous des raccourcis et reflétait les positions de l’intelligentsia, purs points de vue conformistes qui éludaient la réalité du journalisme libre et sa véritable raison d’être. 

LES « FACTEURS » DU REFUS 

Le courrier a été envoyé à la rédactrice du service «débats», le 6 octobre. Le 7, elle nous répondait: 

«Bonjour Monsieur, 

Merci pour votre proposition. Compte tenu de divers facteurs (dont ce qui a déjà été dit dans nos colonnes et ce qui est en préparation, pour notre rubrique et le reste du journal), nous ne pourrons pas publier votre texte. 

Excellente fin de semaine à vous, 

Monique Baus » 

La réponse arrive, celle qu’on attendait, mais que d’une manière paradoxale on n’attendait pas (ce qui doit aussi nous questionner sur le sens de nos interventions, sur ce que nous sommes et voulons vraiment[note]). Pas moyen à notre tour de nous exprimer, de répondre là où André Linard, ancien directeur de la CDJ, dispose de l’espace pour pourfendre en quelques lignes la raison de nos luttes. Notre droit de réponse, par un collectif de médias libres (Zin TV, Kairos, Krasniy, Radio Panik…) est, sans «explications», refusé. Bam! La sentence tombe. Pas de grands étonnements donc, bien que toujours une forme de sentiment d’injustice se mélangeant à une forme de surprise un peu feinte, un peu vraie… C’est en effet toujours tellement grand, fort, violent. 

Mais tout cela est aussi riche d’enseignement, démontrant à quel point les médias façonnent notre perception du monde et que, pour changer ce monde, il faudra abattre ce journalisme qui formate les esprits. 

L’APPEL À LA LIBRE, PAS SI LIBRE 

Je décide d’appeler Madame Baus, responsable du service « débats » à La Libre. 

« J’ai un certain nombre de cases à remplir avec un certain nombre de textes » Responsable « Service débats » de La Libre. 

- Kairos Allo, bonjour, Madame Baus? 

- Madame Baus — Oui. 

- Alexandre Penasse, rédacteur en chef du journal Kairos. Je viens d’apprendre le refus de la publication de la carte blanche et j’aurais aimé, si c’est possible, avoir une explication ? 

- Eh bien, l’explication était dans le mail : il y a un choix à faire, j’ai moins de place que de textes proposés et dans le choix… voilà! 

- Mais on peut vous proposer quelque chose de plus court pour la semaine prochaine. 

- Non, c’est pas une question de longueur, c’est vraiment une question de choix. Si vous voulez revenir la semaine prochaine, mais je ne vous garantis pas que… 

- Attendez, une question de… je comprends pas, il est… 

- De longueur… 

- Il est trop long? 

- Non pas du t… non. 

- Je ne comprends pas alors. 

- Non, c’est pas une question de longueur, c’est une question de choix, euh… j’ai, j’ai un certain nombre de cases à remplir avec un certain nombre de textes: j’ai plus de textes que de cases, et voilà y’a certains textes qui ne passent pas, et voilà celui-là on a décidé que… 

- Ça n’a rien à voir avec le fond de l’article, je suis sûr… 

- Sans doute… 

- «Sans doute» quoi, que ça n’a rien à voir? 

- Oui. 

- Le texte ne vous dérange pas du tout ? 

- Mais vous voulez… j’entends bien ce que vous dites, mais ça ne sert à rien de faire des insinuations comme ça par téléphone. C’est pas ça qui fera passer le texte, vous comprenez. 

- Ce ne sont pas des insinuations, mais je me dis que c’est quand même un peu ça le problème. De toute façon on va diffuser tout azimut votre refus, c’est évident. 

« Cette concentration des médias entre les mains de ceux qui déjà concentrent les richesses est-elle aussi dépourvue de conséquences pour l’information qu’on le dit ?» S. Halimi, p.56 

- Mais ce n’est pas un refus! C’est qu’on ne peut pas tout publier dans un journal où il y a… on reçoit quarante textes… 

- Vous me dites alors « écoutez, ça ne va pas pour vendredi, lundi ou mardi, mais on vous le publiera un autre jour, ça reste d’actualité… », mais ne me dites pas que… 

- Non, non, ah non, non, non, ça ne reste pas d’actualité puisque c’est une réaction à quelque chose qui a été écrit la semaine précédente, et donc non ça ne reste pas d’actualité (sic). Ça n’est pas vrai. 

- Mais le sujet est quand même… la carte blanche de Linard, elle est sur votre site, la personne peut très bien retrouver ça et la plupart des gens qui vont voir notre réponse iront revoir la carte blanche d’origine. Je ne comprends pas. 

- Ben, écoutez, moi voilà, je n’ai pas autre chose à vous dire. Moi je m’occupe des pages papiers, donc je ne m’occupe pas du site. Ce qui est publié sur le site ou pas, ça n’est pas de mon ressort à moi. Et donc je vous dis, j’ai dix emplacements par semaine et je ne peux pas publier tout ce que je reçois. Il faut faire des choix. Il faut faire des choix chaque semaine et il faut épurer au fur et à mesure, je peux pas laisser gonfler la pile de textes que j’ai ici sur mon bureau pour en avoir après 150 en attente… 

- C’est vous qui décidez toute seule ? 

- Non, pas toute seule. 

- Donc c’est juste un problème technique ? 

- Allez (elle souffle), d’accord. Ben, oui, c’est juste un problème technique… 

« C’EST LA VRAIE VIE ÇA » 

Suite à cela, nous avons appelé Jean-François Dumont[note], secrétaire général adjoint de l’Association des Journalistes Professionnels (AJP), qui a été journaliste de presse écrite durant 26 ans, rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire Le Vif/L’Express, a enseigné le journalisme durant 20 ans à l’UCL et enseigne à l’IHECS (pour le master en Education aux médias) et à l’Université du Burundi. Il siège au Conseil de déontologie journalistique (CDJ) ainsi qu’au Conseil supérieur de l’Éducation aux médias (CSEM). Le personnage est donc bien ancré dans le milieu. 

A l’origine, on l’appelle pour le fameux Gala de l’AJP, celui où les pontes de la profession se retrouvent[note]. On veut aller voir ce qui s’y passe, ce qui s’y dit, quels sont les copains de ceux censés protéger la profession de journalistes, et qui rencontrent ces derniers et les étudiants lors de leur « tournée en Wallonie et à Bruxelles », dans les locaux d’IPM, Belga, Rossel, RTL-TVI[note]… 

La discussion avec Jean-François Dumont débute sur l’importance pour nous, chez Kairos, du journalisme libre, citoyen et de la difficulté, si pas l’impossibilité, d’en vivre. Les dissonances, contradictions, sont riches d’intérêt ; la manière également dont il se représente et présente, à l’exemple d’André Linard, le journalisme alternatif : sorte d’organisation à la marge des médias mainstream qui fournirait à la presse de masse quelques contenus et l’influencerait parfois un peu par une petite piqûre de rappel mais pas trop profonde, douce et toujours en superficie, sans jamais, oh non jamais, remettre en question l’industrie médiatique et les grosses fortunes qui les possèdent: «c’est la vraie vie ça. Même si on peut le déplorer»… 

Jean-François Dumont : (…) Il y a des choses qui s’assouplissent un tout petit peu, mais c’est vrai qu’on en n’est pas encore à dire qu’un bénévole peut être reconnu comme un professionnel, c’est aussi un sacré message que l’on enverrait aux employeurs en leur disant « Vous savez, c’est pas grave, si vous payez pas vos gens, ils seront quand même reconnus chez nous comme journalistes. » (…) Nous, on ne veut pas non plus habituer ou passer le message que le journalisme est une activité qui ne se paie pas nécessairement. C’est une profession, c’est un métier, ça se rémunère. 

- Kairos: oui, mais justement, quand on fait une presse alternative, libre, dissidente, la réalité est qu’on ne sait quasiment pas se payer (…) 

- On ne veut pas dévaloriser, démonétiser la valeur d’une prestation professionnelle (…) 

- Encore une chose : quel est le pire, faire du travail bénévole sans toucher de l’argent de la publicité ou être payé par la publicité ? 

- Oulaaa… qu’est-ce que ça sous-entend ? Vous voulez dire que si l’entreprise de presse est payée par la publicité, les journalistes sont des vendus aux annonceurs, c’est ça que vous suggérez ? On va faire un colloque un jour là-dessus si vous voulez (rire) 

- On fait un colloque quand vous voulez… Accardo, Chomsky, Halimi ont écrit beaucoup de choses là-dessus déjà. 

- Oui, je sais, mais on va pas rester dans le fantasme non plus à ce niveau-là ; même s’il y a des liens parfois sulfureux entre l’information et la publicité, on est pas du tout… je ne sais pas si vous avez déjà travaillé dans une vraie rédaction ? 

- Non, mais on peut vous envoyer des stagiaires dans des vraies rédactions. Je travaille dans une vraie rédaction, c’est celle de notre journal. 

- Je dis « vraie rédaction » d’une presse qui vit notamment de la publicité. Moi j’ai 26 ans de présence dans ces rédactions-là, je ne savais jamais quel était l’annonceur qui était dans mes pages le lendemain. Et personne de mes collègues ne le savait. Et je n’avais pas de consignes pour dire « On ne dit pas du mal d’untel ou d’untel ». Mais y’a des exceptions, que je suis prêt à reconnaître et que j’ai vécues aussi. 

« Ce sont les préférences des publicitaires qui déterminent la prospérité, voire la survie même d’un média ». Chomsky et Edward, p.47 

- En tous cas, on remarque qu’il y a des choses qui ne sont pas traitées dans la presse, mais bon… 

- Mais bien sûr, bien sûr. 

- Et que Kairos n’est pas trop apprécié par la presse de masse qui ne nous relaie pas ; on ne cherche pas ça, puisque justement on existe parce qu’ils ne font pas leur boulot, mais on nous évite quand même grandement. 

- D’un autre côté, pour des gens de communication, vous êtes d’une discrétion surprenante. Moi, j’ai fait la connaissance de Kairos l’année passée au salon de Namur. 

- On n’est pas d’une discrétion surprenante, on n’a pas les réseaux des autres, c’est tout. 

- Est-ce que vous avez seulement envoyé un exemplaire de Kairos aux rédactions traditionnelles, pour qu’on vous lise, pour qu’on vous reprenne, pour qu’on parle de vous? 

- D’envoyer un Kairos à La Libre ou au Soir ou à la DH, c’est ça que vous voulez dire ? * 

- Oui, bien sûr, aux gens qui s’occupent des médias. 

- Eh bien, je fais le pari avec vous qu’on l’envoie et qu’il n’y aura aucune réponse. 

- Pas tout de suite, mais bien sûr quand Bernard Hennebert ou d’autres faisaient de l’entrisme dans les rédactions, ben voilà bien quelqu’un qui est arrivé jusqu’à avoir des pages complètes sur lui. Il ne faut pas se plaindre de ne jamais être cité si vous ne sortez jamais de votre tanière. 

« Comment le professionnel de l’information a‑t-il imaginé qu’un industriel allait acheter un moyen d’influence tout en s’interdisant de peser sur son orientation ? ». Serge Halimi, p. 69 

- Ah mais non, je ne me plains pas de ne pas être cité, je vous dis que quand je fais un dossier sur les liens entre les médias de masse et les plus grandes fortunes belges[note], je ne crois pas que Le Soir et Monsieur Marchant et Madame Delvaux se disent : « Tiens, on va relayer ». Ne soyons pas naïfs, franchement, il faut arrêter. 

- Non, effectivement, surtout si vous citez en plus des gens de la famille Hurbain et compagnie. 

« Sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commercial favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux ». S. Halimi, p. 29 

— Ah, la famille Hurbain, quantième fortune belge? 

- On sait quand même comment aussi les médias fonctionnent, évidemment qu’il y a une espèce de… 

quand j’étais à la Libre Belgique, c’est pas en lisant Le Soir que j’apprenais ce qu’il se passait chez eux et c’est pas en lisant Le Soir que j’apprenais ce qu’il se passait chez IPM. Et ça, c’est la vraie vie ça, même si on peut le déplorer. Et c’est pour ça que c’est intéressant qu’il y ait des médias alternatifs. Mais en même temps, il y a des médias alternatifs qui font un boulot qui finit par s’infiltrer, par donner des sujets et de l’info à des médias non-alternatifs. 

« Les sondages indiquent régulièrement que le public – bien qu’il écoute et regarde ce qui lui est proposé – souhaiterait davantage de nouvelles, de documentaires et une information différente, moins de sexe et de violence et un autre genre de divertissements. Il semble peu probable qu’il serait réellement indifférent aux citoyens de savoir pourquoi leurs revenus stagnent, voire déclinent, alors qu’ils travaillent de plus en plus dur ; pourquoi les soins médicaux auxquels ils ont accès sont aussi coûteux que médiocres ; ou encore négligent ce qui peut être perpétré en leur nom un peu partout dans le monde. S’ils sont si peu au courant de tels sujets, le modèle de propagande explique pourquoi : ceux qui exercent leur souveraineté sur les médias ont décidé de ne pas aborder ce type de questions». Chomsky et Edwards, p.96 

Y‑A-T-IL QUELQUE CHOSE À FAIRE POUR EUX ? 

C’est évident que les chiens de garde de l’ordre dominant, ces journalistes bien-pensants qui s’évertuent à tenter de nous faire croire qu’ils sont libres, alors qu’ils le sont dans le cadre qu’on leur donne et qu’ils acceptent de se donner, celui de la «vraie vie», sentent que le vent commence à tourner. De plus en plus de citoyens se détournent de médias soumis au grand capital, qui les considèrent d’abord comme des consommateurs, secondairement comme des lecteurs dont le devoir serait de leur parler de ce qui est important. 

Ils disent offrir une agora. Oui, mais avec droit d’entrée ! 

* ACTION DU MOIS: Contacter La Libre, La Dernière Heure, Le Soir, envoyez-leur votre Kairos, l’adresse du site… vous serez surpris de voir se confirmer ce que nous disons ici… 

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C’EST QUOI LE TTIP ? QUE NOUS NE COMPRENIONS PAS : UN DES OUTILS DU POUVOIR

« Les médias occultent une part considérable de ce qui permet de comprendre un événement. Mais plus cruciale encore est la place accordée à tel ou tel fait : le moment, la mise en page, le ton, la répétition, les éléments de contextualisation, les faits et les analyses qui lui donnent sens (ou l’en privent). Les contraintes sont si fortes, et sont si profondément inscrites dans le système, que des choix éditoriaux qui s’établiraient autrement sont difficilement imaginables ».
N. Chomsky & H. Edwards p.21

- Vous allez à la manifestation ? — Quelle manifestation ?- Ben, contre le TTIP.- C’est quoi le TTIP ?

Je leur en avais déjà parlé pourtant. Mais combien de fois l’avaient-ils vu à la télé, entendu à la radio, lu dans les journaux? Non pas sous la forme habituelle qu’affectionne la presse dominante, qui présente toujours les faits sous cette fausse neutralité mettant en jeu deux «camps»: des pour et des contre. Dans cette mise en jeu: les opposants sont toujours représentés comme des individus dont on dirait qu’ils ont juste décidé de s’opposer sans qu’on n’explique vraiment les fondements à la base de leur action et les valeurs qui président à leurs choix. Ils contesteraient, c’est bien leur droit… 

« On peut dire que la représentation médiatique du monde, telle qu’elle est fabriquée quotidiennement par les journalistes, ne montre pas ce qu’est effectivement la réalité mais ce que les classes dirigeantes et possédantes croient qu’elle est, souhaitent qu’elle soit ou redoutent qu’elle devienne ». 
Alain Accardo, « Journalistes précaires, journalistes au quotidien », éditions Agone, 2007, p.64 

Pas vraiment de faits objectifs donc à l’origine de la contestation. Pas de réalité de la destruction sociale et sanitaire, de l’asphyxie des écosystèmes, de l’oppression salariale qu’engendreront ces traités. Ceux qui manifestent exerceraient juste leurs droits civils et politiques comme la liberté d’opinion ou la libre expression. Choix individuel donc. 

PAS DE VÉRITÉ ? 

Mais derrière la fausse neutralité, le traitement médiatique de la contestation montre à lui seul que les canaux de propagande suivent docilement l’idéologie dominante et que, derrière l’apparence d’impartialité, les médias ont leur avis et construisent la réalité qui arrange la caste des nantis et assurent à l’ordre dominant sa perpétuation. 

TROIS EXEMPLES 

1. Le choix de ceux qui s’expriment. 

Le matin de la manifestation du 20 septembre contre le CETA et le TTIP, prévue le soir à Bruxelles, 

la radio publique de la RTBF, La Première, invite Cecilia Malmström, Commissaire européenne au commerce. Quoi de mal, direz-vous ? C’est qu’en 15 minutes, même si le journaliste relaie les craintes des mouvements sociaux, un sujet comme ça demande du temps et des arguments bien préparés, chiffrés, permettant de donner le change aux mensonges et tentatives de réassurance des porte-parole des multinationales. L’inviter ce matin du 20 septembre, quelques heures avant une manifestation, c’est lui donner une tribune, un plaidoyer, laisser libre cours à la propagande atlantiste qui, à nouveau, peut donner à l’auditeur cette impression qu’il n’existe pas de faits objectifs, que Commission européenne et gouvernement des États-Unis ne veulent que le bien des citoyens. Ceux qui s’y opposent peuvent donc le faire, gentiment et sans violence, mais ils ne sont pas très crédibles au fond, ne défendant pas plus le bien commun que Cecilia… telle est l’impression que cela peut donner. 

« Une démocratie authentique qui associerait le peuple à l’action constitue une menace à vaincre ». 
Noam Chomsky [note]

Cette dernière, chaudement recommandée à l’époque par Jean-Claude Juncker (JCJ) – président de la Commission et fervent défenseur du libre marché et des paradis fiscaux – pour son accession à la fonction de commissaire[note], nous dira donc sur les ondes de la radio publique : « Le traité avec le Canada [CETA] est tout à fait réalisable, les États membre vont le voter bientôt je l’espère, le Parlement européen aussi». Pour le TTIP, elle ajoutera «Il y aura un traité, si pas avant Obama, il faudra attendre une pause naturelle pour la prochaine administration ». Normal, non, quand son rôle consiste essentiellement en la ratification de ses traités?: «Notre but doit être de conclure les négociations sur des bases de bénéfices réciproques et mutuels », expliquera JCJ à sa nouvelle recrue[note]. 

Durant toute l’interview sur La Première, elle tentera ainsi de convaincre les auditeurs qu’au fond, une majorité d’Européens sont favorables au CETA et au TTIP: «Dans la majorité des pays [de l’UE], il y a une majorité de soutien » (…) « J’ai reçu la semaine passée une lettre de 12 États qui m’ont assuré de leur soutien et qui m’ont dit: « S’il vous plaît, n’arrêtez pas les négociations, c’est un accord très très important ». Et dans ces pays, il y a aussi un soutien populaire très fort.» Pauvres Européens qui n’arrivent pas à prendre conscience de l’opportunité du CETA et du TTIP. Il faudra donc convaincre ces derniers, et la RTBF s’y emploiera en invitant Vincent Reuter (administrateur délégué de l’union Wallonne des Entreprises, le 14.10), Didier Reynders (20.10), Marianne Dony (présidente de l’Institut d’études européennes et professeur à l’ULB, apparemment fervente aficionada de l’Union et des traités, le 21.10). 

Malmström ajoutera encore : « Dans aucun cas on ne peut forcer les États membres de privatiser leurs services publics, il n’y aura pas de baisse de standard; nous avons essayé d’expliquer, de souligner et de porter toutes ces craintes dans les négociations»; «Le traité avec le Canada, c’est dans l’intérêt de l’Europe, de la Wallonie aussi ; en Wallonie on vient de perdre beaucoup d’emplois (…) c’est pour cela qu’il faut donner une autre chance aux compagnies belges…» 

Elle ne dira pas que les Canadiens nous conseillent d’éviter de faire la même chose qu’eux, et nous préviennent[note], alors que le Canada signait il y a 22 ans un traité de libre-échange avec les ÉtatsUnis et le Mexique, en faisant miroiter les sempiternels sophismes de la croissance économique, de la création d’emploi et de la richesse pour tous qu’allaient amener ces traités. Caterpillar par exemple, qui produisait des locomotives en Ontario, a imposé à ses travailleurs une baisse de 50% de leur salaire sous la menace de fermer l’usine; ils ont refusé et l’entreprise, comme beaucoup d’autres, est partie aux États-Unis où les normes de travail sont plus «souples». Quelques années plus tard, Caterpillar délocalisait à nouveau sa production vers le Mexique, où le salaire est encore plus bas[note]. Au Canada, rien que ces 5 dernières années, 350 000 emplois manufacturiers ont disparu. Voilà donc avec le CETA et le TTIP une occasion de concurrence sans fin entre les pays européens, dont on sait bien à qui elle bénéficiera. 

L’harmonisation dont parlent les défenseurs du TTIP et du CETA consiste donc en un «équilibrage vers le bas»: un équilibre déséquilibré à l’avantage de certains. Comme l’énonçait une de ses zélatrices, Madame Dony, sur les ondes de La Première dans des termes fantastiquement contradictoires: «Il y a un équilibre au niveau des échanges de biens qui a été établi, il y des gagnants et des perdants partout. Et donc si un État décide de dire, « parce que ma population, mes agriculteurs sont un peu perdants je ne veux pas l’accepter », mais alors on ne peut plus faire un accord de libre-échange du tout». Le libre-échange, on le sait donc, résulte en une harmonisation déséquilibrée, par le bas, qui réduit les normes en matière de sécurité alimentaire, de santé et d’environnement. Aucun équilibre donc, si l’on définit ce terme comme un «Rapport convenable, proportion heureuse entre des éléments opposés ou juste répartition des parties d’un ensemble; état de stabilité ou d’harmonie qui en résulte.» (Le Petit Robert) 

Et dans le cas où un gouvernement prendrait des mesures pour protéger ses citoyens, un tribunal spécial (tribunal d’arbitrage pour règlement des différents), avec des juristes privés, payés des sommes colossales, pourra intervenir6. Des cas de ce type ont déjà eu lieu et augurent des résultats de cette pratique une fois généralisée dans l’espace européen: «En 2012, le gouvernement slovaque a été condamné à payer 22 millions d’euros de dédommagements à l’assureur néerlandais Achméa. Pourquoi une telle condamnation? Tout simplement parce que le gouvernement slovaque, soucieux de garantir l’accès à tous aux soins de santé, avait exigé des firmes d’assurance actives dans ce secteur de diminuer leurs prix»[note]. 

« Le « non » radical à la mondialisation est intenable dans un monde où le consommateur pose tous les jours des gestes qui font sortir les entreprises des frontières » (…) « Le marché reste le mode d’organisation le plus efficace de la vie économique notamment parce que tous les autres ont montré leurs limites ». 
Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du Soir, 2 décembre 1999[note]

En 1999, « les médias firent des manifestants de Seattle des « agitateurs professionnels » (US News & World Report), « irrémédiablement aigris » (Philadelphia Inquirer), juste « opposés au commerce international » (ABC-News) faisant « beaucoup de bruit pour rien (CNN). Et les revendications des manifestants n’étaient pratiquement pas rapportées ». 
N. Chomsky & H. Edwards, p.101 

Ce même matin du 21 octobre, l’invité de Matin Première tentera pourtant de nous convaincre: «Et c’est pour cela que les États, pour sauvegarder d’une certaine manière leurs prérogatives, leur souveraineté, leur capacité de régulation, se disent « on va faire appel plutôt à des tribunaux arbitraux et qui vont trouver une solution à travers une indemnisation » (…) Les États choisissent l’arbitrage pour les protéger». Ouf! On avait eu peur. 

Et puisque pour certaines informations, il faut mettre en place la «stratégie 360°», les autres supports s’y mettent. Le 22 septembre, deux jours à peine après la manifestation, Le Soir, évitant peutêtre que le doute s’installe encore, laisse carte blanche à Hans Maertens, administrateur délégué de la VOKA (organisation des entreprises flamandes), qui nous dit que «la Wallonie et Bruxelles peuvent sortir gagnants avec le CETA». 

2. La focalisation sur les conséquences – à très court terme – de la contestation 

A l’habitude, en ce matin de grève et de manifestation, les quotidiens font la part belle aux «perturbations de trafic » qu’engendre la « mobilisation ». Occultant à peine leur volonté de montrer que la «mobilisation» démobilise – rend moins mobile les «usagers» , ils en «oublient» que ce pour quoi les premiers se meuvent a très peu à voir avec cette sacro-sainte liberté de circuler en bagnole et que celle-ci a d’ailleurs peu d’importance par rapport à leurs revendications: quelle importance en effet pour le fonctionnaire d’ING ou l’ouvrier de Caterpillar de perdre deux heures dans leur bagnole dès lors que ceux qui sont en cause dans leur immobilité provisoire sont ceux-là mêmes qui se mobilisent pour qu’ils ne perdent pas leur boulot (au-delà de tout le questionnement nécessaire à propos de la défense inconditionnelle de l’emploi, qui n’est pas le sujet ici) ? 

Une véritable union pourrait avoir lieu, celle de la classe ouvrière et d’une partie de la classe moyenne, mais les médias divisent, montent les uns contre les autres. Leurs rédactions dépêchent des journalistes, sorte d’envoyés spéciaux du bitume, aux lieux congestionnés pour nous dire en direct l’état du trafic, dont on fait plus que deviner que la lenteur sera directement imputable à l’action de grève. Franz Olivier Giesbert, directeur du journal Le Point en France, évoquant sur BFMTV les grèves contre la loi travail, en offre une parfaite illustration: «Regardez le manque de respect total, il y l’Euro qui arrive, c’est un moment de communion nationale « mais non c’est pas grave on fera grève! ». Et puis y’a ces horribles inondations, tous ces salariés qui ne pensent qu’à rentrer chez eux, dans quel état ils vont retrouver la maison, et là, grève… c’est un manque de respect». Réactions médiatiques identiques par rapport aux blocages des raffineries où les micro-trottoirs, purs outils sélectifs de propagande, faisaient plus que donner le ton.[note]

3. Le silence sur la contestation de masse 

Cette focalisation sur notre petit intérêt individuel n’a au fond qu’une seule fonction: celle de surtout ne pas nous laisser croire que nous, la masse, avons le pouvoir de faire changer les choses, de faire basculer le cours de l’histoire, de nous unir au-delà de certaines positions théoriques différentes. Il faut laisser le sujet à l’état de sujet, dans cette illusion libérale qu’il est seul maître de ce qu’il fait et que, même après la signature du TTIP, il pourra encore « choisir ». Karel De Gucht, ne disait-il pas lorsqu’il était commissaire au Commerce : « On pourrait laisser le choix aux Européens, via des systèmes d’étiquetage clair. Ne diabolisons pas [le poulet lavé à l’eau de javel]. Moi je fais confiance aux consommateurs. Par exemple, si j’achète un poulet, je prendrais évidemment un poulet de Bresse»[note]. Certes, cela est plus facile quand on gagne 12000 euros par mois (ou 30000 avec une prime d’installation de 50000 euros pour Jean-Claude Juncker) que quand on est une mère de famille au chômage qui doit «choisir» entre un poulet de Bresse et payer son chauffage… à ce prix-là, la javel passe plus facilement… 

A ce niveau, le slogan du ralliement contre le TTIP/CETA, place Schuman, des organisateurs nous criant: «N’oubliez pas, vous avez également une possibilité de faire changer les choses, vous avez une responsabilité en tant que consommateur », sonne un peu creux. Car c’est justement cette illusion d’un sujet maître de ses choix, idéologie bourgeoise s’il en est, qui pourrait opter librement entre Bresse et la javel, qui fait complètement et violemment fi des rapports de classe et de l’impossibilité – matérielle mais aussi en terme de connaissance – pour certains, et nombreux, de faire le choix de choisir ! 

La masse qui s’oppose, il ne faut donc pas trop la montrer… Quelques jours après de multiples manifestations contre le TTIP/CETA en Allemagne, nous écrivions à la RTBF: «J’aimerais que vous m’indiquiez pourquoi vous n’avez nullement fait mention des centaines de milliers de téléspectateurs qui ont manifesté en Allemagne contre le TTIP/CETA, dans votre JT du samedi 17 au soir? N’est-ce pas assez important que pour en parler et expliquer ce qui justifie la colère des manifestants?». 

Ils me répondront: «L’actualité étant souvent très chargée, la rédaction du JT est amenée constamment à faire des choix. En trente minutes de journal, il est effectivement impossible de parler de tout. C’est la raison pour laquelle la rédactionde la RTBF pratique une information dite 360°, c’est-à-dire une informationqui se décline sur les différents médias. Un sujet peut ainsi être traité en radio et sur le net mais pas en télévision, ou inversement ». 

Mais qu’est-ce que l’«actualité» justement? Qui la crée? Comment se forme-t-elle, si ce n’est par les choix de sujets que le média décide d’exposer? L’actualité ne préexiste donc pas au choix informatif : elle existe par ce choix, car nous restons en dernière instance des êtres qui ne jouissons pas du don d’ubiquité[note] et qui, somme toute, sommes très limités pour obtenir seuls l’information qui dépasse notre rayon direct d’analyse. 

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LE CONFLIT MENTAL « INDÉPASSABLE » DES JOURNALISTES

Certain Renard Gascon, d’autres disent Normand, Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille Des Raisins mûrs apparemment,Et couverts d’une peau vermeille. Le galand en eût fait volontiers un repas ;Mais comme il n’y pouvait atteindre :« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. » Fit-il pas mieux que de se plaindre ? Le Renard et les Raisins, Livre III, 11 Jean de La Fontaine 

L’aliénation contient en elle-même l’impossibilité de dire publiquement qu’on est aliéné, du fait même qu’être aliéné ce n’est pas savoir qu’on l’est, ou tout faire pour l’oublier[note]. Certaines attitudes et comportements, déterminés par des années de pratiques professionnelles, façonnées par un milieu, qui justifient également des conditions matérielles d’existence – l’« ouvrir » c’est à coup sûr être viré – ne peuvent être modifiés; ceci impliquerait en effet une restructuration complète de sa vie, de son travail, de ses relations, de son être-au-monde. Tenter de faire dire aux journalistes bien-pensants ce qu’ils ne «peuvent» pas dire n’est-il donc pas d’emblée voué à l’échec? Comme l’énonçait Herbert Marcuse, «le concept d’aliénation devient problématique quand les individus s’identifient avec l’existence qui leur est imposée et qu’ils y trouvent réalisation et satisfaction. Cette identification n’est pas une illusion mais une réalité. Pourtant cette réalité n’est elle-même qu’un stade plus avancé de l’aliénation; elle est devenue tout à fait objective; le sujet aliéné est absorbé par son existence aliénée. Il n’y a plus qu’une dimension, elle est partout et sous toutes les formes»[note]. 

Ce stade de l’aliénation est toutefois le dernier stade, celui où le doute n’existe plus, ou presque, et il faut penser que les journalistes bien placés des chefferies rédactionnelles sont passés par diverses étapes avant; si penser comme ils pensent assure maintenant la conservation de leur statut, ce fut parfois au prix d’un certain déséquilibre mental et d’une tension psychique. Ils ont expérimenté – et l’expérimentent certainement encore à certaines occasions, mais progressivement l’occurrence en diminue – ce que le célèbre psychologue social, Léon Festinger, a découvert et théorisé dans les années 50: la dissonance cognitive. 

LES JOURNALISTES ET LA DISSONANCE COGNITIVE 

En 1957, Léon Festinger s’intéresse à une question particulière: si l’optimum psychologique s’atteint lorsque les cognitions[note] sont cohérentes entre elles, que se passe-t-il lorsqu’elles ne le sont pas? Le chercheur parle dans ce dernier cas de dissonance cognitive, qui surviendrait « lorsqu’une cognition nouvelle est en contradiction avec des cognitions déjà ancrées dans l’univers mental du sujet»[note] . Autrement dit, il y a « dissonance cognitive » lorsque plusieurs des attitudes du sujet sont incohérentes entre elles ou quand un de ses comportements ne colle pas avec une attitude. L’exemple typique est le cas du tabagisme dans lequel l’individu vit à la fois des cognitions qui soutiennent ce comportement et d’autres qui le désavouent. La dissonance cognitive a pour effet de générer un état de tension que le sujet affecté cherchera à réduire, un peu comme un être qui a soif cherche à boire. 

Dans la grande partie des cas, les recherches sur la dissonance cognitive ont été réalisées dans le «paradigme de la soumission forcée»: «dans celui-ci, l’expérimentateur amène un individu à se soumettre à une demande contre-attitudinelle ou contre-motivationnelle (l’individu réalise librement un acte allant à l’encontre de ses attitudes ou de ses motivations)». Ce qui est particulièrement intéressant dans ce cas, c’est que le sujet fait «librement» quelque chose qu’il ne veut pas faire. 

Dans une de leurs célèbres expériences (Festinger et Carlsmith, 1959), des étudiants devaient réaliser une tâche des plus ennuyeuses et sans aucun sens, pendant une heure (comme tourner des chevilles d’un quart de tour, sans discontinuer). Par après, prétextant l’absence d’un collaborateur, on demandait, contre rémunération, au sujet qui venait de réaliser la tâche, de la présenter de façon extrêmement positive et de vanter l’intérêt et les mérites de celle-ci chez un autre étudiant. Ces sujets, à qui on demandait en fait de mentir, étaient répartis en trois groupes: l’un recevant une rémunération importante pour le faire (20 dollars), l’autre une rémunération dérisoire (1 dollar) et le dernier groupe qui ne devait pas passer par cette étape consistant à vanter l’expérience à un autre étudiant. Suite à cela, les sujets devaient répondre seuls à un questionnaire évaluant leur attitude réelle par rapport à la première tâche ennuyeuse effectuée. 

Les résultats montrent que les étudiants les moins bien payés (qui « trouvent donc le moins de justification à leur discours présentant l’expérience comme attrayante»,) sont ceux qui vont modifier le plus leur attitude vis-à-vis de la tâche ennuyeuse: «en trouvant finalement que la tâche est plutôt intéressante, ils ont simplement aligné leur attitude sur leur comportement». On peut résumer cela ainsi: 

- cognition génératrice © = «Je dis que la tâche est intéressante» 

- cognition inconsistante (A) = «Je sais que la tâche est fastidieuse et ennuyeuse » 

- C implique non A, d’où production de dissonance 

- Réduction = «Je trouve que la tâche est intéressante » 

Lorsque les sujets sont bien payés (20 euros), les cognitions incompatibles («j’ai trouvé cette tâche très ennuyante»/«j’ai dû expliquer à quelqu’un que la tâche était très amusante») créent moins de dissonance car les sujets trouvent une justification externe à leur comportement (la somme d’argent, relativement importante), puisque la rémunération justifie en quelque sorte leur discours. Alors que quand ils sont payés 1 dollar, ils ressentaient une forme d’obligation à être en accord avec ce qu’ils avaient dit aux autres étudiants, rien ne justifiant en effet qu’ils disent le contraire de ce qu’ils pensent. 

Ces résultats sont fantastiques pour expliquer comment nous sommes capables de changer nos idées. Mais quel point commun avec le journalisme de masse? C’est qu’un journaliste convaincu au départ de l’importance de son métier, de la recherche  de la vérité (attitudes) et qui va quotidiennement être amené à avoir des comportements (privilégier le scoop à l’analyse de fond, le sensationnalisme et l’émotion au décryptage; occulter des informations importantes, poser des questions inintéressantes, etc.) qui entrent en contradiction avec ses attitudes, va[note] vivre un état de tension propre à la dissonance cognitive. Comme l’explique une journaliste licenciée pour avoir tenté de faire son travail: «Le travail d’usinage idéologique nécessaire pour dissimuler l’ampleur de la forfaiture était de plus en plus malaisé, demandant des individus puissamment clivés, dotés d’un système nerveux très particulier»[note].

« Lorsqu’un système atteint un tel degré d’imposture, les points de tension deviennent extrêmes au sein du personnel chargé d’assurer sa maintenance quotidienne. Certains craquent, se referment dans le silence ou la honte. D’autres tiennent le coup. Ce sont généralement les plus vides, les plus faux, ceux qu’une névrose personnelle a mis à l’unisson d’un régime de mystification généralisé ». Aude Lancelin, p. 113 

S’offre alors à celui qui subit cette forme de violence symbolique, trois possibilités: ou bien il part (et le plus vite serait le mieux), privilégiant ses attitudes aux comportements qu’on lui impose, mais le choix de refuser un salaire est difficile, d’autant plus dans le contexte actuel; ou bien il est dans un état de tension permanente, génératrice de stress, dépression, souffrance, allant parfois jusqu’au suicide. Ou bien, dernière possibilité, il modifie ses attitudes, n’accorde plus vraiment d’importance à cette recherche de la vérité, refuse de voir qu’il est instrumentalisé et, en dernier ressort, accepte (s’il ne l’avait pas déjà accepté avant), le monde tel qu’il est, et le perçoit, comme lui-même, incapable de changement. Cette dernière stratégie peut se faire au moins de deux façons (voir points 2 et 3 ci-dessous). 

La «vraie vie», c’est alors les groupes de presse que l’on ne questionne pas, dont on n’étudie pas l’influence sur les rédactions. Le journalisme qui a passé toutes ces étapes de soumission acceptée se croit maintenant, tel un électron, libre et jamais empêché de dire tout ce qu’il veut: mais c’est qu’il oublie que pendant ce processus de déconscientisation, il a jugé ce qu’il était bon ou non de dire pour conserver son statut et sa place; il a intériorisé les interdits, les choses acceptables et les limites à ne pas dépasser et il ne vit pas du tout cela comme une censure. 

« La police intellectuelle est un logiciel greffé dans la tête ». Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, p.70 

Le fait de travailler pour un média dont le propriétaire est multimillionnaire ne leur pose pas de problème. Ils ne sont même plus dans la dissonance, ils la refusent et y parviennent sans doute, à l’instar des concessionnaires au salon de l’auto qui admettent que les voitures rejettent du CO2 dans l’atmosphère – et donc polluent – mais refusent de dire qu’elles polluent.[note] On se demande ainsi «comment le professionnel de l’information a‑t-il imaginé qu’un industriel allait acheter un moyen d’influence tout en s’interdisant de peser sur son orientation ? ».[note] Abnégation du nanti? On aura du mal à y croire… 

L’individu qui réduit la dissonance par un acte de rationalisation cognitive justifie ainsi sa conduite de soumission, en vient à voir dans celle-ci un acte de liberté. C’est là un mécanisme psychologique normal, une sorte de nécessité pour maintenir l’équilibre. Mais dans le cas du journalisme de masse, «qui cela sert-il?» c’est la question qu’il faut poser. 

LES DISSIDENTS 

Alors que les témoignages de journalistes dégoûtés par les pratiques de leur rédaction se multiplient, que les dessous des cartes se font voir, illustrant les desseins réels des médias dominants, la plupart des journalistes des QG rédactionnels encore en poste continuent à se justifier, à voir dans ce qui est pour nous la substance du journalisme mainstream uniquement des dérives, des accidents, qui n’entachent en rien l’ensemble. 

