Imaginez une communauté de quelques centaines d’âmes, circonscrite par des frontières relativement poreuses mais que tous se représentent. Celles-ci sont organisées démocratiquement, les décisions importantes, qui concernent toute la population, sont prises par l’ensemble des habitants, qui s’informent via des médias libres et non assujettis à quelques puissances politiques ou financières. La médiatisation ne passe pas que par des structures officielles dédiées à cela, mais des sujets qui s’informent, appréhendent leur milieu, cherchent à comprendre et débattent entre eux, faisant émerger les conditions de création de la vérité. Les décisions de moindre importance sont prises par des comités composés de citoyens tirés au sort et dont le mandat n’est pas renouvelable. D’autres, qui concernent un quartier, sont prises par un comité local qui soude entre eux les voisins qui se connaissent tous et participent concrètement à la vie de leur quartier. Ils ne sont pas tous amis, certains s’apprécient moins que d’autres, mais ils ont cette caractéristique commune de partager un même lieu, soit de vivre ensemble.
Imaginez, si, par exemple, un agent commercial extérieur à la communauté, venait proposer d’installer des poubelles « intelligentes » dans le quartier. Comme à Liège, où la ville s’est offert 24 poubelles de ce type en 2020 : des smart récipients qui « optimisent les collectes », « amovibles », dotées d’un « système d’alerte lorsqu’il est temps de les vidanger », d’un « compartiment cendrier » et « d’un système de compresseur »(1).
Coût de l’opération : 152.000€, soit plus de 6.300€ la poubelle. D’un poids de 122 kg l’unité, elle est composée de métal, de plastic dur, de polyester ; en matière d’électronique, on y trouve un module PV à cellule en silicium polycristallin, une batterie 12V, une unité sans fil auto-alimentée, un système entièrement automatisé, contrôlé par processeur IC, radio de données sans fil GPRS pour la surveillance et la gestion en ligne, service de localisation assistée par GPS…
Honnêtement, qui déciderait s’il avait le choix, tenant compte du prix, de la composition et de la dépendance énergétique de cette « poubelle intelligente », de les acheter pour garnir les rues de son quartier ? Qui accepterait de dépenser des dizaines de milliers d’euros dans des poubelles peu recyclables (c’est le comble !), fruit d’une technologie qui se nourrit des richesses des sous-sols d’Afrique et d’Asie? Qui opterait en toute conscience pour dépenser cet argent, plutôt que d’engager des frais pour recruter des enseignants ou des soignants, planter des arbres, construire ou aménager un lieu commun, dynamiser la vie collective…
Le quidam qui passe devant une « smart poubelle » impassible, totalement indépendant des décisions politiques qui sont prises en amont, mais englobé physiquement dans l’espace public qui est dessiné en aval, n’est plus un citoyen, mais un atome diffus dans une société où l’autre se réduit à une présence physique. Il ne fait que traverser des lieux qui lui deviennent de plus en plus étrangers. Il ne participe plus à l’organisation politique de la cité dans laquelle il vit et, le plus souvent, n’en est même plus conscient: état suprême de l’aliénation. Poubelles, publicité commerciale en rue, réseaux 5G, aménagements publics… tout est à l’avenant : nous ne décidons de rien. Les élus, inféodés à une logique de parti, eux-mêmes soumis aux intérêts économiques dominants, suivent la ligne officielle, qui de l’extrême gauche à l’extrême droite est peu ou prou la même.
Déracinés, constamment soumis à des choix qui ne sont plus les nôtres, isolés socialement, nous sommes dès lors préparés à nous soumettre à un discours extérieur, celui des médias. Jamais, dans les types de communautés que nous évoquions au début, une population entière n’aurait pu entendre et obéir au narratif du Covid ; jamais ils n’auraient accepté de se confiner, de laisser mourir leurs vieux, masquer leurs enfants, pour enfin s’inoculer un vaccin dans l’objectif pour la plupart non pas de se protéger mais de revenir à la vie « normale ». Le discours médiatico-politique serait tout de suite passé pour ce qu’il est vraiment : un délire. Baignés dans la communauté, les individus, pour autant que ce discours anxiogène leur parvienne(2), auraient directement confronté ce qu’ils entendaient à ce qu’ils percevaient.
Ce que l’on a fait de nous a permis de mettre en place le spectacle du covid. Pour en sortir et s’assurer que cela ne se reproduise plus, il faudra démanteler ce qui l’a rendu possible.