Il faudra s’attendre, et les premiers signes sont déjà visibles, de ceux qui ont toujours été les gardiens de l’ordre établi, qu’ils se scandalisent, s’offusquent, résonnent aux polémiques des médias – lesquels feignent toujours de les répercuter alors que ce sont eux qui lui donnent toute sa lumière – vitupèrent même parfois, contre ce qui commence à paraître indécent : les salaires exorbitants, les dotations royales et les prérogatives iniques. Leur indignation affectée ne devra pas nous faire oublier que ce sont ceux-là mêmes qui ont pourtant permis le déploiement de ce que maintenant ils condamnent.
Les mêmes, de la droite à la gauche gouvernementale, puisque depuis longtemps plus rien ne les distingue, compatiront dans un spectacle médiatique affligeant à la détresse des ouvriers d’Arcelor Mittal et tenteront en vain de persuader « Lakshmi » de changer d’avis, démontrant avec brio, pour celui qui en douterait encore, qui tient les rênes du pouvoir. Au 43ème forum économique mondial de Davos, ce lieu caché où se prennent les décisions importantes, notamment celles qui font la vie des ouvriers partout dans le monde, le Premier Ministre Elio Di Rupo ne put que faire part de « l’incompréhension » des autorités belges face à la décision du géant de l’acier. Rien d’étonnant si ces propos furent relayés dans un quotidien qui, le même jour, voyait son éditorialiste en chef signer un édito « La même fatalité, de Genk à Liège(1)». « Fatalité » : « force surnaturelle par laquelle tout ce qu’y arrive (surtout ce qui est désagréable) est déterminé d’avance d’une manière inévitable (2)».
Pendant ce temps-là, en France, les agriculteurs descendaient dans la rue. Leurs cris, pourtant, n’étaient pas dirigés contre les logiques de production qui rendent leurs enfants malades, mais contre une directive européenne limitant l’utilisation de nitrate. Mesure vieille de 20 ans mais jamais appliquée, les agriculteurs craignaient face aux menaces de sanction financière de L’Europe :
« Certes, l’environnement c’est une bonne chose, mais il y a quand même des limites ».Certes ! Curieux pourtant que ces limites adoptent toujours la même circularité et que la recherche du profit ne bute jamais sur les limites dictées par la nature …
C’est que les premières parcelles à dépolluer sont très certainement celles délimitées par nos esprits : « on a ce discours de dire «il ne faut plus polluer», et bien alors on ne circule plus, on ne roule plus, on ne produit plus et on ne vit plus (3)! »
…dès lors qu’on est arrivé à l’idée que la production, quelle qu’elle soit, est égale à la vie.