Cachés dans des villes, reclus dans des paradis fiscaux, camouflés dans des avions privés et des voitures de luxe, les parasites sont là, présents mais le plus souvent invisibles socialement. Leurs impacts sur la société sont pourtant bien tangibles. Ils vivent à vos crochets, vous travaillez pour eux, mangez les produits que leurs multinationales fabriquent, buvez leur bière, leur eau, avalez leurs médicaments… Ils volent le peuple au moins deux fois: en ne payant par leur dû à la collectivité (grâce à l’évasion et l’optimisation fiscales notamment) mais aussi en réinvestissant ce premier butin (actions, bons du trésors, titres de dettes…), dont ils tireront une plus-value. Pendant que d’autres crèvent dans la rue, ils se gavent et détruisent la planète.
Ce sont les parasites du royaume, dont on vous donne à voir les 10 premiers: les winners de la compétition néolibérale, qui touchent en une journée ce que vous mettriez des années à gagner. Les princes de l’indécence(1). Mais ils sont suivis par des centaines d’autres. À eux seuls, ces parasites, friands d’évasion fiscale et de contournements à la participation collective, nécessiteraient que l’on repense complètement les luttes sociales et la question de la « pauvreté »(2). Car à quoi bon réclamer une augmentation salariale au vu de ce qu’ils volent ? Ou encore s’échiner dans des emplois inutiles qui ne servent qu’à leur enrichissement, participant à la destruction sociale et à celle de la nature ?
« La liberté pour chacun, c’est aussi la liberté du banquier ou de l’ambitieux : (3) voilà l’injustice restaurée. »
Albert Camus.
Ils possèdent le contrôle sur les représentations du monde puisque ce sont leurs copains qui possèdent les médias. Ils adorent la lutte contre la pauvreté… Ils en profitent, via leurs fondations ou lors des CAP48 et des Viva for Life, pour distribuer quelques miettes de la fortune que l’État leur a permis d’amasser, et se donner ainsi l’image de braves.
« S’ils sont grands, c’est parce que nous sommes à genoux » (Étienne de La Boétie)… Et que certains escomptent toute leur vie devenir comme eux, luttant pour leur propre avantage, avec la très forte probabilité de ne jamais y parvenir, alors qu’il suffirait de ne plus y croire, ne plus espérer l’enrichissement, voir le bonheur ailleurs que dans le toujours plus, se mettre ensemble et les renverser, eux et leur monde, et celui qu’on nous a mis dans la tête, pour éradiquer leur fortune et abolir ainsi la misère. Car l’envie d’argent n’a pas de fin : « La richesse est pareille à l’eau de mer : plus on en boit, plus on a soif » (Schopenhauer).
1. AB Inbev – Frédéric de Mevius et Alexandre Vandamme — Brabant flamand
Pour AB Inbev, on s’est contenté de ne présenter que deux des trois grands actionnaires du groupe : Frédéric de Mévius qui, comme les autres , suit l’adage « pour exploiter, vivons cachés ! ». Vous entendrez encore moins parler du deuxième : Alexandre Vandamme, celui qu’on surnomme « l’homme invisible » (le troisième est la famille de Spoelberch). « Les hommes savent pourquoi! », ou pas… (famille AB Inbev et Alexandre Van Damme: 48 929 704 000€).
2. Albert Frère — Charleroi
Albert ne sait pas ce que c’est que payer ses impôts, il préfère laisser sa femme de ménage payer les siens…
Quand on a 6 205 140 576€, on n’a pas le temps pour ça ! (4)
3. Famille Colruyt — Halle
« Les meilleurs prix ? »… et les meilleurs bénéfices :
3 900 987 150€.
4. Familie Emsens -
La Campine et Bruxelles (Etex, SCR-Sibelco et Aliaxis)
L’amiante, ça rapporte :
3 318 237 000€ si on la vend aux autres, le cancer si on est ouvrier.
5. Famille Lhoist- Berghmans — Clavier (Liège)
Pour vivre heureux, vivons cachés… on a plus chaux ! Et on peut se payer un bon poêle avec
2 913 683 000€, non ?
6. Famille De Nul — Jan De Nul – Aalst
Pas nul, le Jan. Avec
2 752 250 000€, il en a fait sa devise : c’est en draguant qu’on devient milliardaire.(5)
7. Famille Janssen — La Hulpe
Solvay sait ce qui est solvable… La famille Janssen en tire tout bénéfice : chimie, plastique, pharmacie (UCB et Solvay).
2 735 536 450€. Pour les autres, y’aura qu’à prendre les neuroleptiques fabriqués par le groupe..
8. Famille Van Thillo — Anvers
En voilà qui ne sont pas des poltrons et osent concilier monde bancaire et médias. Eh oui ! On savait que tous avaient des actionnariats lointains avec les journaux qui jamais ne les dérangent, mais là, c’est de la fine proximité avec VTM et Het Laatste Nieuws. Qui a dit que pour que croisse la fortune (1 629 240 000€), il fallait que décroisse l’esprit critique ?
9. Ackermans & van Haaren — Anvers
La famille drague aussi les fonds sablonneux, mais apprécie également l’actionnariat dans les boîtes d’interim qui fournissent les précaires aux patrons, et la finance. Il faut diversifier son portefeuille, ça fait grossir : 1 625 674 000€ !
10. Familie Roland Duchâtelet — Saint-Trond
Roland est un peu partout, rachetant des clubs de foot, bien vivant en politique, et sur les circuits de semi-conducteurs (Melexis). Sa seule amertume peut-être : n’être que 10ème dans la top liste,
avec 1 556 236 000€. Pauvre Roland !
Illustrations : Benjamin Tejero
Texte : Alexandre Penasse
- Pour le classement, voir http://derijkstebelgen.be/de-lijst
- Le « pauvre » nous a quitté depuis l’écriture de cet article
- Voir à ce sujet le dossier du Kairos 30 « Combattre la fortune et le désir de richesse ».
- Albert Camus, Actuelles. Écrits politiques, Gallimard, 1997, p. 40.
- Jan De Nul Group est actif dans la fonction de dragueur, d’expert off-shore, d’entrepreneur civil et de société environnementale (sic).