La Russie, ce miroir qu’on veut briser

Serge Van Cutsem

«  Lorsque le mensonge devient la norme, voir la vérité ailleurs devient une menace »

Peut-on encore raisonnablement donner tort à Vladimir Poutine lorsqu’il défend, au sein de son Conseil de sécurité du 10 juin 2025, les valeurs traditionnelles comme piliers de la souveraineté et de la cohésion sociale ? Poser la question honnêtement suffit à comprendre pourquoi une telle vision est aujourd’hui censurée presque systématiquement en Occident.

Lors de cette réunion télévisée, le président russe a appelé à résister fermement à l’agression idéologique occidentale, dénonçant une guerre de l’information visant à imposer des modèles culturels destructeurs sous couvert de modernité. Il a réaffirmé que les valeurs traditionnelles russes – famille, humanisme, unité historique, devoir de mémoire – étaient le socle de la civilisation russe. Cette posture est-elle extrême ? Pas du tout, et elle est même très largement partagée dans le monde non-occidental, y compris dans de nombreux pays démocratiques qui refusent la déconstruction systématique de leurs repères, car toutes ces valeurs n’ont rien d’anti-démocratiques.

C’est précisément pour cette raison que la Russie fait l’objet d’une censure totale dans les médias occidentaux car elle représente aujourd’hui un modèle alternatif intolérable pour les « Élites » occidentales.

Ce que l’Occident ne supporte pas, ce n’est pas tant ce que fait la Russie, mais ce qu’elle incarne : la preuve vivante qu’un autre modèle est possible. Dans un monde où l’on prétend que la famille est obsolète, que le genre est fluide, que les racines sont suspectes et que le passé doit être effacé et réécrit, voir un pays réaffirmer sa mémoire, sa foi, son patriotisme, et ses traditions est perçu comme une menace existentielle pour le projet occidental qui, faut-il le rappeler, n’est pas celui de la toute grande majorité des citoyens.

Si on empêche les peuples d’accéder à l’autre discours, ce n’est pas parce qu’il est faux, mais parce qu’il pourrait être jugé légitime, parce qu’il pourrait entraîner une identification spontanée : « tiens, ce qu’ils disent là-bas, c’est exactement ce qu’on ressent ici ». Et cela, les élites occidentales ne peuvent le tolérer, elles préfèrent préparer l’opinion à une guerre contre une puissance qu’elles ont préalablement diabolisée.

La soumission ne vient pas de la tradition, mais de sa destruction. Contrairement au narratif occidental dominant, ce n’est pas le respect des repères historiques, familiaux ou culturels qui opprime les peuples. C’est la perte de sens, l’isolement, la déconstruction de tout ce qui ancre l’individu dans une histoire, une géographie, une filière humaine. Quand tout est « déconstruit », il ne reste que des individus atomisés, interchangeables, dépendants de l’État ou des multinationales, exactement ce que vise le néolibéralisme dissimulé sous masque progressiste.

Le mécanisme permanent du narratif occidental c’est l’inversion accusatoire systématique :

  • Ils détruisent nos valeurs, mais accusent la Russie de barbarie.
  • Ils imposent une pensée unique, mais accusent la Russie de totalitarisme.
  • Ils censurent l’information, mais parlent de propagande russe.
  • Ils programment une guerre, mais affirment qu’ils protègent la paix.

Tout est là, et tout repose sur une chose : empêcher le contact à tout prix. Il ne faut pas que les peuples voient ce qui se passe vraiment à l’Est, il ne faut pas qu’ils puissent juger par eux-mêmes, il faut maintenir une peur irrationnelle. En fait, le rideau de fer militaire d’avant 1989 est devenu un rideau de fer médiatique, une déshumanisation de l’autre.

La guerre contre la Russie est avant tout une guerre contre la mémoire, contre l’identité, contre l’homme enraciné.

Ce qu’il faut comprendre en toute lucidité, c’est que la censure de la Russie n’est pas un effet secondaire de la guerre, c’est sa condition préalable, et il ne faut surtout pas croire que tout cela a débuté le 24 février 2022, les préliminaires sont largement antérieurs.

Et si finalement cette guerre devait éclater, ce ne serait pas le résultat d’une agression russe, mais l’aboutissement d’un processus de fabrication de l’ennemi, nécessaire pour masquer l’échec moral, spirituel et civilisationnel de l’Occident lui-même.

Ce n’est pas la Russie qu’ils veulent briser… mais notre capacité à reconnaître cet ancien reflet de ce que nous étions.

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