Le mercredi 2 février 2022, un projet de décret concernant la promotion de la santé(1) sera soumis à discussion et au vote en séance plénière du Parlement wallon. Ce projet de décret a déjà fait l’objet de discussions en Commission de la santé. À l’occasion de ces débats, le PTB a alerté la presse sur « la loi pandémie wallonne » qui se cacherait derrière l’apparence de simple modification technique du décret actuel(2). Selon le chef de groupe PTB au Parlement wallon, Germain Mugemangango, ce projet de décret porté par la ministre Christie Morreale (PS) amène, en douce, des dispositions qui devraient faire l’objet d’un « vrai débat » et d’auditions d’experts, de représentants de la société civile et de représentants des travailleurs devant le Parlement(3). Mais ce large débat n’est manifestement pas envisagé. Selon Mathilde Vandorpe (cdH), un pan entier de ce texte est inadmissible(4) !
Selon le PTB et le cdH, les articles 17 à 21 (rapidement présentés ci-dessous) sont problématiques en raison de leur impact sur les droits des citoyens. Pour le PTB, ces 5 articles devraient être retirés du projet de décret.
En effet, l’article 18 prévoit que les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers compétents s’assurent et, si nécessaire, imposent que la personne suspectée d’une maladie qui met en jeu le pronostic vital à bref délai OU qui présente la symptomatologie d’une affection épidémique grave subisse les examens nécessaires et, le cas échéant, suive un traitement médical approprié, préventif ou curatif. Remarquons tout d’abord que le caractère épidémique ne doit pas être nécessairement scientifiquement déjà établi(5). Cette disposition pose question du point de vue des droits de l’homme. La question du consentement du patient n’est pas claire dans ce texte qui ne respecte pas non plus le droit d’accepter le décès au niveau personnel. Par ailleurs, il ne semble pas exclu que, dans le cas où l’obligation vaccinale serait rejetée au fédéral, elle puisse être imposée sans débat par le biais de ce décret. Il semblerait également que ce décret tente de nous faire entrer dans l’ère du traitement obligatoire, une disproportion constatée par le Conseil d’État, étant donné le droit à refuser un traitement médical.
Selon cet article 18, ces mêmes inspecteurs, médecins ou infirmiers, dont les prérogatives sont très larges et mal définies, pourront ordonner l’isolement de ces malades au sein d’un service hospitalier, à domicile ou dans un autre lieu approprié. Ils auront également le droit de s’introduire au domicile de ces personnes et même d’en désinfecter les lieux. Le Conseil d’État considère ici que l’on touche à l’inviolabilité du domicile. De l’avis du PTB comme du cdH, cette mesure devrait être limitée à une suspicion de péril grave et imminent. Les inspecteurs, médecins ou infirmiers ont également le droit, en vertu de ce projet de décret, d’interdire des activités professionnelles et la fréquentation de collectivités le temps de la contagiosité. Toutefois, la liste des maladies et pathogènes concernés par ces mesures n’étant pas établie, la notion de maladie infectieuse n’étant pas définie et le caractère épidémique ne devant pas être immédiatement prouvé, des risques de dérives ne sont pas à exclure !
Même si certaines mesures existent déjà en cas de maladies infectieuses, ce projet de décret revoit à la hausse les pouvoirs des inspecteurs d’hygiène et surtout ceux du gouvernement wallon si ce dernier estime devoir déclarer l’état d’urgence sanitaire. En effet, l’article 19 donne au gouvernement wallon le droit de déclarer par arrêté l’état d’urgence sanitaire et d’adopter certaines mesures expressément définies, ainsi que « toutes autres mesures nécessaires »(6), des mesures qui ne seraient pas nécessairement justifiées par d’autres instances scientifiques ou démocratiques comme, par exemple, l’Autorité de protection des données ou la Ligue des droits humains. Pour le cdH, de telles mesures s’apparentent à des « pouvoirs spéciaux » : on ouvre ici une boîte de Pandore justifiant de possibles atteintes à certains droits fondamentaux, comme le remarque d’ailleurs le Conseil d’État, et permettant de possibles atteintes au rôle du Parlement et au fonctionnement démocratique. Le PTB parle d’un « changement de paradigme » !
L’article 20 prévoit des sanctions (amendes, emprisonnement) pour toute personne ne respectant pas les décisions des inspecteurs, médecins et infirmiers ou en entravant les missions. L’article 21 prévoit des sanctions similaires pour toute personne ne respectant pas les décisions du gouvernement ou en entravant l’exécution.
L’article 17 expose la nature des données personnelles qui devront être collectées auprès de ces malades ; nom, prénom, lieu et date de naissance, NISS, sexe, adresse physique, données de contact profession, activités, collectivités fréquentées, pathologie, histoire clinique, traitements, personnes à risque dans l’entourage, source de contamination… Selon le PTB, cet article pose des problèmes en termes de protection des données à caractère personnel. Dans la loi pandémie fédérale, les auditions d’experts ont conduit à des modifications d’un article initial analogue.
