NOUVELLES TECHNOLOGIES ET TRANSITION NUMÉRIQUE, L’ILLUSION TECHNOCRATIQUE À LA LUMIÈRE DE LA 5G

« Le pire des catastrophismes n’est pas d’annoncer les catastrophes quand on pense qu’elles se préparent, mais bien de les laisser survenir par le seul fait qu’on ne les a pas prévues et, pire encore, qu’on s’est interdit de les prévoir. C’est pourquoi je classerais volontiers dans la catégorie des  »catastrophistes » les innombrables auteurs qui s’emploient à rassurer l’opinion, sans mettre en cause le système mondial, sa dynamique et son évolution ».

François Partant, La ligne d’horizon, essai sur l’après-développement.

« Si nous voulons empêcher une catastrophe mondiale, nous devons sans délai opter pour une action radicale, et agir vraiment, cette fois. Mais je ne pense pas que nous soyons prêts à le faire. Je pense que nous sommes foutus ».

Stephen Emmott, 10 Milliards.

« Nos dirigeants sont, en général, ceux qui ont le mieux intériorisé les objectifs du système et, par conséquent, sont immunisés contre les arguments et les preuves qui pourraient le remettre en question »(1)

Clive Hamilton, Requiem pour l’espèce humaine.

PRÉAMBULE

Les multiples signaux que nous envoie la nature ainsi que l’état général de la vie et de la Terre qui l’accueille nous indiquent que nous sommes dans une période qui se caractérise par un risque inédit de disparition à grande échelle de l’espèce humaine. « Après une décennie marquée par la quasi absence d’actions concrètes, même en retenant les hypothèses les plus optimistes concernant la probabilité que le monde prenne les mesures nécessaires, et même en supposant qu’il n’y ait rien que nous « ignorions ignorer », un changement climatique aux conséquences dramatiques est à peu près certain »(2). Les preuves sont sous nos yeux : nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces et la première causée par l’homme, la précédente, l’extinction Crétacé-Tertiaire, s’étant caractérisée par une disparition massive des animaux et des végétaux, notamment les dinosaures, il y a 66 millions d’années ; « le littoral arctique recule de 30 mètres par an dans des régions comme la mer de Laptev et la mer de Beaufort. Le Groenland et l’Antarctique perdent actuellement près de 475 milliards de tonnes de glace chaque année dans l’Océan (…) La fonte des glaces résultant de nos activités entraîne le rejet de quantités considérables de méthane contenues dans l’océan Arctique »(3) ; etc., etc.

« Une hausse supérieure [de 2° de la température moyenne] entraînerait le risque d’un changement climatique catastrophique menant très certainement à des « points de non-retour » irréversibles, causés par des phénomènes tels que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, le rejet du méthane emmagasiné dans le permafrost arctique ou encore le dépérissement de la forêt amazonienne »(4). Toutes les études montrent pourtant que nous dépasserons les 2°. « Il est fort probable que la hausse sera de l’ordre de 4°C – et il n’est pas exclu qu’elle atteigne 6°C. Une hausse de 4 à 6°C de la température mondiale serait dramatique. Elle mènerait à un changement climatique hors de tout contrôle, capable de faire basculer la planète dans un état radicalement différent. La Terre deviendrait un enfer »(5). « Les chiffres montrent que même une action rapide et durable au niveau mondial ne nous permettra probablement pas d’empêcher la température de la Terre de croître d’au moins 3°. La fonte des glaces du Groenland aboutira à une augmentation du niveau des mers d’environ 7 mètres, redessinant de façon spectaculaire la géographie de la planète »(6). La barrière de corail ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, la désertification gagne partout du terrain, chaque jour des centaines d’hectares sont déforestés, des espèces disparaissent à jamais.

Au niveau social, tout est à l’avenant, jamais la misère n’a été aussi répandue : ici, au « Nord », dans les foyers qui survivent ; dans nos rues, avec les SDF, laissés-pour-compte de la mondialisation, qui meurent seuls alors que des milliards ne passent jamais par les caisses de l’État, filant directement vers les paradis fiscaux et que huit personnes possèdent plus que la moitié de l’humanité. Plus loin, dans les pays qui ne nous intéressent que parce qu’ils recèlent de matières qui permettent la continuité de nos modes de vie « non négociables », où nous plaçons dictateurs et autres despotes qui assureront nos importations et, pour ceux qui se rebifferaient et tenteraient l’indépendance, nous leur enverrons nos troupes au nom des Droits de l’homme et autres valeurs pétries d’altruisme.

