Kairos 47

Novembre/Décembre 2020
Illustration : Christophe Nottet

Il est intéressant d’entendre les gens parler de la situation actuelle, donnant leurs avis sur les chiffres, l’évolution et les prédictions futures, les mesures du gouvernement, le vaccin, les masques… De ces avis se dessinent des « camps », avec des « pro » et des « anti ». Des divisions apparaissent donc, même chez ceux qui peu de temps avant se réunissaient pourtant autour d’une interprétation commune du monde et de la volonté de le changer(1)

Sachant toutefois qu’une majorité de la population reçoit principalement ses informations des officines gouvernementales que sont les médias de masse, les divergences ne sont le plus souvent que des réactions variant uniquement au gré de traits de personnalité propres à chacun(2) : l’un ou l’autre recevra la même information du journal télévisé, laquelle passera par un filtre personnel et donnera naissance à une opinion. 

Le ministère de l’Information occulte, censure, ment, divertit, focalise, donne des infos contradictoires… Impossible dans ce contexte que l’opinion soit libre. Comme le disait Hannah Arendt : « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat » (La Crise de la culture, 1961). Nous pourrions toutefois tenter de réconcilier ceux qui ont encore la capacité d’accepter que la vérité se construit et ne se reçoit pas telle quelle, en posant certaines questions qui ne divisent pas et devraient les mettre d’accord, lever des doutes et montrer qu’il manque indubitablement au sujet quelque chose pour pouvoir penser et se construire des opinions librement(3). En somme, ces questions ne devraient pas mener à la conclusion qu’elles ne méritaient pas d’être posées : 

- Pourquoi l’État, depuis le début de l’épisode Covid-19, refuse-t-il systématiquement et catégoriquement d’interroger sa position au regard de toutes les propositions, informations, témoignages qui s’inscrivent à l’encontre du prescrit officiel ? Ainsi, depuis le début du Covid-19 en Belgique, de nombreux appels, cartes blanches, lettres ouvertes, ont été écrits par des professionnels de la santé, sans qu’ils n’aient jamais été suivis d« un débat et sans qu’ils influent sur la ligne de conduite gouvernementale.

- Pourquoi les accords et tractations avec les multinationales sont-ils tenus secrets alors que les décisions qui sont prises influent énormément sur nos vies et nécessiteraient dès lors une totale transparence ? Il faut que les gens sachent si les choix qui sont faits en leur nom le sont dans l’intérêt commun ou dans celui de quelques multinationales.

- Pourquoi le travail des groupes d’experts demeure entouré d’un voile d’opacité(4) ?

- Pourquoi ne peut-on pas avoir un débat sur la situation de saturation des hôpitaux qui, selon certains, seraient due uniquement aux mesures politiques prises antérieurement (réduction des budgets de santé, numerus clausus, dévalorisation des métiers de soins, etc.) et à l’absence totale de travail sur la prévention. Si cela est vrai, nous ne sommes pas en présence d’une véritable pandémie avec une létalité importante qui est une des caractéristiques de celle-ci.

- Pourquoi les supposés effets bénéfiques du confinement ne sont-ils pas mis en balance avec les conséquences dramatiques que ces mêmes mesures vont causer.

- Pourquoi l’État se dévoilerait-il aujourd’hui comme pouvoir au seul service du bien public, dont celui de la santé, alors que depuis des décennies il n’a pas empêché ou a organisé : la misère, l’usage intensif de pesticides, l’inégalité scolaire(5), la pollution de l’air, l’usage intensif de la bagnole, la malbouffe, la déliquescence des services publics, la privatisation des médias, une santé à deux vitesses, le réchauffement climatique, etc. Découle de là l’idée qu’il serait actif uniquement dans le cadre d’une société de croissance qui privilégie quelques individus au détriment de la masse, la voie vaccinale dans l’épisode actuel du Covid laissant à nouveau penser qu’on continue le business as usual

- Pourquoi les politiciens et leurs experts nous illusionnent depuis des mois avec l’idée qu’il est possible de venir à bout d’un virus, alors que c’est tout simplement impossible(6)

- Pourquoi la solution unique pour les gouvernements est-elle le vaccin, alors que la transparence est inexistante (cf. point 2) et que le vaccin semble s’inscrire dans une seule logique commerciale ? 

- Pourquoi ceux qui portent un autre regard sur la situation que celui officiel sont-ils systématiquement calomniés, licenciés, censurés ? 

Toutes ces questions sans réponses, dont la liste n’est pas exhaustive, démontre qu’aucun débat véritable n’a lieu. Dans la folie actuelle, nous sommes laissés pour aveugles si nous écoutons les médias dominants. Ces derniers et les gouvernements empêchent que les questions reprises ici soient débattues. Ils veulent créer, comme chaque fois, l’illusion du consensus. Derrière la volonté de former une chimérique « Nation de citoyens solidaires » (Macron), à l’instar de l’époque du « Nous sommes tous Charlie » et de ses discours solennels(7), se cache au fond l’injonction au conformisme servile : « Travaillez, consommez, fermez-là, nous nous occupons de vous ». 

Alexandre Penasse 

Notes et références
  1. À ce titre, le Covid-19 révèle certainement des divergences profondes endormies auparavant (comme le rôle que l’un ou l’autre attribue à l’État). Plus que d’être une cause, l’épisode actuel serait alors un révélateur.
  2. Traits eux-mêmes « politiques » et déterminés par le système dans lequel le sujet évolue. Réalité évidemment tue par le pouvoir, qui vante – et vend – d’autant plus la liberté de penser qu’elle est nourrie par ces mêmes officines.
  3. Et donc se constituer comme sujet.
  4. https://www.lespecialiste.be/fr/actualites/pas-de-raison-de-maintenir-lesavis-d-experts-secrets.html
  5. La Belgique est le pays le plus inégalitaire des pays de l’OCDE, c’est-à-dire que plus on est pauvre plus on échoue à l’école en Belgique.
  6. Voir « On ne peut pas gagner la guerre contre le coronavirus », Kairos, septembre-octobre 2020, ou https://www.kairospresse.be/?s=coronavirus
  7. Voir « Nous ne sommes pas tous Charlie », Kairos, février-mars 2015, et sur le site https://www.kairospresse.be/article/nous-ne-sommes-pas-tous-charlie, et le dossier : https://www.kairospresse.be/dossier/tous-charlie-plus-complexe

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