UNE RUE «EN MOINS»?

QUELLES POSSIBILITÉS DE CHANGEMENT FACE À LA RÉSISTANCE POPULAIRE

Dans une commune, quelque part en Belgique, les autorités publiques et certains citoyens défendent un projet de suppression de la voiture dans un tronçon d’accès à une place commerçante. Qu’en pensent commerçants et riverains? Souvent, ils attendent que «ça» change pour changer, tout en refusant par leur comportement d’amorcer ce changement. Formidable conservatisme qui ressort de ces propos, montrant à quel point les pratiques sont ancrées dans les mentalités. Levée de bouclier qui inquiète, tant elle est inversement proportionnelle à l’ampleur du changement proposé: un petit bout de rue piétonnisé. 

«Que pensez-vous du projet de remplacer la rue où les voitures passent par un piétonnier?» 

Coiffeuse: «pas grand-chose de bien. Ça va faire venir les petites crapules. Et puis ça empêchera les patrouilles de police de passer. Il manque déjà des places de parking. Les mentalités changent vous savez, mais je n’aime pas ce qui est radical».

Vendeuse: «Je ne suis ni pour ni contre. Mais il faut préserver le petit commerce. Les gens qui viennent chez moi et qui achètent du papier peint, comment vont-ils le prendre autrement qu’en voiture? Qu’on me prouve que ce sera mieux après alors. Les choses ne doivent pas se faire agressivement, et doucement».

marchand de presse: «Mauvais… j’ai pas le temps de parler de tout cela. Ça va ramener moins de clients, déjà maintenant certains font le tour deux/trois fois pour trouver une place. Et comment vont faire les vieilles personnes qui viennent en voiture ? Il n’y aura pas plus de convivialité ».

[Pendant que je parle avec le libraire, une cliente à la libraire: «Gad Elmaleh est avec la princesse Charlotte… » « Oui, tu sais… » ] « Mais oui, rendons la vie verte, des piétonniers, plus de vélos, c’est une aberration. Qu’on crée un zoo dans un parc et qu’ils aillent se réunir là, ça c’est bien».

Passant: «Le piétonnier c’est bien mais je ne vois pas l’intérêt. Pas beaucoup de gens le défendent car c’est changer les habitudes. Ça va changer le trajet, il y aura plus de gens qui feront le détour en passant par ma rue.» 

Passant: «En même temps on continue à faire des salons de l’auto… alors qu’est ce qu’on veut réellement? Il n’y a rien à faire, la voiture fait partie de notre paysage, est-ce qu’on peut changer tout cela. De toute façon, on ne fait que déplacer le problème. L’idéal absolu n’existe pas. Je ne peux que faire avec ce qu’il y a et je n’aime pas le radicalisme ».

Propos recueillis par A.P.

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