Kairos, « outil d’expression militante »

Nous partageons dans cet article les trois pages de décision de la Commission de première instance relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel, dans le cadre de la demande de renouvellement de la carte de presse d’Alexandre Penasse, qui lui a été refusée à l’unanimité des membres. Ces instances qui représentent les médias de masse, instruments de propagande, ont le culot de reprocher à Kairos d’avoir un point de vue et une ligne éditoriale. Ils peuvent se permettre l’absurde, car ils ont avec eux le pouvoir de nommer, adouber ou bannir. Pour l’instant… 

En décembre 2021, la Commission d’agréation avait refusé de prolonger ma carte de presse, énonçant que je ne l’avais pas prévenue que j’exerçais une autre activité rémunérée — continuant, comme la Commission a pu le constater, mon activité de journaliste, mais refusant un double salaire et donc d’être payé pour cette activité. La Commission a dès lors considéré que le journalisme n’était plus mon activité principale. A côté de cela, Amid Faljaoui, directeur des magazines Le Vif/L’Express et Trends-Tendances, touche 150.000 euros par mois de la banque Degroof Petercam, mais continue ses chroniques économiques sur les ondes de La Première, sans parler de tous les autres qui font des ménages, passant des médias au privé ou en politique, et vice versa.

A l’époque où ils ont refusé une première fois le renouvellement de ma carte de presse, fin 2021, la Commission n’avait aucune critique à porter sur la nature du travail que je faisais. Depuis, plus de deux ans sont passés, rémunérés plein temps comme journaliste. J’ai donc refait en juin 2022 une demande de renouvellement de ma carte de presse, demande que la Commission vient de refuser à l’unanimité, invoquant que mon « activité journalistique ne correspond pas aux termes de la loi de 1963 précisés par la jurisprudence de cette commission » (La loi de 1963 organise la reconnaissance et la protection du titre de journaliste professionnel, voir le document en fin d’article).

La Commission qui m’a jugé rappelle que la loi du 30 décembre 1963 prévoit que le titre de journaliste professionnel ne peut être reconnu qu’à une personne qui participe « à la rédaction de journaux quotidiens ou périodiques, d’émissions d’information radiodiffusées ou télévisées, d’actualités filmées ou d’agence de presse consacrées à l’information générale. Conformément à sa jurisprudence constante depuis sa création, la Commission assimile les activités de communication à de la publicité ou du commerce, activités incompatibles avec le titre. Il convient en effet de distinguer la communication, au service de l’intérêt public ou de l’intérêt général (…) La commission rappelle que la finalité de l’organe d’information auquel participe la personne qui souhaite être reconnue, doit être l’information. Le rédactionnel ne doit pas servir d’alibi à d’autres motivations ».

« Le rédactionnel ne doit pas servir d’alibi à d’autres motivations », dites-vous, vous reprochez donc à Kairos de faire de la « communication » et de ne pas participer à une information d’intérêt général. On dirait que par projection vous parlez des médias dont vous êtes les représentants. Ce sont bien des grandes familles qui ont concentré la presse dans quelques groupes se partageant les différents supports qu’ils nomment désormais « marques », marques journalistiques qui utilisent leurs contenus rédactionnels pour nous faire acheter les produits des annonceurs, non ? 

Publicité pour une voiture, trônant pleine page à côté d’un article du quotidien Le Soir, propriété de la richissime famille Hurbain

N’est-ce pas non plus eux qui ont servi de caisse de résonance des choix gouvernementaux, de façon encore plus visible depuis la crise du Covid, traitant les journalistes et citoyens qui ne suivaient pas les ordres narratifs officiels de « complotistes » ou « antivaxx » ? 

C’est que les médias de masse ne sont que des officines de fabrication du consentement dont vous êtes les garants officiels. Cela ne vous plaît évidemment pas de l’entendre, vous n’aimez pas vous observer dans le miroir, surtout lorsque, comme plusieurs membres de la Commission d’agréation, vous êtes pensionnés : on ne regarde pas avec lucidité toute une carrière au service de l’ordre, on risquerait de tomber de haut…