Selon le cdH, l’article 16 est également problématique, cet article permettant au gouvernement wallon de déléguer au ministre de la Santé la capacité de fixer une liste des maladies infectieuses et des pathogènes concernés par les dispositions prévues aux articles 18 à 21 : toute maladie qui engagera le pronostic vital et présentera un risque épidémique, même avant validation scientifique, devra dorénavant être portée à la connaissance des services de l’AViQ(7), sous prétexte de favoriser une meilleure réactivité. Pour le cdH, les pouvoirs exorbitants conférés par ce décret aux inspecteurs d’hygiène ne devraient pas dépendre d’une liste réalisée par un seul ministre : c’est ouvrir une porte à de possibles dérives antidémocratiques dans un futur proche ou plus lointain. Il faudra voir si et de quelle façon cet article sera amendé.
Pour l’heure, la Commission de l’emploi, de l’action sociale et de la santé a recommandé, par 7 voix contre 1 et 1 abstention, l’adoption de ce projet de décret (amendé le 18 janvier en commission) par l’Assemblée plénière.
Ce projet de décret est une tentative parmi de nombreuses autres ces derniers mois de porter atteinte à certains droits fondamentaux allant jusqu’à l’obligation de traitement et la violation du domicile. Les conséquences à court, moyen ou long termes de l’ouverture de cette boîte de Pandore sont infinies et pas si fantasmées que cela : obligation de traitements spécifiques et interdiction d’autres traitements (y compris peut-être les traitements naturels ou tombés dans le domaine public) en fonction de critères définis par l’État (et les lobbys) ; disparition de la liberté de soin pour soi et pour ses enfants ; isolement en d’autres lieux que le domicile ou l’hôpital ; interdiction de travailler ou de fréquenter des collectivités pour les personnes porteuses de maladies infectieuses (quid de la mononucléose, l’hépatite B, le VIH, etc. ?) ; vaccination obligatoire dès la naissance pour la liste potentiellement infinie des maladies dont des vaccins (y compris à ARNm) sont en préparation ou seront mis au point ; retrait des droits sociaux pour les personnes réfractaires aux mesures « sanitaires » imposées par les instances publiques qui pourraient aussi, à terme, retirer les droits sociaux aux fumeurs, obèses, inactifs et autres imprudents qui encombrent les hôpitaux et grèvent les finances publiques… avant la suppression de toute protection sociale ! Autant de mesures totalitaires favorisant des intérêts privés sous prétexte progressiste de droit à la santé : est-ce bien pour cela que nous avons voté pour ces partis, élu ces députés et mis en place ces ministres ?
° RECTIFICATION ET PRÉCISION (04.02) : à la phrase « la liste des maladies et pathogènes concernés par ces mesures n’étant pas établie », « pas établie » est mal choisi, « pas fermée » est plus exact : en effet, il existe une liste de maladies à déclaration obligatoire, mais cette liste est ouverte, ce qui n’est pas anormal, mais si on y ajoute le fait que la notion de maladie infectieuse n’est pas définie (voir doc 796 (2021–2022) N° 1, p. 9, art. 16) et le fait que cet article 18 concerne toute maladie qui engage le pronostic vital et présente un risque épidémique même avant validation scientifique, des risques de dérives ne sont effectivement pas à exclure. Par ailleurs, il semble important de préciser que le tout dernier paragraphe de cet article n’expose pas des faits mais une opinion personnelle sur de possibles dérives futures, une fois certaines portes ouvertes.
- Projet de décret modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention (Doc. 796 (2021–2022) N° 1 à 4). Voir Le Parlement de Wallonie (parlement-wallonie.be).
- Pour le PTB, le décret sur la promotion de la santé cache une « loi pandémie wallonne » – Le Spécialiste (lespecialiste.be)
- Un décret « pandémie » wallon se cache-t-il derrière un texte plus anodin? – La Libre ; Pour le PTB, le décret sur la promotion de la santé cache une « loi pandémie wallonne » – Le Spécialiste (lespecialiste.be).
- Compte-rendu intégral de la séance publique de la Commission emploi, action sociale, santé du 18 janvier 2022, C.R.I.C. N° 102 (2021–2022), p. 35. Voir Le Parlement de Wallonie (parlement-wallonie.be).
- Compte-rendu intégral de la séance publique de la commission emploi, action sociale, santé du 18 janvier 2022, C.R.I.C. N° 102 (2021–2022), p. 52.
- Contrairement à la loi pandémie fédérale qui prévoit une liste de mesures bien définies.
- Compte-rendu intégral de la séance publique de la commission emploi, action sociale, santé du 18 janvier 2022, C.R.I.C. N° 102 (2021–2022), p. 33.