Kairos 58

Février/Mars 2023

Destruction sociale

C’est étrange la vision qu’on peut avoir de ce qu’on appelle « société », organisme composé d’êtres, dont le dictionnaire nous dit qu’elle est « Le fait pour un groupe d’individus de la même espèce d’établir des relations entre eux », et dont il est impossible à un moment X de connaître l’opinion. On ne peut donc s’en faire qu’une idée. Pour certains, questionnés sur les possibilités de changement, leur position est claire : « c’est foutu, il est trop tard », la soumission des populations lors de l’ère Covid-19 démontrant à elle seule que le pouvoir fait ce qu’il veut des masses et qu’un soulèvement est fort improbable. Ce serait, au vu de l’histoire, difficile de leur donner tort, aucune révolution populaire n’ayant jamais abouti à un renversement d’un pouvoir favorisant une minorité, alors que la puissance technologique et les techniques de manipulation des masses rendent les choses aujourd’hui encore plus difficiles . D’autres pensent au contraire que les gens vont sortir progressivement de leur léthargie, prenant notamment conscience qu’ils ont été trompés. 

Ces considérations sur l’état des lieux de l’opinion publique ne peuvent être que des approximations, fondées sur du ressenti, de la subjectivité, des rencontres, discussions et observations personnelles, en somme la vie en société. Mais nous demeurons dans un microcosme, relatif, nous ne savons pas ce que pense la majorité – sachant qu’une collectivité ne pense pas à proprement parler, même si elle est plus que la somme de ses individualités. Le seul « macrocosme social » qui nous soit donné, c’est celui des médias de masse, producteur d’une réalité distordue. On pense donc la plupart du temps le monde à travers ce qu’on nous en dit, et celui qui parle à large échelle le fait toujours depuis le système médiatique. À l’hiver 2021, alors que le gouvernement interdisait aux gens de fêter Noël en famille, le Premier ministre De Croo leur recommandait de regarder la télévision : « Personne ne doit fêter Noël seul ce soir. À 18h, nous fêterons Noël à 11 millions devant notre télévision. En regardant vous aussi, vous donnerez de la lumière et de la chaleur aux autres ». 

En réalité, « en regardant », vous ne donniez rien, vous étiez juste ébloui par la lumière de l’écran ; vous n’étiez pas réunis, comme l’exprimait Guy Debord : « Le spectacle réunit le séparé, mais il le réunit en tant que séparé ». Tout le monde regarde la même chose, seul, mais plus personne ne se regarde. Par ces mensonges, Alexander De Croo énonçait donc en filigrane les objectifs du Forum économique mondial : diviser la population en la privant « d’établir des relations », donc de faire société ; atomiser cette dernière, réduite désormais à des monades soumises à la représentation dominante de la caste médiatico-politique. Si chacun pense le monde à un niveau individuel, tous sont donc fortement influencés – « animés » pourrait-on dire – par les médias dominants, et l’interaction sociale se réduit le plus souvent à une rencontre entre « représentants » de cette pensée médiatique. 

Mais même s’il y a eu obéissance aux ordres et injonctions paradoxales des gouvernements, nous ne pouvons pas savoir si cette obéissance était sincère, et on peut penser que beaucoup ont davantage obtempéré sous le coup de la manipulation, pression sociale, chantage, que par une véritable certitude qu’ils étaient en danger de mort et que le vaccin allait les sauver. Cette sincérité de l’obéissance soulève deux remarques, l’une plutôt réjouissante, l’autre moins. 

  1. Si les gens ont obéi « malgré eux », il reste l’espoir qu’une prise de conscience des mécanismes de manipulation des masses leur permettra de rejoindre la contestation.
  2. Mais le système totalitaire n’a malheureusement pas besoin pour fonctionner de gens authentiques, l’obéissance se suffisant à elle-même. Maîtres des outils de propagande, les médias peuvent s’accaparer la « volonté » des gens en feignant la conviction collective, soit que tous les vaccinés l’ont fait dans un souci purement altruiste de sauver l’autre. Ça ne reflétera pas la réalité des raisons véritables de l’obéissance des gens, mais créera l’illusion en donnant une fausse représentation de la réalité de ces raisons, et cela suffit. Par ce tour de passe-passe, ils parviennent ainsi à faire fi de tout le marketing gouvernemental mis en place pour mener à bien leur dessein (« couverture vaccinale massive »), comme si paradoxalement cette campagne n’avait servi à rien ou n’avait même pas existé, mais ils réussissent également à diviser le corps social, entre ceux « soucieux de l’autre » et les « égoïstes »

Nous pouvons tirer de ces réflexions que la seule possibilité de résistance – qui en même temps explique pourquoi le système médiatique est indispensable au pouvoir en place pour se maintenir – est de briser le spectacle : pour sortir du doute et des hypothèses sur l’état de l’opinion publique dont les médias de masse nous donnent une fausse représentation, il est indispensable d’organiser un peu partout des débats et de les médiatiser largement, distribuer des textes, afficher, inscrire dans des lieux publics… La médiatisation offrira en effet un pouvoir de diffusion beaucoup plus grand agissant aussi comme moteur de changement : c’est en voyant des gens débattre, donc être en désaccord, que se construit la vérité. Ce qui explique aussi pourquoi le débat a été interdit dans nos sociétés. La caste médiatico-politique le sait : une information, aussi importante qu’elle soit, n’est rien si elle n’est pas médiatisée . 

Notre travail ne prendra véritablement son sens que lorsqu’il touchera beaucoup plus de gens. Il ne faut plus attendre des officines médiatiques – dont le rôle n’est que la falsification du réel et la fabrication du consentement, tout en faisant croire que le débat a lieu – qu’elles deviennent autre chose que ce pour quoi elles sont faites. 

Toute cette délétère et catastrophique période aura démontré une chose : l’oligarchie, qui se réunissait il y a peu à Davos, avec notamment Alexander De Croo, Ursula von der Leyen, le roi et la reine des Belges, le président de BlackRock… fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que les gens s’unissent, débattent, pensent ensemble et que de ces échanges émanent des décisions favorables au bien commun. Au contraire, ils diviseront, étiquetteront et stigmatiseront ceux qui émettent des doutes et demandent le débat. Ils ont avec eux les institutions, le monopole de la représentation du réel, les forces de l’ordre, et ils préféreront l’enfer comme modèle de société plutôt que de perdre leur pouvoir. 

Alexandre Penasse 

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