Gaza, la catastrophe est là, sous nos yeux

Depuis le dernier billet, la situation dans la bande de Gaza ne fait qu’empirer. Les données sont difficiles à recueillir, néanmoins le ministère palestinien de la santé publie, pas tous les jours, des chiffres qui ne sont qu’un pâle reflet des réalités.

Au 12 octobre, 724 enfants ont été tués. Combien aujourd’hui ? Ne faisons pas de prédiction macabre, car elles sont certainement mauvaises, très mauvaises. Le ministère estime à 1200 les personnes ensevelies sous les gravas provoqués par les bombardements, dont 500 enfants.

« Les enfants victimes de la crise de Gaza meurent par centaines » titre ce jour l’UNICEF(1), ajoutant « Depuis un peu plus d’une semaine, plusieurs centaines d’enfants et de jeunes ont été tués ou blessés. Et leur nombre ne cesse d’augmenter… La situation est alarmante. L’UNICEF appelle à une pause humanitaire immédiate et à un accès sûr pour étendre et maintenir les services vitaux pour les enfants dans la bande de Gaza. Chaque minute compte. »

Ces chiffres et appels à l’aide des organismes internationaux ne sont que la surface émergée de l’iceberg des souffrances et de la mortalité infligées à toute la population, c’est-à-dire aux 2 200 000 habitants entassés dans cette maudite bande. Ce 17 octobre, nous apprenons que l’hôpital d’Al Karama à Gaza nord (un de ces hôpitaux qui avait reçu l’ordre de fermer) a apparemment dû finalement fermer, non pas pour avoir fait l’objet d’un bombardement direct, c’est interdit par les lois internationales, mais parce que les bâtiments adjacents à l’hôpital ont été ciblés et se sont effondrés sur lui… De toute façon, les « hôpitaux meurent » , la situation est catastrophique.

Et, à peine avais-je poussé sur la touche envoi, que la nouvelle tombe : l’hôpital Ahli Arab (Baptiste), également de Gaza nord a été frappé de plein fouet ce soir par un bombardement : plus de 500 morts selon le ministère palestinien de la santé (rapporté par le journal Anadolu Ajansi), entre 200 et 300 morts selon la publication du Times of Israel. Les deux parties s’en rejettent la responsabilité. L’actualité s’enchaîne d’horreur en horreur.

Pas d’eau, pas d’électricité, pas de nourriture, pas de médicaments, déjà à peu près la moitié de la population déplacée (1 million de personnes) et ce dans le plus grand dénuement, subissant une situation désespérée affirme l’OCHA(2). L’accès à la bande de Gaza est une priorité des Nations Unies. Les dernières réserves sont engagées npus explique l’UNRWA(3) dans son dernier rapport du 16 octobre, organisme qui a perdu toute capacité d’agir au nord de la bande de Gaza, où leurs refuges, des écoles, restent cependant bondés et bombardés. Au sud la situation s’aggrave tout autant, la ville de Khan Yunis subit également les bombardements, alors que Israël avait ordonné à la population du nord de s’y rendre (c’est l’UNRWA qui l’affirme, pas moi), … La dernière usine de désalinisation de l’eau vient de s’arrêter, les réserves de carburant sont épuisés. Les populations commencent à utiliser l’eau malpropre qu’ils trouvent, les maladies hydriques redoutables, notamment pour les enfants, sont là : combien de décès en plus ?

Ah oui, disons-le, l’occupant a ouvert une canalisation d’eau pour 14 % seulement de la population durant 3 heures …

La promesse d’ouvrir le poste frontière de Rafah avec l’Égypte – entrée des convois de secours qui attendent contre sortie des étrangers‑, reste jusqu’à présent lettre morte. Pourtant parait-il, les Américains avaient mis tout leur poids pour que cela se fasse. La balance était certainement déréglée.

Enfin, Médecins sans Frontière, présent dans la bande de Gaza, se fait enfin entendre et appelle à l’aide. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais quand même. La situation est donc vraiment grave.

Je suis désolé de cette litanie, je ne vois pas comment faire autrement. La catastrophe de santé publique est là, sous nos yeux, et nous ne faisons rien, enfin pas grand-chose. Nous devons arrêter ce cycle de la haine.

Christophe de Brouwer

Full-professeur honoraire et ancien président de l’École de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles. (17 octobre 2023)

Notes et références
  1. Fonds des Nations unies pour l’enfance.
  2. United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs.
  3. The United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East.

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