Kairos 62

Novembre / Décembre 2023 - janvier 2024

L’ignorance et la guerre : marché lucratif

Aucune guerre n’a jamais été menée au service du bien commun, même si ceux qui tiraient les ficelles, « tous ces gros qui font la foire(1) » et ne connaissent pas la misère des tranchées, disaient la faire au nom du peuple. « Patriotisme », « ennemi commun », « grandeur de la Nation »… ne sont que les illusions utiles qui permettaient aux belligérants de trouver un sens pour prendre le risque d’aller perdre leur vie ou d’être estropiés. Financiers et marchands de canons n’allaient pas dire à ceux qui s’entre-tuaient qu’ils se sacrifiaient pour accroître leur fortune et leurs privilèges… Ils aiment la guerre, mais ce ne sont pas eux qui la font. On se souvient du réalisateur Michael Moore, dans son documentaire Fahrenheit 9/11 (2004), interpellant en rue des sénateurs mal à l’aise, qui avaient voté l’invasion américaine de l’Irak (en 2003), leur demandant s’ils étaient d’accord de remplir un formulaire pour que leur progéniture participe à l’effort de guerre : « Évidemment, pas un seul membre du Congrès ne voudrait sacrifier son fils pour la guerre en Irak » ! Sur les 530 membres du Congrès, seul un avait un enfant soldat en Irak. Ils envoyaient les mômes des pauvres, les leurs poursuivant leurs prestigieuses études : « Cela m’a toujours étonné que les mêmes personnes condamnées à vivre dans les pires quartiers de la ville, d’aller dans les pires écoles et ceux qui ont le plus dur, soient toujours les premiers pour défendre le système. Ils servent leur pays pour que nous-mêmes n’ayons pas à le faire ». Victimes aussi des médias de masse qui vendent la guerre et inventent des héros, créant des parents fiers de leurs enfants défenseurs du drapeau… sauf quand on leur apprend que celui-ci est mort au combat, et que d’un coup ils saisissent le réel, comme cette mère : « L’ignorance des gens est ce qu’il y a de pire, parce qu’ils ne savent rien, les gens pensent savoir, mais ce n’est pas comme ça, je pensais savoir mais je ne savais rien ». 

Avant cela, pour justifier la première invasion de l’Irak, la compagnie de relations publiques Hill & Knowlton avait mis en scène l’histoire des bébés koweïtiens en couveuse tués par les soldats irakiens. Celle qui avait témoigné en pleurs devant une commission du Congrès des États-Unis, Nayirah, 15 ans, n’était autre que la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington Saud bin Nasir Al-Sabah. Cette affaire ne signait que la continuation d’un système de propagande bien rôdé, où chaque nouveau mensonge s’accompagne de l’oubli du mensonge qui l’a précédé. Ainsi, même révélés, les boniments d’aujourd’hui, estampillés du sceau de la vérité à l’époque, sont occultés par ceux qui les colportent, évitant que ce faux-vrai désormais vraifaux puisse semer le doute et amener le sujet à ne plus avaler la bouillie médiatique. Les Première et Seconde Guerre mondiales, carnages évitables ; Pearl Harbour ; Hiroshuma et Nagasaki ; l’assassinat de JFK ; Vietnam ; les coups d’État organisés par la CIA en Amérique latine, en Asie, en Europe ; Afghanistan, Libye, Syrie… n’assurent pas cette prise de conscience utile à rejeter les vérités médiatiques, que ce soit celle du 11 septembre 2001, et plus récemment de Covid-19 ou de Nord Stream 1 et 2. Ainsi persistent impunité, massacres, mensonges. 

En 2020, ce sont les « mêmes » qui fabriqueront le contexte favorable à la « guerre » contre le Covid. Marc Van Ranst, expert adoubé par les gouvernements et les multinationales pharmaceutiques, avait quelques mois auparavant expliqué au Chatham House, club privé, « véritable institution au service des multinationales(2) », comment créer une pandémie médiatique : « Le premier jour est très important : le premier jour, vous commencez votre communication avec la presse, avec la population. Il faut le 

faire correctement, cela signifie que vous devez communiquer avec une seule voix et un seul message […]. Vous devez être omniprésent ce premier jour ou les premiers jours pour attirer l’attention des médias. Quand vous faites ça, vous pouvez profiter de ces premiers jours pour avoir une couverture complète du terrain et ils n’iront pas à la recherche de voix alternatives. Et ensuite vous pouvez transmettre le message, et si vous le faites ainsi, notre pays est prêt pour la gestion de la pandémie, mais c’est bien sûr une surestimation grossière. Mais il est crucial de le faire pour rentrer dans une pandémie »(3)

Ce qui ne prit pas avec H1N1 en 2009 prendra avec Covid-19. Dans la forme de départ que doit avoir toute bonne recette pandémique-médiatique comme la décrit Van Ranst, on voit ainsi en plein JT, alors qu’un journaliste débite la messe quotidienne (lits d’hôpitaux occupés, malades, morts…), des images en toile de fond montrant des patients jeunes sur des lits d’hôpitaux, qui toussent… Or, il s’avérera que ces patients sont de faux patients, des acteurs et que « ces images ont été achetées à la société Shutterstock »(4) pour illustrer le narratif. 

Autre contexte, même procédure : guerre sanitaire ou militaire, il faut fabriquer l’opinion. Ainsi, concernant le ProcheOrient – sans évidemment oublier qu’il y a un dominant et un dominé, un occupant et un occupé, une 4ème puissance militaire mondiale face à des combattants qui ne constituent pas une armée – on peut élargir notre réflexion et considérer que les Israéliens ne sont pas les ultimes bénéficiaires de cette guerre, mais que ce sont au contraire les politiciens fascistes comme Netahanyou et ceux qu’il sert : les multinationales. Les médias aux ordres n’évoquent donc pas l’opposition de nombreux citoyens israéliens aux bombardements de civils enfermés dans Gaza faits en leurs nom : il ne faudrait pas laisser penser que Palestiniens et Israéliens puissent s’entendre, cela irait à l’encontre des desseins de l’élite ; un ennemi désigné, une haine viscérale pour l’Autre sont le terreau sur lequel croissent leurs profits. 

Et cela ne changera guère avec des médias aux ordres créant leur réel. 

Alexandre Penasse 

Notes et références
  1. Tiré de la chanson de Craonne, auteur anonyme dans les tranchées de 1914–18.
  2. Geoffrey Geuens, Tous pouvoirs confondus. États, capital et médias à l’heure de
    la mondialisation, EPO, 2003.
  3. https://www.kairospresse.be/les-bons-conseils-de-marc-van-ranst-en-cas
de-pandemie/
  4. Voir à 4min57 https://www.youtube.com/watch?v=HH_JWgJXxLM&ab_ channel=Cecin%27estpasuncomplot

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