« Une véritable liberté de choix implique notamment la possibilité de choisir parmi des options qui ne soient pas exclusivement proposées par une oligarchie dont l’objectif premier est de vendre des téléspectateurs à des publicitaires ». N. Chomsky et H. Edwards, p.37 

Certains journalistes toutefois, qui sont partis ou ont été virés, témoignent de ce qui se passe dans les coulisses. C’est le cas de Vinciane Jacquet, correspondante au Caire du journal Le Soir, qui refusa de traiter l’affaire de la disparition de l’avion Egyptair entre Paris et Le Caire comme la rédaction lui demandait, à savoir «d’insister sur la « tristesse des familles » et de parler (remettre en cause) la sécurité de la compagnie aérienne égyptienne », et qui fut remerciée, n’étant plus «opérationnelle»: 

«Dans ce temps où les gens accusent les journalistes de mentir, d’amplifier, de maquiller, de couvrir les responsables, bref, ne leur font pas confiance, j’ai décidé de dire non, et de ne pas céder au journalisme de sensation au mépris du journalisme d’information et de son éthique. Et tout ça, si j’ose le dire, pour un salaire dérisoire. Je ne le regrette pas, j’en suis même fière. Ce genre de demande de leur part, insister sur « l’excitation » plutôt que sur les faits, n’était pas une première, mais concernait des sujets moins graves et où j’ai donc « laissé couler ». Il est primordial que nous, journalistes, freelance ou pas, sachions dire non et nous souvenions que nos mots, nos angles, peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur les individus. Il est primordial que nous soyons ceux qui restaurions la confiance perdue des lecteurs. Les rédactions ne le feront apparemment pas, ou peu. Longue vie au journalisme d’information. » 

Plus récemment, une autre «remerciée», Aude Lancelin, cette fois en France et par L’Obs, se demande quand le journal dont elle était la directrice adjointe, a «décidé de se suicider en cessant de rendre compte du réel?»[note]. 

Le soir du refus wallon au CETA, un journaliste de la chaîne luxembourgeoise RTL-TVI annonce, sans même en prendre conscience, qu’il ne fait au fond pas son boulot: «En réalité, personne ne maîtrise vraiment les détails de cet accord. Les avis se basent surtout sur des inquiétudes liées aux conséquences supposées, de la mondialisation» (RTL-TVI, 24 octobre). Si le journaliste veut faire passer le doute populaire pour de l’ignorance, mépris habituel des médias pour le peuple, il énonce surtout au fond que les journalistes ne l’ont pas aidé à vraiment comprendre «les détails de cet accord». 

QUELLE IMPLICATION POUR LA PRESSE LIBRE ? 

Si nous voyons que parmi les stratégies de rationalisation cognitive (voir le point 3 dans l’encadré), un des moyens est de justifier son comportement/ cognition en y ajoutant d’autres comportement(s)/ cognition(s), on peut en déduire que la création d’un média alternatif peut être une tentative d’équilibrer ses comportements et ses attitudes. En effet, si je me sens trop contraint dans une presse capitaliste appartenant à de richissimes familles, je peux réduire cette tension en m’engageant dans un média indépendant. C’est un des moyens de réduction de la dissonance. 

Toutefois, travailler dans un média libre peut difficilement se conjuguer avec un emploi rémunéré dans un média capitaliste, car il faut, quand on est dans l’un, feindre l’inexistence de l’autre, et vice versa. Mais quand de l’autre dépend ses revenus, il est facile de deviner que c’est dans la rédaction du média dominant que nous devrons oublier nos luttes, alors qu’une fois réintégré notre combat pour une presse libre, nous devrons nous rappeler constamment qui nous nourrit… En fin de compte donc, nous ne pourrons plus faire un média libre puisque nous ne pourrons plus tout dire. Comme le dit Serge Halimi: «Aller dans les médias [de masse], c’est se taire sur les médias ou ne dire sur eux que ce qu’ils consentent à entendre», et si cette analyse marche pour celui qui vient parler dans le média, elle est d’autant plus pertinente pour celui qui y travaille. 

Le divertissement « tient le public à l’écart de la politique et génère dans ce domaine une apathie des plus utiles à la préservation du statu quo » Chomsky et Edwards, p.95 

La presse libre n’est donc pas «alternative», elle ne coexiste pas à côté de «l’autre», trouvant justement ses fondements dans l’indigence de cette dernière, dont elle doit inévitablement démonter le fonctionnement et expliquer ce qu’elle est.[note] Le sujet engagé dans une presse «alternative» tout en travaillant dans un média capitaliste, supportera cette situation passablement schizophrénique en se gardant bien de dénoncer la structure des médias de masse et tout ce qu’elle provoque sur son métier. C’est là le prix qui lui assure la conservation de son poste. Au détriment toujours de la vérité, parfois de la santé psychique du journaliste. 

La critique des médias de masse n’est-elle pas pourtant indispensable? Nous le pensons. Reste donc à s’engager aux côtés de ceux qui perçoivent plus d’avantages, en terme de liberté et d’authenticité, à dénoncer les pratiques abjectes des médias de masse, que de continuer à se soumettre, à instiller le doute chez les autres qui, une fois organisés collectivement, pourront initier un basculement. 

LE JOURNALISTE EN DISSONANCE COGNITIVE 

Attitude : « Je crois dans la liberté de l’information et je veux travailler en ce sens ». Comportement : « travailler dans un média que l’on sait soumis aux intérêts des puissants et en subir quotidiennement les conséquences dans son travail ». 

Types de stratégies de réduction de la dissonance : 

1. Changement du comportement/de la cognition et respect de l’attitude. Par exemple : quitter la rédaction dans laquelle on travaille. 

2. Justifier un comportement/une cognition en aménageant la cognition conflictuelle. Par exemple : « Je peux parfois écrire un article en toute « liberté » ». 

3. Justifier son comportement/sa cognition en ajoutant de nouvelles cognitions. Par exemple : « Je vais m’engager auprès de journalistes sans frontières ou créer un journal alternatif ». 

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Articles

Vive les taupes !

Cette page aurait normalement dû être remplie de témoignages de stagiaires ou nouvelles recrues des médias dominants. Le système en a voulu autrement : la peur, l’angoisse de la précarité, la crainte du rejet conformiste… Eh oui, chers lecteurs, nous sommes dans un pays libre![note] 

«L’objectif des médias est d’attirer le public non pour lui-même mais en fonction de son pouvoir d’achat » N. Chomsky & H. Edwards, p.50 

C’était quelque part en Belgique un samedi d’octobre. Je tenais un stand pour Kairos, en famille. Alors que je vais faire un tour aux autres stands, je croise une fille qui, dans la discussion, m’apprend qu’elle a de nombreuses copines qui professent dans de «grandes» rédactions et que leur étonnement par rapport à ce qui s’y passe, ce qu’on leur demande de faire, est à la mesure de leur dégoût. Ça tombe à pic: je fais un dossier sur le sujet dans le prochain! Échange d’adresses mails et, à peine rentré, je lui écris. 

Trois jours après, pas de réponses. Impatient, je relance. 

Bonsoir .….….….….….….,

Je suis peut-être oppressant, mais as-tu déjà pu évoquer ma proposition avec certaines de tes amies? 

Ça les intéressera peut-être, toi aussi d’ailleurs: https://www. arretsurimages.net/articles/2016–05-20/EgyptAir-Le-Soirvire-une-journaliste-et-enflamme-Facebook-id8784 

Au plaisir de te lire, Alexandre 

Bonjour Alexandre, 

Oui j’ai contacté les deux amies auxquelles je pensais. Je leur ai expliqué le projet et leur ai transféré ton mail. 

J’espère qu’elles te contacteront. Elles sont tout de même un peu hésitantes car elles craignent pour leur emploi qu’elles ont eu tant de mal à trouver. Je les vois prochainement, j’en discuterai encore avec elles. Merci pour l’article très intéressant et qui pose vraiment question. 

Belle journée à toi, 

.….….….….….….….….

Merci! 

Oui, je comprends bien leur crainte. Il faudrait qu’elles puissent parler sans être reconnues. En tous cas, si elles devaient refuser, qu’elles consignent tout ce qu’elles vivent quotidiennement dans ces rédactions, cela pourra certainement un jour leur servir. 

Dis-leur bien que quoi qu’elles me disent, je ne publierai rien sans leur autorisation. 

A bientôt,

Alexandre 

Premier refus. Mais comment ne pas les comprendre aussi? Cette conscience de ce qui se passe à l’intérieur, mêlée à une impossibilité de le dire publiquement, amènera toutefois des solutions qui, à part la défection (voir dans ce dossier l’article «Le conflit mental « indépassable » des journalistes»), n’auront rien de réjouissant quant à la perspective d’exercice de l’esprit critique. Si elles choisissent de rester, les compromis se feront vite compromissions, d’autant plus facilement que les déterminants matériels de l’existence (dans lequel l’endettement et son nécessaire remboursement occupent une place de choix) les y obligeront. 

« Les subventions aux médias sortent de la poche du contribuable de telle sorte qu’en fin de compte ce dernier paye pour être endoctriné dans l’intérêt de puissants groupes d’intérêts comme ceux qui bénéficient de contrats d’armement et autres sponsors du terrorisme d’État ». N. Chomsky & H. Edwards, p.60 

Elles deviendront peut-être ces journalistes conformistes que nous critiquons aujourd’hui, aveugles à la réalité et défendant leur statut à tout prix, à défaut de leur intégrité. Mais peut-être pas? Elles ne sont pas encore ces journalistes qui s’aplatissent devant le pouvoir, les paillettes et font des ronds de jambe aux politiques. Et c’est pourquoi notre mise en évidence des mécanismes de reproduction a plus que jamais sa raison d’être. Nous ne pouvons donc nous contenter de dénoncer une faiblesse chez l’autre, une couardise qui l’empêcherait de changer de boulot, gueuler, refuser la soumission. Car si nous nous employons à mettre en évidence les mécanismes d’aliénation et de domination des sujets, notamment ceux des médias, il ne faut pas tomber dans le travers facile d’en rendre totalement responsables ceux qui en sont les victimes. Même si nous voulons et devons encore croire qu’il y a toujours une marge de responsabilité et donc une possibilité de changement individuel, il reste que le sujet est grandement déterminé par sa position dans la structure sociale et que le rendre entièrement responsable des effets de ces mécanismes dont on connaît l’efficacité et le caractère insidieux, serait du même coup nier qu’un mécanisme efficace puisse avoir des effets efficaces… Un peu comme si on considérait que le sujet pouvait être hors influence. Comme l’énonçait Bourdieu, «quand on fait de la sociologie, on apprend que les hommes ou les femmes ont leur responsabilité mais qu’ils ou elles sont grandement définis dans leurs possibilités et leurs impossibilités par la structure dans laquelle ils sont placés et par la position qu’ils occupent dans cette structure ».[note]

« En ne rencontrant que des « décideurs », en se dévoyant dans une société de cour et d’argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s’est enfermé dans une classe et dans une caste » S. Halimi, p.145 

Il y a des choses «impossibles» pour nous, pour elles, pour l’instant. Ces «impossibles» peuvent se muer en possible, et une des clefs est, avec certitude, que tous nous puissions dénoncer ces mécanismes. Il faut donc prendre des risques, seul si on en a le courage. A plusieurs si nous maîtrisons l’information et médiatisons tous ceux qui agissent seuls… 

Alors, vive les taupes! Plus nous serons, plus nous serons forts. Venez témoigner, dire ce qu’il se passe à l’intérieur. Kairos vous offre un terrier d’expression ! 

Principaux ouvrages cités en exergue dans ce dossier: 

Alain Accardo, Journalistes précaires, journalistes au quotidien, Éditions Agone, 2007 

Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Éditions Raisons d’Agir, 1996 

Noam Chomsky & Edward Herman, La fabrication du consentement, de la propagande médiatique en démocratie, Éditions Agone, 2008. 

Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Éditions Raisons d’Agir, 2005 

Dossier réalisé par Alexandre Penasse 

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Articles

Les excès de mortalité, prétexte à mensonges

Le Soir

Alors que le quotidien belge Le Soir publiait un article en pages 2–3 (les plus chères en terme publicitaire après la première page) avec une accroche en couverture: « Le Covid augmente encore la mortalité en Europe », nous avons pris contact avec Christophe De Brouwer. Ancien président de l’École de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles, il analyse depuis plus de deux ans les chiffres Covid et les mensonges médiatiques et politiques sur leur interprétation. Ses conclusions sont sans appel : cet article de Xavier Counasse est une véritable fake news, comme les journaux mainstreams eux-mêmes aiment les appeler. Nous ajoutons qu’en plus de propager peurs et angoisses, ce genre d’article sème littéralement la mort.

La semaine dernière, un quotidien mainstream, en première page, nous a présenté une véritable cornichonnerie. Mais le but est atteint : augmenter l’anxiété. Examinons et essayons de comprendre.

Le Soir

L’auteur affirme que pour toutes causes observées, l’excès de mortalité pour 2022 à la mi-juillet en Belgique (en fait au 20 juin), serait déjà de 1.534 décès par rapport à l’ « attendu » que représente, selon lui, la moyenne de décès quotidien des années hors covid 2017–2019. Cet « excès de mortalité » serait imputable au covid (« Tous les pays ne comptabilisent pas leurs morts « covid » de la même manière (…) il existe une autre méthode pour laquelle tous les pays de l’Union ont une comptabilité similaire : le calcul de la surmortalité »).

Le Soir

Il y a deux affirmations dans cet assertion que nous devons examiner — nous ne nous occuperons pas des autres pays, sinon le nôtre; la Belgique. Comme le dit correctement l’auteur de cet article, en comparant un pays à l’autre, on compare le plus souvent des pommes et des poires. Déjà sur la Belgique, il y a du travail…

Première difficulté

Sauf à trouver le polynôme[note] qui s’adapte au mieux à la courbe dessinée par cette moyenne sur 3 années (2017–2018-2019), on se retrouve avec des incertitudes importantes. Calculer un « attendu » (ce que l’on devrait observer dans une situation dite ‘normale’) en se basant sur seulement trois années introduit une grande variabilité dans la comparaison, comme le graphique ci-dessous nous le démontre. Alors de quoi parle-t-on ?

(Notons que c’est un abus de langage de faire croire que tous les pays de l’Union utilisent sa méthode pour calculer un « attendu » : bien sûr que non, cette tâche est confiée à des personnes compétentes dans ce domaine qui utilisent diverses méthodes.)

Statbel

Deuxième difficulté

Continuons d’explorer ces données et mettons-les en perspective avec les trois années covid, comparées à la moyenne des 3 années non covid de 2017 à 2019 (représentée par la barre « 0 % »), comme l’auteur de l’article nous le propose.

Le Soir

L’auteur de l’article nous explique qu’au 20 juin 2022, les 1.534 décès trouvés en excès (en fait 1.534,7, que j’ai arrondi à 1.535), représentent 2,8 % décès en plus que ce que l’on aurait dû avoir …

Statbel

NB : a) Les données de mortalité toutes causes statbel sont actuellement disponibles jusqu’au 14 août 2022. b) La barre 0 % représente la moyenne des trois années 2017–2018-2019 exprimée en %.

En examinant le graphique ci-dessus, plusieurs choses sautent aux yeux :

1. L’année 2021 est en dessous de l’attendu. Cette année soi-disant « covid » se comporte mieux, sur le plan de la mortalité générale (toutes causes), que la moyenne de 3 années non-covid. Dans ce cas, je suppose que l’auteur de cet article, sur base de sa logique, nous expliquera que le covid aura sauvé 1.291 décès au 20 juin 2021 pour l’année 2021 (ou bien restera-t-il pudique comme sciensano avec ses « non détectable » puisque le journaliste affirme faussement que « [l’année 2022] est similaire à la surmortalité observée durant l’année 2021 » ???)

2. Sur base de la moyenne des trois années 2017 à 2019, nous observons une augmentation régulière de la mortalité générale en 2022 à partir de mars, pour, en avril, commencer à développer un excès par rapport à la moyenne proposée (représentée par la barre 0 %). En aucun cas nous ne pouvons déceler dans la forme de la courbe une corrélation avec les pics de l’omicron original, puis omicron-BA2, puis omicron-BA5. Contrairement à 2020, où une partie de l’augmentation peut être raisonnablement attribuée au covid, dans ce cas-ci, il n’est pas possible sur base de ces données de rattacher à omicron l’augmentation observée de mortalité générale par rapport à la moyenne des trois années hors covid.

Explorons cela encore un peu plus en utilisant les données brutes et comparons-les avec les décès attribués au covid par sciensano. Faisons-le pour les années 2021 et 2022. Ici, la barre « 0 » représente la moyenne des trois années 2017–2018-2019.

Étonnant, non ? L’année 2021, pour la période considérée, montre une mortalité générale plus basse que la moyenne des trois années hors covid que sont 2017–2018 et 2019, et pourtant, c’est l’année dont la mortalité attribuée au covid, selon Sciensano, est nettement plus importante que celle de 2022.

Ceci a deux conséquences évidentes :

1. L’excès de mortalité toutes causes ne peut absolument pas servir à estimer une mortalité attribuée au covid : NON, ce n’est pas une autre méthode pour calculer « leurs morts covid ».

2. La mortalité attribuée au covid souffre d’excès et pas un peu. (cf « Graphiques 54, point 3 Mortalité »[note])

Bref, l’auteur de l’article de propagande a tout faux. Et c’est peu de le dire.

Troisième difficulté

Explorons les attendus : est-ce fiable ?

Le 14 juin 2021, Sciensano a décidé de modifier ses attendus. Une des raisons invoquées est : « Quelques épisodes de surmortalité, principalement à partir de 2021, seront désormais observés alors qu’ils n’avaient pas été détectés auparavant. ». En d’autres termes, en modifiant les « attendus » vers la diminution, Sciensano, de façon très artificielle et volontaire, va pouvoir déclarer de larges séquences de mortalité observée (réalité) en surmortalité. C’est ce que j’ai appelé dans mes « Graphiques 89 »[note] , ab nihilo, ad nihilum, per vanitatis.

Examinons cela :

La modification n’est pas petite, elle propose, au 14 juin 2021, une diminution de 11 décès par jour. La conséquence pour 2022 est clairement visible : toute l’année 2022, à peu de choses près, est, selon l’attendu de Sciensano, en surmortalité. Voilà de quoi remonter d’un bon cran l’anxiété de chacun, bravo!

Si Sciensano avait gardé ses anciens attendus, cette farce (je ne trouve pas d’autres mots pour qualifier cela) n’aurait pas eu lieu et des périodes de « surmortalité » plus réalistes auraient été délimitées (en avril par exemple), permettant un réel questionnement de santé publique et le cas échéant une action correctement ciblée.

Décidément, la modélisation des « attendus » est très, trop selon moi, sensible aux manipulations les plus diverses pour être un modèle fiable. Ceci est malheureusement un bon exemple.

Quatrième difficulté

Mais alors que faire ? En Santé publique, les méthodes utilisant un « attendu » sont appelées des méthodes indirectes, précisément parce qu’elles utilisent une modélisation (l’attendu). Mais il existe des méthodes dites « directes », qui comparent simplement les données les unes aux autres, qu’elles soient « standardisées » (le mieux)[note] ou non.

Statbel, dans sa présentation générale[note], propose de nombreux tableaux de comparaison directe de 2017 à 2022. Comme les données sont brutes (ne sont pas standardisées), vous constaterez une tendance quasi imperceptible à l’augmentation des décès d’année en année (sauf l’année 2020 qui est particulière). Et c’est normal, au 1er janvier 2017, nous étions en Belgique 11.322.088 habitants et au 1er janvier 2022, 11.584.008. Mais nous avons également vieilli : l’âge moyen en 2017 est de 41,52 ans et en 2021, de 41,98 ans. L’augmentation de l’espérance de vie compense très partiellement cela. Il est donc normal que l’on meurt un peu plus d’année en année, bien que ce soit peu perceptible.

Ceci étant compris, examinons la mortalité par tranche d’âge (données statbel). Je les présente chaque semaine dans mes « Graphiques »[note], mais cela vaut la peine de s’y pencher dans le cadre de ce travail-ci.

Ces 6 graphiques, par tranche d’âge, comparent 4 années, de 2019 à 2022. Leur examen nous apprend bien de choses.

Mais, dans le cadre de la question traitée ici, nous nous contenterons de relever ceci:

L’augmentation de mortalité que l’on peut observer en 2022, concerne uniquement la tranche d’âge des 85 ans et plus.Parler d’une vraie augmentation de mortalité pour la tranche d’âge des 75–84 ans est limite.Concernant les autres tranches d’âge, il n’y a strictement rien.

Qu’est-ce qui peut expliquer cela ? Notons que les 85 ans et plus sont avant tout une population très fragile, souffrant généralement de polypathologies. L’hypothèse du covid meurtrier apparaît peu probable, car c’est la population la plus vaccinée du pays, en ce compris par un deuxième booster, sinon à penser que le vaccin-thérapie génique ne sert à pas grand-chose pour cette tranche d’âge. Et c’est vrai que les données proposées par Sciensano, selon le statut vaccinal, concernant les hospitalisations, l’USI et les décès hospitaliers montrent une efficacité vaccinale largement en berne pour les 65 ans et plus, parfois même une « efficacité » négative ‑un risque accru- (pudiquement dénommé par Sciensano de « réduction relative du risque [suite au vaccin] non détectable »). J’aborde cela, semaine après semaine, dans mes « Graphiques »[note].

Une autre cause hypothétique à cette observation se trouverait dans la nature du vaccin-thérapie génique lui-même et les 85 ans et plus ont en effet reçu tant et plus de ce vaccin-thérapie génique expérimental. Que l’on retienne le vaccin-thérapie génique comme cofacteur de décès chez les personnes très âgées me semble être une hypothèse qui mérite l’attention. Et de ce point de vue, il serait bien intéressant de connaître les nombre de décès dans les 24 et 60 jours après injection. Les Anglais nous avaient proposé ces données, alors pourquoi ne le ferions-nous pas?

Mais évidemment, ce n’est pas parce que l’on observe actuellement une augmentation de mortalité dans la tranche d’âge des 85 ans et plus que l’on peut décréter que, selon certains, c’est évidemment la faute au covid, ou pour d’autres évidemment la faute au vaccin-thérapie génique.

Non, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. La cause est très probablement multifactorielle : c’est l’âge et des infections intercurrentes autres et la tendance au diabète et l’hypertension et la diminution de la capacité immunitaire et l’obésité/alcoolisme/tabagisme et la polypathologie et le vaccin-thérapie génique, et le covid… Dans quelle proportion? C’est évidemment cela qui devrait faire l’objet de recherches rigoureuses.

Conclusion

L’article de ce journal mainstream, placé en première page ‑excusez du peu- qui fut le prétexte à cette analyse se révèle être une construction mensongère, un fake, chargé d’angoisse et de peur. Nous n’avons actuellement vraiment pas besoin de cela en plus de tout le reste[note]. Sur base de chiffres détournés de leur réelle signification, la construction intellectuelle qui en est proposée est fausse de « A à Z ». C’est d’ailleurs assez étonnant qu’un journal mainstream, qu’on lisait autrefois pour la qualité des informations avancées, pour l’apparence de contre-pouvoir qu’il présentait, puisse proposer de telles niaiseries. Mais finalement est-ce tellement étonnant ? La presse mainstream d’aujourd’hui a abandonné depuis longtemps son rôle de garde-fou, de critique de l’autorité, a fortiori de « quatrième pouvoir » et de garant de la liberté d’expression. Elle s’est transformée en propagandiste intransigeant du narratif, un récit parallèle aux réalités que nous vivons, dont nos « élites » (au sens de Maffesoli : « ceux qui ont le pouvoir de dire et le pouvoir de faire ») nous abreuvent. L’une et l’autre sont co-responsables de cette distanciation sociale, cet abyme qui se creuse entre l’ « élite » et le peuple et qui annonce des temps incertains. Triste et dangereux.

Christophe de Brouwer

Full-professeur honoraire et ancien président de l’École de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles.

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Articles

Kairos Hebdo 5

Cet été, le Kairos « Hebdo » s’écrit, pour que ce que nous avions mis en mots et en images dès ce printemps dans un nouveau format, se rappelle à vous. Car on a vite fait d’oublier l’actualité, or se souvenir de ce qui a été permet de mieux saisir le présent et de se préparer à l’avenir, et même, peut-être, d’y participer. 

Mercredi matin, les assassins politiques, dont la figure de proue, Ursula Von Der Leyen qui avait quitté Berlin pour Bruxelles, « exfiltration en urgence, selon certains, pour masquer le chaos qu’elle laissait derrière elle » en Allemagne (à savoir les fraudes, on parle de 100 millions distribués aux consultants, piqués aux contribuables pour mettre en place un monde qu’ils ne veulent pas), qui dansait avec Bourla ‑PDG de Pfizer‑, refusait de rendre public ses échanges de SMS avec lui, alors qu’elle censurait le media Russia Today (RT), ce mercredi matin 4 mai, dans le quotidien belge de l’oligarchie Le Soir, on pouvait voir trôner en première page du site « Guerre en Ukraine : L’Union européenne entame le boycott de l’or noir russe ». Soit, ceux qui décident, ni vous ni moi donc, pour l’instant, ont fait le choix d’un « embargo progressif de l’UE sur le pétrole et les produits pétroliers achetés à la Russie ». Celle qui gagne au moins 30.000€/mois, sans compter le million 5 minimum par an de son mari, on y reviendra, nous dit que « ce ne sera pas facile »… 

Pendant que l’Europe générera pénuries et flambées des prix, elle préparera le marché pour importer le pétrole américain. L’Europe veut la fin de la guerre, mais fournit armes et munitions, notamment aux bataillons d’Azov, alors que sur place il semble que ce soit plutôt l’armée américaine qui contrôle les opérations. Enfin, on ne change pas une équipe qui gagne et les États-Unis savent bien qu’ils peuvent compter sur leurs marionnettes européennes pour prendre les décisions qui leur conviennent.

C’est que ceux que la guerre arrange ne veulent pas voir venir sa fin… Ce n’est pas le Covid ou l’Ukraine qui crée cette situation, c’est ce qu’on en fait. Même en dehors de ces deux problèmes, il semble qu’on veuille accélérer les pénuries : blocage volontaire du transport ferroviaire d’engrais aux États-Unis pour gonfler le prix des céréales, autorisation dans ce même pays d’augmenter de 50 % le mélange de carburant à base de biodiesel et d’éthanol de maïs, ou comment faire semblant de contenter les automobilistes d’un côté pour reporter le problème sur la sécurité alimentaire… Effet pop-corn, les USA, le plus important producteur et exportateur de maïs, va voir une flambée des prix de cette céréale. A Shanghai, on met en quarantaine le plus grand port à conteneurs du monde. Pendant ce temps, on abat des dizaines de millions de poulet, testé « positifs » à la grippe aviaire… aussi positifs que nous étions positifs au covid après tests PCR… Dans ce contexte, Ursula, qui fait partie de la même bande et obéit aux mêmes règles, déclare l’embargo sur l’énergie russe.

En parlant des pays pauvres, Herr Klaus l’avait écrit dans The Great Reset: « Pour eux, cette crise va prendre des proportions énormes et il leur faudra des années pour en sortir, avec des dommages économiques considérables se traduisant rapidement par une douleur sociale et humanitaire. » (…) « Elle pourrait entraîner une catastrophe humanitaire et une crise alimentaire » (…) « D’une manière ou d’une autre, ces risques auront pour conséquences une plus grande instabilité, voire le chaos. » (…) « Dans les années à venir, alors que la pandémie infligera des souffrances à l’échelle mondiale, il est fort probable que la dynamique n’ira que dans un sens pour les pays les plus pauvres et les plus fragiles du monde : de mal en pis. En bref, de nombreux États qui présentent des facteurs de fragilité risquent d’échouer. » 

Fragilité à laquelle lui et ses amis auront cruellement contribué. Sauver des vies ? Ils n’en ont cure, si les sacrifier leur permet d’accroître leur profit et leur pouvoir, qui passe avant femmes et enfants, ou soldats, de l’un ou l’autre des côtés, Ukraine ou Russie.

Pendant qu’ils organisent les pénuries et famines à venir, nous laissant croire que nous sommes libres, barbecues et vacances à portée de main, ils anticipent l’automne, appelant les États membres à intensifier leur préparation en vue de la prochaine phase de la pandémie.

Ils demandent ainsi, notamment, aux États-membres :

- d’intensifier la vaccination et l’administration de doses de rappel, en tenant compte de la circulation simultanée de la COVID-19 et de la grippe saisonnière.

- de mettre en place des systèmes de surveillance pour le Covid 19, novlangue qui traduite signifie « contrôle généralisé des populations ».

- d’appliquer des règles coordonnées au niveau de l’UE pour garantir la liberté et la sécurité des déplacements, tant au sein de l’UE qu’avec les partenaires internationaux; Novlangue pour le « contrôle des déplacements ».

- à soutenir le développement de la prochaine génération de vaccins et de traitements

- à continuer à faire preuve de solidarité au niveau mondial tout en améliorant la gouvernance mondiale.

- à intensifier la collaboration pour lutter contre la mésinformation et la désinformation à propos des vaccins contre la COVID-19. Ça c’est pour nous notamment.

Lutter contre la mésinformation et la désinformation… les gardiens de la vérité, celle du business et du pouvoir savent qu’ils ont à la fois à leur service les gouvernements, les officines officielles que se disent défendre les journalistes et leur liberté, comme l’AJP, et les médias oligarchiques.

Malgré leurs discours, malgré leurs tweets, on sait que leurs mots sont vides de sens. Bénédicte Linard, Ministre des médias, qui nous prévenait il y a quelques mois qu’une réflexion était en cours sur les contours de l’aide à la presse qui doivent s’inscrire « dans une perspective d’éducation aux médias, de démocratie, de respect du droit, de lutte contre les fake news et les théories du complot », arrivera à ses fins en trouvant l’astuce : mettre une nouvelle condition pour pouvoir bénéficier des aides, c’est-à-dire être membre de l’association pour l’autorégulation de la déontologie journalistique (AADJ). Leurs copains donc, qui évidemment ont refus notre adhésion, sans avoir à s’expliquer.

Le 3 mai donc, jour de la liberté de la presse, nous recevions dans la boîte aux lettres la confirmation de la Communauté française : « Il appert que le 30 mars 2022 l’AADJ a rejeté votre demande d’adhésion en tant que membre. Ceci constitue un motif d’irrecevabilité de votre demande de soutien en tant qu’éditeur de presse écrite périodique (…) et aucune aide ne peut donc vous être attribuée ».

Mais vous pensez que vous allez vous en sortir ainsi ? Mettre en place vos propres règles arbitraires, nullement fondées sur les droits des journalistes, notamment La Charte de Munich et nous faire exclure par vos copains en feignant un processus démocratique ? S’ils font généralement les choses dans le plus grand secret, parfois les médias du pouvoir crachent toute leur haine et exprime leur moi profond en condamnant au bûcher ceux qui ne disent pas ce qu’il faut : « Exclus à vie », Bernard Crutzen, pour

« manque d’honnêteté intellectuelle et propagation d’informations biaisées et toxiques ». Comment osent-ils, eux qui nous ont intoxiqués et menti depuis des décennies, avec le feu d’artifice de ces deux dernières années ?

Ce même jour, ceux qui parlaient pour mieux cacher qu’il ne faisaient rien de ce dont ils parlaient, tweetaient « Nous devons veiller à ce que les journalistes puissent travailler librement et en toute sécurité. C’est une condition indispensable pour la protection de nos droits et liberté ».

En réponse, nous postions publiquement sur la page tweeter de la Ministre : « Vous rigolez ? Reporters Sans Frontières a condamné une atteinte délibérée à la liberté de la presse lors de l’arrestation de notre journaliste A. Penasse, vous n’avez pas réagi. Pas plus qu’aux censures dont nous sommes l’objet depuis deux ans. Que des mots Madame Linard… »

Et puis, quelques heures après, le Tweet a disparu… Ce qui n’existe plus n’a jamais existé… Sauf que nous avons pris nos précautions et avons fait une capture d’écran. Qu’avez-vous à cacher Madame la Ministre ? Cela vous gêne ? D’autres choses encore, comme le curieux mélange de genre quand on sait que votre père siège dans la Commission d’appel pour ma carte de presse ? Vous vous autorégulez entre vous, vous établissez les règles entre vous, ce qui va à l’encontre de tous les principes démocratiques. C’est un scandale !

La Ministre parle donc de liberté de la presse comme Taylor parlerait de bien-être au travail ou Pinochet de droit du détenu. Nous ne lâcherons rien!

Pour ceux qui ne seraient pas prêts à l’entendre, c’est-à-dire qui préfèrent se mettre la tête dans le sable : dans quatre mois maximum, c’est reparti, mais de plus belle : s’ajouteront à la situation des premiers confinements : les pénuries et rationnements, un état de tension sociale et de violence beaucoup plus grand du notamment à des populations en détresse mentale et en souffrance devant ce qu’ils pensaient ne plus jamais voir revenir, de nombreux morts et malades de la vaccination, une situation hospitalière catastrophique, avec, en Belgique, une application de la loi d’obligation du personnel soignant mise en place dès le prochain épisode « pandémique ». Sans compter de nombreuses suspensions pour les non-vaccinés, outre toutes les absences pour burn-out et licenciements après les deux années éprouvantes, sans évoquer l’ambiance délétère due aux effets de la ségrégation qu’auront crée la caste médiatico-politique.

L’automne sera propice à créer le problème, puisque les infections reviendront naturellement et qu’ils feront comme à l’habitude : le testing PCR massif. Von Der Leyen prévient déjà maintenant : « Le nombre d’infections reste élevé dans l’UE et de nombreuses personnes meurent encore de la COVID-19 à travers le monde. En outre, de nouveaux variants peuvent apparaître et se propager rapidement. Mais nous savons désormais quelle voie suivre. Il nous faut intensifier encore la vaccination et l’administration de doses de rappel de même que les tests ciblés, et nous devons continuer à coordonner étroitement nos réponses au sein de l’UE »

Aucun mot sur le désastre de la vaccination dans le communiqué de la Commission. Non, toujours la même chose : « nombreux sont ceux qui souffrent ou meurent encore de la COVID-19 ». Tant mieux, ça fera vendre les vaccins que le mari d’Ursula, Heiko, avait contribué avec Pfizer à rendre possibles, dans la société qui l’embaucha en décembre 2020, Orgenesis. Salaire ? 1,5 millions de dollar par an. Tiens, le 08 mai 2021, Ursula signera au nom de l’Europe un contrat avec Pfizer de 36 milliards d’euros. Le Soir, qui feint l’irrévérence et publie quelques détails sur Big Pharma ‑terme qui n’est désormais plus qualifié de complotisme parce que les médias de masse l’ont décidé ainsi- aurait dû publier l’enquête de Adrian Onciu, ce journaliste qui a révélé les ententes entres Big Pharma, Ursula et Heiko. Peut-être un peu trop dangereux pour le journal.

« Intensifier la vaccination ». La Belgique a bien entendu le message, alors que se votait le 3 mai dans le plus grand silence le projet de loi sur la vaccination obligatoire. Verdict : pas un mot dans la presse sur le résultat de ce dramatique et illégal vote de parlementaires, qui risque bien d’arriver dans les prochaines semaines à un vote définitif et une mise en application de l’obligation dès que le gouvernement considérera que « les chiffres remontent… ». Applause!

L’Union européenne, sera, grâce à ce qu’elle fait du Covid et de la guerre en Ukraine, le laboratoire de la mise en place d’un Nouvel Ordre mondial, s’appuyant sur le prétexte de coordonner stratégiquement la « pandémie ».

Il est encore temps d’endiguer ce délire.

Pour voir la vidéo d’origine: https://www.kairospresse.be/kairos-hebdo‑5/

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Kairos Hebdo 2

Cet été, le Kairos « Hebdo » s’écrit, pour que ce que nous avions mis en mots et en images dès ce printemps dans un nouveau format, se rappelle à vous. Car on a vite fait d’oublier l’actualité, or se souvenir de ce qui a été permet de mieux saisir le présent et de se préparer à l’avenir, et même, peut-être, d’y participer. 

On reconnaît le totalitarisme au zèle qu’il met à faire disparaître les informations qui le dérange et taire les voix dissidentes qui pourraient être entendues.Mais qu’est ce qui le dérange et pourquoi ? L’énergie à cacher les faits démontre en premier lieu qu’il y a… quelque chose à cacher. Les personnes éprises de liberté et qui aiment porter la critique contre Kairos devraient donc se demander : pourquoi ceux que l’on appelle « nos dirigeants » ont partout crié à l’époque qu’ils voulaient sauver des vies et dans le même temps censurent aujourd’hui les individus qui informent du danger en cours, dans un objectif de prévention ? Imaginons un instant que tous ceux qui évoquent les effets secondaires et morts des injections se trompent. C’est peu probable, mais possible. Toutefois, le risque de les laisser parler est-il plus grand que celui de les écouter et vérifier la véracité de ce qu’ils disent ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question…Dans un déontologie feinte, ils nous disaient vouloir sauver à tout prix la moindre vie : ils confinaient, fermaient, distanciaient… pour nous protéger. Aujourd’hui, celui qui énonce les effets secondaires dramatiques des injections Covid, est directement censuré.19 387 décès au 18 décembre 2021 et 1 275 634 effets indésirables dont 363 774 graves sur le site[note] de pharmacovigilance européen EudraVigilance.Tout en sachant qu’à peine 10 % de ceux-ci remontent aux instances officielles, ce que le changement de nom des injections ne rendra pas plus facile. En effet ; MODERNA est devenu le « CX-024414 », PFIZER-BIONTECH s’appelle désormais « TOZINAMERAN », ASTRAZENECA est à présent « CHADOX1 NCOV-19 » et JANSSEN devient « AD26.COV2.S ».S’ils cherchaient à protéger, ils chercheraient à comprendre, laisseraient les paroles s’exprimer librement. N’est-ce pas ?Ils veulent que l’on oublie qu’ils avaient conditionné le retour à la « vie normale » à une vaccination qu’ils disaient sûre et efficace. En Belgique, les rapports de Sciensano[note], qui montrent ce qu’ils ne peuvent plus cacher et que la caste politico-médiatique interprète comme elle l’entend, parlent d’eux-mêmes : les triples dosés attrapent beaucoup plus le Covid, sont plus admis à l’hôpital, en Unité de soins intensifs et meurent largement plus.

Nous protéger ? Ils veulent surtout protéger les esprits de la connaissance, connaissance qui pourrait mener à la compréhension, et compréhension à la révolte. Avez-vous entendu qu’en Allemagne il y a tous les jours des manifestations, alors que des dizaines de milliers d’Ukrainiens arrivent en Europe, permettant au patronat allemand de renouer avec une situation passée d’absence de salaire minimum, de détruire ce qu’il reste de la résistance ouvrière, tout cela pour encore augmenter leurs profits. Et vous avez pu penser qu’ils en avaient quelque chose à faire des Ukrainiens ?En Allemagne justement, où le média France Soir révélait qu’une des plus grosses caisses d’assurance entreprise prévenait des 244 576 cas pour lesquels il existe un soupçon d’effets secondaires des vaccins anti-Covid, mais que ces chiffres seraient très probablement sous-évalués.À Shanghai, les gens sont confinés depuis plus d’une semaine et des images de gens qui crient à leur fenêtre circulent sur le net[note].