LA FUITE EN AVANT ALORS QU’IL Y A URGENCE

Soit, nous connaissons ces chiffres, ces faits, ces images que les médias de masses nous passent avec fréquence, entre deux pages de publicités, imposant cette double dimension schizophrénique changement/continuité, qui finit par éroder notre moral(7). Mais alors que cette connaissance devrait nous enjoindre de tout faire pour ne plus jouer le jeu, coupant nos télés et recréant des agoras partout pour réfléchir au futur, dans un contexte d’État d’urgence écologique révélant bien plus de pertinence que les gesticulations anti-terroristes des gouvernements, les technocrates nous assurent le « changement dans la continuité(8) », en promettant la transition énergétique et la révolution numérique, censées nous libérer du fardeau du travail et assurant une meilleure communication entre les hommes. Comme l’explique Clive Hamilton, « Les meilleurs climatologues du monde font aujourd’hui monter le signal d’alarme à un niveau sonore assourdissant, car le délai pour agir a pratiquement expiré, et pourtant, tout se passe comme si ce signal était inaudible à l’oreille humaine ».(9)

Un des miracles de cette « transition » serait notamment la 5G, une technologie venant après la 4G et qui permettra d’atteindre des débits en terme de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde. Et comme le vent, la pluie et les marées, il ne sera pas question de questionner, sauf sous la forme habituelle du spectacle, où tout est déjà écrit mais où l’on nous fait croire dans les possibilités d’influer sur la trame du récit : l’option du refus n’est pas prévue, on fera donc tout (à renfort de propagande publicitaire dans les rues, à la télévision, la radio, dans les journaux) pour que vous ayez l’impression de le vouloir, d’exprimer votre moi profond quand vous demanderez la 5G. En septembre 2018, Qualcomm, entreprise américaine active dans le domaine de la technologie mobile (Chiffre d’affaires 25,3 milliards de dollars(10)), n’affichait-elle pas dans Tout Bruxelles, sur les supports propriété de l’entreprise JC Decaux, le message : « La 5G va créer de nombreux emplois. Et notre travail, c’est de créer la 5G ». Dès lors, plus besoin de vrais débats contradictoires. Opérateurs téléphoniques, politiciens, médias, comité mis en place par la Ministre bruxelloise de l’environnement, tous sont acquis à la 5G, certains émettant des doutes affectés, d’autres marquant leur assurance, mais tous convaincus de ce qu’il faut atteindre. Notre chaîne nationale, la RTBF, éprise de cette croyance arbitraire et illusoire qu’« on n’arrête pas le progrès », illustrant sous l’argument de la nécessité l’injonction de l’histoire qui s’écrit seule : « Mais il y a un timing à respecter. La Commission européenne veut que chaque État membre, (et ça vaut aussi pour la Belgique) dispose d’une couverture 5G dans, au moins, une ville pour 2020. Et en 2025, ce sera l’ensemble des zones urbaines qui devront disposer d’une couverture 5G. Y compris les grands axes routiers. On est vraiment dans la dernière ligne droite »(11), avant le mur…

À ce niveau, un extraterrestre débarqué sur la Terre ne serait pas convaincu par tout ce que nous venons de dire, car nous n’avons encore rien dit sur la 5G. Au fait des risques de disparition de notre civilisation, dont il a pris connaissance ici, s’il est un tant soit peu lucide et sain d’esprit, il doit se dire que la 5G est sans doute quelque chose de formidable, un antidote en quelque sorte, ce remède qui nous permettra de nous en sortir. Nous n’osons pas lui expliquer ce qu’apportera réellement à l’homme cette innovation, tellement nous sommes proches du néant : « Avec la 5G, les utilisateurs devraient pouvoir télécharger un film haute définition en moins d’une seconde (tâche qui peut prendre 10 minutes en 4G). Et les ingénieurs sans fil affirment que ces réseaux vont également stimuler le développement d’autres nouvelles technologies, telles que les véhicules autonomes, la réalité virtuelle et l’Internet des objets »(12).

En somme, nous devrions toujours évaluer la nouveauté à l’aune de cette question que posait George Orwell : « Cela me rend-il plus ou moins humain ? ». Si nous pouvons montrer tout ce que cette technologie ôtera à l’homme, il est impossible de dire ce qu’elle lui apportera, alors qu’une grande partie n’a déjà rien, et qui le rendra plus humain, c’est-à-dire capable de vivre pleinement en harmonie avec la nature, de se contenter du minimum, de saisir et comprendre ce qu’il vit, de se rapprocher des autres sans chercher à avoir plus. Qu’y a‑t-il d’humain à télécharger un film en moins d’une seconde ?