« Le bimestriel Kairos, le site kairospresse.be, la page facebook de Kairos apparaissent aujourd’hui comme des outils d’une expression militante »

extrait de la Décision de la Commission d’agréation

Est-ce que ce ne sont pas les universités et hautes écoles qui ont modifié leur intitulé et sont passées de « journalisme » à « communication », avalisant définitivement le basculement du journaliste dans le formatage publicitaire ? Vous dites dans votre décision, je vous cite : « Le bimestriel Kairos, le site kairospresse.be, la page facebook de Kairos apparaissent aujourd’hui comme des outils d’une expression militante ». Et ajoutez : « La démarche d’information requiert, pour une thématique donnée, de couvrir l’ensemble des sujets liés à celle-ci, de relater l’ensemble des faits, des opinions et commentaires pertinents en sens divers la concernant. Elle n’empêche en rien l’auteur d’exprimer une position personnelle , voire un engagement, en développant un raisonnement et les arguments qui les soutiennent. En revanche, un média d’information ne peut constituer un relais d’une telle position présentée de manière unilatérale. L’engagement ne peut pas mettre en péril l’indépendance journalistique ».

Votre aveuglement ne vous fait-il pas mal aux yeux ? L’épisode Covid, depuis presque trois ans, a été traité médiatiquement d’une façon qui restera dans l’histoire, si un jour les officines de la propagande officielle arrêtent de l’écrire elle-même. Jamais le débat n’aura été autant interdit, alors que Kairos proposait un grand débat en juin 2021 et y invitions tous les experts officiels, dont un seul a répondu — et refusé l’invitation. Débat qui nous vaudra la fermeture de notre chaîne Facebook, sans que vous vous en indigniez. Jamais ceux qui pensent autrement n’auront été autant vilipendés par l’ordre politico-médiatique. Et vous osez dire que nous étions les relais d’une position présentée de manière unilatérale ? Le futur nous montrera que votre traitement de l’information, votre stigmatisation, division, culpabilisation sont directement responsables de la mort d’individus. Et votre silence, impardonnable, alors que nous savons par exemple que le rédacteur en chef de La Libre qui vilipendait dans son journal les médecins qui traitaient précocement le Covid à l’ivermectine, s’est personnellement soigné avec celle-ci.

C’est que vous n’êtes pas des instances visant à protéger la presse libre et la Charte de Munich(1), mais, à l’instar de l’Ordre des médecins, des officines constituées de représentants de l’Ordre médiatique, ces grands groupes de presse, dont votre fonction principale est d’assurer leur pérennité et de les protéger de tout ce qui pourrait leur nuire. Vous ne représentez donc que vous-mêmes et craignez la vérité.

Je termine de citer votre oukase: « Les médias auxquels participe le demandeur ne présentent pas un tel traitement multilatéral des sujets. Le demandeur y fait usage de sa liberté d’expression sans donner la parole aux thèses opposées à la sienne. Il y exprime notamment un soutien appuyé à divers acteurs du débat social sans mettre cet engagement en perspective. Le choix des sujets, des sources et des personnes interviewées est orienté par ses seules convictions ». En conclusion : « Les médias auxquels participe le demandeur visent à convaincre le public du bien-fondé d’une thèse, non à l’informer de manière multilatérale des différentes positions en présence afin qu’il puisse librement se forger sa propre opinion. La Commission refuse systématiquement le titre de journaliste professionnel aux personnes qui contribuent à des publications dont l’objectif est le relais de thèses d’une organisation, quelle qu’elle soit, et qui n’offrent pas au public une garantie d’indépendance dans le choix des sujets, des sources et de l’approche de ceux-ci ».

Il suffit d’ouvrir un quotidien comme La Libre, Le Soir, la Dernière Heure, mais aussi de nombreux périodiques, pour comprendre que ce que vous nous reprochez correspond parfaitement à leur fonctionnement. Par exemple, « Garantie d’indépendance dans les choix des sujets », alors que les maîtres de la censure et de l’auto-censure se trouvent parmi les médias que vous représentez, qui envoient tous les 5 ans leur listing de journalistes dont l’agréation est renouvelée automatiquement par vos soins. Quelle formidable dissonance. 

Comme la Commission d’agréation l’énonce elle-même, on peut être journaliste sans posséder de carte de presse. Certes. Mais il est particulièrement intéressant de voir à qui cette Commission l’accorde et à qui elle la refuse. A ce titre, un gage de liberté aujourd’hui serait paradoxalement de ne pas en posséder, à moins de dissoudre ces instances nullement garantes de la liberté de la presse, mais dont l’existence au contraire assure de ne pas la voir advenir.

Notes et références
  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_de_Munich

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