À quand chez nous ?Mais crier suffit-il encore ? On se souvient des images de Network…

https://www.youtube.com/watch?v=ut38GC2LmZs&ab_channel=LePartage

En France, les médias aux ordres ne s’offusquent pas que les soignants, applaudis avant, deviennent une fois qu’ils refusent de se faire vacciner, des parias de la société, suspendus et sans salaire. Sans parler de ceux qui se sont fait injecter de force. Ils pérorent encore autour d’élections spectacles qui verront s’opposer deux produits du système.Quand les faits ne peuvent plus être cachés, il faut les détruire. On ferme nos chaînes, on limite les partages, on prive les gens de la possibilité de s’abonner à nos pages.Les plateformes censées permettre le financement de projets alternatifs, ne soutiennent que ceux qui rentrent dans le cadre du système… pas Kairos, donc. Ulule et KisskissBankbank nous ayant refusé un financement participatif. Ils privatisent donc les couloirs de financement qui devraient être participatifs, comme les FaceBook et YouTube ont privatisé la parole publique, sous le seul prétexte d’être des entreprises privées auxquelles l’État a tout laissé faire.Les inquisiteurs interpellent les librairies qui nous vendent pour leur mettre la pression afin qu’ils arrêtent de le faire. Ce sont les mêmes qui se gargariseront avec leur ouverture, leur liberté d’expression et leur volonté de faire autre chose. Ils font du Bio, mais à côté de l’industriel, rassurant pour les esprits bourgeois qui veulent continuer à faire comme avant mais avec bonne conscience, qui préfèrent ne pas voir trôner Kairos à côté de leur biscuits et pomme de terre sans pesticide. Färm ne nous vend donc plus…

« Nous avons constaté depuis quelque temps que au sein de l’équipe, ainsi que parmi la clientèle fidèle de notre magasin, nous ne partageons pas les mêmes valeurs que celles promues via certains articles de votre journal. C’est pourquoi nous décidons de mettre fin à la vente de votre journal dans notre magasin de Meiser ». 

L’heure des lâches…Mélodie, fondatrice de la plateforme « Où est mon cycle »[note], auditionnée au Parlement européen et au Sénat français, ‑devant des élus qui pour la plupart, inféodés à leur parti, devront un jour payer pour leur crime de silence‑, a eu ce matin son ordinateur, son téléphone ainsi que celui de son compagnon, piratés. Les menaces, qui étaient latentes, se manifestent. Et elles risquent de devenir plus dangereuses.

Pour réduire le journalisme libre au silence, on commence par les techniques soft; on me prive de ma carte de presse, on nous demande de rembourser les subsides perçus précédemment, et on nous empêche de percevoir les prochains subsides…Paradoxalement, le fait qu’ils nous coupent tout est bon signe. Cela signifie que nous faisons du bon travail.Nous ne ferons rien sans vous. Nous ne sommes pas fous. Nous informons.

Pour retrouver la vidéo d’origine : https://www.kairospresse.be/kairos-hebdo‑2/

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« Avec l’ivermectine, vaccins et Remdesivir auraient été inutiles » 

Entretien avec Jean-Loup Izambert[note]

Izambert Mickomix

K : Vous avez collaboré avec de nombreux médias et écrit des ouvrages. Vous avez enquêté sur le plus grand krach boursier impliquant 40 banques européennes, sur le détournement de fonds du Crédit Agricole, sur l’ONU et plus récemment sur le virus et le président. Mais on va plutôt évoquer votre dernier ouvrage sur l’ivermectine. 

J.-L. I. : Au départ, j’ai travaillé pendant plus d’un an avec Claude Janvier sur Le virus et le président où nous montrons comment le pouvoir politique en France instrumentalise la crise sanitaire, dont il est en partie responsable par la réduction des moyens financiers et humains du secteur de la santé. Ce pouvoir utilise l’épidémie pour dissimuler la crise économique et financière qui s’aggrave. Claude a travaillé sur le Nord, moi sur le Sud, en allant à la rencontre du personnel hospitalier dans les manifestations, mais aussi de commerçants, de dirigeants d’entreprises, de syndicats, ainsi que des gens ordinaires, après l’imposition du pass sanitaire. On a passé en revue les principales données de cette crise dans un livre qui va sortir en mai, avant les élections législatives en France. Le bilan se base sur 40 questions, dont l’une concerne l’ivermectine. Les médias dominants ne parlent pas de l’exemple de l’Inde, qui a vaincu l’épidémie de covid grâce à elle. Pourquoi alors ce médicament est-il bloqué par l’OMS, l’Union européenne et la Commission ? En France, j’ai recueilli des témoignages sidérants. Nous montrons aussi le combat de Jean-Charles Teyssèdre, l’avocat à l’origine de la première procédure pour essayer de faire sauter les verrous qui bloquent l’utilisation de l’ivermectine. Elle est interdite pratiquement et le Conseil de l’ordre poursuit les médecins qui la recommandent officiellement ou refusent de vacciner. C’est un cercle vicieux parce que d’un côté, il y a l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui n’interdit pas l’ivermectine et de l’autre côté le Conseil de l’ordre qui poursuit par exemple le docteur Gérard Baudru qui prouve que l’ivermectine fonctionne et permet de sauver des vies. 

K : La même chose arrive ici à Pascal Sacré, Alain Colignon, David Bouillon et Laurence Kaiser, tous convoqués à l’Ordre des médecins. L’ivermectine est un sous-scandale du scandale général. Mais la plupart des gens ne savent pas ce qu’est l’ivermectine, utilisée depuis 40 années. 

J.-L. I. : L’ivermectine est une molécule découverte en 1974 par les scientifiques Satoshi Omura et William Campbell. Ils se sont aperçus qu’elle soignait un tas de maladies parasitaires. L’Asie, l’Afrique, l’Amérique centrale et du Sud l’ont vite adoptée. Il y a encore des pharmaciens et des médecins qui la considèrent comme un simple médicament antiparasitaire, alors qu’au fil du temps on s’est rendu compte qu’elle était également anti-virale et efficace contre toute une série de coronavirus. Quand survient la pandémie de covid, certains scientifiques se sont aperçus qu’elle pouvait soigner à tous les stades de la maladie, ainsi que de manière préventive, ce qui est intéressant pour les personnels qui sont en contact régulier avec un public. Ces informations scientifiques sont difficiles d’accès pour les gens. Le professeur Alessandro Santa explique simplement que l’ivermectine agit en faisant un barrage entre le virus et les cellules du corps, ce qui la rend également efficace contre les variants. 

K : Il est intéressant de noter que la plupart des pays de l’UE, dès le départ, ont fait le choix de suivre les directives de l’OMS et de ne pas utiliser l’ivermectine. Et cette décision va avoir des conséquences énormes… 

J.-L. I. : Oui. J’ai pris l’Inde comme exemple, parce que c’est un laboratoire géant. Dans cette confédération composée de 35 États, 28 ont suivi la recommandation de l’OMS et les autres ont fait l’inverse, allant même jusqu’à distribuer de l’ivermectine dans tout un tas de lieux publics. Une avocate indienne dirige l’ensemble de ces procédures contre l’OMS et certains hauts fonctionnaires qui ont choisi d’ignorer l’ivermectine. On s’est aperçu que les États qui l’ont utilisée, dès la mi-2020, ont endigué l’épidémie, en diminuant les cas et en évitant des décès, surtout. Et c’est le contraire pour les autres États obéissants. Aux États-Unis, on obtient le même schéma avec l’utilisation des tests PCR, selon les États. Ceux qui l’utilisent le plus ont le plus grand nombre de cas, mais pas forcément le plus grand nombre de malades. 

K : Le test PCR, c’est vraiment le talon d’Achille… 

J.-L. I. : Oui, puisque celui qui l’a mis au point indiquait clairement que l’on peut lui faire dire n’importe quoi, et qu’il ne doit surtout pas être utilisé pour détecter une épidémie. Pour donner un exemple, le test PCR ne fait pas la différence entre un virus mort et un virus vivant, ni entre le covid et le virus de la grippe. Donc il ne peut pas dire si une personne est infectée, malade ou contagieuse. Avec une explosion du nombre de tests, on va avoir une explosion du nombre de cas. J’ai pris le cas de l’Inde pour montrer que les indications de l’OMS étaient complètement folles. 

K : Les médias ne parlent pas de l’Inde, sauf des États qui ont appliqué le protocole de l’OMS. La désinformation continue. 

J.-L. I. : Il faut parler de criminalité à propos des dirigeants de l’OMS. Quand il y a un médicament bon marché et efficace comme l’ivermectine qui permet de soigner la population et que l’OMS en déconseille l’utilisation au niveau mondial sur la base d’un rapport sciemment truqué, c’est très grave. Derrière, on retrouve les lobbies des vaccins, dont les fabricants ne connaissent pas les effets secondaires qui provoquent déjà aujourd’hui, alors qu’ils sont encore au stade expérimental, des millions de morts à travers le monde. Les informations commencent à remonter par la pharmacovigilance. Quand on suit la courbe du nombre de personnes qui se font vacciner et qu’on suit celle des décès ou des effets secondaires, le lien avec l’injection du vaccin est patent. Olivier Véran a lui-même reconnu devant le Conseil d’État que les personnes vaccinées étaient celles qui pouvaient être les plus affectées en cas de réinfection. Et dire qu’il y a encore des médecins de plateau en France qui recommandent de prendre la quatrième dose, celle qui va nous sauver, les trois premières n’ayant pas été efficaces ! 

K : Vous évoquez « une des plus grandes tromperies contemporaines organisées par un pouvoir politique, main dans la main avec des dirigeants de l’UE et les grands propriétaires de la finance et de l’économie ». Pour revenir à l’Inde, plainte a été déposée contre la scientifique en chef de l’OMS, accusée d’avoir causé la mort de citoyens, contre le directeur général de l’OMS et le directeur général des services de santé en Inde. Les plaignants osent parler de crime et de complot, c’est très intéressant… 

J.-L. I. : Le complot est à la direction de l’OMS. Par exemple, l’ivermectine et le vaccin russe Spoutnik sont interdits en Europe occidentale. À la place, les gens à la tête de l’État français ont diffusé massivement des produits expérimentaux dont les fabricants ont exigé auprès de l’UE d’être déchargés des responsabilités financières et juridiques en cas d’effets secondaires. Ceux-ci ont jugé leur produit efficace à 95 %, pourtant le nombre de cas et de malades a continué à augmenter. 

K : Le test PCR est certainement utilisé comme outil politique pour faire monter ou diminuer les cas et décider d’une politique sanitaire. C’est quand même incroyable ! 

J.-L. I. : Le bêtisier de la covid-19 serait à écrire. Je connais une septuagénaire qui, à force de regarder BFM TV, a été prendre sa troisième dose. Puis, elle ne s’est pas sentie bien pendant l’été, a fait un test, et elle était positive ! Ou c’est le vaccin qui est inefficace, ou c’est le test PCR, ou encore les deux. La personne peut aussi présenter une comorbidité. 

K : Il est écrit dans votre livre : « Le constat est dramatique : nous ne pouvons plus compter sur les autorités sanitaires pour procéder à un examen honnête des preuves médicales et scientifiques. Nous demandons donc aux autorités régionales de santé publique et aux professionnels de la santé du monde entier d’exiger que l’ivermectine soit incluse dans la norme de soin afin de mettre fin à cette pandémie une fois pour toutes ». A contrario, parlons du fameux Remdesivir. Je cite : « L’Union européenne a confirmé une autorisation de mise sur le marché conditionnel de l’Agence européenne du médicament pour un médicament dont elle ne connaissait pas toutes les caractéristiques », et qu’elle a commencé à acheter aussitôt. Donc avant les conclusions de l’étude en cours, ce qui, cette fois, l’arrangeait bien. 

J.-L. I. : Avec le Remdesivir, on est dans l’escroquerie. Des scientifiques de l’OMS ont produit une étude en demandant à la firme Gilead de leur fournir tous les éléments nécessaires. Entre-temps, on s’aperçoit que leur produit n’est pas efficace. Cela n’a pas empêché Gilead de faire pression sur le client UE pour qu’il l’achète rapidement. C’est de la vente forcée. 

K : C’est à nouveau quelque chose qui sert la stratégie vaccinale, après avoir refourgué un produit inutile et cher… 

J.-L. I. : Avec l’ivermectine, vaccins et Remdesivir auraient été inutiles. Mais elle n’intéresse pas les laboratoires, qui recherchent le profit maximum immédiat. Parlons du Japon, un pays avec une forte densité de population où la contamination peut se répandre facilement. En août 2021, il y avait l’état d’urgence, et les médecins japonais, libres d’agir, ont prescrit l’ivermectine massivement ; l’épidémie a été endiguée en trois mois, comme dans 40 autres pays, du reste ! En septembre, l’état d’urgence a été levé dans tout le pays. Les journalistes de l’AFP (Agence France Presse), à la fin de 2021, osaient écrire qu’il n’y a pas de preuves scientifiques sur l’efficacité de l’ivermectine, que c’est un médicament uniquement pour soigner les parasitoses. L’AFP reçoit des subventions de l’État et des recettes publicitaires des firmes pharmaceutiques en question, ce qui lui laisse peu de marge pour la liberté éditoriale ! 

K : Il peut aussi y avoir une contradiction entre ce que dit le journaliste et ce qu’il fait lui-même quand il tombe malade. En Belgique, le rédacteur en chef d’un grand média s’est soigné avec l’ivermectine, alors que dans ses pages, il la dénigre. Il y a une véritable corruption généralisée endémique. Parlons de l’avocat Jean-Charles Teyssèdre, qui introduit dès décembre 2020 une demande auprès de l’ANSM pour que l’ivermectine puisse être utilisée comme traitement contre le covid-19. Il ne reçoit aucune réponse dans les premiers mois… 

J.-L. I. : Teyssèdre mène un combat exemplaire. Il maîtrise très bien ce dossier. Quand il découvre les études scientifiques, qu’il vérifie les propos de ses clients, il propose de faire une demande auprès du tribunal administratif pour obtenir une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Une RTU se fait pour un médicament qui bénéficie déjà d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), moins difficile à obtenir qu’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) inattendue qui, elle, est attribuée de manière exceptionnelle à un médicament qui n’a pas d’AMM. Étonnamment, le ministère de la Santé est convoqué pour donner son avis. Maître Teyssèdre constate alors que le ministère ne produit pas de conclusions. Contrairement au traitement qu’elle aurait appliqué à un simple citoyen, la magistrate se montre compatissante avec ce pauvre ministre très pris par ses problèmes avec la santé publique. On va attendre. Quelle indulgence ! Alors elle prend sa décision dans le délibéré et refuse évidemment la recommandation temporaire d’utilisation. Puis Teyssèdre va devant le Conseil d’État qui met alors en demeure l’ANSM de donner une réponse. Ce n’est qu’en mars 2021 que sa directrice répond qu’en raison des données insuffisamment disponibles à ce jour, elle ne peut répondre favorablement à la demande de recommandation temporaire d’utilisation. Elle souligne la nécessité de mettre en œuvre de larges études cliniques randomisées en vue de conclure sur la base d’une méthodologie adaptée à la possible utilisation de l’ivermectine dans le contexte de la maladie. Rappelons qu’en mars 2021, il existait déjà 68 études scientifiques qui concluaient l’efficacité de l’ivermectine. Ce qui veut dire que l’ANSM soit méconnaît ces études scientifiques, ce qui est grave, soit que des intérêts des laboratoires pharmaceutiques font en sorte d’éviter de parler de l’ivermectine — un médicament sûr, efficace, bon marché — pour se faire des couilles en or avec un médicament expérimental dont ils demandent d’être déchargés des possibles effets secondaires. 

K : En France, l’ANSM refuse systématiquement de prendre en compte d’autres types d’études, le Haut conseil de santé publique et la Haute autorité de santé rejettent toute étude favorable. Par contre, le Remdesivir a reçu une autorisation de mise sur le marché, en seulement 20 jours… 

J.-L. I. : Dans la logique de ces bureaucrates, le médicament n’étant pas efficace, il a donc son autorisation rapidement. Le vaccin Spoutnik, efficace contre le covid, est toujours bloqué, pour un tas de prétextes. Mais Pfizer a obtenu l’autorisation pour son vaccin en quelques mois. Là ce n’est plus de l’incompétence, mais de la corruption qui touche l’État. En mars 2020, Macron a créé le conseil scientifique pour le conseiller. On se demande à quoi servent les autres fonctionnaires, ceux de l’Inserm, du CNRS, de l’Institut Pasteur, qui sont assez compétents pour donner des avis. À la tête du conseil scientifique, il y a Jean-François Delfraissy, qui avait déjà fait ses preuves en 2010 quand Roselyne Bachelot, à l’époque confrontée au virus H1N1, avait fait appel à lui. Il avait déjà conseillé de vacciner les Français deux fois. Des millions de doses avaient été achetées, qu’il a fallu détruire. La Cour des comptes a fait le bilan : autour de 700 millions € ! Alors comme c’était un bon conseiller, Macron l’a repris. En France, on ne change pas une équipe qui perd ! Par contre, pas un mot sur l’ivermectine dans la documentation produite publiquement par le Conseil scientifique. Curieux de la part d’un organisme qui est là pour conseiller le gouvernement… Macron va devoir rendre des comptes sur ses deux ans de gestion de l’épidémie, pas seulement sur les vaccins, mais aussi sur la présence de McKinsey qui influence les décisions du gouvernement au profit d’intérêts privés. Nous sommes dans une situation complètement ubuesque où le vaccin russe et l’ivermectine sont écartés du marché, alors que des produits expérimentaux, dont les fabricants sont déchargés des effets secondaires (y compris la mort), sont diffusés massivement sous l’égide de l’OMS. 

K : Le pouvoir a réussi à mettre en place un tel plan machiavélique qu’on peut craindre que jamais il ne le reconnaisse. Avec le risque d’aller devant la justice, ils vont tout faire pour éviter cela, sauf si les gens se réveillent. Le 17 juin 2020, la Commission européenne publie sa stratégie vaccinale contre la Covid-19 qui était déjà, selon moi, dans les cartons depuis plus longtemps. Elle propose une modification de règlement, soumis au vote du Parlement via une procédure d’urgence. Le 3 juillet, le Conseil vote le texte de la Commission, qui vise à alléger les exigences préalables au démarrage d’essais cliniques avec des médicaments contenant des OGM ; il a été adopté tel quel par le Parlement sans modification possible, sans amendements ni débats, au moment où la population traumatisée sortait d’un confinement ! 

J.-L. I. : Ça montre bien à quoi sert l’UE : favoriser les intérêts de Washington. Quand les représentants de Pfizer sont venus à Bruxelles pour signer les contrats, ils ont exigé que le droit américain s’applique, ce qui les décharge de leurs responsabilités. C’est une volonté hégémonique qui n’a rien d’étonnant quand on se rappelle que, depuis 1991, des milliers de tonnes de bombes sont tombées sur les pays qui s’opposaient aux impérialistes de Washington. Mais ici c’est très grave, parce que ça touche à la santé de tous. Aujourd’hui, la santé est menacée par l’Organisation mondiale de la santé ! Ses décisions sont sous l’influence de multinationales. Elle devrait au contraire alerter l’opinion publique sur le nombre de décès qui surviennent après la troisième dose. Didier Raoult précise que les risques l’emportent sur les bénéfices, pour le moment. Malheureusement, la population sert de cobayes. Demandons-nous si Gates, Clinton, les dirigeants de Pfizer, etc. n’ont pas voulu mettre en place un moyen d’éradiquer une partie de la population mondiale. Si ces vaccins ARN avaient un effet sur la composition du sang, ce serait très grave. On ne pourrait plus faire de transfusion sanguine, par exemple. Ces gens-là savaient-ils pertinemment ce qu’ils faisaient ou est-ce que le crime est apparu en cours de décision de l’OMS ? Le vaccin est expérimental, mais les lobbies mettent la pression pour imposer leurs produits à coup de conférences, de matraquage de documentation, de réunions, etc. Quand bien même ont-ils pensé que le vaccin, bien qu’expérimental, serait au bout du compte positif, le crime survient quand il y a de plus en plus de morts liés au vaccin et qu’on ne décide pas de dire STOP et de demander une enquête internationale. C’est ce que propose la chercheuse Tess Lori qui, dans un rapport à Boris Johnson, demande l’arrêt de la vaccination et une enquête sur le rapport risques/bénéfices. L’OMS sera un jour obligée d’y venir. 

K : Cela aurait aussi mis à mal la stratégie vaccinale…J.-L. I. : Oui, et il y a des précédents. Pfizer a versé plusieurs mil

liards de dollars de compensation pour éviter des procès publics. Il y a eu aussi des médicaments qui avaient une image honorable et dont on s’est aperçu des effets secondaires. Il y a quatre ans, j’avais rencontré le directeur général de l’OMS qui m’expliquait jusqu’où peut aller l’influence des lobbies. Il me dit que le budget de l’OMS, au début des années 2000, était un mélange de contributions des États-membres et de contributions volontaires. Celles-ci viennent de firmes pharmaceutiques qui proposent à l’OMS de vacciner telle partie de la population en Afrique. Des centaines de millions d’euros arrivent ainsi dans les caisses de l’OMS pour réaliser l’opération, sous la direction de Big Pharma. Mais aujourd’hui, il s’agit d’un vaccin expérimental qui pourrait entraîner une situation vraiment catastrophique au niveau mondial ! 

K : Vous concluez votre livre en disant que les Français ont le choix entre continuer de survivre honteusement dans le déni ou dégager ce pouvoir autoritaire qui a enfoncé la France dans une crise politique, économique, sociale et sanitaire sans précédent. C’est le nœud du problème. Ces gens qui sont censés nous diriger ne sont plus du tout au service du bien commun, mais des multinationales. 

J.-L. I. : Le prochain livre que je vais sortir avec Claude Janvier au mois de mai aura pour titre Covid-19, le bilan en 40 questions. Il est conçu sous forme de fiches techniques qui traitent chacune de questions que les gens nous ont posées : qu’est-ce qu’un virus ? Le virus est-il virulent ? Le port du masque est-il dangereux ? Qu’est-ce que le taux de mortalité ? Quelle est la différence entre un vaccin ARN et un vaccin classique ? Les tests PCR sont-ils efficaces ? Etc. Je précise que nous sommes des complotistes, nous ne donnons la parole qu’à de grands complotistes qui n’ont pas accès aux médias d’information en France, des chercheurs du CNRS et de l’Inserm, des journalistes scientifiques de différentes revues, des avocats. Ceux-ci y donnent des conseils pour porter plainte, défendre ses droits, s’opposer aux mesures gouvernementales. Il y a donc un aspect informatif et un aspect pratique. Moi je travaille sur l’OMS et le crime de masse, parce que les preuves existent du lien entre le vaccin et les millions de morts. Depuis les années 2000, les choses se sont considérablement aggravées. Les vaccins, c’est là où commence le crime. Au début, la direction de l’OMS a peut-être été abusée par l’argumentaire des fabricants, mais ça ne peut pas tenir dans la durée. 

K : Si vraiment ils pensaient bien faire, ils ne censureraient pas les discours différents… 

J.-L. I. : Bien sûr. C’est pour ça que dans le livre, nous publions les fiches techniques qu’ont remises les fabricants de vaccins, notamment Pfizer et Moderna auprès de l’Agence européenne des médicaments pour obtenir son autorisation provisoire de mise sur le marché. Ils ont organisé la distribution massive au niveau mondial de produits expérimentaux qui ont des effets secondaires graves. C’est un crime et ça ne peut pas continuer ! Je signale aussi que les produits ARN messager sont une invention française que les États-Unis ont essayé de récupérer pour pouvoir ouvrir un nouveau marché. 

K : Merci, Jean-Louis. Je pense que le moment est historique, il faut tenir, notamment en soutenant les médecins attaqués par l’Ordre. 

J.-L. I. : Nexus vient de publier l’interview du docteur Gérard Baudru, qui est aussi poursuivi par le Conseil de l’ordre des médecins. Il explique qu’il faut en finir avec cet ordre du passé, une nomenklatura planquée dans ses bureaux, riche de millions d’euros de subventions. 

Propos recueillis à distance par Alexandre Penasse en avril 2022, retranscrits et mis en forme par Bernard Legros 

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Culture Woke : l’ arbre qui cache la forêt 

Débarqué dans le sillage des mouvements MeToo et Black Lives Matter, le mouvement Woke (de l’anglais « To wake », s’éveiller) s’attaque à toutes celles et ceux qui ne respecteraient pas les codes de l’antiracisme et de l’antisexisme. De l’écriture inclusive à l’installation de toilettes transgenres, de l’élimination de certains mots trop « connotés » à la révision de pans entiers de l’ histoire, rien n’échappe à la vigilance de ce mouvement qui se drape dans les meilleures intentions du monde : la lutte contre les discriminations en tous genres et l’antiracisme. Mais que se cache-t-il exactement derrière cette nouvelle mode idéologique ? 

Tentative de décryptage 

Dans 1984, George Orwell avait imaginé que le pouvoir totalitaire instauré par Big Brother introduirait progressivement une novlangue destinée, à terme, à supprimer l’« ancilangue », l’anglais traditionnel. Le but de la manœuvre ? Reformater les esprits selon les canons de la nouvelle idéologie et empêcher le « crime par la pensée », faute de mots à même de le concevoir. Le wokisme, c’est d’abord une affaire de mots destinés, eux aussi, à « penser correctement » et à éviter tout « dérapage ». Racisés, cisgenre, non-binarité, intersectionnalité, décolonialisme, linguistique dégenrée : autant de termes nouveaux qui balisent un territoire en expansion constante, et dont le simple usage vous confortera déjà dans le sentiment rassurant d’appartenir au camp du Bien. Car aujourd’hui, pour certains, oser critiquer le wokisme et ses avatars ultra-communautaristes, c’est déjà verser dans les ténèbres et l’obscurantisme. Annonçant la couleur dès le titre de son récent ouvrage[note], le chercheur français Alex Mahoudeau n’y voit par exemple rien d’autre qu’une « offensive réactionnaire » de petits bourgeois blancs et frileux qui ne comprennent décidément rien à la modernité. Et quand on n’est pas réac ou « néo-réac », c’est qu’on est carrément crypto-fasciste. La bonne vieille reductio ad Hitlerum, méthode éprouvée pour discréditer le contradicteur et couper court à tout débat, empêchant par là-même un examen critique, distancé et objectif. 

Réduire la critique du wokisme à des visées réactionnaires, c’est d’abord passer sous silence qu’il existe une critique de ce mouvement émanant spécifiquement de la gauche et aussi, de façon peut-être plus surprenante, une critique libérale du wokisme, non pas au sens néo-libéral, mais au sens historique du terme, s’adossant notamment à des penseurs tels que Alexis de Tocqueville et John Stuart Mill[note]. 

Proche de la gauche antilibérale espagnole, le journaliste Daniel Bernabé démontre dans Le piège identitaire comment, en Europe et aux États-Unis, les gauches de gouvernement se servent du wokisme, du communautarisme et des obsessions identitaires qu’ils véhiculent comme véritables idéologies de substitution et comment ces mêmes partis « progressistes » ont fait litière de sujets liés à l’économie, tels que les salaires, les conditions de travail, la redistribution des richesses ou le logement au profit de thématiques « sociétales » telles que le genre ou la « race ». Pour bien comprendre comment ce tour de passe-passe politique en forme d’OPA a pu se produire, il n’est pas inutile de jeter un petit coup d’œil dans le rétroviseur. 

La période charnière se situe en 1979–1981, avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et de Ronald Reagan aux États-Unis. L’heure est au libre marché et à la dérégulation, au « dégraissage » des services publics et à la première grande vague de la mondialisation. Dans un tel contexte, les expériences de gauche sont prises à contre-courant. L’exemple français est parlant. Parti pour « changer la vie » en mai 1981, le socialisme mitterrandien prend dès 1983 le « tournant de la rigueur », euphémisme pour désigner une politique d’austérité. Un moment tenté de poursuivre une politique de relance keynésienne et de se retirer du serpent monétaire européen, François Mitterrand choisira finalement de se convertir au libre marché et à l’Europe[note]. Dans la foulée, les symboles changent, eux aussi. Remisés au placard des vieilles lunes, Blanqui, Jaurès et Blum cèdent la place à de nouvelles icônes : Harlem Désir, qui préside SOS Racisme à partir de 1984 ou Bernard Tapie, qui deviendra ministre de la Ville de Mitterrand en 1992. 

Tentative de décryptage. 

La tendance s’approfondit avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS. Soutenu par Philip Gould, un publicitaire qui avait concouru à l’élection de Bill Clinton en 1992 et qui analysait l’élection comme la conquête d’un marché, avec ses niches identitaires et ses cibles communautaires, Tony Blair et son New Labour accèdent au pouvoir en 1997. Bernabé résume cette évolution en forme de révolution copernicienne : « Ainsi se sont imposées dans la société les opinions de ceux qui identifient la politique à un marché sur lequel chacun achète le produit électoral qui lui correspond le mieux. La diversité des consommateurs face à la masse anonyme de la classe ouvrière… Oubliées les politiques volontaristes des sociaux-démocrates de jadis, finis les vieux penchants marxistes : tout cela a été balayé avec la disparition du bloc de l’Est , et sous la pression d’un clientélisme électoral débridé[note] ». 

LE WOKISME EN TANT QUE PRODUIT DE SUBSTITUTION 

Ralliées au libre marché et à la mondialisation, les gauches dites de gouvernement non seulement n’ont pas changé la vie, mais elles se sont même avérées incapables de maintenir le statu quo d’un capitalisme tempéré par un État-Providence fort, issu du compromis de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Dans ces conditions, qu’est-ce qui pouvait encore distinguer, sur le « marché » électoral, une gauche « centriste » ayant quasiment évacué la question sociale et convertie à une sorte de « libéralo-progressisme », d’une droite « réformiste » qui s’attelait à adapter de façon toujours plus prégnante les États-nations à la mondialisation néo-libérale galopante ? « Well, it’s the symbolic, stupid ! » serait-on tenté de répondre, en paraphrasant la fameuse apostrophe de Bill Clinton à George Bush senior, son concurrent malheureux aux élections de 1992. Comme le résume Bernabé, « comment donner l’impression que les choses changent quand même ? Eh bien, c’est simple : en misant tout sur les guerres culturelles, ces conflits focalisés sur des questions symboliques[note] ». 

Et c’est ici que le wokisme et ses multiples produits dérivés, de la Cancel Culture à l’écriture inclusive en passant par les actions « décoloniales », avec son obsession pour les identités blessées, les complexes ressentimistes et la concurrence victimaire, ont joué le rôle de parfait produit de substitution sur un marché électoral de plus en plus volatile et versatile. Et cette résurgence de thématiques communautaristes a pu constituer une sorte de divine surprise pour une gauche démonétisée et déboussolée. Selon Bernabé, « La clé qui permet de comprendre tout cela, c’est le fait que le rapport à la politique de la plupart des gens a complètement changé : il est passé du positionnement idéologique à une attitude consumériste, que le néolibéralisme a instillée par le biais de la classe moyenne. En attisant l’individualisme, ce changement a affaibli les luttes pour la redistribution et il a recodé les enjeux d’ordre matériel dans le langage de la méritocratie… Les politiques de reconnaissance de la diversité, parce qu’elles sont intrinsèquement hétérogènes, regroupant une multitude de catégories (de genre, de race, etc.), et parce qu’elles portent une conception de la différence compatible avec l’inégalité, ont été détournées par le capitalisme sur le terrain du spécifique et de l’individuel, leur composante symbolique et culturelle les rendant aisément appropriables par le marketing[note] ». 

Ce positionnement consumériste du wokisme, on s’en doute, n’affecte pas que la sphère politique. Il atteint aussi les entreprises et l’économie elle-même. Le wokisme a ainsi généré un véritable woke capitalism, qui est en quelque sorte à l’économie ce que le Greenwashing est à l’écologie. Illustrant l’infinie plasticité du capitalisme et sa faculté opportuniste à se concilier les diverses « niches » de la diversité, il consistera par exemple, pour une entreprise, à mettre en valeur des personnes issues de la diversité dans ses campagnes de publicité ou encore à bannir certains mots de leur vocabulaire, par exemple le mot « blanc », pour éviter d’être associé à l’ « oppression patriarcale blanche hétérosexuelle[note] ». 

Mais on pourrait objecter que la lutte contre les inégalités d’ordre culturel ou symbolique, basées sur la « race », le genre ou l’orientation culturelle est peut-être tout aussi importante que le combat sur le terrain des inégalités socio-économiques. Encore faudrait-il savoir quelle forme devrait prendre cette lutte. Un exemple récent illustre les contradictions et les ambiguïtés des mouvements qui se disent désireux de faire justice aux minorités et/ou de rendre visible la diversité. Chaque année, à l’occasion de la Fête des Rois, a lieu début janvier un défilé de chars dans un quartier populaire de Madrid, Puente de Valleas. En 2018, un collectif de défense des droits des LGBTQI+ a eu l’idée de transformer le char des Rois mages en char de drag queens, afin de sensibiliser la population locale aux problèmes, peut-être réels, rencontrés par la communauté gay et queer. Soutenue par la majorité locale de gauche, cette initiative n’a pas manqué de susciter l’ire d’une partie de la droite et des chrétiens traditionnalistes qui ont saisi l’occasion pour monter au créneau. Jetant encore un peu plus d’huile sur le feu, les médias s’en sont mêlés et en ont profité pour faire grimper leur audimat avec des débats enflammés sur le respect des traditions, les troubles psychologiques qui pouvaient en résulter sur les enfants, avec force psychologues de service sur les plateaux. Résultat ? Outre une polarisation des esprits, tout ce battage médiatico-politique n’aura sans doute pas changé grand-chose à la compréhension des problématiques, d’ailleurs sans doute très diversifiées, rencontrées par les LGBTQI+. Relatant cet épisode emblématique d’une certaine superficialité contemporaine, Bernabé en tire la conclusion suivante : « Pour conserver son aura progressiste et masquer son ralliement au libéralisme, la majeure partie de la gauche actuelle est prête à organiser toutes sortes d’actions symboliques superficielles et dérisoires. Les libéraux eux-mêmes ne voient aucune objection à soutenir les luttes LGBT, si elles représentent une opportunité de faire du profit. C’est ainsi que les WorldPride se sont muées en une vaste et très lucrative entreprise touristique. En revanche, personne ne lève le petit doigt ni n’est prêt à dépenser le moindre centime lorsqu’il s’agit de mettre en place des solutions pérennes pour traiter les problèmes en profondeur… et passer du terrain symbolique à des formes d’intervention aux implications matérielles : aller à la rencontre des gens pour faire de la pédagogie au lieu de capter un public de consommateurs trop souvent en quête de constructions identitaires permettant de se distinguer des autres[note] ». 

WOKISME ET INTERSECTIONNALITÉ 

S’il semble s’enraciner dans un combat juste au départ[note], celui des Noirs américains en quête des droits civiques, d’une égalité de traitement et d’une meilleure représentativité dans la société, le wokisme a pris une connotation plus nettement communautariste et s’est agrégé une série de revendications identitaires, basées par exemple sur le genre et l’orientation sexuelle, qui ne sont pas sans rapport avec la Cancel Culture, dérivant ainsi vers ce que Natacha Polony et d’autres ont appelé la dictature des minorités. C’est ainsi que le droit à ne pas être offensé s’est, peu à peu et insidieusement, transformé en injonction à se taire. Seules peuvent être solidaires de communautés « opprimées » d’autres minorités, par définition elles aussi exploitées et discriminées. Par parenthèse, il peut être intéressant de noter que certaines catégories qui pourraient pourtant légitimement se plaindre de traitements discriminatoires sont curieusement absentes des combats wokistes. Par exemple les personnes âgées, isolées et interdites de visite pendant l’épidémie de covid, sans parler des maltraitances induites par le sous-financement chronique et le manque de personnel des maisons de repos. Il est vrai qu’elles votent peu et descendent rarement dans les rues pour manifester… 

Mais revenons à nos genres (ou absence de genre) et à nos races, puisque le terme ne fait apparemment plus peur à la gauche « libéralo-progressiste ». Car c’est ici qu’intervient le concept d’intersectionnalité. Entendez la version woke de la convergence des luttes, étendard bigarré dont la gauche libérale progressiste n’a pas tardé à saisir le potentiel. Le principe est simple : plus vous cumulez de différences et de potentielles discriminations, en fonction de votre « race » présumée, de votre genre, orientation sexuelle ou religion, plus vous vous situez haut sur l’échelle victimaire de l’intersectionnalité. Par exemple, être femme, noire, homosexuelle, bi ou transgenre et musulmane fera de vous l’objet de toutes les attentions intersectionnelles. Il est presque inutile de préciser que, dans la réalité, ce concept, plus qu’il ne génère de convergence dans la défense de victimes de discriminations, réelles ou présumées, aboutit le plus souvent à des guerres de chapelle ou à des luttes fratricides, par exemple entre féministes traditionnelles qui pensent que le sexe est une donnée biologique naturelle et adeptes de la théorie des genres pour qui il s’agit d’une pure construction sociale impliquant des rapports de pouvoir. Et, lorsqu’elles existent réellement, les convergences intersectionnelles aboutissent parfois à de curieux rapprochements. Ainsi, les néo-féministes pures et dures et tenants d’un Islam pour le moins radical peuvent se retrouver sur la revendication d’aires de non-mixité, comme les piscines, les terrains de jeux ou les lieux de culte. Reste à savoir où se situe l’enjeu réel du wokisme intersectionnel : dans la défense des plus défavorisés ou le fait de leur donner une place et une voix, ou plutôt dans la lutte pour l’occupation de postes d’influence, généralement bien rémunérés, dans les associations et institutions subventionnées… 

On l’a vu, une certaine gauche déboussolée et convertie aux vertus du marché s’est emparée d’enjeux sociétaux qui masquent largement les véritables inégalités. Ce n’est sans doute pas un hasard si les enjeux sociétaux communautaristes ont pris naissance aux États-Unis au cours des années 1950–60, certes caractérisées par la lutte pour les droits civiques et par des tensions raciales très importantes, mais aussi par un boom économique sans précédent. Avec la fin du régime ségrégationniste, surtout présent dans le Sud, la reconnaissance sans réserve des droits civiques et une meilleure insertion socio-économique et représentativité culturelle d’assez larges franges issues des minorités noires (mais aussi hispaniques), on aurait pu croire qu’un mouvement comme le wokisme ne pourrait non seulement s’implanter durablement, mais devenir culturellement dominant. Comme l’avait justement pressenti Tocqueville, les plus grandes passions égalitaires se soulèvent non quand la situation empire, mais au contraire lorsqu’elle s’améliore : 

« Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir d’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande[note] ». 

Aujourd’hui, en Europe, la situation est paradoxale. Alors que les inégalités socio-économiques à l’intérieur des États n’ont jamais été aussi criantes, qu’une classe moyenne déboussolée et paupérisée s’interroge sur ses capacités de résister à l’ouragan qui se prépare, l’orchestre libéralo-progressiste, gauche et droite confondues, continue imperturbablement de jouer son antienne sociétale à base communautariste et wokiste pour distraire des passagers paniqués, tandis que l’équipage s’échine tant bien que mal à poser quelques chèques rustines sur la coque du Titanic. Or, la gauche a une responsabilité particulière dans ce moment historiquement dangereux. Comme le souligne avec justesse Bernabé, « elle devrait se rappeler que ce n’est pas en changeant les mots qu’on transforme le monde, mais en transformant le monde qu’on fera changer les mots[note] ». 