LA CROISSANCE, ENCORE ET TOUJOURS

Le seul et unique leitmotiv, toujours : la croissance, signifiant toujours plus de produits issus de l’exploitation de la terre et des hommes du « Sud », venant par avions, camions, supertankers : « L’association entre croissance économique et progrès est si profondément ancrée dans les modes de pensée – qu’ils soient progressistes ou conservateurs, elle est défendue avec tant de vigueur, qu’elle ne peut être fondée que sur un lien empirique banal entre augmentation de la consommation matérielle et augmentation du bonheur d’un pays »(13). Dominique Leroy, grande patronne de l’opérateur de téléphonie Proximus (entreprise publique classée en bourse, l’État étant actionnaire principal) n’allait-elle pas dans ce sens déjà en 2015, lorsqu’invitée au Parlement pour une « audition sur la future politique de Proximus », elle reviendra avec cette litanie du « retard »:

« L’Europe est actuellement à la traîne par rapport à l’Amérique et à l’Asie en matière de développements technologiques et de niveau des investissements dans les TIC. Cette baisse [de la croissance, en Europe, des revenus provenant de l’activité numérique] est due principalement à la législation trop stricte, qui entrave l’innovation »(14). L’argumentation est toujours identique : on se compare à l’autre et on en déduit qu’il faut aller plus vite(15). Ensuite, on identifie les causes du retard (« des normes trop strictes ») et on fait pression (lobby, propagande médiatique, distributions d’« avantages » divers, mise en place de comités adoubés par les gouvernements…). Dans ce processus, la nécessité économique fait loi : « Bien que les niveaux de prix soient importants, il faut investir en permanence au profit de l’économie numérique (…) Ce n’est qu’en investissant et en innovant qu’il est possible de générer une croissance ».

Jamais le bien commun ni l’environnement ne sont ainsi invoqués comme principes supérieurs(16). Et ce n’est que logique, car on ne peut assurer en même temps la croissance économique et le bien commun. L’élément qui domine tout, c’est le principe de croissance, donc de profit, le reste devant suivre obligatoirement : « Le déploiement de la 5G nécessite une densification du réseau, c’est-à-dire que concrètement, des antennes supplémentaires doivent être installées ». Nous ne sommes plus dans le domaine des propositions qui devront être soupesées ultérieurement lors d’un débat démocratique, mais dans celui de l’ordre, où la réalité n’aura qu’à s’adapter : « L’innovation, surtout l’Internet des objets (“Internet-of-things”), y compris dans le domaine de la mobilité et de la cybersécurité, va radicalement modifier le paysage des télécoms. » Le paysage est pensé, il ne reste plus qu’à trouver les peintres. Il faut toutefois persuader les sujets que les peintres ne s’affairent que pour eux et constamment assurer le spectacle du bien commun en recourant aux professionnels de la communication : « La mission de Proximus est de maintenir les personnes en permanence en contact avec le monde de manière à ce qu’elles puissent vivre mieux et travailler plus intelligemment ».

PRÉPARER LE SUJET

11 septembre 2018 : « Le comité stratégique a officiellement remis mardi au Premier ministre Charles Michel, lors d’une cérémonie en grandes pompes, organisée dans le musée rénové de l’Afrique à Tervuren, le Pacte National pour les Investissements Stratégiques (PNIS)(17), un plan qui pèse 150 milliards de projets à l’horizon 2030(18) ». Ce plan stratégique s’articule principalement autour des investissements indispensables si la Belgique veut « emprunter le TGV numérique » (sic). À propos du comité stratégique, Charles Michel parlera d’« un panel d’experts apolitiques » qui fera des « propositions concrètes aux différents gouvernements du pays ». Le premier ministre joue le jeu de l’unité, celui où s’exprimerait d’emblée le bien commun, occultant tous les intérêts patronaux : « Quand on parle de transition énergétique ou de mobilité, on parle aux onze millions de Belges ». Certes, c’est pour notre bien à tous, mais sous aucun prétexte nous ne pourrions le refuser : « Les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, vont modifier radicalement toutes les facettes de notre vie et de notre travail, ainsi que l’ensemble de la société. La révolution numérique est à la fois un facteur de disruption et un moteur de croissance pour notre économie»(19). Sur le fait de « mettre ensemble décideurs privés et publics » avec « des budgets des différentes entités du pays, avec l’aval des parlements, et du secteur privé », le fils de Louis ne s’expliquera pas, cette brutale conversion du privé subitement oublieux du retour sur investissement, désormais soucieux du seul bien des « 11 millions de Belges », étant pour le moins étonnante.(20)