Alain Gailliard 

Christophe Nottet

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Terre-en-vue : 10 ans de reconquête 

Tout comme Kairos, la coopérative Terre-en-vue fête ces jours-ci son dixième anniversaire. Dix ans, dans ces temps de mémoire ultra-courte, ça remonte presque à Mathusalem…Nous avons donc voulu savoir ce qu’est devenu ce nouveau-né… 

Annie Thonon : Expliquez-nous ce qu’est Terre en vue (TEV) … 

Zoé Gallez, coordination : Le cœur de Terre en vue c’est de promouvoir des projets agro-écologiques[note] et de soutenir l’accès à la terre des petits et moyens agriculteurs. Concrètement, TEV acquiert des terres agricoles au moyen de l’épargne citoyenne via la coopérative et loue les terres aux agriculteurs et agricultrices. 

C’est toujours loué ? 

Toujours. Avec l’objectif de changer aussi les mentalités en terme de propriété foncière. Faut-il encourager la propriété alors que la terre nourricière devrait appartenir à tous, être un bien commun ? 

Quels sont les problèmes particuliers du foncier, pourquoi cette envolée des prix ? 

Le problème de base du foncier est que l’on se trouve devant deux marchés : le marché acquisitif, l’achat de terres, et le marché locatif. Dans notre économie libérale, l’achat de terre est par définition complètement libre, absolument pas régulé, sans transparence : tout le monde peut acheter, particuliers , multinationales, agro-industriels belges et étrangers, fonds de pension, spéculateurs… En dix ans, le prix moyen des terres agricoles a été multiplié par quatre, de 7.000€ à 30.000€ à l’hectare dans certaines régions, et parfois même plus… ; ce sont des prix totalement déconnectés du revenu des agriculteurs et des prix alimentaires qui, heureusement, n’ont pas été multipliés par trois ! Un fermier ne peut plus se dire : « Je vais emprunter pour acheter une terre et rembourser les banques avec mon travail. » 

Cette explosion du prix des terres est liée à des facteurs supplémentaires : l’urbanisation, l’extension et la création de zonings, la PAC[note] qui donne des aides liées à l’hectare et donc encourage les grosses structures, les usages de la terre plus rentables que la production alimentaire (cf la monoculture des sapins de Noël pour l’exportation, la culture pour l’énergie, le maïs pour biométhanisation, l’élevage de chevaux pour des loisirs, etc…),. 

La philosophie de TEV est en désaccord total… Pour nous, le statut nourricier de la terre doit être protégé et en rapport avec la population belge : on doit nourrir onze millions d’habitants, il faut réserver un territoire suffisant destiné à l’alimentation produite localement. 

Le marché locatif, lui, est très régulé par le bail à ferme réformé en 2019 selon trois grands principes : 

1°  le loyer plafonné est calculé sur la base du revenu des agriculteurs ;2°  le bail garantit la liberté de culture sur les terres, en respectant bien sûr les règles environnementales, sanitaires, la lutte contre l’érosion, etc, et le fermier doit gérer sa terre « en bon père de famille » ;3° Après 36 ans, le bail peut être reconduit ou arrêté, le propriétaire peut récupérer sa terre et la proposer au prix qu’il veut au marché libre… 

Une terre libre de bail a donc beaucoup plus de valeur financière et incite les propriétaires à ne pas renouveler le bail. C’est l’effet pervers d’une réforme du marché locatif sans toucher au marché acquisitif. Bien que les pouvoirs publics aient été très peu présents dans les négociations, une prise de conscience émerge petit à petit, notamment par nos actions et nos plaidoyers. La Région Wallonne a mis en place depuis 2017 un observatoire du foncier. Les notaires doivent communiquer le prix de toutes les ventes à la Région qui fait un rapport annuel sur l’évolution des prix : on a des données objectives, mais pas de mesures prises, ni envisagées. Nous plaidons pour une régulation du marché des terres et une protection du statut nourricier des terres. 

Quel est votre rayonnement aujourd’hui ? 

De plus en plus d’agriculteurs s’adressent à nous, souvent parce qu’ils sont dans la même philosophie de transition agro-écologique, mais aussi parce qu’ils se posent des questions sur l’état de crise actuelle. Il est grand temps de changer notre regard sur l’agriculture et d’agir concrètement pour amorcer une véritable transition. 

TEV soutient actuellement 19 fermes en Région wallonne et à Bruxelles et rassemble plus de 3.700 coopérateurs/investisseurs[note]. Nous avons construit un véritable mouvement citoyen pour la protection des terres nourricières. 

Ainsi, pour chaque acquisition de terre, Terre-en-vue mobilise, en plus du fermier, des citoyen.ne.s pour constituer un « groupe local » autour de la ferme. Les gens réapprennent à connaître les fermes ; il y a des liens qui se créent, entre campagne et ville, consommateurs et agriculteurs C’est là un rôle d’éducation permanente auquel nous tenons beaucoup. . 

TEV et sa communauté se bat contre des géants : les grands groupes agro-industriels, l’agrochimie, des supermarchés qui veulent contrôler toute la chaîne alimentaire, jusqu’au recyclage, le greenwashing…, avec la logique marchande et le profit comme seule motivation et au final le retour des fermiers en ouvriers agricoles, pourquoi pas en moujiks et serfs… Et pourtant, ne suffit-il parfois pas d’un petit tailleur courageux pour en tuer « Sept d’un seul coup » ? Comment donc l’actualité affecte-t-elle TEV ? 

La guerre en Ukraine pose la question des céréales, base de l’alimentation. Conséquence directe pour TEV : des agriculteurs se sont adressés à nous : « On a besoin d’avoir plus de terre, pour être plus autonomes au niveau des céréales ». Ils ont très peur surtout de l’année prochaine avec moins de récoltes en Ukraine et ils sentent qu’ils doivent s’autonomiser plus, lutter contre l’internationalisation, la nourriture n’a pas à voyager de cette manière, en tout cas pour la base. Cela c’est un bon réflexe, bien plus juste que les politiques à court terme comme la suppression des jachères et l’emploi accru de pesticides. 

On a été fort préoccupé parce que les agriculteurs ont été touchés de tous côtés : la facture énergétique explose, le pouvoir d’achat diminue, du coup le secteur bio est en chute, ce qui inquiète fortement les exploitations en transition. Le secteur bio dépend fortement du bon vouloir, de la possibilité d’achat du consommateur. On a dépensé des milliards pour le covid, idem pour le plan de relance, sans parler des dons à l’Ukraine. Dans quelle mesure cet argent n’aurait–il pas été bien plus utile pour soutenir une agriculture responsable ? 

De même, on donne de fausses réponses à la lutte contre le changement climatique, qui est déjà là. Il est complètement aberrant, surréaliste, qu’à la COP26 ni les associations agricoles, ni les ministres de l’agriculture n’aient été présents ! On répète que l’agriculture est un des plus gros contributeurs du changement climatique, mais dépendant de la météo, ils sont aussi les premières victimes et ils ne sont pas à la table des négociations sur les mesures à prendre pour le climat. Par contre, Total, Chevron, BP, les énergies vertes, sont présents et il n’y a donc pas d’équilibre entre la façon de partager les territoires qui devraient d’abord nourrir les gens puis accessoirement fournir un peu d’énergie. 

Autre exemple, le programme européen de stockage de carbone dans les sols dont les bénéfices climatiques réels et à long terme sont constestés, est typiquement une conséquence de la COP26, a été décidé sans l’avis des agriculteurs, sans que les populations soient au courant et qui, comme l’agrivoltaïsme, avec des sociétés de panneaux qui démarchent directement auprès des fermiers, augmentent la pression sur les terres nourricières[note]. 

Pour lutter contre toutes ces mauvaises réponses, TEV, les dix prochaines années se concentrera sur le travail à mener auprès des politiques, des pouvoirs publics. Et on y arrivera, il y aura des améliorations, il le faudra bien… 

Conclusion : 

Terre-en-vue, c’est donc une belle histoire, un conte de fées furtif, subreptice, dans les mensonges actuels qui nous gouvernent avec singes varioleux, ogres mégaloviraux, seringues et piqûres sauvages pour violer des fées comme TEV. 

Pour que les contes de fées se terminent bien dans la vie réelle comme dans les histoires, à nous de nous mobiliser et d’agir pour défendre et perpétuer TEV et d’autres belles histoires . 

Et surtout, n’hésitez pas à nous signaler celles que vous connaissez. 

Propos recueillis par Annie Thonon

Antoine Demant

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Quel enseignement pour le futur puis-je tirer des 20 ans de la décroissance ?

À la suite de la lecture du livre de Nicholas Georgescu, Demain la décroissance : entropie-écologie-économie (1979), nous avons imaginé, Bruno Clémentin et moi, le concept de « décroissance soutenable ». C’était en juillet 2001. Nous ne reviendrons pas ici sur la suite. Si les débats au sein du mouvement de la décroissance sont vitaux, en revanche, ressasser le passé m’exaspère autant que ceux qui passent leur temps à réécrire l’histoire ou ceux qui se passionnent pour les querelles des micros-chapelles de décroissants. Ce qui nous a toujours intéressés est d’être tournés vers tous. C’est la raison d’être du journal La Décroissance et de sa diffusion en kiosque. Qu’en est-il 20 ans plus tard ? Ma première observation est que le mot décroissance n’a plus aujourd’hui la même force d’interpellation dans la société. S’il reste le « mot épouvantail » par excellence, une insulte dont s’accusent mutuellement tous les politicards, les coups de ce « mot bélier » pour faire une brèche dans la forteresse où s’est claquemurée la société de la croissance sont moins percutants. En 2 décennies, le mot s’est répandu, aidé par la réalité des crises. C’est aussi le signe paradoxal de sa victoire : son imprégnation se mesure à l’aune de son affaiblissement « perforatif » ! Cruelle conclusion pour les décroissants qui s’illusionnent en voyant dans l’effondrement l’occasion de réaliser leur fantasme de domination, aux misanthropes et vaniteux qui ânonnent : « Bien fait on vous l’avait bien dit ! » 

Mais c’est bien le propre de la décroissance que de reposer sur une série de paradoxes. Le premier d’entre eux est de réaffirmer à la suite d’Ivan Illich que le seul sentiment de toute puissance infantile peut nous laisser penser que nous avons une prise totale sur la marche de l’histoire humaine. Que « tout est politique ». Et que c’est justement cette toute-puissance qui nous a en grande partie conduits à l’effondrement écologique et humain. Au contraire, la décroissance invite à une certaine humilité. Sans cette dernière, impossible de transformer au mieux le monde. C’est en comprenant ma faiblesse que je deviens fort. Il faudrait être fou pour penser qu’en écrivant ces lignes derrière mon écran je puisse sauver le monde. Seulement puis-je peut-être lutter contre ceux qui croient véritablement pouvoir le sauver comme le directeur du WWF France qui au nom de l’écologie, la fin justifiant les moyens, légitime l’instauration d’un pass climatique sur le modèle du pass vaccinal[note]. 

Pour répondre à l’invitation de nos amis de Kairos, je voudrais saisir cette opportunité pour évoquer ce qui constitue pour moi LE grand « non-dit » de la décroissance. Il est des choses tellement énormes qu’on ne les voit plus. Pour l’exprimer, je vais m’appuyer sur une sortie de Thierry Ardisson. Nous n’insisterons jamais assez sur l’idée, surtout en ces temps de submersion par la propagande, que la vérité d’où qu’elle vienne reste la vérité. « Même au Diable il arrive de dire des vérités. Il ne faut pas sottement condamner des paroles à cause de celui qui les prononce » soulignait Saint Clément d’Alexandrie[note]. L’animateur de télé poubelle affirmait donc : « Fondamentalement, l’écologie et le capitalisme sont antinomiques. Le premier est synonyme de décroissance, et l’autre de croissance[note]. » Cet éclair de lucidité (lié à la cocaïne ?) exprime à mon sens le cœur de la problématique écologique, et plus profondément celle de la condition humaine. Elle sera la clé de voûte de ma réflexion. 

Giorgio Pratolongo

DISPERSER UN MAXIMUM D’ÉNERGIE 

Pour survivre, comme individu et comme société, nous devons « disperser un maximum d’énergie ». Je renvoie pour une explication scientifique aux travaux de l’astrophysicien François Roddier[note]. Pour l’exprimer simplement, à titre individuel, pour avoir le maximum de chance de se reproduire, l’homme doit montrer sa capacité à disperser de l’énergie. L’argent, une Porsche ou un diamant ont cette fonction symbolique. Face à ses concurrents, l’homme démontre à la femme qu’il est « plein d’énergie », et qu’avec lui, elle sera en sécurité pour se reproduire. Ce qui est parfaitement légitime de la part de cette dernière alors qu’elle est, face à lui, en situation de faiblesse dans la nature ; c’est elle qui porte le bébé et les seins pour l’allaiter. Je vois ton sourire cher lecteur. Car, bien entendu, cette réflexion simplissime, qui semble tirée de la sociologie désespérée d’un ado, ne peut que déclencher une réflexion gênée de la part de la majeure partie d’un auditoire. Mais il est des évidences tellement énormes qu’il est quasiment impossible pour toute une partie d’entre nous de les entendre énoncer. D’où les réactions de parler sur le locuteur pour qu’il arrête le supplice, la récusation moqueuse… Ce renvoi aux fonctions archaïques de notre condition ne peut en effet qu’atteindre l’image magnifiée que nous avons de nous-mêmes. Il n’empêche que ces réactions peuvent être parfois utiles, voire salutaires. Toutes les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire ; le vrai ne se confond pas toujours avec le bien. 

Cette contrainte à la dispersion d’un maximum d’énergie est tout autant valable comme groupe humain : pour survivre dans la guerre économique, comme dans les guerres tout court d’ailleurs, il faut disperser un maximum d’énergie, c’est-à-dire… mener des politiques de croissance c’est-à-dire accroître sans cesse la production de biens et de services. À cette fin, il faut faire tomber tout ce qui l’entrave. L’application politique en est l’idéologie libérale et son double mouvement bien mis en lumière par Jean-Claude Michéa : « Le libéralisme économique intégral (officiellement défendu par la droite) porte en lui la révolution permanente des mœurs (officiellement défendue par la gauche), tout comme cette dernière exige, à son tour, la libération totale du marché. » Nous sommes ainsi progressivement plongés dans des sociétés dont le fondement devient le refoulement, la transgression et la destruction de toute limite. Bien évidemment les idéologues du libéralisme-libertaire pensent développer une philosophie alors qu’ils ne font que prêcher l’application des lois de la biophysique au politique ; en gros la loi du plus fort ; « struggle for life » ; la loi de la jungle. Ce discours trouve sa légitimité selon lequel son refus ne peut conduire qu’à se faire dévorer. Et les quelques niches qui seront invariablement citées en contre-exemple n’invalident bien sûr pas ce principe général. 

On ne lit jamais ses contradicteurs, même ceux qui semblent les plus claquemurés dans un esprit de système qui les conduit à ne pas supporter la moindre contradiction. Ainsi le chantage des techno-prophètes du transhumanisme est invariable : si nous n’acceptons pas de franchir certaines barrières éthiques, d’autres, moins à cheval que nous sur les principes, s’y livreront allègrement et nous dévoreront. Dans ma jeunesse, c’était déjà la moquerie adressée au ministre de la défense mitterrandien, Charles Hernu (1923–1990). Pour légitimer les exportations d’armes d’un gouvernement de gauche, il rétorquait par la sentence : « Si ce n’est pas moi qui le fais, ce sera alors un salaud de droite ». C’est tout le sens du chantage permanent de Messieurs Luc Ferry ou Laurent Alexandre : « Les progrès en neurosciences, explique ce dernier, posent la question philosophique de ce qui fait la spécificité de l’humanité en abolissant deux limites réputées infranchissables : celle qui nous sépare des animaux, avec le neuroenhancement, c’est-à-dire l’amélioration cognitive, et celle qui nous distingue des machines, avec l’IA [l’intelligence artificielle]. (…) Peut-on laisser les Chinois fabriquer des chimères homme-singe ou faut-il protester vigoureusement ? En réalité, les transhumanistes chinois hausseront les épaules si nous réagissons[note]. »L’idée que la liberté de conscience nous oblige à discerner le bien du mal, le vrai du faux et le beau du laid, fait sourire notre esprit utilitariste. Selon sa formule, le cerveau n’est qu’un « ordinateur fait de chair ». La menace de tous les Laurent Alexandre est donc claire : « Si nous ne réagissons pas, nous allons finir comme une colonie technologique dans les mains des géants du numérique sino-américains[note] ». Leur conclusion est implacable ; abolir le reste des vieilles barrières morales qui entravent notre marche vers le Progrès est une urgence pour survivre dans la compétition mondiale. Ce chantage des transhumanistes peut nous paraître odieux, mais il contient sa part de vérité. Car l’enjeu essentiel, essentialiste, est bien là : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour survivre dans la compétition mondiale ? 

DISPERSER UN MINIMUM D’ÉNERGIE 

De l’autre côté, pour sauvegarder son environnement, l’humain doit donc faire exactement l’inverse, c’est-à-dire « disperser un minimum d’énergie ». Même quand on se défonce dans un champ avec une bêche pour ne pas avoir recours à un motoculteur, c’en est bien le sens. Il s’agit bien ici de se poser des limites. À tel point qu’une des formules les plus célèbres de Freud est que « la conscience est la conséquence du renoncement aux pulsions. » Selon le père de la psychanalyse, plus le niveau de société est élevé, plus l’individu accepte de contraintes. Mais la conséquence en est l’augmentation des névroses. Nous l’observons tous : les individus très cérébraux que nous croisons dans le monde intellectuel ont la tendance naturelle à négliger ce qui relève de la matérialité, de vivre « dans leur nuage ». Comme la tendance inverse existe au moins autant. 

LA DÉCROISSANCE, UNE SYNTHÈSE 

Même si nous ne le théorisons pas, nous sommes bien plongés dans ce dilemme, peinant à tenir les deux bouts. Nous observons de manière aiguë actuellement cette contradiction : pour faire face à la pénurie énergétique et « sauver le climat », des instances gouvernementales nous enjoignent à réduire d’urgence notre consommation[note], mais d’un autre côté, le Gouvernement est totalement effrayé par cette perspective. Il s’agit au contraire pour lui que la consommation énergie (donc sa dissipation) soit maximale pour survivre dans la guerre économique. Dans sa Lettre aux Français du 3 mars 2022, le Président de la République indiquait : « Pour ne pas nous laisser imposer par d’autres les technologies qui rythmeront demain notre quotidien, il nous faudra aussi continuer d’investir dans notre innovation et notre recherche afin de placer la France en tête dans les secteurs qui, comme les énergies renouvelables, le nucléaire, les batteries, l’agriculture, le numérique, ou le spatial feront le futur et nous permettront de devenir une grande Nation écologique, celle qui la première sera sortie de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon. » Ici, bien paradoxalement encore, l’écologie sert de prétexte de relance à l’expansion maximale. 

D’où la contradiction qui s’exprime quand l’État tente de nous rassurer en affirmant, à travers son Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), que « la sobriété n’est pas synonyme de décroissance » (22 mars 2022). On aboutit ici à une « double injonction matrice de la folie alors qu’au contraire nous devrions intégrer raisonnablement le principe de cette tension contradictoire. Cette dialectique est à l’image de notre condition humaine : sans réponse définitive. Nous sommes donc condamnés à chercher perpétuellement un équilibre. Face à cette difficulté la tentation permanente est l’« esprit de système ». Il consiste à refuser l’altérité du monde ; à ne juger que la thèse recevable et en diaboliser parallèlement l’antithèse. La première est assimilée au Bien comme la seconde au Mal. L’argumentaire récurrent pour défendre cette idée fermée, à nouveau bien paradoxal, est le refus du « dualisme ». Mais cet esprit de système conduit inéluctablement au monisme, c’est-à-dire à un monde indifférencié. 

Face à l’esprit du temps, soyons punk et tendons le bâton pour nous faire battre : citons la Bible. Dans la Lettre de Saint-Paul aux Corinthiens, l’apôtre dit : « Frères, j’aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme et il se trouve divisé. La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée dans son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de ce monde, elle cherche comment plaire à son mari. C’est dans votre intérêt que je dis cela ; ce n’est pas pour vous tendre un piège, mais pour vous proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage. » C’est bien ce dilemme premier qui est exprimé ; celui entre la nature et la liberté. La liberté entendue, non pas comme droit de faire n’importe quoi, mais responsabilité de discerner et choisir. La nature entendue ici, elle, comme le « capitalisme », c’est-à-dire dans le sens de la compétition pour la survie[note]. Nul n’échappe à la compétition entre les êtres humains et les plus dupes sont ceux qui le nient selon la loi psychologique de base selon laquelle on mesure le degré d’aliénation d’un individu à son illusion de liberté. Même dans les groupes les plus collaboratifs les hommes sont en concurrence pour s’attribuer les belles femmes. C’est la loi archaïque fondamentale de notre condition humaine. Pour nous reproduire, nous sommes en compétition, quel que soit le régime politique. Cette compétition archaïque, je vais l’assimiler ici à une forme de capitalisme anthropologique. Je la distinguerais de l’autre signification du capitalisme, que je combats naturellement : celui d’une société inversée où la loi de l’argent est première. C’est là le combat premier de la décroissance qui motive tout mon engagement. 

Toute l’œuvre de Bernard Charbonneau est traversée par l’intégration de cette dialectique : « D’un côté le constat de la nécessité, de l’autre l’idéal de liberté qui pousse à la refuser pour s’humaniser. Pourtant, à elle seule, la réalité n’a aucun sens, de même que l’idéal s’il est irréalisable. » Je recommande particulièrement sur ce sujet son chef‑d’œuvre littéraire Je fus (1950) : « Donc, en tous domaines, le devoir fondamental est de supporter la déchirure qui nous travaille. Si en nous l’esprit s’est enfin distingué de la matière, c’est parce qu’il tend à s’y incarner. L’idéal et le réel ne sont que les deux termes d’un seul ensemble dont chacun est l’arbitre. » Je fais totalement mienne la conclusion de ce géant précurseur de la décroissance : « L’écologie […] ne défend pas la nature ou la liberté, comme serait tenté de le faire sa droite naturaliste ou sa gauche gauchiste, mais la nature et la liberté. Ce paradoxe qui fait sa richesse et sa vie lui interdit de se fixer en idéologie[note]. » 

C’est ce que j’aimerais transmettre aux jeunes qui prennent la suite et le relais pour défendre la décroissance. Le pire serait qu’elle devienne une forme d’obscurantisme, comme l’est actuellement l’idéologie de la croissance, le scientisme, le libéralisme ; la société de l’illimité dans tous les domaines, l’économie, la culture ou les mœurs. C’est-à-dire un fondamentalisme qui n’accepte pas sa contradiction. 

Avant d’être une philosophie politique reposant sur l’idée de « moins mais mieux », de « Lentius, suavis, profondius », la décroissance est donc une invitation au débat, à la dialectique, à penser que si des fois nous avons besoin de « plus », le moins est tout aussi légitime à rappeler, a priori dans notre contexte de pays riche surdéveloppé. Rien ne m’effraye davantage que d’entendre la décroissance instrumentalisée par des démagogues promettant le beurre, l’argent du revenu inconditionnel et le sourire du dealer de cannabis. La démagogie est toujours le masque aguichant du séducteur pervers qui cherche la domination. Aussi, avant de promouvoir la décroissance, nous devrions commencer par nous forcer à trouver et défendre les bons arguments en faveur de la croissance. Et le jour où la décroissance sera aussi omniprésente que la croissance dans les médias, imaginer monter un journal au nom de cette dernière. On a encore de la marge ! 

Je vais faire de la publicité au roman (excellent) de mon frère Denis, Tu crèveras comme les autres[note]. Dans son Road book apocalyptique, il y décrit un héros qui abandonne petit à petit tous ses principes pour survivre. Il délaisse progressivement sa liberté au profit de la nature. Il perd son âme au fur et à mesure qu’il sauve sa peau. Il renonce à ce qui spécifie son humanité pour se transformer en fauve. Il choisit d’être un mort-vivant plutôt qu’un vivant mort. 

Voilà le questionnement auquel nous renvoie la véritable décroissance, pas à celui de promettre aux gogos de sauver le monde contre leur vote. Le destin de la décroissance donc est bien celui-là : accepter d’être du « parti des perdants », c’est-à-dire de ceux qui ne sont pas prêts à renoncer à la morale pour survivre. Faut-il s’en décevoir ? Non. D’abord ce serait une preuve de folie que de promettre de sauver le monde, même si bien évidemment toutes les améliorations sont essentielles à mettre en œuvre. Ensuite, et à condition d’appliquer cette volonté, tenter de sauver la liberté est un but plus sage donc plus grand que celui de sauver la nature. « Un homme n’est libre, écrit Alexandra Laignel-Lavastine, debout et donc Vivant, au sens fort du terme, que s’il consent à se demander pourquoi – pour quels principes, quels idéaux, quel bien supérieur – il serait prêt, le cas échéant, à engager sa vie et à risquer un peu sa sacro-sainte santé. À moins, nous sommes déjà morts. N’est sacré, en cela, que ce pour quoi on serait éventuellement prêt à sacrifier et à se sacrifier, donc à surmonter notre asservissement au vivre pour vivre. Tout ce qui est grand en l’homme dérive de cette disposition d’âme[note] ». 

Vincent Cheynet, fondateur du journal La Décroissance 

Refaire la Cité, sans eux…

C’est Jaime Semprun qui avait inversé la phrase « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants » par « Quels enfants allonsnous laisser à notre monde ». Il avait au fond raison. À demeurer à genoux, nous demeurons des esclaves, laissant les puissants debout. Ce n’est pas nouveau, nous avons troqué depuis longtemps notre liberté contre centres commerciaux et vacances en avion et accepté de sacrifier nos vies dans des bullshit job dans l’illusoire attente d’une pension à 67 ans. À ceux qui me disent d’aller voir en Corée du Nord lorsque je leur dis que nous ne sommes pas en démocratie, je rétorque qu’il y a différents niveaux de dictature, dépendant de la longueur de laisse que le pouvoir daigne nous accorder pour autant que nous le laissions tranquille. La répression féroce des Gilets Jaunes en constitue la preuve : ceux qui remettront en cause le pouvoir central seront réprimés sans vergogne. De même, ceux qui nous demandent d’aller voir en Corée du Nord acceptent sans broncher que, dans leur pays, on suspende des soignants qui refusent de se faire injecter un produit expérimental. D’autres se font piquer pour aller au cinéma ou une semaine en All inclusive, alors qu’ils n’avaient aucun risque de mourir du Covid. Soit, ce monde était malade bien avant mars 2020 et ses sujets atomisés prêts à accepter tout ce que l’État central allait leur demander. Soumission à l’autorité et conformisme constituaient déjà les attitudes principales de nos sociétés désunies. Il faudra donc se ré-unir, mais à certaines conditions, dont les deux plus importantes sont de sortir du spectacle dans lequel on a été plongé, et de ne plus croire que ceux qui nous dirigent nous veulent du bien. Les politiques ont laissé la misère se répandre, favorisé des écarts de richesse ignobles, détruit la nature. Peut-on alors s’étonner qu’ils aient unanimement appliqué les règles du Forum de Davos et de Mc Kinsey ? Ils n’ont donc aucune légitimité. Parler d’eux et jouer dans le spectacle médiatique de leur fausse différence, c’est déjà leur donner du crédit. Attendre que le changement vienne d’eux nous assure la continuité du pire. Comme disait Coluche avec intelligence, si voter changeait quelque chose, cela fait longtemps que ce serait interdit. Il ne nous reste donc qu’à désobéir, dire non, ne pas se laisser hypnotiser par les fausses luttes, ces palliatifs qui nous endorment en accompagnant le système , s’unir au-delà de désaccords de surface, accepter que l’on perdra en confort matériel pour mieux nous retrouver. C’est sans doute la dernière chance. * 

Alexandre Penasse 

* Allocation faite dans le cadre du Mégathon. 

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Entrevue avec Alain Escada, président de Civitas Belgique

Avertissement de Kairos :

Depuis le printemps 2020, après avoir décrété la mobilisation générale et utilisé l’arme de la peur pour tenter d’imposer le nouvel ordre sanitaire, les gouvernants s’attachent à discréditer systématiquement leurs opposants de tous bords. Pour ce faire, soutenus par la grande majorité des médias dits de masse, ils recourent aux techniques développées lors des guerres mondiales et des régimes totalitaires du XXe siècle. Plutôt que de débattre, dans un cadre démocratique ouvert, du bien-fondé éventuel de leurs politiques, il est plus aisé en effet de jeter l’anathème au moyen de qualificatifs supposés infamants. Aux « traîtres à la patrie », « judéo-bolcheviques » et autres « hydres capitalistes » ont succédé les invectives contre les « complotistes », « suppôts de l’extrême-droite » et autres « confusionnistes ». Dans le même but, les médias dominants utilisent ces étiquettes aussi vagues que fourre-tout pour pratiquer l’amalgame entre tous leurs opposants. C’est ainsi que, dans les manifestations, on met toujours l’accent sur les quelques images filmées et mises en scène de façon spectaculaire des affrontements entre une poignée de casseurs et la police pour suggérer que les manifestants cautionnent la violence. De même, les quelques drapeaux brandis par les partisans de Civitas, qui participent activement aux manifestations, sont régulièrement mis en exergue par ces mêmes médias pour dénoncer le noyautage supposé de l’extrême-droite catholique. 

Contre un tel amalgame, Kairos a décidé de refuser tout ostracisme a priori mais, au contraire, d’engager le dialogue avec Civitas. Il s’agit là de notre part d’un exercice paradoxal car si, en effet, nous nous croisons régulièrement lors des grandes manifestations du dimanche, nous évoluons dans des univers intellectuels et politiques très différents et, à vrai dire, nous ne nous connaissons guère. En donnant la parole à Alain Escada, le président de Civitas, nous nous efforçons, au-delà des caricatures et des préjugés, de comprendre la philosophie et les prises de position politiques de ce mouvement. Un tel échange doit ainsi nous permettre d’identifier quelles sont nos convergences, certaines de par une même opposition à la dictature sanitaire, mais aussi quelles sont nos divergences de fond, lesquelles sont très marquées ainsi que cet entretien le démontre clairement.

Après ce premier débat, Kairos a l’ambition de mener une série d’entretiens avec les autres composantes de l’opposition aux mesures liberticides. Il s’agit ainsi de refuser d’exclure quiconque a priori sur la foi des caricatures et étiquettes infamantes de la propagande gouvernementale, mais aussi, en clarifiant nos positions respectives, de lutter contre l’amalgame de cette même propagande.

Kairos : Bonjour Alain Escada, vous êtes président de Civitas depuis 2012, un mouvement créé en France en 1909. Qu’est-ce que votre mouvement ? Pourquoi et comment désamorcer les insultes à son égard ?

Alain Escada : Civitas est un mouvement qui a pour ambition de promouvoir les valeurs traditionnelles catholiques et de lutter contre la machine mondialiste. C’est un travail que nous menons depuis plusieurs années, commencé en France et que nous essayons de développer dans l’ensemble du monde francophone. Aujourd’hui, il y a des sections de Civitas en Belgique, en Suisse et au Québec, bientôt en Espagne. Ça dépasse le champ strictement francophone, le modèle de Civitas plaît dans d’autres pays. Je pense que nous avons un ennemi commun, le mondialisme, contre lequel beaucoup de catholiques européens considèrent qu’il faut s’organiser à une échelle internationale. Mais, pour nous discréditer, les médias préfèrent nous définir…

K : …d’extrême droite, nationaliste ?

A. E. : Civitas ne se définit pas d’extrême droite. Par contre catholique, absolument. Sur l’échiquier belge nous avons un commentateur, un soi-disant expert apparaissant dans tous les médias qui a le monopole de dire qui est d’extrême droite et qui ne l’est pas, c’est Manuel Abramowicz. D’abord, il faut rappeler que c’est un militant communiste depuis sa prime jeunesse. C’est un peu comme si on demandait à un directeur de Bayer Monsanto de dire ce qui est bon et pas bon en termes d’alimentation !

K : Ce n’est pas parce qu’il est communiste qu’il ne sait pas réfléchir, non ?

A. E. : Je ne dis pas qu’il ne sait pas réfléchir. Je dis simplement que si au départ on présente un prisme politique personnel, alors évidemment l’analyse que l’on va produire n’est pas neutre, ni objective, elle est militante. C’est l’expert médiatique…

K : … qui critique très peu, il faut le dire, les médias, parce qu’il y est inclus.

A. E. : Oui, il en fait partie. Rappelons que pendant plusieurs années il a été rémunéré par le Centre pour l’égalité des chances, une officine dépendant directement du cabinet du Premier ministre. Peut-on qualifier Abramowicz de rebelle ? Il est en lien direct avec l’État. Donc évidemment, pour ces gens-là, tout qui conteste la vérité officielle, la politique du gouvernement ou le mondialisme est de près ou de loin un extrémiste. Et ils vont essayer systématiquement de relier tous les acteurs de la contestation entre eux pour les qualifier d’extrémistes. Donc ces experts de plateau télé n’ont aucun crédit et sont indignes de confiance. Moi j’assume de ne pas être de gauche. Mais je considère aussi qu’aujourd’hui le débat gauche/droite est totalement dépassé. Il faut faire éclater tous ces vieux schémas qui datent du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, la seule chose qui peut faire peur au pouvoir, c’est justement que l’ensemble des acteurs de la rébellion contre ce Nouvel Ordre Mondial aient l’intelligence de se parler, de collaborer et de converger contre un ennemi commun. Si la contestation populaire parvient à rassembler tout à la fois des gens de Civitas, de gens très à gauche, des indépendants, des ouvriers, des chômeurs, des mamans voilées et des étudiants africains, là le pouvoir tremblera !

K : On serait dans une lutte verticale plutôt que horizontale…

A. E. : Absolument ! Ce serait une dynamique qui enfin se soucie avant tout du bien commun. Parce qu’en l’occurrence, nous sommes tous les victimes du Nouvel Ordre Mondial, quel que soit notre milieu d’origine.

K : Que répondriez-vous à Manuel Abramowicz ? Il vous accuse d’être d’extrême droite…

A. E. : Mais qu’est-ce que l’extrême droite ? Ensuite je lui demanderais si le véritable extrémisme, aujourd’hui, n’est pas au pouvoir.

K : Ce qu’on appelle l’extrême centre.

A. E. : Oui. Aujourd’hui le totalitarisme est gouvernemental. A‑t-on jamais vu un pouvoir politique dit d’extrême droite détenir les moyens d’imposer ce que les gouvernements belge, français, allemand, canadien, australien, néo-zélandais, ont imposé à leur population ? Les confinements et la vaccination obligatoire, qui est contraire au code de Nuremberg. Je rappelle que le vaccin est au stade expérimental, donc c’est totalement délirant ! Quand je vois la répression des manifestations, la censure, les outils de traçage, les applications numériques, des hommes politiques nous dire comment nous devons nous comporter chez nous, à la maison, pour recevoir nos amis ou notre famille, quand on nous dit combien de gens nous pouvons avoir à table, y compris à Noël, quand certains ministres, notamment en Allemagne, ont même été jusqu’à dicter la sexualité en temps de Covid, les personnes âgées dans les maisons de retraite ou dans les hôpitaux qu’on a laissé mourir, sans qu’elles ne puissent avoir la visite des membres de leur famille, alors désolé, mais si ça n’est pas l’extrémisme, pas le totalitarisme le plus complet, alors il faut me réexpliquer la définition de l’extrémisme et du totalitarisme. Pour moi, l’extrémisme et le totalitarisme sont aujourd’hui au pouvoir. Le totalitarisme, c’est précisément l’ingérence de l’État dans la totalité des recoins de notre existence. Et nous y sommes, c’est la pire des abominations. Comment a‑t-on pu admettre, en tant que population censée être éveillée, que nos parents, nos grands-parents soient enfermés comme des détenus dans des hôpitaux ou dans des maisons de retraite, sans qu’on puisse aller les embrasser, les serrer avant leur dernière heure. Y a‑t-il plus abject que ça ?

K : Seriez-vous prêt à débattre avec Manuel Abramowicz ou d’autres ?

A. E. : Je suis prêt à débattre avec n’importe qui, je n’ai aucun tabou.

K : L’invitation est lancée ! À Kairos, nous voulons créer du débat, mais qui est tout simplement impossible actuellement. Sur votre site, Civitas se présente comme un mouvement politique défendant la souveraineté, l’identité nationale et chrétienne de la Belgique, en s’inspirant de la doctrine sociale de l’Église, du droit naturel et des valeurs patriotiques, morales et civilisationnelles indispensables à la renaissance nationale. Pouvez-vous en dire plus ?

A. E. : Premier point, nous sommes catholiques, mais nous ne nous reconnaissons nullement dans le discours qui est porté aujourd’hui par le Vatican. Et pour nous, l’analyse est très claire. L’occupant du trône pontifical est un agent du Nouvel Ordre Mondial. Aujourd’hui, le pape François ose dire que la vaccination est un acte d’amour. Y a‑t-il plus absurde quand on sait ce qu’est Big Pharma qui cherche à imposer la vaccination obligatoire avec le plan de dépopulation qui l’accompagne ? Quand Bill Gates et sa fondation ont signé des protocoles avec des pays africains pour qu’ils servent de lieux d’expérimentation pour des vaccins contenant le puçage électronique ? Ça devrait suffire à faire comprendre que derrière cela, il y a un plan véritablement machiavélique. Ce pape et ce Vatican 2022 sont vraiment contrôlés par le Nouvel Ordre Mondial. Je rappelle que dans les fuites de WikiLeaks, il est apparu que des évêques et des cardinaux sont sponsorisés par la fondation de George Soros, l’un des milliardaires mondialistes les plus influents, avec Bill Gates. La Rome moderniste n’a plus rien à voir avec les valeurs catholiques.

K : Ce sont des représentants du pouvoir…

A. E. : Oui, il y a eu une infiltration de l’Église catholique pour s’emparer de tous ses rouages.

K : On savait déjà qu’ils avaient collaboré lors de la Seconde Guerre mondiale…

A. E. : Il y a différentes lectures de l’histoire, mais aujourd’hui le Vatican est un vecteur du Nouvel Ordre Mondial. Ce n’est pas ce catholicisme-là que nous défendons. Pour revenir à la souveraineté, nous considérons que toutes les nations du monde doivent pouvoir décider de leur sort sans être tributaire de pouvoirs supranationaux. Aujourd’hui, on sait bien qu’aucune des nations européennes n’a plus le pouvoir de prendre son destin en main par l’intermédiaire de ses propres dirigeants. Les institutions européennes, entre autres, leur dictent les règles. Et le projet, c’est ensuite un gouvernement mondial dont on veut nous faire croire qu’il serait mieux à même de prendre des décisions générales pour le bien de tous. Moi je suis un localiste, je crois que le pouvoir politique doit se trouver au plus près de ses citoyens. Je me sens beaucoup plus intéressé par un mandataire politique de l’échelon communal que par un mandataire politique de l’échelon national. Et je me sens beaucoup plus proche d’un mandataire politique de l’échelon national que d’un mandataire politique de l’échelon européen et encore plus que d’un représentant du gouvernement mondial.

K : Le risque n’est-il pas qu’avec des valeurs de souveraineté et d’identité nationale, on récupère du « facho », du vrai, ne serait-ce qu’indirectement ?

A. E. : Une identité nationale, encore une fois, qu’est-ce que ça veut dire ? Qui n’a pas envie de conserver ses traditions, ses coutumes ou son terroir ? Moi, j’ai des amis africains. Évidemment, si je vais dîner chez eux, je souhaite manger un plat africain, pas un hamburger de chez McDo. Je parle avec des Africains, des Marocains ou d’autres qu’on me présente. Ni eux ni moi n’avons envie d’un monde uniformisé dans lequel nous serions réduits à tous consommer les mêmes produits et répéter la même pensée unique, Celui qu’on présente comme d’extrême droite ne voulant que du blanc bleu belge, ça fait partie de l’imaginaire entretenu par les médias. J’ai été formé pendant deux ans et demi en philosophie politique par un prêtre gabonais, l’abbé Ndong Ondo . Il ne m’a évidemment pas enseigné le suprémacisme blanc comme moteur de la philosophie politique ! Et je signale au passage que je vis dans un quartier complètement multiculturel, j’ai des voisins de toutes origines avec lesquels je m’entends très bien. Et ces gens savent que j’ai des positions anti-mondialistes. On vit en parfaite convivialité, on débat, on échange, nous nous invitons régulièrement et ça ne pose aucun problème. Mais je considère que le pire des scénarios, c’est le scénario mondialiste qui vise à nous uniformiser, à nous rendre tous gris, à manger la même malbouffe, à porter les mêmes fringues, à adhérer à un monde unipolaire de type orwellien. La richesse de la planète est dans sa diversité, dans le fait que chacun conserve ses coutumes, ses traditions, son identité, son terroir, ses particularités culinaires et linguistiques. Je ne suis pas favorable à ce que tout le monde parle anglais à travers une novlangue uniformisée, ni que tout le monde boive Coca-Cola en avalant un mauvais hamburger, écoute la même musique et soit habillé à l’identique.

K : Pour revenir à l’extrême droite, est-ce que vous ne pensez pas que c’est utilisé justement par le pouvoir politique et le mondialisme comme caricature ? Toutefois, il existe une extrême droite réelle…

A. E. : Bien sûr qu’il y a une extrême droite. Mais je pense qu’aujourd’hui le courant qu’incarne Civitas, c’est le pire des scénarios pour le pouvoir, à partir du moment où nous sommes prêts à casser le schéma classique.

K : Vous êtes instrumentalisés aussi. À la RTBF, on voit sans cesse des drapeaux de Civitas dans les manifestations. Pour décrédibiliser.

A. E. : On ne va pas s’en plaindre ! Je pense que l’intelligence du public est de se dire « mais qu’est-ce qu’on en a à faire de ce que disent les médias ? ». À partir du moment où l’on s’adresse à des gens qui ont compris que, de toute façon, les médias leur mentent sur la situation sanitaire, entre autres, ils en concluront qu’ils leur mentent également sur l’analyse politique, économique, sociale et religieuse. Les médias sont au service du pouvoir, sauf les médias alternatifs, bien sûr. Et donc cessons de leur faire confiance. Je le dis et le répète, cassez vos télévisions car ce sont des instruments de manipulation mentale. Civitas a été, en France et en Belgique, le premier mouvement à mener des campagnes d’envergure pour mettre en garde contre la dictature sanitaire. Donc nous avons une légitimité à être présents dans les manifestations, parce nous avons été parmi les premiers à rassembler des moyens financiers pour coller des milliers d’affiches, pour distribuer des dizaines de milliers de tracts, pour alarmer les gens sur la tyrannie mondialiste sous prétexte sanitaire.

K : On peut trouver étrange que des militants qui se disent d’extrême gauche et opposés à l’extrême droite se retrouvent dans des médias comme la RTBF, RTL, Le Soir, La Libre Belgique, qu’ils ne critiquent nullement.

A. E. : Pour moi, il n’y a pas de rébellion chez ces gens-là, bien qu’ils se présentent comme des rebelles. Ce sont des milices supplétives du pouvoir.

K : La manifestation du 23 janvier, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes, aurait dû être une grande réussite. Mais quelque chose d’étrange s’est passé, les manifestants ont été divisés.

A. E. : Il y avait une forte organisation ce jour-là, avec du matériel et une organisation, des gros moyens financiers.

K : Ça s’est déroulé comme d’habitude, c’est-à-dire des gens qui font le trajet habituel de la gare du Nord au Cinquantenaire, pacifiquement. Des gens de tous les âges.

A. E. : Et de tous les milieux sociaux.

K : Cette fois-ci, pas uniquement des Flamands, des Wallons et des Bruxellois, mais aussi des Français, des Polonais, des Suisses. Et de nouveau, le même scénario à l’arrivée au Cinquantenaire : des casseurs du côté de Schuman. Ceux qui organisaient ont demandé d’arrêter la manifestation, puis en changeant d’avis dix minutes plus tard. Mais c’était trop tard, le mal était fait, beaucoup étaient déjà partis. La police a poussé les casseurs dans le parc !

A. E. : À partir de Schuman, les flics ont poussé les manifestants vers le haut du parc. Et au musée de l’air du Cinquantenaire surgirent une série d’autopompes et un déploiement policier qui sont très vite passés en phase répression violente. J’ai demandé pourquoi on s’était fait nasser de cette façon-là, puisqu’à partir du moment où la police, du côté Schuman, a choisi de repousser les casseurs vers les manifestants au lieu de les nasser, et puis a ensuite chassé les manifestants là où ont surgi les véhicules de police empêchant les gens de s’extraire du parc du Cinquantenaire. Il y a quelque chose qui me semblait totalement incohérent. Et quand j’ai demandé à des responsables des forces de l’ordre de m’expliquer le processus décisionnel, il me fut répondu qu’à partir du moment où l’organisateur de la manifestation, Tom Meert, admet ne plus rien contrôler, c’est le feu vert pour la police. Pourtant, c’est l’organisateur de la manifestation qui doit essayer de contrôler la manifestation le plus longtemps possible, au lieu de laisser tomber les manifestants. Par ailleurs, il incombe aussi aux organisateurs de mettre en place un service d’ordre positionné au bon endroit. Je pense que l’une des failles majeures a eu lieu quand la masse des manifestants est entrée dans le parc du Cinquantenaire, sans la présence de service d’ordre de la manifestation positionné côté Schumann, pour montrer qu’il y a une totale désolidarisation avec les casseurs qui, eux, étaient en train d’affronter la police.

K : L’association Ensemble pour la liberté, qui organisait les manifestations précédentes, fut présentée dans les médias comme d’extrême droite aussi.

A. E. : C’est tellement pratique ! On est tous d’extrême droite, c’est le schéma classique. Je rappelle que la manifestation du 9 janvier organisée par Ensemble pour la Liberté s’était, elle, bien passée. Et puis Tom Meert a surgi avec de très très gros moyens financiers pour s’imposer comme l’organisateur de la manifestation barnum du 23 janvier. Étrangement, il a refusé le service d’ordre proposé par Ensemble pour la Liberté, considérant peut-être que c’était une organisation infréquentable. Je ne sais pas. Mais en attendant, peut-être que ces 140 stewards d’Ensemble pour la Liberté auraient été utiles, s’ils avaient été bien positionnés, pour empêcher cette nouvelle manipulation qui a mis fin anticipativement à la manifestation du 23 janvier.

K : D’où viennent ces gens qui organisent, selon vous ? Qui débarquent de nulle part, qu’on voit arriver comme militants et qui travaillent dans des banques ? Moi je me pose la question : à qui donne-t-on le droit d’organiser des manifestations ? Quelle est votre position par rapport à cette idée ?

A. E. : Il est certain que, quand je vois d’un coup surgir des organisateurs jusque-là inconnus dans un processus qui avait pourtant été amorcé le 21 novembre, date de la première grande manifestation, puis ensuite des manifestations régulières, je m’étonne.

K : Avec une milice hollandaise…

A. E. : Oui, la manif du 23 janvier dépendait d’une organisation massivement hollandaise. Tous ces écrans géants, les camions, la sono digne d’un concert rock, c’est du matériel hyper coûteux venu directement ce jour-là des Pays-Bas.

K : Et une plateforme…

A. E. : … géante, des vigiles pour encadrer la tribune, une société spécialisée dans la communication venue équipée de drones et de caméras multiples. On est vraiment dans des très gros budgets globaux. Tom Meert vient de milieu des affaires ; je ne dis pas que tous les gens issus du milieu des affaires servent le Nouvel Ordre Mondial, mais c’est vrai qu’il y a de quoi se poser des questions quand on voit un organisateur sorti de nulle part supplanter les organisateurs qui avaient correctement pris en main les manifs précédentes. Un organisateur bourré de fric qui annonce un événement géant et fait venir des célébrités de toute l’Europe, comme le professeur Péronne, Alexandra Henrion-Caude, Richard Boutry et bien d’autres, pour finalement ne pas faire ce qu’il faut pour qu’ils puissent parler à la foule.

K : Il y avait même des danseuses.

A. E. : Le schéma organisationnel, pour moi, était complètement foireux. Toute personne qui a un peu observé les préalables manifestations contre la dictature sanitaire savait qu’il n’a jamais été possible de parler plus de une heure sans qu’il y ait les premières interventions policières avec gaz, lacrymo et autopompes. Et le 23, l’organisateur choisit pendant une heure et demie de ne proposer que des seconds couteaux, avec tout le respect que j’ai pour ceux qui ont pris la parole et des danseuses dont on aurait quand même pu se passer. Toutes les célébrités qui attendaient, on les a laissées sur le bas-côté, elles se sont déplacées sans pouvoir prendre la parole, alors que le public les attendait. Pour moi, c’est une gestion calamiteuse !

K : C’est qu’actuellement le pouvoir contrôle encore tout. Il a les manettes en main.

A. E. : Le pouvoir a souvent plusieurs coups d’avance.

K : Sans parler du Convoi pour la liberté, par exemple.

A. E. : La version européenne a été un fiasco complet. Est-ce parce que les initiateurs étaient incompétents ou téléguidés ou menacés ou un mélange de tout cela, en tout cas au final ce qui devait être un gigantesque rassemblement venu de toute l’Europe s’est résumé pour l’essentiel à quelques centaines de Français abandonnés dans Bruxelles dans un désordre sans nom. Attention aux manipulateurs qui font des promesses mirobolantes de mobilisations jusqu’au finish puis désertent et laissent dans le désarroi total ceux qui leur ont fait confiance.

Ceci dit, encore une fois, c’est aux gens de se prendre en main, de s’investir dans des actions déterminées.

K : Du type des Gilets jaunes ?

A. E. : De type Gilets Jaunes et de toutes sortes ! Je pense que la seule façon d’ébranler le Nouvel Ordre Mondial est d’être multiforme dans l’action. Les pétitions et les manifestations bien sur les rails, ce n’est pas ça qui va faire vaciller un pouvoir qui a en main les forces de police et les systèmes de surveillance. Donc, il y a un moment où il faut faire preuve de créativité sur tous les terrains. Je pense qu’il faut un boycott économique, des mobilisations de routiers qui doivent surgir en semaine et pas que le weekend. Il faut ébranler les multinationales qui soutiennent ce pouvoir et cette tyrannie. Il faut ébranler les sommets politiques européens, les obliger à reculer, à annuler leur grand rendez-vous.

K : On peut revenir un peu sur le religieux. Dans Charlie Hebdo, on pouvait lire que Civitas demande l’abrogation de la loi de séparation des Églises et de l’État, ainsi que le rétablissement du catholicisme comme religion d’État.

A. E. : Pour le coup, je dois dire que Camus, le journaliste de Charlie Hebdo, à ce niveau-là ne dit pas de bêtises, mais c’est dans l’interprétation de ce que cela signifie qu’il ment complètement. Effectivement, nous sommes favorables au retour, en France comme en Belgique, à une union entre l’État et l’Église. Évidemment, à l’heure actuelle c’est une ligne purement théorique car ce projet repose sur l’idée que l’État et l’Église soient à nouveau dans de bonnes mains. Tant que le pouvoir étatique et clérical est aux mains des suppôts du mondialisme, évidemment ça n’a aucun intérêt. De facto, on peut même dire qu’il y a déjà une union de l’Église et de l’État mais sur base d’objectifs mondialistes et donc exactement inverses à ce que Civitas souhaite. Je précise d’emblée que, contrairement à ce qu’a écrit Charlie Hebdo, le rétablissement du catholicisme comme religion d’État ne signifierait absolument pas que tout le monde soit obligé de devenir catholique.

K : Et que la religion catholique soit supérieure aux autres.

A. E : Ça signifierait tout de même une situation privilégiée, liée notre histoire, mais qui aurait avant tout pour conséquence que dans cette configuration-là, l’Église et l’État cherchent à collaborer de façon à assurer que les lois soient justes, éthiques et morales, entre autres. N’importe qui peut comprendre que ce serait quand même mieux si les lois étaient soumises à une exigence éthique et morale, plutôt qu’à des intérêts matérialistes, généralement à l’avantage des multinationales, des banquiers et des spéculateurs.

K : L’Église, mais pas seulement ; l’État pourrait aussi être à l’écoute d’autres acteurs…

A. E. : De toute façon, même s’il y avait la fin de la séparation entre l’Eglise et l’Etat, ça ne veut pas dire que celui-ci n’aurait plus aucun autre interlocuteur, ne serait-ce que les catégories professionnelles qui sont les interlocuteurs de base d’une société bien organisée. Mais aujourd’hui je n’ai aucune confiance dans les syndicats, parce qu’ils sont des agents du système. On le voit bien quand différentes catégories professionnelles sont sommées de se vacciner sous peine de licenciement, et ne sont pas soutenues syndicalement.

K : Les syndicats d’enseignants demandent même que leurs adhérents soient vaccinés plus vite !

A. E. : Là il y a de quoi éveiller les consciences sur la véritable nature des syndicats. Plusieurs syndicats sont à la tête de fortunes colossales et collaborent avec le patronat, qui finance certains grands événements syndicaux. Je considère qu’il vaut mieux avoir des interlocuteurs par catégorie professionnelle.

K : J’aimerais que l’on parle de l’immigration, de l’avortement, du mariage homosexuel, de l’adoption par ces couples, choses qui font qualifier Civitas de mouvement d’extrême droite. Commençons par l’immigration.

A. E. : Je vais essayer d’être très pédagogue dans ma réflexion, face aux caricatures des médias Aujourd’hui, je pense que n’importe qui — Belge de souche, Français de souche ou personne issue de l’immigration — peut raisonnablement comprendre que l’immigration organisée depuis les années 1970 par le haut patronat, entre dans le plan du Nouvel Ordre Mondial.

K : Pour casser les salaires…

A. E. : Pour casser les salaires, obtenir de la main d’œuvre à bon marché, avoir de la piétaille corvéable à merci. Et aujourd’hui il faut observer comment se fait l’immigration massive vers l’Europe…

K : …par la directive Bolkestein, entre autres.

A. E. : Oui, et par le rôle de George Soros et de sa fondation Open Society, régulièrement relayés dans des grands médias comme Der Spiegel — ce n’est donc pas du complotisme. Sa fondation débloque des centaines de millions d’euros pour faciliter l’immigration extra-européenne vers l’Europe. Est-ce de la simple philanthropie, d’après vous ? L’immigration à telle échelle n’est une bonne chose que pour les exploiteurs, les trafiquants d’êtres humains, les proxénètes, les marchands de sommeil et les patrons de multinationales. Je pense que le Tiers-Monde a besoin que ses élites restent chez lui.

K : Élites que l’Occident a exploité, le parc du Cinquantenaire en étant un beau symbole.

A. E. : L’Afrique a un potentiel énorme, et pas seulement par ses ressources naturelles exceptionnelles. Ça n’a aucun sens que les universitaires africains soient en Europe plutôt qu’en Afrique ; c’est un pillage de cerveaux comme on parle d’un pillage de main d’œuvre. Mais tous les Africains qui sont en Europe ne sont pas des universitaires, il y a quantité de jeunes hommes qui arrivent ici et qui à mon sens seraient plus utiles dans leur pays. Ce n’est pas en organisant le déracinement massif qu’on aide qui que ce soit.

K : Si le processus est pour l’instant contrôlé par le patronat, que fait-on des victimes, des sans-papiers qui ont des enfants ici ? L’autre solution, prônée par des mouvements d’extrême droite — les renvoyer chez eux — ne tient pas compte d’une certaine souffrance humaine.

A. E. : Il faut que tout cela soit l’objet d’une grande collaboration entre différents pays, différents peuples. Aujourd’hui, beaucoup de pays d’Afrique le disent. Ils souhaiteraient que les populations qui ont immigré vers l’Europe rentrent dans leur pays pour contribuer au développement interne. C’est là que les médias faussent l’analyse, présentant l’immigration comme quelque chose de formidable, comme si tout le monde pouvait trouver son bonheur dans notre Eldorado et comme s’il n’y avait rien à faire d’intéressant dans leurs pays. Les médias affirment que la culture africaine, c’est formidable, nous font écouter de la musique africaine, nous vantent les artistes africains, parfaitement respectables, mais pourquoi alors nous font-ils croire que les Africains ne pourraient pas trouver un épanouissement chez eux et devraient nécessairement le trouver ici. Pour moi, c’est du déracinement collectif, organisé. Il est possible d’avoir un plan sur plusieurs années, voire plusieurs décennies bien sûr, pour organiser une remigration intelligente. Ce ne serait pas des camions militaires qui débarquent dans les quartiers immigrés pour organiser des rafles de gens à parachuter dans leur pays d’origine. Tout le monde a intérêt à mettre fin à ce processus d’immigration organisé par les mondialistes. Ce serait bien mieux pour tout le monde, pour le développement de nombreux pays, pour la conservation de leurs traditions tout autant que des nôtres. Je peux vous amener dans des réunions dans lesquelles je prends la parole, composées d’un public en grande partie issu de l’immigration et notamment musulman, qui finit par comprendre et approuver la démonstration que je fais de façon bien plus étayée que dans la conversation que nous avons en ce moment.

K : Est-ce que cette « société ouverte » ne sert pas à occulter le néocolonialisme, le fait qu’on a besoin de ces pays ?

A. E. : Si on vide ces pays de leurs cerveaux comme de leurs bras, de leur jeune génération indispensable à leur redressement, alors on laisse tout le champ décisionnel économique encore et toujours aux multinationales, qui vont exploiter l’Afrique, corrompre ses dirigeants et dicter aux Africains comment ils doivent gérer leur pays. Je pense qu’effectivement chacun doit être maître chez lui, chaque nation doit retrouver sa souveraineté. Évidemment, le problème est que le pouvoir est aux mains de dirigeants corrompus qui ferment les yeux sur l’exploitation de leurs peuples.

K : J’ai interviewé un Burkinabé qui avait essayé de tenter par dix fois de traverser la Méditerranée. Et au bout de la 10ᵉ fois, il avait réussi. Lui ayant demandé si, dans le cas où Thomas Sankara serait resté au pouvoir, il serait là en Belgique, il m’a répondu non. Il est rentré finalement chez lui, parce que ce qu’il n’a pas trouvé l’eldorado ici.

A. E. : Ça, c’est un point sur lequel il faut vraiment insister : il y a des immigrés qui rentrent chez eux. Ce scénario-là, il faut vraiment l’expliquer et montrer qu’il n’est pas caricatural, ni raciste, ni haineux de suggérer aux gens de refuser l’uniformisation dans ce monde global, de conserver leur identité.

K : Vous disiez au début de l’interview que vous vivez dans un quartier multiculturel. Demandez-vous à vos voisins de faire leurs valises et de rentrer dans leur pays d’origine ?

A. E. : Je ne leur dis pas de rentrer chez eux. Mais quand ils me font part de leur mal-être par rapport à cette société, je les invite à y réfléchir : votre présence ici est-elle nécessairement le bon choix ?

K : Peut-être que oui, si leur pays est détruit…

A. E. : Il ne faut pas entretenir la caricature médiatique : tous les pays d’Afrique noire ne sont pas en guerre, ni les pays d’Amérique latine ni la Turquie ni le Maghreb. Les médias nous vendent sans arrêt l’immigration comme le résultat de guerres, alors que c’est majoritairement faux. L’immigration est avant tout économique. Or, la vraie réponse est de développer leur pays d’origine et non pas de faire croire que l’Europe est un Eldorado qui va pouvoir absorber les malheureux de la planète entière, leur donner un logement décent, un emploi acceptable et des loisirs de rêve, ce qui est vaste tromperie.

K : Pour l’instant flotte devant le siège de Pfizer à Ixelles un drapeau LGBTQI+, qui s’ajoute à celui de la Croix Rouge. C’est certainement financé par Soros. J’aimerais maintenant vous entendre sur les questions de l’avortement, de la PMA, de la GPA, du mariage homosexuel et l’adoption.

A. E. : Encore une fois, il ne s’agit pas pour nous d’instaurer une police des mœurs, mais il s’agit de considérer que pendant 2000 ans, dans toutes les civilisations, dans tous les coins de la planète, on a considéré que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. C’est une réalité anthropologique, parce qu’il n’y a que cette union-là qui permette d’avoir des enfants de façon naturelle et de pérenniser l’humanité. Or tout d’un coup, depuis quelques décennies, les mêmes mondialistes qui ont organisé l’anarchie dans beaucoup de domaines ont suscité le développement d’un lobby extrêmement puissant qui s’appelle le lobby LGBTQI+. Ça mérite réflexion. Il y a un lien avec plan mondialiste. Regardez la propagande LGBTQI+ en Afrique, en Amérique latine, en Europe de l’Est, soutenue par les ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada — les nations extrêmement influentes dans le processus mondialiste —, l’Open Society, les fondations de Bill Gates, de Mark Zuckerberg, etc. Encore une fois, j’en reviens toujours à cette notion de souveraineté. Un pays a le droit d’estimer que la propagande LGBTQI+ à l’école ou le mariage homosexuel n’entre pas dans ses coutumes. Ce sont toujours les forces mondialistes qui cherchent à empêcher cette souveraineté et à imposer cette vision globaliste de ce que doit être la nouvelle sexualité, la nouvelle morale, la nouvelle famille, en nous demandant d’être tolérants. Quand une directrice de programmes de télévision française dit qu’il n’y a plus de place pour l’homme blanc de plus de 50 ans pour animer des programmes, c’est la démonstration qu’en fait on a complètement inversé les processus et légitimé de nouvelles discriminations. Et ce n’est pas innocent. Ce n’est pas par tolérance, ce n’est pas par amour du prochain. Derrière, il y a un plan — je sais que je vais être encore taxé de complotiste —, il y a un plan mondialiste qui vise à subvertir tous les fondements de la civilisation pour faire de nous des êtres totalement déracinés, des êtres sans Dieu, sans patrie, sans famille et sans sexe défini, réduits à l’état de dociles consommateurs et demain transhumanistes.

K : Pas mal de psychanalystes en parlent, notamment Jean-Pierre Lebrun en conversation avec Charles Melman dans un livre récent. Ils expliquent que la volonté d’être un autre que soi a toujours existé. Mais le problème, c’est que maintenant on rend le désir réalisable. La proportion d’enfants d’adolescents qui, en Grande-Bretagne, demandent de changer de sexe est de plus en plus importante. À nouveau, comme par rapport à l’extrême droite, ce genre de sujet devrait être débattu.

A. E. : Il faut s’exprimer sur ce sujet pour montrer à quel point, derrière la vérité officielle, il y a des situations en réalité tragiques qui se multiplient parce que les gens sont trompés, manipulés.

K : Alexandre de Croo, Young Global Leader, était justement à Johannesburg pour vanter « l’ equality », dans un discours exalté où il évoquait Bill et Melinda Gates. On a parlé des liens entre Pfizer et les mouvements LGBTQI+, et bien sûr l’égalité de genre. Certains prévenaient que donner les mêmes droits à ceux qui, femmes ou hommes, décident de se marier entre eux, risquait de constituer une porte ouverte vers d’autres droits comme celui de la GPA. En Inde et aux États-Unis, des banques de sperme ont un succès fou, même auprès des couples fertiles, qui sélectionnent les embryons… On peut parler d’eugénisme ?

A. E. : Oui, complètement. Il y a des entreprises qui « vendent » des enfants clé sur porte, pourrait-on dire, certaines de ces entreprises proposant même aux acheteurs de choisir les caractéristiques (couleur des yeux, des cheveux,…) de l’enfant qu’ils vont acquérir comme une vulgaire marchandise.

K : Pendant le confinement, des bébés ont été retenus aux frontières dans des espèces de ferme de production d’enfants.

A. E. : Oui, ce qui montre encore une fois que derrière la caricature qu’on présente de Civitas, il y a des débats importants qui sont rendus impossibles aujourd’hui. Parce que les médias aux ordres du Nouvel Ordre Mondial ne veulent qu’une pensée unique. On va nous dire que d’une part il faut défendre la femme, lutter contre la marchandisation de son corps, contre la prostitution chez nous. D’autre part, on fait tout le contraire, on marchandise la femme par la GPA. Et l’immigration organisée n’a jamais autant fourni de réseaux de prostitution.

Et cela, Jacques Attali l’avait cyniquement bien expliqué. Cet agent mondialiste considère désormais que son camp a déjà gagné, il ose dévoiler toute une série de mesures qui seront prises à l’avenir. Et le problème, c’est que ça n’alarme pas grand monde, à part une minorité éveillée, et que ça ne nous permet pas de rebondir suffisamment pour empêcher cela. Tout cela est profondément diabolique.

K : Un drapeau LGBTQI+ devant le siège de Pfizer à Bruxelles, c’est quand même étonnant !

A. E. : Ça devrait montrer les collusions, que tout ça n’est pas naturel, que ce lobby n’a pas émergé tout d’un coup après 2000 ans d’histoire de nos civilisations. Revenons à la gestation pour autrui. Derrière ce schéma, certains veulent en fait couper la sexualité de la procréation. L’idée que la sexualité doit être uniquement récréative et que la procréation doit devenir entièrement artificielle. L’étape suivante, c’est l’utérus artificiel et le transhumanisme.

K : Pourquoi ne souhaitez-vous pas une police des mœurs qui dirait aux gens ce qu’ils peuvent et doivent faire au lit ?

A. E. : On n’est pas là pour vérifier ce que les gens font dans leur chambre à coucher. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faille promouvoir la débauche la plus totale, sans quoi la société finira par accepter la pédophilie et la zoophilie comme des options respectables.

K : Je voudrais revenir sur certains points pour conclure. Le nombre de morts du covid est surestimé par les médias et le gouvernement. L’inventeur du test PCR a dit lui-même que ce test n’est pas fiable. Les tests PCR sont le talon d’Achille de cette crise. Le président de la Tanzanie, par exemple, a fait analyser des échantillons de papaye et de chèvre : ils ont été déclarés positifs par le laboratoire.

A. E. : C’est ce que nous avons écrit dans notre tract, en effet, et ce qui nous a valu d’être classé « complotiste » par la RTBF. Or, ce que nous avons écrit est tout à fait officiel. Il suffit d’aller consulter les médias tanzaniens. J’ajoute que, comme par hasard, le président de Tanzanie, qui refusait les vaccins offerts à son pays par la fondation Bill Gates, est mort de façon assez curieuse après une quasi disparition de la scène publique pendant plus d’une semaine et qu’ensuite sa remplaçante a bénéficié d’un communiqué de l’OMS se réjouissant de sa nomination.

K : La mortalité due au vaccin est dramatique. Mais je rappelle que Alexander De Croo avait dit en conférence de presse qu’il y avait en Belgique un seul effet secondaire avéré du vaccin. Ceux qui présentent les autres comme menteurs sont eux-mêmes les principaux menteurs.

A. E. : Les médias ne sont pas neutres ni objectifs. Ils ont cherché à discréditer complètement le tract distribué par Civitas en Belgique. Or, les arguments que la RTBF met en cause sont de vrais arguments mais dont on ne peut pas débattre. Il est strictement interdit d’aborder ces questions. La RTBF organise régulièrement le mercredi soir des débats, parfois sur les sujets liés au covid. On y parle de toutes les mesures sanitaires bien sûr, toujours pour légitimer la politique officielle. La RTBF prétend donner la parole à différentes tendances. Sur le pass sanitaire, le QR-code et la vaccination obligatoire pour les soignants, ils avaient consulté différentes associations pour leur demander d’envoyer des personnes sur le plateau pour débattre. Et l’association Ensemble pour la Liberté, majoritairement néerlandophone, avait proposé que je sois leur représentant à ce débat francophone. Réponse de la RTBF : il est hors de question que nous donnions la parole en direct à M. Escada. Je suis désolé, mais si je suis un idiot, si tout ce que je dis est absurde, faux, incohérent, ils devraient au contraire se réjouir de me donner la parole et de me ridiculiser en direct.

K : Nous vous avons donné la parole, nous la donnerons à d’autres. Nous invitons officiellement Manuel Abramowicz à venir débattre avec Alain Escada. Vous êtes prêts à le faire ?

A. E. : Absolument. Je vous ai dit dès le début de cette émission que je suis prêt à débattre avec n’importe quel interlocuteur. La richesse de l’intelligence, c’est d’être en mesure de parler.

Propos recueillis par Alexandre Penasse, janvier 2022.

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Pandémie et meilleur des mondes de Klaus Schwab

Avec la dramatique et rapide avancée dans la mise en place du Nouvel Ordre Mondial, où la réélection du pantin Macron, Young Global Leader, poulain de Klaus Schwab, était déjà inscrite, nous avons pensé primordial de partager avec vous ce long article du Kairos 54, qui vient à peine de sortir. Ayant décortiqué son livre Covid-19: La grande Réinitialisation (ou Great Reset) pour en synthétiser les plus importantes idées et dessiné le projet global de l’auteur, ce résumé permettra à celui qui n’a ni l’envie ni le temps de lire l’ouvrage, indigeste, de se faire une idée de la feuille de route des hommes les plus puissants. Ce n’est pas juste une dystopie, c’est un programme, servilement mis en place par ceux que vous pensiez élire. Rappelez-vous toutefois que si vous pouvez lire cet article gratuitement, c’est parce que d’autres s’abonnent et nous soutiennent, permettant à la presse libre de continuer d’exister.

« L’ennemi contre lequel nous luttons est invisible ; notre famille, nos amis et nos voisins peuvent tous devenir des sources d’infection ; ces rituels quotidiens que nous chérissons, comme retrouver un ami dans un lieu public, peuvent devenir vecteurs de transmission ; et les autorités qui tentent de nous protéger en appliquant des mesures de confinement sont souvent perçues comme des représentants de l’oppression[note] ». 

À sa lecture, on croit consulter Le Soir, Le Monde, TF1 ou encore La RTBF ; écouter une conférence de presse d’un gouvernement, un JT, suivre les nouvelles radiophoniques. Covid-19 : La grande réinitialisation (The Great Reset, TGR), est un modèle mental, un prêt-à-penser, un agenda, bible d’une idéologie avatar et apothéose finale[note] de celle qui a conquis nos sociétés depuis les années 1980. Qu’importe donc qu’il ait été écrit par Klaus Schwab et Thierry Malleret, ou un grand bureau de consultance, il témoigne d’une pensée unique qui irrigue tous les cercles de pouvoir et se donne comme objectif de conquérir les esprits. 

« En ce début de juillet 2020, nous sommes à la croisée des chemins, avancent dans le préambule les auteurs de Covid-19 : la Grande réinitialisation. Une seule voie nous mènera vers un monde meilleur : plus inclusif, plus équitable et plus respectueux de Mère Nature. » Le lecteur attentif se posera avec raison la question : que veulent les auteurs en écrivant ce livre, est-ce une feuille de route, sorte de planning à venir, ou une réaction à chaud sur la situation présente, truffée d’hypothèses incertaines sur l’avenir ? Car l’ouvrage paraît osciller constamment entre la description et le souhait, l’explication et la volonté de voir advenir, l’enthousiasme et l’impuissance. Si les deux signataires le décrivent comme « principalement explicatif », fournissant des suppositions, il ressemble avant tout à un agenda d’intentions dont on est sûrs que les maîtres du monde mettront tout en œuvre pour les voir se réaliser, l’avouant d’ailleurs au détour d’une phrase : ce livre fournit « de nombreuses conjectures et idées sur ce à quoi le monde post-pandémique pourrait, et peutêtre devrait, ressembler ». Il serait en effet trop cynique de voir dans le cauchemar dystopique décrit dans TGR l’œuvre d’une volonté humaine prête à se déployer, et il reste préférable de le présenter derrière cette fausse incertitude d’un futur probable mais indéterminé. D’où l’utilisation récurrente de possibles opposés. 

Dans cette schizophrénie maîtrisée, cette division troublante entre volonté assumée et impuissance feinte, s’écrit le désir d’agir rapidement dans un moment à saisir, « notre moment décisif », sorte de Kairos diabolique : « les possibilités de changement et le nouvel ordre qui en résultent sont désormais illimités et n’ont d’autre frein que notre imagination, pour le meilleur ou pour le pire ». On ne sait qui décidera du meilleur ou du pire : « Les sociétés pourraient être sur le point de devenir plus égalitaires ou plus autoritaires, ou orientées vers plus de solidarité ou plus d’individualisme », nous dit le patron du Forum économique mondial, forum qui réunit les plus grandes entreprises de destruction de la planète. Mais l’analyse de l’ensemble du texte dessine, nous le verrons, un pire probable, et souhaité, considérant que les conséquences négatives et souvent désastreuses de leurs choix seront inévitables. 

Rappelons-nous que le livre est publié en juin 2020, trois mois à peine après le début du Covid et le premier confinement en Europe. 

La pensée qui s’y déploie n’est donc pas la conséquence d’une expérimentation inédite, mais une situation unique dans laquelle va pouvoir se concrétiser une représentation du monde déjà pensée – et possédant les infrastructures utiles –, le prophète Schwab ayant déjà compris que le Covid-19 constitue un point de bascule : « Beaucoup d’entre nous se demandent quand les choses reviendront à la normale. Pour faire court, la réponse est : jamais » ; « Un monde nouveau va émerger, et il nous faut à la fois en imaginer et en dessiner les contours. » 

Les auteurs établissent spécieusement un lien de causalité entre la pandémie et ses effets économiques et sociaux, comme si les seconds découlaient naturellement de la première, sans prendre en compte les mesures politiques qui les relient, comme si la main visible des gouvernements était celle de Dieu. Mesures qui auraient pu être tout autres, mais pour « faire émerger un nouveau monde », il ne fallait pas d’une épidémie gérable mais d’une catastrophe terrifiante[note], qui, comme il est explicitement énoncé, allait seulement profiter à une poignée qui avait les moyens de saisir l’opportunité : « Aux États-Unis, Amazon et Walmart ont recruté 250.000 personnes pour faire face à l’augmentation de la demande et ont construit une infrastructure massive pour fournir des services en ligne. Cette accélération de la croissance du e‑commerce signifie que les géants du commerce de détail en ligne sortiront probablement de la crise encore plus forts qu’ils ne l’ étaient avant la pandémie. » 

Plein de certitudes sur l’issue de la « pandémie », TGR nous prévient que des « changements radicaux » formeront une « nouvelle normalité ». S’appuyant sur des exemples historiques, les auteurs montrent comment les quarantaines/confinements donnent et légitiment l’augmentation du pouvoir des gouvernements : « Du mot quaranta (qui signifie « quarante » en italien), l’idée d’enfermer les gens pendant 40 jours est née sans que les autorités ne comprennent vraiment ce qu’elles voulaient contenir, mais ces mesures ont été l’une des premières formes de « santé publique institutionnalisée » ayant contribué à légitimer « l’accumulation du pouvoir » par l’État moderne ». Voyageant entre l’accident propice et l’opportunité fortuite, on ne peut se défaire de l’impression qu’il n’y a pas contingence, mais événement. Qu’importe ici de savoir quelle est l’origine du Covid-19, ils en ont fait ce qu’ils voulaient en faire : la « peste » du XXIe siècle. « Peste » qui permettra de donner à l’État, indispensable structure pour organiser la « pandémie », des pouvoirs supérieurs. « Si des changements sociaux, politiques et économiques aussi profonds ont pu être provoqués par la peste dans le monde médiéval, la pandémie de Covid-19 pourrait-elle marquer le début d’un tournant similaire avec des conséquences durables et dramatiques pour notre monde actuel ? » 

Aucun observateur n’aura remarqué « l’erreur » dans la citation qui précède, où, ceux qui écrivent, plutôt que de voir des changements qui ont été provoqués par la peste (forme passive), y voient une possibilité (« ont pu »), une situation opportune à exploiter. Cette analyse est confirmée par le fait qu’ils savent pertinemment que le Covid ne représente pas un danger pour l’humanité et que la dramatisation est de l’ordre du spectacle : « au niveau mondial, si l’on considère le pourcentage de la population mondiale touchée, la crise du coronavirus est (jusqu’à présent) l’une des pandémies les moins meurtrières que le monde ait connues au cours des 2.000 dernières années. Selon toute vraisemblance, à moins que la pandémie n’évolue de manière imprévue, les conséquences de la Covid-19 en termes de santé et de mortalité seront légères par rapport aux pandémies précédentes. Fin juin 2020 (alors que l’épidémie fait toujours rage en Amérique latine, en Asie du Sud et dans une grande partie des États-Unis), la Covid-19 a tué moins de 0,006% de la population mondiale. Pour replacer ce chiffre bas dans son contexte en termes de mortalité, la grippe espagnole a tué 2,7% de la population dumonde ». 

Il fallait donc jouer sur l’équivoque, l’alimenter, ils ne savaient pas mais ont choisi la voix du pire : « Le degré élevé d’incertitude qui entoure actuellement la Covid-19 rend incroyablement difficile l’évaluation précise du risque qu’elle représente » ; « Depuis le début de la pandémie, nous avons été bombardés quotidiennement par un flux incessant de données mais, en juin 2020, soit environ six mois après le début de l’épidémie, nos connaissances sont encore très incomplètes et, par conséquent, nous ne savons pas encore vraiment à quel point la Covid-19 est dangereuse. » Plutôt que de relativiser la maladie, ils ont mis en place tous les ingrédients pour la rendre terrible. De fait, « les « mesures sanitaires » imposées depuis 18 mois sont radicalement contraires à ce que l’on savait devoir mettre en œuvre pour gérer efficacement une épidémie ». Ils n’auraient jamais dû perturber le fonctionnement social normal et auraient dû mettre en place une politique de santé publique forte[note]. 

PANDÉMIE ET NOUVEL ORDRE MONDIAL 

« Les réponses d’urgence économique à la pandémie étant désormais en place, il est possible de saisir l’occasion de procéder au type de changements institutionnels et de choix politiques qui placeront les économies sur une nouvelle voie »[note]. 