Cinq secteurs bénéficieront de cet « eldorado » : mobilité, énergie, enseignement, télécoms et santé. Votre bien-être comme mesure de toute chose, le complexe médiatico-politico-patronal fera tout pour vous en convaincre, en commençant par vous présenter tout ce qu’on perdrait si ça n’avait pas lieu : « Sans lui, ce serait une perte de prospérité de l’ordre de 50 milliards d’euros ». Ce sera « au bénéfice de tout le monde, et d’abord, de nos citoyens »(21), répète Charles Michel, si nous ne l’avions pas compris. Ces citoyens, gavés par la propagande médiatique pendant des années, sur le « retard compétitif », « le risque de perdre des milliards et des avantages personnels inédits », seront prêts à accepter cette « innovation », ne percevant plus au moment voulu ce qu’on leur propose, et c’est encore mieux s’ils le demandent, comme ce qu’on leur impose. 

On a pourtant du mal à saisir pourquoi né d’une volonté de bien commun, on retrouve dans le comité stratégique le seul milieu patronal: Michel Delbaere qui en est le Président, est CEO de Crop’s (production et vente de légumes, fruits et repas surgelés) et ancien patron du Voka, mais aussi, parmi d’autres multiples fonctions, président de Sioen Industries ; Dominique Leroy, CEO de Proximus ; Marc Raisière, CEO de Belfius ; Michèle Sioen, CEO de Sioen Industries (leader mondial du marché des textiles techniques enduits et des vêtements de protection de haute qualité.), ancienne présidente de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), manager néerlandophone de l’année 2017, accessoirement impliquée dans le Luxleak ; le baron Jean Stéphenne, bien implanté dans les milieux universitaires et politiques, comme ses autres acolytes, ancien vice-président et manager général de la multinationale pharmaceutique GlaxoSmithKline Biologicals, mais aussi président du CA de Nanocyl, spin off des universités de Liège et Namur, spécialisée dans les nanotubes de carbone (batteries, voitures, électronique…) ; Pieter Timmermans, administrateur de la FEB. Tous ces individus se connaissent, fréquentent les décideurs politiques, étant ceux qui réellement transmettent les intérêts patronaux aux politiciens qui les transforment en décisions politiques, les électeurs étant encore persuadés que c’est eux qui décident. Ils seront là pour vous convaincre, à l’instar de Marc Raisière, le banquier, qui nous mettra en garde, en nous disant « si nous ne réalisons pas ces investissements, ce sont les générations futures qui en seront les victimes, qui en supporteront les conséquences(22) Tout cela « est véritablement réaliste », pour Dominique Leroy, CEO de Proximus, grisée par les valeurs d’égalité et de justice. 

Tellement « réaliste », que le rapport du comité d’experts sur la 5G mis en place par la ministre bruxelloise de l’environnement conclura : « Un frein important aux nouvelles installations est l’opposition d’une certaine partie du public. Il est donc nécessaire de continuer d’informer et éduquer le public de façon objective, et de dépassionner le débat autant que possible ». Censés faire un rapport impartial visant normalement la protection de la population, les membres du comité, dont de nombreux scientifiques, recommanderont de « dépassionner le débat », pour réduire « l’opposition d’une certaine partie du public » et faire disparaître « le frein aux nouvelles installations ». La solution donc : nous éduquer et nous informer. On compte sur eux.

À QUI PROFITE LE CRIME ?

Si l’intérêt public des innovations technologiques n’est jamais vraiment questionné chez ceux qui ont la responsabilité de les mettre en œuvre, c’est que les réponses à ces questions révéleraient que, au-delà des questions de santé, d’égalité ou d’environnement, l’initiative de ces projets émane de minorités qui en tireront seules les bénéfices : capitaines d’industries et patrons d’entreprises publiques, dont les choix économiques sont mis en place par des serviteurs politiques zélés qui en tireront, eux et parfois leurs proches, un jour ou l’autre, un avantage légal ou occulte, mais toujours illégitime et indécent.