Seule une pandémie pouvait assurer la gestion globale de tous les pays comme une seule et même grande entreprise et permettre la mise en place du gouvernement mondial propre au Nouvel Ordre : « Les 7 milliards de personnes qui vivent sur notre planète ne vivent plus dans une centaine de bateaux distincts [pays] ; elles vivent dans 193 cabines à bord du même bateau.  » Klaus Schwab citant Kishore Mahbubani, un universitaire et ancien diplomate de Singapour. Selon ses propres termes, il s’agit de l’une des plus grandes transformations jamais réalisées. En 2020, il a approfondi cette métaphore dans le contexte de la pandémie en écrivant : « Si nous sommes aujourd’hui 7,5 milliards de personnes les unes sur les autres sur un bateau de croisière infecté par le virus, est-il logique de nettoyer et de récurer uniquement nos cabines personnelles tout en ignorant les couloirs et les conduites d’aération extérieures, par lesquels le virus voyage ? La réponse est clairement non. Pourtant, c’est ce que nous avons fait… Puisque nous sommes maintenant dans le même bateau, l’humanité doit prendre soin du bateau mondial dans son ensemble. » 

Dans Covid-19 : La grande réinitialisation, ils feignent de s’étonner des horreurs que ce monde a créées, comme s’il avait fallu le Covid pour les révéler : « Le premier effet de la pandémie a été d’amplifier l’enjeu gargantuesque de l’injustice sociale en mettant en lumière les disparités choquantes entre les degrés de risque auxquels sont exposées les différentes classes sociales. » Alors que ce sont les politiques que le FEM préconise qui ont fait ce monde : « Dans un revirement surprenant et soudain, l’idée, qui aurait été un anathème il y a encore quelques années, selon laquelle les gouvernements peuvent promouvoir le bien public tandis que des économies à la dérive, sans supervision peuvent faire des ravages sur le bien-être social, pourrait maintenant devenir la norme. Sur le cadran qui mesure le continuum entre le gouvernement et les marchés, l’aiguille s’est sans aucun doute déplacée vers la gauche. » Nous avons désormais atteint l’ère de symbiose parfaite entre le capitalisme et le communisme. Les structures gouvernementales ont été les courroies de transmission permettant la mise en place d’un Nouvel ordre mondial, elles leur étaient indispensables : « Seuls les gouvernements avaient le pouvoir, la capacité et la portée nécessaires pour prendre de telles décisions, sans lesquelles une calamité économique et un effondrement social complet auraient prévalu. » Le 21 mars 2022, le Think Tank Business Roundtable (Apple, Visa, General Motors, JPMorgan, Walmart, United Airlines, Paypal, American Express, Alphabet, Amazon, Blackrock, BP, Boston Consulting Group…), recevait Joe Biden, limpide sur ses objectifs : « C’est maintenant que les choses changent. Il va y avoir un nouvel ordre mondial et nous devons le diriger. Et nous devons unir le reste du monde libre pour le faire. » 

On pouvait croire qu’ils allaient s’attaquer aux paradis fiscaux et à la criminalité financière… Nullement. La politique Covid-19 a enrichi comme jamais les plus grandes multinationales, favorisé les banquiers, approfondi les inégalités et la misère. Alors que la mondialisation de l’ère pré-covid était responsable de millions de morts et du creusement des inégalités, TGR nous récite la fable du « c’était bien avant, ce sera encore mieux après », hors des « ravages » qu’il évoque : « La mondialisation (…) a sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté ». 

COVID ET CLIMAT 

Objet d’une simulation quelques mois avant sa mise en place dans le réel (Z event 2021[note]), l’événement Covid-19 était aussi l’élément parfait pour concentrer l’ensemble des « luttes » et assurer la pérennité de la soumission des masses : « La Covid-19 nous a rappelé que les plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés sont de nature mondiale. Qu’il s’agisse de pandémies, de changement climatique, de terrorisme ou de commerce international, ce sont tous des problèmes mondiaux que nous ne pouvons aborder, et dont les risques ne peuvent être atténués, que de manière collective. » (…) « À première vue, la pandémie et l’environnement pourraient passer pour des cousins éloignés ; mais ils sont bien plus proches et imbriqués que nous le pensons »… ce qui permet de comprendre pourquoi dès le début les institutions européennes ont parlé de Green Pass ; on passera du Covid au climat par « contagion comportementale », même si ce ne sont là que des postures, du business as usual, une « opportunité considérable » maquillée en « nécessité impérieuse ». Le Nouvel Ordre Mondial se fera avec l’OMS en tête de gondole, « la seule organisation capable de coordonner une réponse mondiale à la pandémie », comme le dit Bill Gates, cité dans l’ouvrage : « Leur travail ralentit la propagation de la Covid-19 et si ce travail est arrêté, aucune autre organisation ne pourra les remplacer. Le monde a plus que jamais besoin de @WHO. » En somme, l’échec, pris en exemple, ainsi qu’une incapacité stratégique, serviront à justifier la fin complète de ce qu’il demeurait de souveraineté nationale. Ils ont d’ailleurs prévu de « sacrifier » politiquement les responsables politiques de l’ère Covid, ce qui justifiera le transfert de pouvoir vers des acteurs supranationaux comme l’OMS, et ils espèrent que le peuple le demande : « C’est précisément cet échec de la gouvernance mondiale que nous dépeint la Covid-19. » Et les auteurs de conditionner le « redémarrage [note] » à cette coopération internationale. 

L’heure de l’hyperconnectivité aura permis le scénario Covid-19 : « Plus de la moitié (52 %) de la population mondiale est aujourd’hui connectée, contre moins de 8 % il y a 20 ans ; en 2019, plus de 1,5 milliard de smartphones – symbole et vecteur de vitesse qui nous permet d’être joignables partout et à tout moment ont été vendus dans le monde. L’Internet des objets (IoT) relie aujourd’hui 22 milliards d’appareils en temps réel, allant des voitures aux lits d’hôpitaux, des réseaux électriques aux pompes des stations d’eau, en passant par les fours de cuisine et les systèmes d’irrigation agricole. Ce nombre devrait atteindre 50 milliards ou plus en 2030. » Les auteurs poussent la comparaison de la rapidité de déploiement de ces avancées technologiques avec celle du Covid, comme si celui-ci était aussi un produit du système : « Rien n’illustre de façon aussi frappante cette situation que la vitesse fulgurante à laquelle la Covid-19 a progressé en mars 2020. En moins d’un mois, suite au maelström provoqué par la vitesse vertigineuse à laquelle la pandémie a englouti la plus grande partie du monde, il semble qu’une toute nouvelle ère ait commencé à se dessiner. » La perfidie est poussée au point de montrer ses cartes, sans vergogne : « les choses ont tendance à changer progressivement au début, puis d’un seul coup. Attendez-vous à la même chose pour la réinitialisation « macro ». » Prévenus à temps, les cobayes de cette ingénierie sociale planétaire auraient certainement refusé le menu du monde qu’on leur présentait, mais la progressivité propre à la manipulation des masses a tétanisé les foules, prêtes à suivre leur bourreau-sauveur. 

L’écriture de cet ouvrage trois mois à peine après le début de la pandémie, d’une clarté étonnante, démontre que l’événement Covid-19 s’intègre à un système, prend corps et l’accompagne. Il fait plus qu’esquisser la nécessité que les gens obéissent à de nouvelles règles et comportements, et indique l’essentiel qu’est la mise en place d’une toile d’araignée mondiale de contrôle, capable d’assurer l’obéissance indispensable à la poursuite du projet, maquillée sous des prétextes sanitaires. « Une pandémie est un système adaptatif complexe fait de nombreuses composantes ou informations différentes (…) Pour cette raison, elle peut et doit être considérée comme un « réseau vivant » qui s’adapte aux conditions changeantes (…) La gestion (le confinement, dans ce cas particulier) d’un système adaptatif complexe exige une collaboration continue en temps réel (…) Pour donner un exemple général et trop simplifié, l’endiguement de la pandémie de coronavirus nécessitera un réseau de surveillance mondial capable d’identifier les nouveaux foyers dès leur apparition (…) Elle accentuera également l’un des plus grands défis sociétaux et individuels concernés par la technologie : la vie privée. Nous verrons comment le traçage de contacts a une capacité inégalée et une place quasi essentielle dans l’arsenal nécessaire pour combattre la Covid-19, tout en étant capable de devenir un outil de surveillance de masse. » (…) « La pandémie pourrait ouvrir une ère de surveillance sanitaire active rendue possible par les smartphones à détection de localisation, les caméras de reconnaissance faciale et d’autres technologies qui identifient les sources d’infection et suivent la propagation d’une maladie en temps quasi réel. » 

Ils savaient déjà avant le Covid qu’une crise économique sans précédent se profilait : « La catastrophe économique mondiale à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est la plus grave enregistrée depuis 1945 ; en termes de vitesse pure, elle est sans précédent dans l’histoire. Bien qu’elle ne soit pas à la hauteur des calamités et du désespoir économique absolu que les sociétés ont connus dans le passé, elle présente des caractéristiques significatives d’une similarité troublante ». Cette « similarité troublante », bien que Covid-19 soit « l’épidémie la moins meurtrière de l’histoire », a permis de mettre en place une forme de démission contrôlée : « L’histoire montre que les épidémies ont été à l’origine des grandes réinitialisations de l’économie et du tissu social des pays. Pourquoi en serait-il autrement avec la Covid-19 ? », et « d’accompagner » l’effondrement économique : « La Covid-19 a provoqué une crise de l’offre et de la demande qui a conduit à la plus forte chute de l’économie mondiale enregistrée en plus de 100 ans. Comme l’a prévenu l’économiste Kenneth Rogoff en parlant de la pandémie : « Tout dépend du temps que cela prendra, mais si elle dure longtemps, ce sera certainement la mère de toutes les crises financières ». » On allait donc pouvoir par un tour de prestidigitation faire croire que Covid-19 était à l’origine de la crise financière. 

Il fallait organiser l’ignorance, que nous n’apprenions rien et que les questions se multiplient, laissant ceux qui voulaient dire autre chose et nous rassurer dans l’impossibilité de le faire. Le poulain de Bill Gates, Peter Piot, cité dans l’ouvrage comme « l’un des plus grands virologues du monde », ne dira rien d’autre : « Plus nous en apprenons sur le coronavirus, plus les questions se multiplient. » 

Dès le début, malgré toutes leurs «incertitudes», les « décideurs » ne doutèrent pas un seul instant sur l’unique remède à apporter au mal : « Le prochain obstacle est le défi politique consistant à vacciner suffisamment de personnes dans le monde (collectivement, nous sommes aussi forts que le maillon le plus faible) avec un taux de conformité suffisamment élevé malgré la montée des anti-vaccins. » 

CE QUE LE COVID PERMET… 

« La plupart des gens, craignant le danger que représente la Covid-19, se poseront la question : N’est-il pas insensé de ne pas exploiter la puissance de la technologie comme moyen de nous aider alors que nous sommes victimes d’une épidémie et confrontés à une question de vie ou de mort? Ils seront alors prêts à renoncer à une grande partie de leur vie privée et conviendront que, dans de telles circonstances, la puissance publique peut légitimement passer outre les droits individuels » 

« Avec la pandémie, la “ transformation numérique ” à laquelle tant d’analystes font référence depuis des années, sans savoir exactement ce qu’elle signifie, a trouvé son catalyseur » 

Conséquences inévitables ou heureuses aubaines, il est difficile d’établir la distinction lorsque nos deux auteurs décrivent les effets post-Covid. Il est évident qu’ils savent qu’il faudra passer par une « destruction créatrice » pour mener à bien la grande transition (ou Great Reset). Car les deux se conjuguent subséquemment : quand on détruit, on érige le nouveau. Du chaos maîtrisé, de la poussière, se construit leur meilleur des mondes. 

La thérapie de choc du Covid-19 aura en effet permis de mettre en place ou d’accélérer d’opportuns « investissements stratégiques » et « d’emprunter le TGV numérique »[note] tant attendu : « En l’espace d’un mois seulement, il est apparu que de nombreuses entreprises ont fait un bond de plusieurs années en avant en termes d’adoption de technologies. Cette avancée fut bien accueillie par les adeptes du numérique, mais beaucoup moins par les autres (parfois de façon catastrophique). Satya Nadella, directeur général de Microsoft, a observé que les exigences de distanciation sociale et physique ont créé un monde du “ tout à distance ”, avançant de deux ans l’adoption d’un large éventail de technologies, tandis que Sundar Pichai, PDG de Google, s’est émerveillé du bond impressionnant de l’activité numérique, prévoyant un effet “ significatif et durable ” sur des secteurs aussi différents que le travail, l’éducation, le shopping, la médecine et les loisirs en ligne. » 

Alors que le confinement et la « distanciation sociale » favorisaient la numérisation et les relations virtuelles, les multinationales pharmaceutiques s’affairaient à préparer un produit faussement appelé « vaccin » dans la plus grande précipitation, avec une Europe qui les exempta préalablement des responsabilités par rapport aux risques inhérents à un tel empressement. Sachant que ce qu’ils détruiraient ne reviendrait pas, ils ont conditionné, dans un fabuleux mensonge, la reprise économique et le retour « à la vie d’avant », en un chantage à la piqûre: « Dans les mois à venir, la situation du chômage est vouée à se détériorer davantage, pour la simple raison qu’elle ne peut pas s’améliorer de manière significative tant qu’une reprise économique durable n’est pas amorcée. Cela n’arrivera pas avant qu’un vaccin ou un traitement soit trouvé ». 

Leur société du robot était déjà dans les bacs, mais, et ils le savent, ce que le robot remplace, l’homme le perd, en toute logique : « Selon toute vraisemblance, la récession induite par la pandémie va déclencher une forte augmentation du remplacement de la main-d’œuvre, ce qui signifie que le travail physique sera remplacé par des robots et des machines “ intelligentes ”, ce qui à son tour provoquera des changements durables et structurels sur le marché du travail. »[note] L’automatisation, accélérée par le Covid, permettra de faire gagner du temps aux travailleurs, à court terme et de les virer à moyen terme : « Les solutions RPA (l’automatisation robotisée des processus) ont aidé certains hôpitaux à diffuser les résultats des tests Covid-19, permettant aux infirmières d’économiser jusqu’à trois heures de travail par jour », « au détriment d’une augmentation probable du chômage »… Le confinement et la peur leur feront demander ce qu’ils n’auraient jamais voulu d’euxmêmes et que la catastrophe accentuera : « Les consommateurs pourraient préférer les services automatisés aux interactions en face à face pendant encore un certain temps, ce qui se passe actuellement avec les centres d’appel se produira donc inévitablement dans d’autres secteurs. « L’angoisse de l’automatisation » est donc promise à un renouveau, que la récession économique va aggraver. » États et individus auront creusé leur propre tombe. 

La recette du monde de demain de Klaus Schwab est faite d’intelligence artificielle, biologie synthétique, automatisation, robots; de biotechnologie, télémédecine, livraison par drone, réunion virtuelle, école numérique, économie sans contact[note], sports électroniques. (169). La fin de ce qui fait de nous des humains, êtres sensibles et grégaires : « se rendre en voiture à une réunion de famille loin de chez soi pour le week-end (le groupe familial WhatsApp n’est pas aussi amusant mais, là encore, plus sûr, moins cher et plus écologique) ou même assister à un cours universitaire (pas aussi satisfaisant, mais moins cher et plus pratique). » ; « La tendance semble claire : le monde de l’enseignement, à l’instar d’autres industries, deviendra en partie virtuel. » (…) « La pandémie pourrait se révéler être une aubaine pour l’enseignement en ligne. » 

Recette que la pandémie aura « suralimenté » : « la pandémie accélérera encore plus l’innovation, en catalysant les changements technologiques déjà en cours (comparables à l’effet d’amplification qu’elle a eu sur d’autres problèmes mondiaux et nationaux sousjacents) et en « suralimentant » toute entreprise numérique ou la dimension numérique de toute entreprise. » 

Le massacre de la classe moyenne s’accompagnera de celui de ceux qui étaient déjà victimes de ce monde depuis des siècles, à savoir les classes populaires et les pays aujourd’hui dénommés « émergents » et « pauvres surendettés », ces derniers encaissant le plus : « Pour eux, cette crise va prendre des proportions énormes et il leur faudra des années pour en sortir, avec des dommages économiques considérables se traduisant rapidement par une douleur sociale et humanitaire. » (…) « Elle pourrait entraîner une catastrophe humanitaire et une crise alimentaire » (…) « D’une manière ou d’une autre, ces risques auront pour conséquences une plus grande instabilité, voire le chaos. » (…) « Dans les années à venir, alors que la pandémie infligera des souffrances à l’échelle mondiale, il est fort probable que la dynamique n’ira que dans un sens pour les pays les plus pauvres et les plus fragiles du monde : de mal en pis. En bref, de nombreux États qui présentent des facteurs de fragilité risquent d’échouer. » 

Ces bouleversements s’accompagneront de troubles sociaux, le Forum de Davos les ayant déjà prévus : « Le bouleversement sociétal déclenché par la Covid-19 durera des années, voire des générations. L’impact le plus immédiat et le plus visible est que de nombreux gouvernements seront pris à partie, avec beaucoup de colère dirigée contre les décideurs politiques et les personnalités politiques, dont les réponses à la gestion de la Covid-19 ont semblé inappropriées ou mal préparées. » Ils n’ont pas peur de la révolte, ils l’ont déjà anticipée… elle leur permettra de refourguer leur Nouvel ordre. « L’un des dangers les plus profonds de l’ère post-pandémique est l’agitation sociale. Dans certains cas extrêmes, elle pourrait conduire à la désintégration de la société et à l’effondrement politique. D’innombrables études, articles et avertissements ont mis en lumière ce risque particulier, en se fondant sur le constat évident que lorsque les gens n’ont ni emploi, ni revenu ni perspective de vie meilleure, ils ont souvent recours à la violence. » Les auteurs auraient même cette cynique lucidité : « Les inégalités pourraient donc diminuer mais, si l’on se fie à l’histoire, ce scénario optimiste a peu de chances de l’emporter s’il n’est pas précédé de troubles sociaux conséquents. » 

Marche ou crève : « Ceux qui ont pris du retard et ont raté le train numérique à grande vitesse auront beaucoup de mal à s’adapter et à survivre » (…) « La réinitialisation “ micro ” obligera chaque entreprise de chaque secteur à expérimenter de nouvelles façons de faire des affaires, de travailler et de fonctionner. Ceux qui essaieront de revenir à l’ancienne façon de faire échoueront. Ceux qui s’adaptent avec agilité et imagination finiront par tourner la crise de Covid-19 à leur avantage. » C’est le cycle infernal de la peur qui nourrit le changement qui nourrit la peur : « Sous une forme ou une autre, les mesures de distanciation sociale et physique risquent de persister après la fin de la pandémie elle-même, ce qui justifie la décision de nombreuses entreprises issues de différentes industries d’accélérer l’automatisation. Au bout d’un certain temps, les préoccupations persistantes au sujet du chômage technologique s’estomperont à mesure que les sociétés mettront l’accent sur la nécessité de restructurer le lieu de travail de manière à réduire au minimum les contacts humains rapprochés. » En un tournemain, ils auront réussi à générer la fausse solution (« distanciation sociale ») à un problème mineur (coronavirus) qu’ils ont présenté comme gravissime, générant la peur et favorisant de nouvelles « solutions » (automatisation) pour s’adapter au monde sans contacts qu’ils ont mis sur pied : « Les technologies d’automatisation sont particulièrement bien adaptées à un monde dans lequel les êtres humains ne peuvent pas être trop près les uns des autres ou sont prêts à réduire leurs interactions. Notre crainte persistante et peut-être durable d’être infecté par un virus (celui de la Covid-19 ou autre) va donc accélérer la marche implacable de l’automatisation, en particulier dans les domaines les plus sensibles à celle-ci. En 2016, deux universitaires d’Oxford sont arrivés à la conclusion que jusqu’à 86% des emplois dans les restaurants, 75% des emplois dans le commerce de détail et 59% des emplois dans le secteur du divertissement pourraient être automatisés d’ici 2035. Ces trois industries sont parmi les plus durement touchées par la pandémie et c’est dans celles-ci que l’automatisation, pour des raisons d’hygiène et de propreté, sera une nécessité qui, à son tour, accélérera encore la transition vers plus de technologie et plus de numérique ». 

Covid-19, c’est la prophétie auto-réalisée, l’opportune « pandémie », plateau d’argent pour nous amener à accélérer l’émergence d’un monde techno-totalitaire où ceux qui gagnaient déjà se surpasseront en écrasant les autres. « Ce n’est pas par hasard que des entreprises comme Alibaba, Amazon, Netflix ou Zoom sont sorties « gagnantes » de ces confinements » (…) « Il est tout à fait naturel qu’ils soient les principaux bénéficiaires de la pandémie ». Non, ce n’est pas un hasard Herr Schwab. C’est « naturel ». Comme « ces petites entreprises [qui] vont excessivement souffrir de cette situation, car elles devront lutter pour survivre aux fermetures imposées par le confinement (ou à la forte réduction des activités) et éviter la faillite. Si elles sont obligées de fonctionner à capacité réduite avec des marges encore plus étroites, beaucoup ne survivront pas. » (…) « Prenez les restaurants. Ce secteur d’activité a été frappé par la pandémie à un point tel que l’on ne sait même pas comment le secteur de la restauration pourra se rétablir un jour. » (…) « En France et au Royaume-Uni, plusieurs voix de l’industrie estiment que jusqu’à 75 % des restaurants indépendants pourraient ne pas survivre au confinement et aux mesures de distanciation sociale consécutives. » Ne pensez donc pas que votre soumission sera récompensée, elle ne fera que précipiter votre perte. 

« Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte, piétinant un visage humain… éternellement » (George Orwell). 

Alexandre Penasse 

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Pandémie et meilleur des mondes de Klaus Schwab

« L’ennemi contre lequel nous luttons est invisible ; notre famille, nos amis et nos voisins peuvent tous devenir des sources d’infection ; ces rituels quotidiens que nous chérissons, comme retrouver un ami dans un lieu public, peuvent devenir vecteurs de transmission ; et les autorités qui tentent de nous protéger en appliquant des mesures de confinement sont souvent perçues comme des représentants de l’oppression[note] ». 

Illustration: Philippe Debongnie

À sa lecture, on croit consulter Le Soir, Le Monde, TF1 ou encore La RTBF ; écouter une conférence de presse d’un gouvernement, un JT, suivre les nouvelles radiophoniques. Covid-19 : La grande réinitialisation (The Great Reset, TGR), est un modèle mental, un prêt-à-penser, un agenda, bible d’une idéologie avatar et apothéose finale[note] de celle qui a conquis nos sociétés depuis les années 1980. Qu’importe donc qu’il ait été écrit par Klaus Schwab et Thierry Malleret, ou un grand bureau de consultance, il témoigne d’une pensée unique qui irrigue tous les cercles de pouvoir et se donne comme objectif de conquérir les esprits. 

« En ce début de juillet 2020, nous sommes à la croisée des chemins, avancent dans le préambule les auteurs de Covid-19 : la Grande réinitialisation. Une seule voie nous mènera vers un monde meilleur : plus inclusif, plus équitable et plus respectueux de Mère Nature. » Le lecteur attentif se posera avec raison la question : que veulent les auteurs en écrivant ce livre, est-ce une feuille de route, sorte de planning à venir, ou une réaction à chaud sur la situation présente, truffée d’hypothèses incertaines sur l’avenir ? Car l’ouvrage paraît osciller constamment entre la description et le souhait, l’explication et la volonté de voir advenir, l’enthousiasme et l’impuissance. Si les deux signataires le décrivent comme « principalement explicatif », fournissant des suppositions, il ressemble avant tout à un agenda d’intentions dont on est sûrs que les maîtres du monde mettront tout en œuvre pour les voir se réaliser, l’avouant d’ailleurs au détour d’une phrase : ce livre fournit « de nombreuses conjectures et idées sur ce à quoi le monde post-pandémique pourrait, et peutêtre devrait, ressembler ». Il serait en effet trop cynique de voir dans le cauchemar dystopique décrit dans TGR l’œuvre d’une volonté humaine prête à se déployer, et il reste préférable de le présenter derrière cette fausse incertitude d’un futur probable mais indéterminé. D’où l’utilisation récurrente de possibles opposés. 

Dans cette schizophrénie maîtrisée, cette division troublante entre volonté assumée et impuissance feinte, s’écrit le désir d’agir rapidement dans un moment à saisir, « notre moment décisif », sorte de Kairos diabolique : « les possibilités de changement et le nouvel ordre qui en résultent sont désormais illimités et n’ont d’autre frein que notre imagination, pour le meilleur ou pour le pire ». On ne sait qui décidera du meilleur ou du pire : « Les sociétés pourraient être sur le point de devenir plus égalitaires ou plus autoritaires, ou orientées vers plus de solidarité ou plus d’individualisme », nous dit le patron du Forum économique mondial, forum qui réunit les plus grandes entreprises de destruction de la planète. Mais l’analyse de l’ensemble du texte dessine, nous le verrons, un pire probable, et souhaité, considérant que les conséquences négatives et souvent désastreuses de leurs choix seront inévitables. 

Rappelons-nous que le livre est publié en juin 2020, trois mois à peine après le début du Covid et le premier confinement en Europe. 

La pensée qui s’y déploie n’est donc pas la conséquence d’une expérimentation inédite, mais une situation unique dans laquelle va pouvoir se concrétiser une représentation du monde déjà pensée – et possédant les infrastructures utiles –, le prophète Schwab ayant déjà compris que le Covid-19 constitue un point de bascule : « Beaucoup d’entre nous se demandent quand les choses reviendront à la normale. Pour faire court, la réponse est : jamais » ; « Un monde nouveau va émerger, et il nous faut à la fois en imaginer et en dessiner les contours. » 

Les auteurs établissent spécieusement un lien de causalité entre la pandémie et ses effets économiques et sociaux, comme si les seconds découlaient naturellement de la première, sans prendre en compte les mesures politiques qui les relient, comme si la main visible des gouvernements était celle de Dieu. Mesures qui auraient pu être tout autres, mais pour « faire émerger un nouveau monde », il ne fallait pas d’une épidémie gérable mais d’une catastrophe terrifiante[note], qui, comme il est explicitement énoncé, allait seulement profiter à une poignée qui avait les moyens de saisir l’opportunité : « Aux États-Unis, Amazon et Walmart ont recruté 250.000 personnes pour faire face à l’augmentation de la demande et ont construit une infrastructure massive pour fournir des services en ligne. Cette accélération de la croissance du e‑commerce signifie que les géants du commerce de détail en ligne sortiront probablement de la crise encore plus forts qu’ils ne l’ étaient avant la pandémie. » 

Plein de certitudes sur l’issue de la « pandémie », TGR nous prévient que des « changements radicaux » formeront une « nouvelle normalité ». S’appuyant sur des exemples historiques, les auteurs montrent comment les quarantaines/confinements donnent et légitiment l’augmentation du pouvoir des gouvernements : « Du mot quaranta (qui signifie « quarante » en italien), l’idée d’enfermer les gens pendant 40 jours est née sans que les autorités ne comprennent vraiment ce qu’elles voulaient contenir, mais ces mesures ont été l’une des premières formes de « santé publique institutionnalisée » ayant contribué à légitimer « l’accumulation du pouvoir » par l’État moderne ». Voyageant entre l’accident propice et l’opportunité fortuite, on ne peut se défaire de l’impression qu’il n’y a pas contingence, mais événement. Qu’importe ici de savoir quelle est l’origine du Covid-19, ils en ont fait ce qu’ils voulaient en faire : la « peste » du XXIe siècle. « Peste » qui permettra de donner à l’État, indispensable structure pour organiser la « pandémie », des pouvoirs supérieurs. « Si des changements sociaux, politiques et économiques aussi profonds ont pu être provoqués par la peste dans le monde médiéval, la pandémie de Covid-19 pourrait-elle marquer le début d’un tournant similaire avec des conséquences durables et dramatiques pour notre monde actuel ? » 

Aucun observateur n’aura remarqué « l’erreur » dans la citation qui précède, où, ceux qui écrivent, plutôt que de voir des changements qui ont été provoqués par la peste (forme passive), y voient une possibilité (« ont pu »), une situation opportune à exploiter. Cette analyse est confirmée par le fait qu’ils savent pertinemment que le Covid ne représente pas un danger pour l’humanité et que la dramatisation est de l’ordre du spectacle : « au niveau mondial, si l’on considère le pourcentage de la population mondiale touchée, la crise du coronavirus est (jusqu’à présent) l’une des pandémies les moins meurtrières que le monde ait connues au cours des 2.000 dernières années. Selon toute vraisemblance, à moins que la pandémie n’évolue de manière imprévue, les conséquences de la Covid-19 en termes de santé et de mortalité seront légères par rapport aux pandémies précédentes. Fin juin 2020 (alors que l’épidémie fait toujours rage en Amérique latine, en Asie du Sud et dans une grande partie des États-Unis), la Covid-19 a tué moins de 0,006% de la population mondiale. Pour replacer ce chiffre bas dans son contexte en termes de mortalité, la grippe espagnole a tué 2,7% de la population dumonde ». 

Il fallait donc jouer sur l’équivoque, l’alimenter, ils ne savaient pas mais ont choisi la voix du pire : « Le degré élevé d’incertitude qui entoure actuellement la Covid-19 rend incroyablement difficile l’évaluation précise du risque qu’elle représente » ; « Depuis le début de la pandémie, nous avons été bombardés quotidiennement par un flux incessant de données mais, en juin 2020, soit environ six mois après le début de l’épidémie, nos connaissances sont encore très incomplètes et, par conséquent, nous ne savons pas encore vraiment à quel point la Covid-19 est dangereuse. » Plutôt que de relativiser la maladie, ils ont mis en place tous les ingrédients pour la rendre terrible. De fait, « les « mesures sanitaires » imposées depuis 18 mois sont radicalement contraires à ce que l’on savait devoir mettre en œuvre pour gérer efficacement une épidémie ». Ils n’auraient jamais dû perturber le fonctionnement social normal et auraient dû mettre en place une politique de santé publique forte[note]. 

PANDÉMIE ET NOUVEL ORDRE MONDIAL 

« Les réponses d’urgence économique à la pandémie étant désormais en place, il est possible de saisir l’occasion de procéder au type de changements institutionnels et de choix politiques qui placeront les économies sur une nouvelle voie »[note]. 

Seule une pandémie pouvait assurer la gestion globale de tous les pays comme une seule et même grande entreprise et permettre la mise en place du gouvernement mondial propre au Nouvel Ordre : « Les 7 milliards de personnes qui vivent sur notre planète ne vivent plus dans une centaine de bateaux distincts [pays] ; elles vivent dans 193 cabines à bord du même bateau.  » Klaus Schwab citant Kishore Mahbubani, un universitaire et ancien diplomate de Singapour. Selon ses propres termes, il s’agit de l’une des plus grandes transformations jamais réalisées. En 2020, il a approfondi cette métaphore dans le contexte de la pandémie en écrivant : « Si nous sommes aujourd’hui 7,5 milliards de personnes les unes sur les autres sur un bateau de croisière infecté par le virus, est-il logique de nettoyer et de récurer uniquement nos cabines personnelles tout en ignorant les couloirs et les conduites d’aération extérieures, par lesquels le virus voyage ? La réponse est clairement non. Pourtant, c’est ce que nous avons fait… Puisque nous sommes maintenant dans le même bateau, l’humanité doit prendre soin du bateau mondial dans son ensemble. » 

Dans Covid-19 : La grande réinitialisation, ils feignent de s’étonner des horreurs que ce monde a créées, comme s’il avait fallu le Covid pour les révéler : « Le premier effet de la pandémie a été d’amplifier l’enjeu gargantuesque de l’injustice sociale en mettant en lumière les disparités choquantes entre les degrés de risque auxquels sont exposées les différentes classes sociales. » Alors que ce sont les politiques que le FEM préconise qui ont fait ce monde : « Dans un revirement surprenant et soudain, l’idée, qui aurait été un anathème il y a encore quelques années, selon laquelle les gouvernements peuvent promouvoir le bien public tandis que des économies à la dérive, sans supervision peuvent faire des ravages sur le bien-être social, pourrait maintenant devenir la norme. Sur le cadran qui mesure le continuum entre le gouvernement et les marchés, l’aiguille s’est sans aucun doute déplacée vers la gauche. » Nous avons désormais atteint l’ère de symbiose parfaite entre le capitalisme et le communisme. Les structures gouvernementales ont été les courroies de transmission permettant la mise en place d’un Nouvel ordre mondial, elles leur étaient indispensables : « Seuls les gouvernements avaient le pouvoir, la capacité et la portée nécessaires pour prendre de telles décisions, sans lesquelles une calamité économique et un effondrement social complet auraient prévalu. » Le 21 mars 2022, le Think Tank Business Roundtable (Apple, Visa, General Motors, JPMorgan, Walmart, United Airlines, Paypal, American Express, Alphabet, Amazon, Blackrock, BP, Boston Consulting Group…), recevait Joe Biden, limpide sur ses objectifs : « C’est maintenant que les choses changent. Il va y avoir un nouvel ordre mondial et nous devons le diriger. Et nous devons unir le reste du monde libre pour le faire. » 

On pouvait croire qu’ils allaient s’attaquer aux paradis fiscaux et à la criminalité financière… Nullement. La politique Covid-19 a enrichi comme jamais les plus grandes multinationales, favorisé les banquiers, approfondi les inégalités et la misère. Alors que la mondialisation de l’ère pré-covid était responsable de millions de morts et du creusement des inégalités, TGR nous récite la fable du « c’était bien avant, ce sera encore mieux après », hors des « ravages » qu’il évoque : « La mondialisation (…) a sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté ». 

COVID ET CLIMAT 

Objet d’une simulation quelques mois avant sa mise en place dans le réel (Z event 2021[note]), l’événement Covid-19 était aussi l’élément parfait pour concentrer l’ensemble des « luttes » et assurer la pérennité de la soumission des masses : « La Covid-19 nous a rappelé que les plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés sont de nature mondiale. Qu’il s’agisse de pandémies, de changement climatique, de terrorisme ou de commerce international, ce sont tous des problèmes mondiaux que nous ne pouvons aborder, et dont les risques ne peuvent être atténués, que de manière collective. » (…) « À première vue, la pandémie et l’environnement pourraient passer pour des cousins éloignés ; mais ils sont bien plus proches et imbriqués que nous le pensons »… ce qui permet de comprendre pourquoi dès le début les institutions européennes ont parlé de Green Pass ; on passera du Covid au climat par « contagion comportementale », même si ce ne sont là que des postures, du business as usual, une « opportunité considérable » maquillée en « nécessité impérieuse ». Le Nouvel Ordre Mondial se fera avec l’OMS en tête de gondole, « la seule organisation capable de coordonner une réponse mondiale à la pandémie », comme le dit Bill Gates, cité dans l’ouvrage : « Leur travail ralentit la propagation de la Covid-19 et si ce travail est arrêté, aucune autre organisation ne pourra les remplacer. Le monde a plus que jamais besoin de @WHO. » En somme, l’échec, pris en exemple, ainsi qu’une incapacité stratégique, serviront à justifier la fin complète de ce qu’il demeurait de souveraineté nationale. Ils ont d’ailleurs prévu de « sacrifier » politiquement les responsables politiques de l’ère Covid, ce qui justifiera le transfert de pouvoir vers des acteurs supranationaux comme l’OMS, et ils espèrent que le peuple le demande : « C’est précisément cet échec de la gouvernance mondiale que nous dépeint la Covid-19. » Et les auteurs de conditionner le « redémarrage [note] » à cette coopération internationale. 

L’heure de l’hyperconnectivité aura permis le scénario Covid-19 : « Plus de la moitié (52 %) de la population mondiale est aujourd’hui connectée, contre moins de 8 % il y a 20 ans ; en 2019, plus de 1,5 milliard de smartphones – symbole et vecteur de vitesse qui nous permet d’être joignables partout et à tout moment ont été vendus dans le monde. L’Internet des objets (IoT) relie aujourd’hui 22 milliards d’appareils en temps réel, allant des voitures aux lits d’hôpitaux, des réseaux électriques aux pompes des stations d’eau, en passant par les fours de cuisine et les systèmes d’irrigation agricole. Ce nombre devrait atteindre 50 milliards ou plus en 2030. » Les auteurs poussent la comparaison de la rapidité de déploiement de ces avancées technologiques avec celle du Covid, comme si celui-ci était aussi un produit du système : « Rien n’illustre de façon aussi frappante cette situation que la vitesse fulgurante à laquelle la Covid-19 a progressé en mars 2020. En moins d’un mois, suite au maelström provoqué par la vitesse vertigineuse à laquelle la pandémie a englouti la plus grande partie du monde, il semble qu’une toute nouvelle ère ait commencé à se dessiner. » La perfidie est poussée au point de montrer ses cartes, sans vergogne : « les choses ont tendance à changer progressivement au début, puis d’un seul coup. Attendez-vous à la même chose pour la réinitialisation « macro ». » Prévenus à temps, les cobayes de cette ingénierie sociale planétaire auraient certainement refusé le menu du monde qu’on leur présentait, mais la progressivité propre à la manipulation des masses a tétanisé les foules, prêtes à suivre leur bourreau-sauveur. 

L’écriture de cet ouvrage trois mois à peine après le début de la pandémie, d’une clarté étonnante, démontre que l’événement Covid-19 s’intègre à un système, prend corps et l’accompagne. Il fait plus qu’esquisser la nécessité que les gens obéissent à de nouvelles règles et comportements, et indique l’essentiel qu’est la mise en place d’une toile d’araignée mondiale de contrôle, capable d’assurer l’obéissance indispensable à la poursuite du projet, maquillée sous des prétextes sanitaires. « Une pandémie est un système adaptatif complexe fait de nombreuses composantes ou informations différentes (…) Pour cette raison, elle peut et doit être considérée comme un « réseau vivant » qui s’adapte aux conditions changeantes (…) La gestion (le confinement, dans ce cas particulier) d’un système adaptatif complexe exige une collaboration continue en temps réel (…) Pour donner un exemple général et trop simplifié, l’endiguement de la pandémie de coronavirus nécessitera un réseau de surveillance mondial capable d’identifier les nouveaux foyers dès leur apparition (…) Elle accentuera également l’un des plus grands défis sociétaux et individuels concernés par la technologie : la vie privée. Nous verrons comment le traçage de contacts a une capacité inégalée et une place quasi essentielle dans l’arsenal nécessaire pour combattre la Covid-19, tout en étant capable de devenir un outil de surveillance de masse. » (…) « La pandémie pourrait ouvrir une ère de surveillance sanitaire active rendue possible par les smartphones à détection de localisation, les caméras de reconnaissance faciale et d’autres technologies qui identifient les sources d’infection et suivent la propagation d’une maladie en temps quasi réel. » 

Ils savaient déjà avant le Covid qu’une crise économique sans précédent se profilait : « La catastrophe économique mondiale à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est la plus grave enregistrée depuis 1945 ; en termes de vitesse pure, elle est sans précédent dans l’histoire. Bien qu’elle ne soit pas à la hauteur des calamités et du désespoir économique absolu que les sociétés ont connus dans le passé, elle présente des caractéristiques significatives d’une similarité troublante ». Cette « similarité troublante », bien que Covid-19 soit « l’épidémie la moins meurtrière de l’histoire », a permis de mettre en place une forme de démission contrôlée : « L’histoire montre que les épidémies ont été à l’origine des grandes réinitialisations de l’économie et du tissu social des pays. Pourquoi en serait-il autrement avec la Covid-19 ? », et « d’accompagner » l’effondrement économique : « La Covid-19 a provoqué une crise de l’offre et de la demande qui a conduit à la plus forte chute de l’économie mondiale enregistrée en plus de 100 ans. Comme l’a prévenu l’économiste Kenneth Rogoff en parlant de la pandémie : « Tout dépend du temps que cela prendra, mais si elle dure longtemps, ce sera certainement la mère de toutes les crises financières ». » On allait donc pouvoir par un tour de prestidigitation faire croire que Covid-19 était à l’origine de la crise financière. 

Il fallait organiser l’ignorance, que nous n’apprenions rien et que les questions se multiplient, laissant ceux qui voulaient dire autre chose et nous rassurer dans l’impossibilité de le faire. Le poulain de Bill Gates, Peter Piot, cité dans l’ouvrage comme « l’un des plus grands virologues du monde », ne dira rien d’autre : « Plus nous en apprenons sur le coronavirus, plus les questions se multiplient. » 

Dès le début, malgré toutes leurs «incertitudes», les « décideurs » ne doutèrent pas un seul instant sur l’unique remède à apporter au mal : « Le prochain obstacle est le défi politique consistant à vacciner suffisamment de personnes dans le monde (collectivement, nous sommes aussi forts que le maillon le plus faible) avec un taux de conformité suffisamment élevé malgré la montée des anti-vaccins. » 

CE QUE LE COVID PERMET… 

« La plupart des gens, craignant le danger que représente la Covid-19, se poseront la question : N’est-il pas insensé de ne pas exploiter la puissance de la technologie comme moyen de nous aider alors que nous sommes victimes d’une épidémie et confrontés à une question de vie ou de mort? Ils seront alors prêts à renoncer à une grande partie de leur vie privée et conviendront que, dans de telles circonstances, la puissance publique peut légitimement passer outre les droits individuels » 

« Avec la pandémie, la “ transformation numérique ” à laquelle tant d’analystes font référence depuis des années, sans savoir exactement ce qu’elle signifie, a trouvé son catalyseur » 

Conséquences inévitables ou heureuses aubaines, il est difficile d’établir la distinction lorsque nos deux auteurs décrivent les effets post-Covid. Il est évident qu’ils savent qu’il faudra passer par une « destruction créatrice » pour mener à bien la grande transition (ou Great Reset). Car les deux se conjuguent subséquemment : quand on détruit, on érige le nouveau. Du chaos maîtrisé, de la poussière, se construit leur meilleur des mondes. 

La thérapie de choc du Covid-19 aura en effet permis de mettre en place ou d’accélérer d’opportuns « investissements stratégiques » et « d’emprunter le TGV numérique »[note] tant attendu : « En l’espace d’un mois seulement, il est apparu que de nombreuses entreprises ont fait un bond de plusieurs années en avant en termes d’adoption de technologies. Cette avancée fut bien accueillie par les adeptes du numérique, mais beaucoup moins par les autres (parfois de façon catastrophique). Satya Nadella, directeur général de Microsoft, a observé que les exigences de distanciation sociale et physique ont créé un monde du “ tout à distance ”, avançant de deux ans l’adoption d’un large éventail de technologies, tandis que Sundar Pichai, PDG de Google, s’est émerveillé du bond impressionnant de l’activité numérique, prévoyant un effet “ significatif et durable ” sur des secteurs aussi différents que le travail, l’éducation, le shopping, la médecine et les loisirs en ligne. » 

Alors que le confinement et la « distanciation sociale » favorisaient la numérisation et les relations virtuelles, les multinationales pharmaceutiques s’affairaient à préparer un produit faussement appelé « vaccin » dans la plus grande précipitation, avec une Europe qui les exempta préalablement des responsabilités par rapport aux risques inhérents à un tel empressement. Sachant que ce qu’ils détruiraient ne reviendrait pas, ils ont conditionné, dans un fabuleux mensonge, la reprise économique et le retour « à la vie d’avant », en un chantage à la piqûre: « Dans les mois à venir, la situation du chômage est vouée à se détériorer davantage, pour la simple raison qu’elle ne peut pas s’améliorer de manière significative tant qu’une reprise économique durable n’est pas amorcée. Cela n’arrivera pas avant qu’un vaccin ou un traitement soit trouvé ». 

Leur société du robot était déjà dans les bacs, mais, et ils le savent, ce que le robot remplace, l’homme le perd, en toute logique : « Selon toute vraisemblance, la récession induite par la pandémie va déclencher une forte augmentation du remplacement de la main-d’œuvre, ce qui signifie que le travail physique sera remplacé par des robots et des machines “ intelligentes ”, ce qui à son tour provoquera des changements durables et structurels sur le marché du travail. »[note] L’automatisation, accélérée par le Covid, permettra de faire gagner du temps aux travailleurs, à court terme et de les virer à moyen terme : « Les solutions RPA (l’automatisation robotisée des processus) ont aidé certains hôpitaux à diffuser les résultats des tests Covid-19, permettant aux infirmières d’économiser jusqu’à trois heures de travail par jour », « au détriment d’une augmentation probable du chômage »… Le confinement et la peur leur feront demander ce qu’ils n’auraient jamais voulu d’euxmêmes et que la catastrophe accentuera : « Les consommateurs pourraient préférer les services automatisés aux interactions en face à face pendant encore un certain temps, ce qui se passe actuellement avec les centres d’appel se produira donc inévitablement dans d’autres secteurs. « L’angoisse de l’automatisation » est donc promise à un renouveau, que la récession économique va aggraver. » États et individus auront creusé leur propre tombe. 

La recette du monde de demain de Klaus Schwab est faite d’intelligence artificielle, biologie synthétique, automatisation, robots; de biotechnologie, télémédecine, livraison par drone, réunion virtuelle, école numérique, économie sans contact[note], sports électroniques. (169). La fin de ce qui fait de nous des humains, êtres sensibles et grégaires : « se rendre en voiture à une réunion de famille loin de chez soi pour le week-end (le groupe familial WhatsApp n’est pas aussi amusant mais, là encore, plus sûr, moins cher et plus écologique) ou même assister à un cours universitaire (pas aussi satisfaisant, mais moins cher et plus pratique). » ; « La tendance semble claire : le monde de l’enseignement, à l’instar d’autres industries, deviendra en partie virtuel. » (…) « La pandémie pourrait se révéler être une aubaine pour l’enseignement en ligne. » 

Recette que la pandémie aura « suralimenté » : « la pandémie accélérera encore plus l’innovation, en catalysant les changements technologiques déjà en cours (comparables à l’effet d’amplification qu’elle a eu sur d’autres problèmes mondiaux et nationaux sousjacents) et en « suralimentant » toute entreprise numérique ou la dimension numérique de toute entreprise. » 

Le massacre de la classe moyenne s’accompagnera de celui de ceux qui étaient déjà victimes de ce monde depuis des siècles, à savoir les classes populaires et les pays aujourd’hui dénommés « émergents » et « pauvres surendettés », ces derniers encaissant le plus : « Pour eux, cette crise va prendre des proportions énormes et il leur faudra des années pour en sortir, avec des dommages économiques considérables se traduisant rapidement par une douleur sociale et humanitaire. » (…) « Elle pourrait entraîner une catastrophe humanitaire et une crise alimentaire » (…) « D’une manière ou d’une autre, ces risques auront pour conséquences une plus grande instabilité, voire le chaos. » (…) « Dans les années à venir, alors que la pandémie infligera des souffrances à l’échelle mondiale, il est fort probable que la dynamique n’ira que dans un sens pour les pays les plus pauvres et les plus fragiles du monde : de mal en pis. En bref, de nombreux États qui présentent des facteurs de fragilité risquent d’échouer. » 

Ces bouleversements s’accompagneront de troubles sociaux, le Forum de Davos les ayant déjà prévus : « Le bouleversement sociétal déclenché par la Covid-19 durera des années, voire des générations. L’impact le plus immédiat et le plus visible est que de nombreux gouvernements seront pris à partie, avec beaucoup de colère dirigée contre les décideurs politiques et les personnalités politiques, dont les réponses à la gestion de la Covid-19 ont semblé inappropriées ou mal préparées. » Ils n’ont pas peur de la révolte, ils l’ont déjà anticipée… elle leur permettra de refourguer leur Nouvel ordre. « L’un des dangers les plus profonds de l’ère post-pandémique est l’agitation sociale. Dans certains cas extrêmes, elle pourrait conduire à la désintégration de la société et à l’effondrement politique. D’innombrables études, articles et avertissements ont mis en lumière ce risque particulier, en se fondant sur le constat évident que lorsque les gens n’ont ni emploi, ni revenu ni perspective de vie meilleure, ils ont souvent recours à la violence. » Les auteurs auraient même cette cynique lucidité : « Les inégalités pourraient donc diminuer mais, si l’on se fie à l’histoire, ce scénario optimiste a peu de chances de l’emporter s’il n’est pas précédé de troubles sociaux conséquents. » 

Marche ou crève : « Ceux qui ont pris du retard et ont raté le train numérique à grande vitesse auront beaucoup de mal à s’adapter et à survivre » (…) « La réinitialisation “ micro ” obligera chaque entreprise de chaque secteur à expérimenter de nouvelles façons de faire des affaires, de travailler et de fonctionner. Ceux qui essaieront de revenir à l’ancienne façon de faire échoueront. Ceux qui s’adaptent avec agilité et imagination finiront par tourner la crise de Covid-19 à leur avantage. » C’est le cycle infernal de la peur qui nourrit le changement qui nourrit la peur : « Sous une forme ou une autre, les mesures de distanciation sociale et physique risquent de persister après la fin de la pandémie elle-même, ce qui justifie la décision de nombreuses entreprises issues de différentes industries d’accélérer l’automatisation. Au bout d’un certain temps, les préoccupations persistantes au sujet du chômage technologique s’estomperont à mesure que les sociétés mettront l’accent sur la nécessité de restructurer le lieu de travail de manière à réduire au minimum les contacts humains rapprochés. » En un tournemain, ils auront réussi à générer la fausse solution (« distanciation sociale ») à un problème mineur (coronavirus) qu’ils ont présenté comme gravissime, générant la peur et favorisant de nouvelles « solutions » (automatisation) pour s’adapter au monde sans contacts qu’ils ont mis sur pied : « Les technologies d’automatisation sont particulièrement bien adaptées à un monde dans lequel les êtres humains ne peuvent pas être trop près les uns des autres ou sont prêts à réduire leurs interactions. Notre crainte persistante et peut-être durable d’être infecté par un virus (celui de la Covid-19 ou autre) va donc accélérer la marche implacable de l’automatisation, en particulier dans les domaines les plus sensibles à celle-ci. En 2016, deux universitaires d’Oxford sont arrivés à la conclusion que jusqu’à 86% des emplois dans les restaurants, 75% des emplois dans le commerce de détail et 59% des emplois dans le secteur du divertissement pourraient être automatisés d’ici 2035. Ces trois industries sont parmi les plus durement touchées par la pandémie et c’est dans celles-ci que l’automatisation, pour des raisons d’hygiène et de propreté, sera une nécessité qui, à son tour, accélérera encore la transition vers plus de technologie et plus de numérique ». 

Covid-19, c’est la prophétie auto-réalisée, l’opportune « pandémie », plateau d’argent pour nous amener à accélérer l’émergence d’un monde techno-totalitaire où ceux qui gagnaient déjà se surpasseront en écrasant les autres. « Ce n’est pas par hasard que des entreprises comme Alibaba, Amazon, Netflix ou Zoom sont sorties « gagnantes » de ces confinements » (…) « Il est tout à fait naturel qu’ils soient les principaux bénéficiaires de la pandémie ». Non, ce n’est pas un hasard Herr Schwab. C’est « naturel ». Comme « ces petites entreprises [qui] vont excessivement souffrir de cette situation, car elles devront lutter pour survivre aux fermetures imposées par le confinement (ou à la forte réduction des activités) et éviter la faillite. Si elles sont obligées de fonctionner à capacité réduite avec des marges encore plus étroites, beaucoup ne survivront pas. » (…) « Prenez les restaurants. Ce secteur d’activité a été frappé par la pandémie à un point tel que l’on ne sait même pas comment le secteur de la restauration pourra se rétablir un jour. » (…) « En France et au Royaume-Uni, plusieurs voix de l’industrie estiment que jusqu’à 75 % des restaurants indépendants pourraient ne pas survivre au confinement et aux mesures de distanciation sociale consécutives. » Ne pensez donc pas que votre soumission sera récompensée, elle ne fera que précipiter votre perte. 

« Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte, piétinant un visage humain… éternellement » (George Orwell). 

Alexandre Penasse 

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Ukraine et Russie : comprendre avant de juger

Pascale Vanhal

La guerre en Ukraine est traitée de façon très unilatérale, dans les médias dominants : classique dichotomie des bons et des méchants ; peu de références au passé, notamment à la guerre du Donbass, qui sévit depuis 2014 ; pas plus aux opérations occidentales passées, qui éclairent celles d’aujourd’hui (Afghanistan, 1979 ; Serbie, 1999 ; Syrie, 2014 ; …) ; silence, aussi, sur le coup d’État fomenté par les USA et qui mettra le roi de la confiserie, Viktor Porochenko, au pouvoir ; absence de référence aux milices ukrainiennes nazies, ne manquant pas de rappeler la Syrie, où, ceux qui en Occident sont des terroristes se sont transformés en rebelles modérés (financés par la CIA)… 

Pourtant, prendre en compte le point de vue de chaque acteur est essentiel, pour comprendre le présent et envisager un dialogue. On peut bien sûr le faire sans a priori et sans considérer que l’un ou l’autre serait meilleur moralement. Concernant la Russie, elle n’est sans doute ni pire, ni meilleure que la moyenne des pays, que ce soit en matière de gouvernance, de choix sociaux, écologiques, etc. Mais le passage sous silence d’une série de faits, dans les discours qui dominent, est inacceptable et irresponsable. 

Nous avons volontairement choisi dans cet article de ne citer que des sources provenant des médias « classiques » et des travaux de chercheurs académiques occidentaux, où de telles informations se trouvent donc, mais avec trop peu de visibilité. Ceci pour désamorcer préventivement toute critique portant sur nos références. 

Gorbatchev plaidait pour « une maison européenne commune », sans blocs militaires. Ses idées et propositions furent rejetées sans discussion. 

OFFRES DE COOPÉRATION MÉPRISÉES 

Pour comprendre le conflit en Ukraine, un point essentiel porte sur l’élargissement de l’OTAN. Concernant les pays anciennement dominés par la Russie soviétique, Andreï Gratchev, historien et politologue, ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, a formulé des réflexions nuancées et compréhensives. Si ce dernier comprend les motivations des pays « tout juste affranchis de la domination soviétique » et ayant toujours en mémoire la Russie tsariste, il déplore la « vieille politique du ‘cordon sanitaire’ (…) : La position des faucons américains (…) [révèle] une incapacité à sortir des carcans idéologiques de la guerre froide[note] ». Cette approche est importante : comprendre les traumatismes et peurs des pays évoqués, mais aussi bien voir que ce n’est pas en traitant un pays comme une menace qu’on dépasse les tensions et risques, au contraire. D’autant que la Russie porte elle aussi de graves traumatismes, en particulier ceux de l’invasion effroyable par l’Allemagne nazie, ainsi que ceux de l’appauvrissement désastreux ayant suivi la fin de l’URSS. Appauvrissement suite auquel l’ouest ne s’est pas empressé d’aller aider les Russes, mais plutôt de se servir dans leurs ressources. 

A‑t-on en effet, comme le suggère Gratchev, traité la Russie comme une menace ou un ennemi, ces dernières décennies ? Et si oui, ce traitement avait-il des justifications ? 

Pour tenter de répondre, revenons d’abord aux négociations autour de la fin de l’URSS, entre dirigeants soviétiques et occidentaux. Gorbatchev plaidait pour « une maison européenne commune », un « vaste espace économique de l’Atlantique à l’Oural », avec un système de sécurité eurasiatique de Lisbonne à Vladivostok, sans blocs militaires. Ces propositions furent rejetées sans discussion par les Occidentaux[note].  

Dans le même sens, dès 2001, devant le parlement allemand, Vladimir Poutine manifestait une volonté de collaboration et de rapprochement avec l’ouest, en appelant notamment à un approfondissement des relations politiques, économiques et sociétales  avec l’Allemagne[note]. Aucune suite ne fut donnée (ibid.) 

On constate la volonté générale d’exclure la Russie des partenariats occidentaux, soulignée par divers observateurs – notamment Andreï Gratchev[note]. 

« …de vulgaires escrocs sont ainsi devenus les champions des libertés parce qu’ils acceptent de partager avec l’Occident les fruits de leur ingénierie financière ». 

LA RUSSIESUR UN PLATEAU D’ARGENT 

Avec un président russe, Boris Eltsine, des collaborations rapprochées ont bien eu lieu ; ce ne furent cependant pas des coopérations entre pays souverains, mais des ententes conclues au détriment de la Russie… Dès le début des années 2000, Poutine a terriblement dérangé, mettant « fin au bradage des ressources russes aux entreprises occidentales – surtout états-uniennes –, qui, sous son prédécesseur Eltsine, pouvaient se servir comme sur un plateau d’argent »[note]. Un article de 2003 du Monde Diplomatique est ici très éclairant : « Vladimir Poutine a aussi pris l’initiative en raison de l’imminence de nouvelles privatisations, celles des monopoles d’État comme Gazprom (…) : il ne pouvait accepter que les oligarques, renforçant leur mainmise sur l’économie, décident seuls des conditions dans lesquelles des entreprises multinationales y prendront pied. (…) Des hommes considérés hier comme de vulgaires escrocs sont ainsi devenus les champions des libertés parce qu’ils acceptent de partager avec l’Occident les fruits de leur ingénierie financière et s’opposent aux “ étatistes ” regroupés autour de l’« ex-espion » Poutine (…). À l’ouest, on s’inquiète plus de leur sort que de celui des dizaines de millions de victimes de l’effondrement post-communiste. »[note] 

DÉSTABILISATIONS CONTRÔLÉES 

Plutôt qu’au développement de coopérations d’égal à égal avec la Russie, on a assisté a un élargissement continu de l’OTAN – à une douzaine de pays[note] – et aussi, au fur et à mesure, à l’installation par cette organisation de ses bases de lancement de missiles[note]. Le motif était-il la protection de ces pays contre un retour de l’impérialisme russe ? Une série de faits indiquent tout autre chose. Au sujet de l’Ukraine (mais cela concerne divers pays), les dirigeants étasuniens déclarent officiellement y avoir investi 5 milliards de dollars, depuis 1991 ; pour, disent-ils, y promouvoir la démocratie[note]. Mais il faut savoir que cet argent a été distribué et utilisé par des organismes comme la National Endowment for Democracy (NED[note]) et l’Open Society Foundation (OSF) du milliardaire Georges Soros[note]. Selon leurs sites web, ces organismes financent des médias, des instituts de formations et des associations. En 2014, le site de la NED indiquait des dizaines de projets subventionnés par cette fondation, en Ukraine. Fondation dont le premier directeur a déclaré sans ambages que son rôle était de prendre le relais des actions clandestines de la CIA à l’étranger[note]. Concernant l’OSF, Soros se vanta lui-même que cet organisme avait contribué à la déstabilisation, en 2014, du gouvernement ukrainien qui s’était rapproché de la Russie[note]. Lisons encore ces quelques lignes d’un article du Soir, sur des militants actifs lors d’un premier essai de déstabilisation : « Ukraine – Des activistes internationaux ont contribué à la  » révolution orange  » (…) [Ils sont] d’autant plus habiles et efficaces qu’ils sont solidement encadrés. Ils ont ainsi bénéficié en Ukraine du soutien financier d’une organisation basée à Washington et très proche du gouvernement américain (…) L’aide étrangère (…) s’étend également à la formation. »[note] 

La politique en question n’était donc pas une innocente promotion de médias « indépendants » ou autres « libres associations », mais visait manifestement à influencer la société ukrainienne au point de parvenir à un « regime change ». Le but fut atteint en 2014, lors du coup d’État américain, « initié par des snipers embusqués qui ont tiré sur les manifestants et la police, à Kiev, le 20 février 2014, plongeant le pays dans le chaos »[note]. Une étude du politologue Ivan Katchanovski, de l’université d’Ottawa[note], mène à la même conclusion. Elle se base notamment sur des analyses opérées sur les victimes et les balles, analyses prises très au sérieux dans une conversation entre Catherine Ashton[note] et le ministre des Affaires étrangères estonien (The Guardian, 05/03/2014[note]). Une autre conversation, entre Victoria Nuland (secrétaire d’État américain) et Geoffrey Pyatt (ambassadeur américain en Ukraine), révèle qu’ils « ont discuté de la composition du gouvernement avant le coup d’État »[note]. 

Ce fut le déclenchement d’une guerre de 8 ans, dans l’est de l’Ukraine, région dont la majeure partie des habitants a refusé ce coup d’État. L’ONU estime que ce conflit a causé au moins 13.000 morts[note]. En avez-vous souvent entendu parler ici dans les médias, avez-vous assisté à des concerts pour la « bonne cause » élective, vu des pin’s sur les chemises et les drapeaux aux fenêtres ? 

Tout État assez fort pour rester indépendant (…) doit être considéré comme “hostile”. 

« FULL SPECTRUM DOMINANCE » 

Les objectifs de cette prise de pouvoir s’éclaircissent à la lumière des écrits d’idéologues très influents aux USA, comme Zbigniew Brzeziński. Ce conseiller était notamment proche de Barack Obama, président lors du déclenchement de la crise ukrainienne de 2014. L’influence de Brzeziński sur Obama est connue, et aussi reconnue par certains médias mainstream. Dans le Figaro, on peut lire que Brzeziński, en 2014, est « toujours très influent auprès de l’administration Obama ». Dans son ouvrage, Le grand échiquier, ce conseiller écrit : « l’Ukraine, essentielle (…) et dont le renforcement de l’indépendance rejette la Russie à l’extrême est de l’Europe et la condamne à n’être plus, dans l’avenir, qu’une puissance régionale » ; 

« l’Ukraine (…) pivot géopolitique » ; « L’Ukraine constitue (…) l’enjeu essentiel. Le processus d’expansion de l’Union européenne et de l’OTAN est en cours. À terme, l’Ukraine devra déterminer si elle souhaite rejoindre l’une ou l’autre de ces organisations[note]. » 

Comme le note Michel Weber, de telles approches se retrouvent « dans la doctrine Wolfowitz, qui fut dévoilée dans le New York Times du 8 Mars 1992, [et] stipule simplement que tout État assez fort pour rester indépendant, c’est-à-dire pour ignorer les injonctions de Washington, doit être considéré comme “hostile”.[note] Rappelons aussi que, dans les classes dirigeantes étasuniennes, on déclare explicitement viser une « full spectrum dominance »[note], expression très directe d’une volonté de domination complète. 

DES MENACES TRÈS RÉELLES 

Si l’OTAN place des armes nucléaires en Ukraine, celles-ci pourraient frapper les principales villes russes en quelques minutes (un missile balistique pouvant atteindre près de 30.000 km/h en fin de parcours[note] ; cela permettrait sans doute une destruction de la Russie sans possibilité de riposte conséquente, réagir vraiment en quelques minutes ne semblant pas possible[note]. Une fois un tel armement placé, la Russie n’aurait probablement que deux possibilités : risquer la dévastation atomique ou se soumettre aux puissances qui, on l’a vu, convoitent ses ressources. 

Cette menace existentielle est sans doute déterminante, dans la guerre actuelle. Il faut y ajouter la situation des russophones de l’est de l’Ukraine (provinces de Donetsk et Lougansk, proches de la Russie aux niveaux culturels et identitaires). On nous parle avec raison des souffrances du peuple ukrainien suite à l’invasion russe, mais on a très peu appris du sort de cette minorité et des responsabilités, à cet égard, du pouvoir placé en 2014. En effet, celui-ci collabore avec des mouvements néonazis, qui ont joué un rôle important dans le renversement de l’ancien pouvoir[note]. Ces mouvements sont très hostiles aux Russes ; les organisations dont ils sont héritiers remontent à la Seconde Guerre mondiale, où ces organisations ont collaboré activement avec les milices hitlériennes (en participant à des massacres de populations civiles, notamment juives, comme à Babi Yar[note]). Elles ont ensuite combattu la domination russo-soviétique sous Staline, domination dont l’Ukraine de l’ouest a fortement souffert, de même que les Ukrainiens de l’est avaient combattu les nazis et souffert de leur domination[note]. Ce lien avec les souffrances dues au stalinisme pourrait expliquer une certaine clémence à l’égard des Ukrainiens qui rejoignent de tels mouvements. Mais le gouvernement ukrainien est allé bien au-delà d’une clémence : il a réhabilité des « héros » de la collaboration avec les nazis, comme Stepan Bandera, a donné leurs noms à des rues, leur a élevé des monuments…[note] Mais surtout, ces néonazis ont été intégrés au pouvoir[note] et à l’armée[note]. Il n’est donc pas étonnant que les partisans ou agents de ce pouvoir soient impliqués dans de graves exactions, où leur responsabilité principale est dans certains cas soupçonnée, dans d’autres avérée, selon toute vraisemblance. Un des faits les plus graves : à Odessa, en 2014, une quarantaine de manifestants refusant le putsch s’étaient retranchés dans un bâtiment, afin d’échapper à des néo-nazis laissés la bride sur le coup par le nouveau pouvoir central ; un incendie a alors été provoqué, tuant les 42 personnes[note]. Selon Il Manifesto, cet événement s’inscrit dans un ensemble de tueries commises par des partisans ou agents du nouveau pouvoir. Le géopolitologue et géographe Manlio Dinucci parle d’une série de massacres ou agressions perpétrés sur les russophones : « Villages mis à feu et à sang, militants brûlés vifs à la Maison des Syndicats d’Odessa, civils sans armes massacrés à Mariupol, bombardés au phosphore blanc à Donetsk et Lugansk. »[note]. On n’en a pas (ou très peu seulement) entendu parler dans les médias qui s’indignent aujourd’hui. 

La présence de néonazis et leur intégration au pouvoir ukrainien impliquent que les russophones de l’est du pays sont très menacés. Et de même qu’une part des Occidentaux se sent, à juste titre, concernée par les souffrances des Ukrainiens notamment, de nombreux Russes se sentent très certainement concernés par celles de ces russophones. 

À la lumière de tout cela, la meilleure solution est sans doute celle d’une Ukraine neutre. Ne pas le reconnaître et attirer les Ukrainiens vers l’OTAN est aussi irresponsable que criminel. Ce, à l’égard de ce peuple comme de l’humanité, sur laquelle pèse peut-être, à présent, le risque d’un conflit majeur. Les Européens devraient l’admettre et cesser de s’aligner sur Washington. Voilà qui serait courageux et cohérent. Bien plus que de jouer les moralistes et les accueillants généreux. Il faut aider les réfugiés (Ukrainiens comme Palestiniens, Yéménites, Syriens, Afghans…) Mais aussi avouer et assumer nos responsabilités dans la destruction de leurs pays. 

Daniel Zink et Alexandre Penasse 

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Macron-Le Pen : les deux faces d’une même pièce

Source: Wikipedia

Il y a 5 ans, en mai 2017, nous réagissions à l’élection pour le deuxième tour de Macron et Le Pen. Macron, qui pendant 5 ans a privilégié ses amis banquiers, fustigé la « France d’en bas », criminalisé les gilets jaunes — les éborgnant et les mutilant au passage -, qui a encore plus divisé la France dans sa « guerre » contre le Covid, et maintenant chanté avec les sirènes des pays sous le joug de l’Otan dans la guerre Ukrainienne, celui-là aura nourri la haine de l’autre et approfondi la destruction en cours. Alimentant donc l’extrême droite. Et puis ils voudraient nous faire croire, grâce à leur porte-parole médiatique, qu’ils sont profondément différents et ainsi nous refaire le coup du « vote utile ». 

Le fait qu’en France un banquier soutenu par Rothschild se dispute le trône avec Marine Le Pen en dit long sur la décadence européenne, ou plutôt occidentale, qui ne nous laisserait plus le choix qu’entre le noir et le gris. Gandhi, quelques heures avant d’être assassiné, avait exprimé ne plus vouloir vivre dans « ce monde qui plongeait dans l’obscurité ». Le comble de l’obscurité, c’est d’y voir la lumière et de ne plus admettre qu’on s’y perd. Dans le dramatique cas des élections françaises, c’est encore plus inquiétant, car c’est l’obscurité même – Le Pen – qui éclairerait celui que rien n’illumine – Macron.

Par la grâce de la comparaison, ce qui aurait été inacceptable dans un certain contexte, devient tolérable dans un autre. On ne vote plus « pour », on vote « contre », est le sophisme en vigueur. Mais faudra-t-il admettre qu’en votant « contre » on vote, quoi qu’on y fasse, « pour » ; que donner sa faveur à ce qui ne serait pas « extrême » nous fait oublier que celui qu’on plébiscitera est « extrémiste » aussi, dans le sens qu’en donne le philosophe Alain Deneault, que nous avions rencontré : « À tort, on a associé l’extrémisme en politique à la position du curseur sur l’axe gauche-droite. Alors que l’extrémisme, au sens moral, renvoiebeaucoup plus à une attitude qui consiste à être intolérant à ce qui n’est pas soi. L’extrême centre consiste à être intolérant envers tout ce qui ne s’insère pas dans ce paramétrage finalement très étroit de l’ordre du jour du programme oligarchique. C’est un centre qui a peu à voir avec l’axe politique gauche-droite, dans le sens où c’est un centre qui vise moins à se situer sur cet axe qu’à l’abolir, et à présenter une vision des choses comme étant la seule valable[note]. L’extrême centre c’est donc ne tolérer rien d’autre que ce discours-là qui se présente arbitrairement comme relevant du centre. Ce centre qui se nomme ainsi parce qu’il ne va pas se dire radical, destructeur, impérialiste, et violent par bien des aspects. Mais il se présente au contraire comme étant pondéré, comme étant pragmatique, comme étant normal, comme étant vrai, juste, équilibré, comme étant raisonnable, rationnel et ainsi de suite. Toutes ces épithètes, toutes ces présomptions, ces revendications, ces qualificatifs, visent à faire passer pour coulant de source, et au fond exclusif du point de vue de la bonne conduite de la raison, un discours qui est en réalité extrémiste, violent, cruel, destructeur et aveugle, se résumant aux quelques points : plus d’argent pour l’oligarchie, moins de droits pour ceux qui n’en font pas partie »[note]. Macron, bien évidemment, ne fait pas exception à cette description : sa politique est impérialiste, destructrice, raciste, radicalement inégale en favorisant la fortune de la minorité et en aggravant la fracture entre cette oligarchie minoritaire et une majorité[note] qui n’en finit pas de supporter ces politiques extrémistes qui les excluent.

Mais plus que le duel dont les médias nous gavent comme des oies du Périgord, c’est l’injonction normalisée à voter « bien », donc « contre », qui domine les joutes médiatiques. Celle qui serait ainsi le plus à l’opposé du système, hors-norme, jouera le rôle parfait du «mal qui définit le bien». Car étant soi-disant moins mauvais, Macron serait d’emblée mieux, et donc bien… Nous savons pourtant que pris dans l’absolu, c’est-à-dire sans le comparer à la candidate du FN, Emmanuel Macron n’est que spectacle, celui de la pantomime démocratique, valet des puissants, Rothschild et confrères, qui articuleront ses bras et sa tête, à l’instar de Hollande, pour lui donner la direction à prendre : celle qui assurera la perpétuation de leur enrichissement, et du sien. Il va donc de soi que la nature, l’égalité, le respect de la souveraineté des peuples non occidentaux, la lutte contre la richesse indécente, les paradis fiscaux, etc. seront des domaines désertés et inconnus du nouvel homme de paille du grand capital.

Celui qui a dit : « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires », promeut le high-tech, la croissance, le travail dérégulé, avait orchestré alors qu’il était banquier chez Rothschild, le rachat des laits infantiles de Pfizer par Nestlé, face à Danone, pour une transaction évaluée à neuf milliards d’euros, dont il touchera une partie qui le mettra « à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours ». Placé à la tête de l’État, il continuera à œuvrer pour les mêmes – les banquiers –, lui qui comme eux et les grosses fortunes, touchera la majorité de ses revenus du capital et non du travail, qu’il survalorise pourtant (il faut bien qu’il fasse croire que c’est le travail qui génère ses revenus…). Il affiche et affichera donc un complet désintérêt pour la question de la répartition des richesses, mais aussi de ce qui devrait être inéluctable : la réduction de la production et de la consommation, seul gage d’assurer l’avenir de l’humanité sur terre. On ne se soucie guère du bien-être collectif et de la nature quand on gagne en 13 années 3,6 millions d’euros (l’équivalent de 23 000 euros par mois), avec un plafond de 2,5 millions d’euros en 2011 et 2012, soit 105 000 euros par mois[note]. Quand on est « scandaleusement riche », on se complaît des scandaleusement pauvres… Quand on adore la croissance, on aime la pollution, la mort, les cancers, l’exploitation du Sud.

L’ANTIFASCISME : UNE ARME DE CLASSE

La décadence est amorcée et on ne l’arrêtera qu’en refusant de participer au jeu, celui qui demeure car nous en acceptons les règles. Ne demandons plus de choisir entre le pire et le pire. Bourgeois bien-pensants, ils n’osent nommer la « France d’en bas », celle-là même qui est totalement absente des considérations des acteurs politiques, sauf sous les traits de la tromperie. À qui s’intéresse le banquier Macron quand il parle de la France ? Aux milliardaires ou aux classes populaires ? Et l’héritière Marine Le Pen ? Au peuple pensez-vous ? Elle n’en a cure et joue sur des repères identitaires et des peurs, souffrances et perditions générées par la mondialisation qu’elle s’emploiera à continuer dès lors qu’elle sera en place. Sauf que le FN, parti qui récolte les votes des dégoûtés, est l’instrument du pouvoir politico-médiatique qui s’assure que « leur » candidat passera, avec leurs idées, les mêmes. Il est leur ennemi nécessaire, celui dont ils font la promotion à longueur de temps, l’épouvantail qui fait oublier le véritable ennemi que l’oligarchie combat derrière le FN : les classes populaires! « Car le problème est que ce n’est pas le front national qui influence les classes populaires, mais l’inverse. Le FN n’est qu’un symptôme d’un refus radical des classes populaires du modèle mondialisé. L’antifascisme de salon ne vise pas le FN, mais l’ensemble des classes populaires qu’il convient de fasciser afin de délégitimer leur diagnostic, un « diagnostic d’en bas » qu’on appelle « populisme ». Cette désignation laisse entendre que les plus modestes n’ont pas les capacités d’analyser les effets de la mondialisation sur le quotidien et qu’elles sont aisément manipulables » [note].

Les mêmes qui en appellent à la « mesure » s’étonneront de la démesure que ce nouveau quinquennat aura créée, et du succès plus grand qu’il donnera au FN pour lequel, en cinq ans, il aura généré quelques millions d’électeurs supplémentaires, issus des classes populaires que les politiques macroniennes ravageront encore plus.

Macron-Le Pen, les deux faces d’une même pièce, binôme généré par plus de trois décennies de libéralisme sauvage, dérégulations, privatisations, souveraineté délaissée à une Commission européenne dont le président actuel symbolise à lui seul la caste qu’elle sert. « Réalistes », arrêtez donc d’assimiler à Le Pen ceux qui refusent de dire qu’il faut voter Macron, ou alors faites-le seulement si vous acceptez d’assimiler à Macron ceux qui refusent de dire qu’il faut voter Le Pen. Car les Le Pen et autres ne sont que le fruit d’une longue casse sociale orchestrée notamment par la gauche de gouvernement, qui, avec la droite, avaient, une fois généré le « monstre », bien besoin de lui pour se parer de la vertu. Leur vertu n’est pourtant que le masque derrière le vice, vice qui est le même que celui de leur faux ennemi (l’extrême droite) : racisme, impérialisme, oligarchie, destruction sociale. Mais ils se gargarisent maintenant, assimilant à l’ « extrême droite » les « extrêmes gauches » qui refusent de se prononcer sur le « vote utile », balayant du même coup les idées de partage et d’égalité dont elles sont souvent porteuses. De ce fait, « véritable arme de classe, l’antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste »[note]. En sa battant soi-disant contre le fascisme, ils luttent surtout pour les bienfaits de la mondialisation débridée et de la compétition de tous contre tous, dont eux tirent surtout profit.

En Marche, vers la démesure pour les milliardaires, l’illusion de le devenir pour la majorité patiente. En Marche vers l’antifascisme de l’oligarchie, la « résistance » antiraciste des élites, platement suivies par ceux qu’elle domine. De « Bernard-Henri Lévy à Pierre Bergé, des médias (contrôlés par des multinationales), du Medef aux entreprises du CAC 40, de Hollywood à Canal Plus, l’ensemble de la classe dominante se lance dans la résistance de salon »[note]. Cet antifascisme, rengaine perpétuelle naissant sur les cendres d’un fascisme qu’elle sacralise en convoquant sans cesse son risque de résurgence, contient pourtant un danger bien plus grand que celui de voir l’improbable retour des démons : celui de ne pas reconnaître le fascisme du système présent, celui des banquiers et patrons, des médias qui leur appartiennent, du CAC 40 et des paradis fiscaux, qui divisent, appauvrissent et tuent.

En Marche vers la croissance, celle qui détruit tout, et qui, si on ne l’arrête pas, verra la nature reprendre ses droits et nous stopper.

À ce moment, choisir entre Macron et Le Pen nous paraîtra bien dérisoire, et nous laissera ce goût amer que l’alternative était ailleurs que là où nous voulions bien la voir.

Alexandre Penasse

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Débats à la Chambre sur la vaccination obligatoire et choix des experts : un simulacre de démocratie !

Dans un contexte où omicron domine les contaminations, où ce variant est encore moins létal que ses prédécesseurs (le variant omicron est 100 fois moins dangereux que la grippe H1N1[note]), où il ne sature plus les soins intensifs[note] et où il semble échapper largement à l’immunité conférée par les vaccins actuels, on ne voit pas le moins du monde quels pourraient être la pertinence et le fondement du débat sur l’obligation vaccinale qui se prépare au Parlement. Certes, on sent bien la volonté du gouvernement de contraindre la population et en particulier la minorité qui refuse la vaccination, mais la rationalité de cette volonté semble totalement inexistante.

Cette minorité, qui représente tout de même un dixième de la population[note] soit un million de personnes, auquel il faut ajouter toutes celles qui se sont vaccinées sous la pression sociale, familiale ou professionnelle, a pourtant des motifs plus rationnels de refuser la vaccination que ce que les médias mainstream veulent bien admettre. En effet, de nombreux experts de haut niveau, issus de différentes disciplines, ont exprimé des divergences de vue profondes avec les positions officielles sur base de faits vérifiables et d’arguments rationnels, scientifiques, éthiques et juridiques. Quoi qu’en disent les médias, un consensus scientifique n’existe pas sur l’efficacité, l’innocuité et la balance bénéfice-risque des vaccins anti-covid actuels. Un consensus éthique n’existe pas davantage sur la pertinence de l’obligation vaccinale. Un débat réellement démocratique nécessite que les experts critiques par rapport à l’obligation vaccinale et/ou au pass vaccinal reçoivent, au Parlement, une audience équivalente (en temps de parole) à celle des experts a priori favorables à ces projets. La liste des experts provisoirement constituée à ce jour ne garantit pas cette exigence démocratique.

En effet, le choix des experts sélectionnés pour être auditionnés par les députés à la Chambre ne reflète pas de façon équilibrée la diversité des positions scientifiques sur la vaccination, et encore moins la dualité (favorable ou défavorable) des positionnements sur l’obligation vaccinale et/ou le pass vaccinal. On en est même très loin. Non seulement la plupart des noms proposés par les associations citoyennes qui contestent la pertinence de la vaccination obligatoire et du pass vaccinal n’ont pas été retenus, mais en outre la plupart des experts retenus se sont déjà prononcés par le passé en faveur de la vaccination, de l’obligation vaccinale et/ou du pass vaccinal. Enfin, l’indépendance de certains experts retenus est une question qui mérite d’être posée.

Le débat est donc biaisé et n’a que l’apparence d’un débat démocratique. Sur les 32 experts retenus, maximum un ou deux s’est officiellement prononcé contre l’obligation vaccinale et/ou le passeport vaccinal et aucune association citoyenne critique vis-à-vis de ces projets, telle que CovidRationnel par exemple, pourtant constituée de professeurs d’universités belges, n’est représentée. Citons, parmi de nombreux autres experts possibles qui se sont à maintes reprises exprimés sur le sujet et dont les candidatures ont été écartées alors qu’elles font largement le poids face aux candidatures retenues : Christian Perronne, le prix Nobel Luc Montagnier, Alexandra Henrion-Caude, l’épidémiologiste Martin Zizi, le virologue et ancien recteur Bernard Rentier, le microbiologiste Kaarle Parikka, Aryan Afzalian (pour l’aspect scientifique), le philosophe Jean-Michel Longneaux (pour l’aspect éthique), le professeur et ancien recteur Yves Poullet ou encore le collectif Lawyers for Democracy (pour l’aspect juridique), etc.

Ce débat n’a dès lors rien d’un débat…

1.Heidi Larson : directrice du Vaccine Confidence Project, anthropologue favorable à la vaccination : Peter Piot et Heidi Larson, virologues: « Le coronavirus restera longtemps parmi nous » | L’Echo (lecho.be)

2.Marius Gilbert : plutôt favorable à l’obligation vaccinale (et en tout état de cause à la vaccination), malgré quelques précautions oratoires : Marius Gilbert, derrière les larmes (rtbf.be)

3.Emmanuel André : favorable à la vaccination obligatoire : Emmanuel André: «Rendre la vaccination obligatoire est une nécessité de santé publique» — Le Soir

4.Wouter Arrazola De Onate 

5.Virginie Pirard (Comité consultatif de bioéthique) : cet organisme n’est pas défavorable à l’obligation vaccinale « à certaines conditions » ; Avis n° 80 — vaccination obligatoire en période de pandémie | SPF Santé publique (belgium.be)

6.un membre de l’IFDH (Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains) : cet organisme est favorable à l’obligation vaccinale : lire-l-avis-sur-la-vaccination-obligatoire.pdf (institutfederaldroitshumains.be)

7.un membre du Conseil supérieur de la santé : cet organisme est favorable à l’obligation vaccinale : Avis 9671 — Vaccination obligatoire pour le personnel de santé | SPF Santé publique (belgium.be)

8.Maarten Vansteenkiste (psychologue) : favorable à l’obligation vaccinale : Les psychologues belges se disent en faveur de l’obligation vaccinale: « Nous sommes à un tournant » — La Libre

9.Tom Goffin (Président de la Commission fédérale des droits du patient) : : cet organisme est favorable à l’obligation vaccinale : 20211220_cfddp_avis_vaccination_obligatoire.pdf (belgique.be)

10.Vincent Yzerbit (psychologue) : favorable à l’obligation vaccinale : %22Une%20obligation%20de%20vaccination%20pr%C3%A9sente%20plus%20d%E2%80%99avantages%20que%20d%E2%80%99inconv%C3%A9nients%22,%20selon%20le%20groupe%20d%E2%80%99experts%20Psychologie%20et%20Corona (rtbf.be)

11.Vanessa De Greef (vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme) : cet organisme n’est pas défavorable à l’obligation vaccinale « dans le respect du droit » : Vaccination obligatoire, Covid Safe Ticket et droits humains | IFDH (institutfederaldroitshumains.be)

12.Els Keytsman (Unia) : cet organisme n’est pas défavorable à l’obligation vaccinale « pour certaines catégories de populations » (soignants, personnes vulnérables) : L’obligation vaccinale doit être « l’ultime recours, limité dans le temps et couplé à d’autres mesures », selon Unia — La Libre 

13.Leila Belkhir (infectiologue) : favorable à la vaccination ; estime que le débat sur l’obligation vaccinale doit être scientifique et non politique (alors qu’une contrainte légale est une question d’ordre strictement politique!) : Obligation%20vaccinale%C2%A0:%20Le%C3%AFla%20Belkhir%20apprend%20sur%20Twitter%20sa%20participation%20aux%20auditions%20de%20la%20Chambre (rtbf.be)

14.Johan Neyts (virologue) : travaille sur un vaccin contre le covid : Johan Neyts (virologue): « Ce virus continuera à poser des problèmes pendant très longtemps » — Politique Economique — Trends-Tendances (levif.be)

15.Tijl De Bie (scientifique data) : Tijl De Bie (@TijlDeBie) / Twitter

16.Mathias Dewatripont (économiste) : membre du Gems, favorable à la vaccination : La campagne de vaccination contre le Covid-19 pour guider la reprise économique européenne | Euronews

17.Hendrik Vuye (constitutionnaliste)

18.Luc Herry (président de l’Absym) : cet organisme est favorable à la vaccination obligatoire dès 6 ans : L’Absym veut une vaccination obligatoire dès 6 ans: « les jeunes sont les plus contaminants » — Santé — LeVif

19.Carla Nagels (criminologue) : pas opposée à l’obligation vaccinale :  Arrêtons de stigmatiser les non-vaccinés — La Libre

20.Herman Goossens (microbiologiste) : favorable à la vaccination des adultes : Le microbiologiste Herman Goossens explique ce qui le dérange avec la vaccination des enfants de 5 à 12 ans | Coronavirus en Belgique | 7sur7.be

21.Geert Molenberghs (biostatisticien) : favorable à la vaccination : Covid: Geert Molenberghs estime qu’il y aura une 4e dose de vaccin (Bruxelles) (lavenir.net)

24.Geert Vanden Bossche (virologue) : défavorable à la vaccination de masse:  Home | Voice for Science and Solidarity

(…)

Nous investiguons au sujet des quelques experts restants… La liste sera mise à jour. 

Une collaboration Grappe-Kairos

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Misère du monde culturel

Alors que le secteur culturel semblait se réveiller hier d’une léthargie de presque deux ans, on aurait pu penser l’heure venue de la révolte. Mais c’est une foule masquée et sage comme elle l’a été depuis le début, qui écoutait les orateurs qui se suivaient sur la scène (dont le matériel d’amplification n’avait pas été interdit comme pour les pompiers qui voulaient s’exprimer le 19 décembre au Cinquantenaire…). Les mots des « opérateurs culturels », qu’on n’a pas vus aux manifestations de Bruxelles les dimanches, sonnaient creux face au drame de la situation présente, et des catastrophes à venir. Pas de référence à cette unité indispensable avec des soignants hier applaudis, aujourd’hui obligés de se vacciner; avec les pompiers, l’horeca, les enfants sommés de porter des masques dès 6 ans, la folie de la vaccination des 5–11 ans débutée… Hier, c’était la pensée petite-bourgeoise dans toute sa splendeur qui s’exprimait, laquelle ne se mélange pas au peuple « d’extrême droite »… Et qui sortira de son carcan lorsqu’elle ne se pensera plus « élite » et comprendra que c’est tous ensemble qu’on pourra s’en sortir. Soutien à la Culture, la véritable, l’impertinente et séditieuse. 

L’expert Marius Gilbert a réagi sur les plateaux de la RTBF suite aux dernières mesures prises par le Codeco et qui visent principalement les activités culturelles en Belgique. Avec des trémolos dans la voix et des larmes de circonstance inondant son masque immonde, il a dit regretter ces mesures pour la principale raison suivante : depuis près  de 2 ans, les opérateurs culturels ont fait preuve d’une docilité maximale pour mettre en œuvre les nouveaux règlements sociaux même les plus coercitifs comme le Cst, cette obligation vaccinale déguisée.

Les « opérateurs »  culturels n’étaient-ils pas en parfait accord avec le scientisme et l’éthique  censés les justifier ? Et c’est comme ça que le Codeco traite ces bons citoyens ? lI fallait au contraire récompenser les opérateurs culturels et ne pas les frapper de plein fouet en imposant la fermeture des lieux culturels. Il aurait été plus juste par exemple de viser d’autres secteurs d’activités. A noter, en passant, que Monsieur Gilbert semble partager le même sens galvaudé de la justice que les partis de gauche et que les syndicats par exemple, quelle que soit par ailleurs leur couleur politique, bleue, rouge, verte, jaune: ceux-ci n’ont-ils pas en effet agité tout récemment encore leurs drapeaux dans les rues bruxelloises parce qu’il serait plus juste selon eux… d’injecter toute la population, enfants y compris, et pas seulement quelques catégories de travailleurs comme les soignants ? Grotesque et risible si tout cela n’était pas lourd de conséquences pour la simple survie des travailleurs. Mais revenons-en aux larmes de Monsieur Gilbert et des opérateurs culturels.

Porte-parole des opérateurs culturels, Monsieur Gilbert s’inquiète alors de ce qu’il appelle les probables conséquences de cette soi-disant « erreur » de gouvernance qui manifesterait une certaine incompétence des gouvernants : d’une  part, elle pourrait ruiner le magnifique travail accompli par le Codeco et être chèrement payée  par une perte de la confiance accordée jusqu’à présent aux experts/politiciens par les opérateurs culturels; d’autre part, la forte probabilité que le monde culturel devienne  un peu plus turbulent, voire entre en ébullition, qu’il commence par exemple à manifester comme le personnel soignant et d’autres professions… et comble  de l’horreur, qu’il finisse par rallier les manifestations d’extrême-droite ! (sic !).

Les réactions actuelles  des professionnels de la culture et leurs promesses d’actions spectaculaires me laissent en réalité de glace

J’en tire pour ma part les conclusions suivantes :

1. Porte-parole semble-t-il du monde culturel, Monsieur Gilbert craint avant tout de perdre sa propre crédibilité d’expert et de conseiller des princes. Ses larmes de crocodile ne sont pas des larmes d’empathie pour les populations malmenées mais des larmes  de dépit et de crainte de perdre un petit pouvoir qu’il exerce depuis près de 2 ans avec ses associés politiques, économiques mais aussi culturels, nationaux  et transnationaux. Autrement dit, Monsieur Gilbert cherche d’abord à sauver sa propre peau de crocodile.

2. Mais Monsieur Gilbert plaide en réalité aussi pour la préservation des conditions de vie du Codeco, un objectif que n’ont jamais non plus contesté les opérateurs culturels.  Dans sa logique de conseiller des princes, Monsieur Gilbert a en outre toujours pensé avec le soutien des opérateurs culturels que les activités culturelles devaient dépendre de la volonté toute-puissante du Codeco et du maintien de tout ce que ce Codeco présuppose : les intérêts privés de firmes pharmaceutiques et autres, le perfectionnement des techniques de domination sociale mises en œuvre par le pouvoir politique, en somme, le maintien du capitalisme dans toutes ses innombrables splendeurs.

3.Monsieur Gilbert dit implicitement qu’avec d’autres mesures, le monde culturel et l’industrie du cinéma n’auraient pas bronché et auraient d’autant mieux obéi aux princes et aux experts. Prenez d’autres mesures et nous, opérateurs du monde culturel, nous vous garantissons que nous en serons les meilleurs exécutants du monde. N’avons-nous pas eu un comportement exemplaire depuis des mois, n’avons-nous pas fait preuve de la plus grande abnégation ? N’avons-nous pas obéi aux injonctions du pouvoir en place même si les artistes pouvaient encore par le passé revendiquer une activité libre et qu’un Beethoven ou un Balzac ou un Brassens par exemple se seraient bien moqués de nous ?

4. Ce que Monsieur Gilbert  désigne par le terme « extrême-droite », ce sont les immenses groupes d’individus qui participent aux actes de protestation le dimanche : tous ceux qui ont une conscience nettement plus aiguë du sens des manœuvres des princes, des experts… et des opérateurs culturels. Il est évident qu’en les qualifiant d’extrême-droite, tant Monsieur Gilbert que ceux dont il se fait l’avocat cherchent à les discréditer. La messe est donc dite dans ce nouveau serment d’allégeance des opérateurs culturels : « l’extrême-droite, ce ne sera évidemment jamais nous, princes, experts et opérateurs culturels » . « Vous vous rendez compte ? Ces masses obscurantistes s’imaginent que les princes, les experts et les opérateurs culturels font des plans pour les manipuler ! ». Voilà pourquoi, les réactions actuelles  des professionnels (subsidiés ou non) de la culture et leurs promesses d’actions spectaculaires me laissent en réalité de glace. 

Je peux me tromper mais vu le type de trémolos utilisés par Monsieur Gilbert, je vois ces réactions comme un simple rebondissement dans un jeu de stratégie pour consolider le pouvoir en place. Des le début, les opérateurs culturels ont en effet accepté  de faire le jeu du pouvoir. Si certains d’entre eux se dressent actuellement contre leurs partenaires du Codeco, leur opposition ne signifie en rien une remise en question de  ce jeu, des partenaires présents, des règles et de l’objectif du jeu : faire provisoirement triompher le pouvoir des uns et/ou des autres ( car s’ils sont alliés, ils sont aussi en concurrence les uns avec les autres, société capitaliste oblige), quitte à éliminer quelques joueurs moins doués.

C’est de façon générale que je viens d’évoquer  la misère spirituelle du monde culturel d’aujourd’hui. Mais rien n’empêche que tel ou tel artiste soit peut-être en train de sortir effectivement du jeu. Rejoindra-t-il pour autant la masse dite d’extrême-droite ? Qui sait…par définition, un artiste devrait en effet avoir de l’imagination.

Laure (Chapeau de la rédaction, AP)

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J’accuse !

Courrier du Docteur Colignon à l’Ordre des médecins

Bruxelles, le 20 décembre 2021,

Monsieur le Président de l’Ordre du Hainaut,Messieurs les membres de la Commission d’enquête,

Le docteur Michèle Gérard, infectiologue proche d’Yves van Laethem au CHU Saint-Pierre, porte plainte contre moi à l’Ordre des médecins. Déposée le 20 mars 2021, la plainte a été reçue le 5 mai 2021 par le Bureau du Conseil qui a décidé, le 12 mai 2021, de la mettre à l’instruction. Je suis donc invité à comparaître le 18 janvier 2022 à 20 heures au siège de l’Ordre du Hainaut, rue des Archers 6b à 7000 Mons.

Voici la teneur de la plainte :

Cette déposition indigente sur le plan juridique ressemble à un courrier des lecteurs de « télé-moustique ». Elle contient cependant des informations rigoureusement exactes qu’il convient même d’étoffer quelque peu.

SUR L’IVERMECTINE :

Je plaide coupable. Je prescris effectivement de l’ivermectine, en association avec l’hydroxychloroquine et l’azithromycine après une anamnèse fouillée, après un contact verbal consciencieux avec le patient et si cela s’impose après un examen clinique.

Les conseils que je donne sur le traitement de la Covid sont tout sauf aberrants puisqu’ils reposent sur des études non polluées par les conflits d’intérêts. Ces études — que je présente dans mes pièces — n’ont pas la faiblesse des RCT où un médecin aveugle, ignore ce qu’il fait, ignore ce qu’il mesure et signe, contre monnaie sonnante et trébuchante, un blanc-seing à l’industrie.

J’estime que le docteur Gérard et tous les médecins qui n’ont pas prescrit ces traitements ambulatoires précoces en se limitant à calmer les angoisses de leurs patients au paracétamol jusqu’à suffocation, ne pourront pas éternellement se réfugier derrière le bouclier d’un gouvernement incompétent et d’experts compromis par des conflits d’intérêt pour justifier cet inacceptable abandon du navire.

SUR LA VACCINATION :

Je plaide coupable ! Oui, je suis anti-vaccin… Mais pas du tout dans le sens où le laisse entendre le docteur Gérard qui a examiné mes commentaires avec une insoutenable légèreté. J’ai fait comme elle des études, avec un grade qui doit bien valoir le sien. Je sais ce qu’est un Virus à ARN, je sais ce qu’est un épitope, je sais ce qu’est un vaccin. Certains vaccins font partie des miracles de la Science.

Bien que force soit de constater que les vaccins contre le SRAS sont loin d’être des miracles, je n’ai jamais mis en cause leurs maigres performances, mais la façon illégale et immorale dont ils sont mis en œuvre.

J’ACCUSE ! J’ACCUSE « LE PLAN VACCINAL DE PUER LE TOTALITARISME »

Le docteur Philippe Boxho, Vice-Président de l’Ordre National et Professeur de déontologie à l’Université de Liège, médecin qui occupe la plus haute marche du podium déontologique en Belgique me pardonnera ce plagiat. Je n’ai pu résister au plaisir de lui emprunter cet aphorisme. Je partage totalement son point de vie exprimé avec clarté dans les colonnes du soir du 2 mars 2021.

Un point reste cependant obscur. Le Docteur Boxho soulignait avec insistance dans cette interview qu’il ne s’exprimait pas au nom de l’Ordre des médecins, mais en tant que professeur de déontologie à l’Université de Liège. Pourquoi cette curieuse précaution oratoire avant de révéler au journaliste sur un ton proche de la confidence : « ce qui se passe pour l’instant tient, de l’horreur » !

Pour quelle raison obscure, un sujet qui fait « horreur » à un médecin qui parle sans équivoque au nom de son Alma Mater, le laisse désespérément muet quand il occupe à l’Ordre National, le siège de Pontifex Maximus ?

L’Ordre aurait-il donné des mots d’ordre ? Qui a donné l’ordre à l’Ordre de se taire ? Ceux qui prétendent que monsieur Benoît Dejemeppe fait obstacle à toute discussion déontologique sur la crise sanitaire seraient-ils, eux-aussi, des complotistes ou colportent-ils dans le silence des couloirs, une vérité qui n’a pas droit de cité dans les cénacles officiels ?

J’ACCUSE ! J’ACCUSE L’ETAT DE VIOLER LA DOCTRINE, LE DROIT & LA MORALE

Le docteur Gérard joignait à son courrier une capture d’écran de mon site internet où j’écrivais que la crise sanitaire était gérée par des clowns ! Je reconnais, sur ce point, que j’ai manqué de modération. Je demande donc pardon aux clowns qui ne méritaient pas cela

Par les dispositions du plan vaccinal, l’État viole :

Les Arrêtés Royaux n°78 et 79 du 10 novembre 1967La Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patientL’article 458 du code pénalL’article 1108 du Code Civil,La résolution 2361 du Conseil de l’Europe, etc…

Et l’Ordre se tait ! 

Je confirme en les nuançant tous les chefs d’accusation portés contre moi par le docteur Gérard. Je les assumerai, au nom de mes patients, pour qu’ils ne soient plus jamais traités comme on ne traite pas les chiens. Vous trouverez une page actualisée sur mon site où toutes les archives sont répertoriées. Vous pourrez y prendre connaissance de tous mes points de vue sur la crise.

Oui, Monsieur le Président, je serai là, le 18 janvier à 20 heures… Non pas pour me défendre, mais pour défendre mes patients, pour défendre la haute idée que je me fais de mon métier et pour éviter que notre démocratie déjà en haillons, ne tombe dans les fossés nauséabonds du monde futur décrit assez justement par Jacques Attali dans « Fraternités – Une nouvelle Utopie » où il prétendait que « si le marché l’emportait sur la démocratie, il orienterait la science dans des directions qui menaceront l’humanité. »

A cette fin, vous veillerez à ce que mes droits les plus fondamentaux soient respectés, conformément à votre note de procédure disciplinaire :

à savoir :

Le droit d’être confronté au plaignant, à savoir le docteur Michèle Gérard.Le droit de demander l’audition de témoins, à savoir l’audition du docteur Philippe Boxho, Vice-Président de notre Ordre National.Le droit de faire comparaître d’autres témoins, si cela s’avérait nécessaire.Le droit de bénéficier de la présence d’un magistrat lors de l’instruction préparatoire et des débats, afin d’en contrôler la régularité en droit.Le droit de recevoir copie de mon audition, ou mieux son enregistrement.

Et subsidiairement, vu l’importance majeure du sujet qui sera instruit, et puisque vous souhaitez dans un projet de réforme de l’Ordre, plus de transparence au premier degré des procédures disciplinaires, je vous prie, humblement, de permettre à monsieur Alexandre Penasse, journaliste, d’être présent.

En ce qui me concerne, comme la transparence m’importe autant qu’à vous, je communiquerai à ce journaliste, un des rares qui soit restés libres en Belgique, la teneur de tous nos échanges, de quelque nature qu’ils soient.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, Chers Confrères, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Alain Colignon

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Vaccinez ! Vaccinez, quoi qu’il en coûte !

Selon la Commission européenne, le «principe de précaution» est une approche de la gestion du risque qui prévoit que, si une politique ou une mesure présente un risque potentiel pour la population ou l’environnement et qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur la question, elle ne devrait pas être poursuivie »[note].

Justifié pour des raisons de santé publique ou pour la protection de l’environnement, ce principe, introduit depuis le Traité de Maastricht en 1992, est une disposition phare des Traités européens. Il a notamment permis d’interdire le bœuf aux hormones ou encore les organismes génétiquement modifiés (OGM) sur le continent, sans preuve scientifique irréfutable d’une quelconque dangerosité. Un principe noble qui a rapidement eu du plomb dans l’aile. Outre-Atlantique, il est notamment considéré comme un « obstacle commercial », de sorte que les accords commerciaux de nouvelle génération — par exemple l’Accord de libre-échange UE-Mercosur, le CETA — le rendent quasiment « hors la loi ». Un des leviers, c’est notamment l’insertion d’un « mécanisme de coopération réglementaire ». Sous cette appellation innocente, les États ont sciemment laissé entrer le loup dans la bergerie. Car il revient de facto à changer l’ordre de préséance dans le processus législatif. En permettant au secteur privé des pays partenaires de s’immiscer, en amont, dans la préparation, l’évaluation et la mise en œuvre des règlementations, il sape l’autorité des parlements nationaux et européen, qui attendront leur tour. C’est que les multinationales sont un poids lourd de l’économie : environ 80% du commerce mondial est lié à leurs réseaux de production internationaux[note]. En bout de chaîne, c’est le citoyen européen lambda qui en fera les frais. Pour preuve, les législations sur les OGM, les produits chimiques ou encore, les pesticides, jugées trop contraignantes, se sont retrouvées dans le collimateur des partenaires commerciaux. 

Le « mécanisme de coopération réglementaire » symbolise ainsi le nouveau visage de la démocratie 2.0, celle qui s’exerce dans les marges imparties par le secteur privé. Il est le sésame de l’affaiblissement des normes sociales, environnementales ou de santé publique. Autre victime collatérale : le « principe de précaution ». En atteste, par exemple, la volonté de la Commission européenne d’affaiblir la législation sur les OGM, en excluant les nouvelles technologies génomiques du champ de la réglementation, ce qui permettrait aux semences issues de ces techniques d’échapper aux procédures d’évaluation de risques, d’étiquetage et de traçabilité. Une offrande pour les entreprises de l’agro-business qui veulent introduire en douce des aliments génétiquement modifiés dans nos champs et nos assiettes. Mais un bras d’honneur à la Cour de Justice européenne, dont le jugement rendu le 25 juillet 2018[note] statue que la réglementation européenne doit s’appliquer à ces nouvelles techniques, sous peine de compromettre le principe de précaution et de nuire potentiellement à la santé humaine et à l’environnement. L’aliénation des États aux intérêts privés. Un principe de précaution bafoué. La gestion de la crise sanitaire en cours nous en apporte deux exemples criants. 

Philippe Debongnie

FEU VERT POUR LA 5G 

La 5G est le catalyseur de l’économie numérique et du déploiement de l’intelligence artificielle. Malgré les nombreux appels de scientifiques de tous bords à multiplier les études sur son impact sanitaire et sur l’environnement, la Commission européenne poursuit méthodiquement son plan d’action : positionner l’Europe à l’avant-garde des réseaux 6G[note] ! Que sait-on de l’impact de la 5G sur le Vivant ? Une question a priori cruciale dès lors que l’UE ambitionne d’être le porte-étendard international du climat et de la biodiversité. Qu’à cela ne tienne. Peu importe à la Commission européenne si les données scientifiques sont lacunaires. Oublié le serment vert « ne pas nuire » de sa présidente, Ursula Von Der Leyen, quand bien même elle en fait un principe phare du « Pacte vert pour l’Europe »[note]. La 5G est non négociable. La realpolitik est le réacteur de sa stratégie économique. 

Quant aux États membres, ils ont classé le dossier des « risques potentiels de la 5G dans le tiroir des « fake news » en décrétant, lors du Conseil de ministres de l’UE du 9 juin 2020 « qu’il importe de lutter contre la diffusion de désinformations concernant les réseaux 5G, surtout eu égard aux allégations fallacieuses selon lesquelles ces réseaux constitueraient une menace pour la santé ou seraient liés à la COVID-19 »[note]. C’est qu’on ne badine pas avec le positionnement géostratégique de l’UE sur l’échiquier mondial. Dans la quatrième révolution industrielle en cours, la Chine a gagné la première manche. Un retard que l’UE entend bien rattraper. La gestion de la crise sanitaire, à coups de confinement, télétravail, e‑education, etc… a miraculeusement permis de lever les obstacles à la généralisation du numérique dans toutes les sphères de notre vie. Du même coup, l’autorisation de la 5G est passée comme une lettre à la poste avec, aux commandes, deux ministres écologistes, la ministre des Télécoms Petra De Sutter (Groen) qui désire visiblement ne plus perdre de temps (pour éviter le retard sur nos voisins européens)[note], et le ministre de la Santé et de l’Environnement bruxellois Alain Maron (Écolo). 

VACCINS COVID-19 : EN AVANT TOUTE ! 

Reflétant les dangers d’une évolution scientifique et technique mal maîtrisée, le « principe de précaution » devrait être chevillé au corps des autorités publiques dans la gestion de la crise sanitaire en cours. Pourtant, elles l’ont durablement bafoué. 

Acte 1. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs 

En amont, pour accélérer la production de vaccins, les autorités politiques ont assoupli les règles, dynamitant au passage quelques balises du Règlement 2020/1043 relatif à la conduite d’essais cliniques. Revu selon une procédure d’urgence, sans possibilité d’amendements et de débat du Parlement européen, il permet aux producteurs de vaccins et de traitements anti-covid contenant des OGM de se passer de produire une étude d’impact environnemental et de biosécurité[note] avant le démarrage d’essais cliniques. Une démarche irresponsable sur le plan sanitaire et environnemental. Mais l’urgence est invoquée pour passer outre les précautions d’usage. Il faut agir. Et vite ! Et puis, « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». Tambour battant, les gouvernements en Belgique, partis de droite ou de gauche confondus, mènent leur croisade vaccinale. Ils nous martèlent, à l’unisson, que les vaccins sont sûrs et efficaces ; qu’en dépit d’« accidents malheureux », la balance « bénéfices/risques » penche clairement en faveur de la vaccination de masse. Les invitations à la vaccination, sans rendez-vous, dans les écoles, les centres commerciaux, etc…, pullulent. C’est le miracle de la multiplication des pains. Dans leur ferveur vaccinale, les socialistes se détachent du peloton de tête. La vaccination est devenue leur mantra. Avec eux, les garde-fous volent en éclat. En vaut pour preuve, la préparation, par le ministre socialiste Frank Vandenbroucke, d’une modification de la loi afin de permettre aux pharmaciens d’administrer des vaccins, faisant fi, comme le rappelle l’Association belge des syndicats médicaux (Absym), que « la vaccination est un acte médical qui comporte des risques d’effets secondaires, de contre-indications et de complications impliquant la présence d’un médecin capable de poser un diagnostic rapidement et de traiter le patient »[note]. Peu lui chaut, la troisième dose de vaccin à imposer à toute la population est dans les starting blocks. Et comme le martèle la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale (PS) : « Il faut continuer à vacciner, encore et encore »[note]. 

Acte 2. Tuer dans l’œuf l’opposition 

Dans le domaine financier, la diminution du risque en portefeuille passe par la diversification de l’investissement. Ce n’est pas la voie suivie par les gouvernements en place dans la gestion de la crise sanitaire. Négliger massivement l’investissement public dans la prévention, le renforcement de l’immunité naturelle et les traitements précoces sied à l’objectif de rendre la vaccination incontournable. Un narratif qui ne saurait souffrir d’aucune critique. Mais voilà, le virus continue à circuler, y compris dans les pays ultra-vaccinés, à l’instar d’Israël, l’Islande ou l’Irlande. À qui la faute ? Le non-vacciné ! Pour le premier ministre, Alexander De Croo et le ministre-président wallon Elio Di Rupo, aucun doute n’est permis. Son portrait-robot : il est dangereux et incivique. Piqûre de rappel. 

Le 18 septembre dernier, Alexander De Croo assénait : « Cette épidémie devient une épidémie des non vaccinés. On ne peut accepter que des gens fassent le choix de mettre d’autres personnes en danger. Ce sont ceux qui ne se sont pas fait vacciner qui sont responsables de la prolongation de certaines mesures de restriction » […]. Cette situation « nous ne pouvons pas l’accepter en tant que société », alors que les vaccins contre le coronavirus sont « sûrs, gratuits et disponibles partout »[note] ». Le lendemain, Elio Di Rupo en remettait une couche, en appelant les Wallons qui ne se sont pas encore fait vacciner à faire leur « examen de conscience ». Les non-vaccinés sont frappés d’ostracisme, un procédé orchestré par les autorités publiques, aussi dangereux qu’injuste. Dangereux d’abord, car il souffle sur les braises de la division de la population, en rompant les canaux de discussions entre les deux « camps ». Injuste, car elle évacue entre autres des débats une question de taille. Le risque que de nouveaux variants du SARS-CoV‑2 ne se développent dans les réservoirs animaux et ne soient potentiellement réintroduits dans la population humaine, contre lesquels les vaccins actuels seraient inefficaces[note]. Selon l’expression anglaise consacrée, c’est « The elephant in the room » que tout le monde feint de ne pas voir. 

Acte 3. Tous les œufs dans le même panier 

La déliquescence du bon sens collectif, c’est de « mettre tous les œufs dans le même panier ». Une option clairement assumée par les autorités publiques. L’avis du Commissariat Corona au gouvernement « aux personnes qui ne peuvent pas être vaccinées contre la COVID-19 en raison d’une allergie ou d’effets secondaires graves après une première vaccination » est symptomatique de l’absolutisme vaccinal[note]. « Dans des situations exceptionnelles, certaines personnes ne peuvent être vaccinées contre la Covid19 pour des raisons médicales strictes […]. Ce n’est que si une allergie au PEG ou au polysorbate est connue et prouvée, ou si un effet secondaire grave est survenu après la première vaccination, que l’on considère que cette personne ne peut être vaccinée en toute sécurité (même en milieu hospitalier)[note] ». 

Pour éviter toute échappatoire à la vaccination, la procédure est ultra-centralisée. Un médecin généraliste ou un spécialiste qui suit le dossier d’un patient se voit écarté de la procédure. Seul un médecin de référence/allergologue figurant sur une liste préétablie par le gouvernement est habilité à décider si la vaccination est appropriée ou non. Dans le cas où celle-ci reste à proscrire, le patient pourra disposer de tests PCR gratuits à volonté. Mais « dès que des vaccins contre le Covid-19 ne contenant plus de PEG ou de polysorbate seront disponibles sur le marché, la vaccination des personnes allergiques à ces substances sera possible ». Ouf ! On est rassuré ! La voie de la guérison, c’est le vaccin ! Vous en avez peur ? Vous craignez des effets secondaires cardio-vasculaires en raison de votre dossier médical personnel ou des antécédents familiaux ? Comprenez : la seule contre-indication médicale reconnue, c’est exclusivement l’allergie au produit inoculé par le vaccin. Point à la ligne. Le terrain allergique ou inflammatoire du patient ne compte pas, ni d’ailleurs ses vulnérabilités cardio-vasculaires. Vous avez peur du manque de recul, des effets indésirables potentiels, voire irréversibles, à moyen ou à long terme, notamment pour vos enfants ? Des fadaises, tout ça ! La seule peur légitime reconnue par le gouvernement est celle du virus et de la mort. Ferment de la « servitude volontaire », du consentement citoyen aux mesures liberticides, elle est même encouragée. Par contre, la peur du vaccin est proscrite ! 

Dans cette logique, le gouvernement fait la guerre à une minorité de citoyens non-vaccinés. Coupable de la circulation du virus, fossoyeur de la reprise économique et des lendemains qui chantent, c’est la brebis galeuse à isoler. Ce qui justifie, à leurs yeux, la mise au ban des non-injectés de l’accueil hospitalier, des théâtres, cinémas, restaurants, des salles de sports, etc… L’enjeu : leur faire mordre la poussière, leur pourrir la vie, de façon à les acculer au « repentir ». La délivrance ? Accepter, de guerre lasse, l’injection pour retrouver provisoirement la liberté. Tel est l’enjeu du passe « sanitaire », dont le corollaire est la mise en quarantaine de la parole critique. 

Acte 4 : Un principe de précaution passé à la moulinette 

« Les réfractaires » à la vaccination : une étiquette infâmante accolée par le gouvernement De Croo, qui marque une fracture entre « bons » et « mauvais » citoyens. Pourtant, dûment vaccinés contre une série de maladies infantiles, nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent pas dans le clivage « anti/pro-vax ». Car c’est nier qu’il existe une différence de taille entre ces nouvelles technologies vaccinales et les classiques : le respect des garde-fous et des étapes préalables à l’autorisation de mise sur le marché. Les premiers sont toujours en phase expérimentale (jusqu’en 2022 ou 2023 selon les marques), et sont autorisés à titre provisoire. Les seconds ont respecté méthodiquement les étapes successives préalables à leur mise sur le marché, dont l’autorisation remonte à des dizaines d’années. 

Dans la mesure où les effets secondaires à moyen et à long terme de ces nouvelles technologies sont méconnus, et que le gouvernement engage, par ses choix, l’ensemble de la population, on est en droit d’attendre des autorités politiques qu’elles tempèrent, au minimum, leur stratégie vaccinale par la mise en œuvre du « principe de précaution ». 

À cette heure, 86% des adultes sont complètement vaccinés[note]. N’est-il pas dans l’intérêt public de faire preuve de prudence, en préservant, au minimum, les jeunes, — la relève ! —, de la vaccination massive ? Sachant qu’il est essentiel d’avoir une pharmacovigilance[note] robuste pour certifier de l’efficacité et l’innocuité des vaccins à moyen et à long terme, pourquoi le gouvernement s’obstine-t-il, dans sa rage vaccinale, à supprimer l’existence d’un « groupe contrôle » non-vacciné ? Pourquoi ne s’inspire-t-il pas des protocoles des essais cliniques, sachant que sans « groupe de contrôle », il sera d’autant plus hasardeux d’établir une causalité possible entre les effets secondaires et les vaccins ? Bref, n’est-il pas dans l’intérêt collectif d’affiner les études scientifiques, en tolérant une minorité « non vaccinée », dans le respect du « principe de précaution » ? De toute évidence, celui-ci n’est pas dans l’écran radar des autorités politiques. Rien ne peut les faire dévier de leur foi vaccinale. En instaurant le passe sanitaire (le « Covid Safe Ticket »), ils sont passés à la vitesse supérieure : rendre (indirectement) obligatoire la vaccination pour tous. 

« Il faut forcer le cheval à boire », dixit le socialiste Rudi Vervoort, ministre-président de la Région bruxelloise. Les « jeunes poulains », épris de liberté, sont singulièrement dans sa ligne de mire. Les activités sportives et récréatives sont essentielles à leur santé physique et psychique. Le CST les confisque pour les non-vaccinés. Question de les mettre au pas. Un « dressage » perfide qui marche du tonnerre, et qui ravit la socialiste Christine Morreale : « Depuis l’annonce du Covid Safe Ticket, quatre fois plus de personnes s’inscrivent à la vaccination ». Et d’ajouter, sans rire : « Le CST, c’est une adhésion encore un peu plus importante à la vaccination. Et cela, c’est positif ». Et de conclure « La vaccination obligatoire ne doit pas être tabou »[note]. Seulement voilà, le CST présente des avantages sérieux par rapport à la voie légale. 

PETIT PRÉCIS DU MACHIAVÉLISME À L’ÈRE COVID 

Parce que les vaccins contre le Covid-19 ont été élaborés dans un délai « exceptionnellement court », les contrats d’achats anticipés négociés entre la Commission européenne et les grands groupes pharmaceutiques prévoient des clauses d’exonération de responsabilité financière liée aux effets indésirables des vaccins. Lesquelles ? Difficile à dire précisément. Car la règle en vigueur, c’est l’opacité des contrats vaccinaux[note]. Une certitude cependant. Leur trame, c’est la « privatisation des gains/collectivisation des pertes ». D’un côté, les firmes pharmaceutiques, se voient gratifier de certaines clauses d’irresponsabilité sur les effets secondaires des vaccins, qui se reportent en l’occurrence sur les États. L’argent public massivement investi dans la production de vaccins génère des profits d’autant plus plantureux pour les firmes pharmaceutiques, qu’aucune contrepartie n’a été exigée en matière de transfert des technologies pour faciliter la production dans les pays tiers. D’un autre côté, les États se gardent de rendre directement la vaccination obligatoire. Dès lors qu’elle reste volontaire, c’est le candidat au vaccin qui en assume le risque. 

La marche forcée de la vaccination passe par le CST. À l’heure où la société fait de la lutte contre les discriminations une priorité stratégique, incarnée entre autres dans les droits LGBTQI+, il est frappant de voir l’apathie générale face à la création d’un statut de citoyen de seconde zone, « le non-vacciné », dépouillé un à un de ses droits fondamentaux, dont celui même de se nourrir, dès lors que l’accès au travail est conditionné à la possession d’un QR code, et dont le « crime » est d’avoir refusé une injection non obligatoire sur le plan strictement légal. 

Plus généralement, quand De Croo et Di Rupo reprochent aux non-vaccinés « leur irresponsabilité et un usage égoïste de leur liberté »[note], ils affichent de facto leur total mépris envers le « principe de précaution », en terme d’action politique ; leur mépris envers la sagesse ancestrale qui préconise la prudence face à des choix technologiques qui pourraient induire de graves conséquences sanitaires dans un horizon plus lointain ; enfin, leur mépris pour les règles d’éthique, en sacrifiant les droits fondamentaux sur l’autel de l’hygiénisme sanitaire. Où sont passés les démocrates de tous bords pour s’en émouvoir ? 

Celtibère 

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