À qui profite dès lors le déploiement de technologies comme la 5G ? Au-delà de toutes les considérations techniques qu’on nous vend comme un progrès, le véritable intérêt, celui qui fonctionne comme moteur, objectif visé de toutes choses, demeure l’appât du gain. Sans celui-ci, il y a de fortes probabilités que personne n’aurait entendu parler de la 5G, aucune recherche scientifique n’aurait été lancée, ni publicités pour « préparer » le sujet. Il est dès lors évident que ceux qui escomptent s’enrichir un peu plus ne prôneront pas le principe de précaution, car ils savent à ce moment que les risques environnementaux, sociaux, sanitaires, rentreraient en contradiction avec l’intérêt supérieur de la finance… Ceux qui recueilleront les fruits de la croissance savent en outre qu’elle a avec elle l’ensemble de la classe politique, parti Ecolo inclus : « Prenant acte du fait que le culte de la croissance constituait un obstacle immuable à toute action concernant le climat, les écologistes ont vite capitulé et affirment à présent que l’on peut avoir le meilleur de chacun des deux mondes, à savoir tout à la fois une atmosphère saine et une croissance économique solide, et qu’en vérité promouvoir les énergies renouvelables pour remplacer les énergies fossiles pourrait accélérer la croissance économique »(23). Les alliances entre libéraux et écolos aux dernières élections communales belges étant là pour encore étayer ce constat. Il n’y a en effet plus une officine écolo sans son responsable en transition énergétique ou son conseiller numérique. Et pour ceux conscients que la transition est une chimère mais qu’elle sert provisoirement à assurer la croissance de leur capital, ils veilleront bien à se protéger des objets qu’ils promeuvent pour les autres, comme les patrons de la Silicon Valley mettent leurs enfants dans des écoles Waldorf sans écrans ni tablettes. Les zélateurs de la 5G vivront ainsi dans des zones décontaminées des ondes, se mettant eux et leurs enfants à l’abri des pollutions qu’ils encouragent.

Penser les fondements à la source de toute création apporte donc une certaine lucidité et évite dans un premier temps certaines considérations : pas besoin ici de parler d’environnement, de santé, de biens communs… il suffit de vérifier si la religion de la croissance primait sur tout le reste dès le départ. Si on parvient à le démontrer, la conclusion arrive d’elle-même : le désir de croissance économique dans une société capitaliste où l’enrichissement repose sur un processus d’exploitation, ne s’accorde jamais avec le respect de la nature, la justice sociale, le bien commun et l’intérêt de tous. L’esprit de lucre ne profite toujours qu’à une minorité et ne peut se concilier avec le souci de la vie. Ce qui suit illustre les vrais intérêts de la 5G.

LE CRÉDIT DE LA « SCIENCE »

En Belgique, les opérateurs (Proximus, Orange, Telenet) et leurs actionnaires, « doivent » pouvoir compter sur le déploiement technologique, ils ont donc obligatoirement besoin de l’État pour assouplir des « normes trop strictes » et ultérieurement assurer la mise en œuvre des infrastructures nécessaires sur tout le territoire. Mais ceci ne peut se faire, comme on l’a montré, sans feindre le processus démocratique parlementaire ; préparer la population (lui vendre le produit avant qu’il soit là) ; mais aussi apporter le crédit de la science, que le recours aux experts scientifiques leur fournira. La ministre bruxelloise du Logement, de la Qualité de vie, de l’Environnement et de l’Énergie, Céline Fremault, mettra donc dès 2015 sur pied un comité d’experts « indépendants ».

Mais arrêtons-nous un instant sur les opérateurs télécom, dont nous ne décrirons que Proximus, entreprise « publique » cotée en bourse. Depuis janvier 2014, Dominique Leroy y est administratrice déléguée et présidente de son comité exécutif. Avant cette fonction, qui lui rapporte la bagatelle de 936.903€ (chiffre de 2017, l’équivalent de 78.075,25€/mois), Dominique Leroy a travaillé 24 ans chez Unilever, siégeant au comité de direction de Unilever Benelux(24). Elle est aux Conseils d’Administration de BICS et Be-Mobile et présidente du conseil consultatif international de la Solvay Business School, membre indépendant du Conseil d’Administration de Lotus Bakeries et d’Ahold Delhaize. On sait que les grands partis se partagent les postes d’administrateurs dans les plus importantes entreprises publiques : Loterie nationale, SNCB, Proximus, Vivaqua, sans parler des intercommunales (Publifin en offrant un parfait exemple). On retrouve ainsi Stefaan De Clerck chez Proximus, lui qui a été député de 1990 à 2013 au Parlement fédéral, ministre à deux reprises et bourgmestre pendant 11 ans à la ville de Courtrai(25). Cette expérience politique n’aura pas été vaine et l’aidera à franchir les portes de l’entreprise où il porte de multiples casquettes : il préside le Conseil d’Administration, est président de la Commission Paritaire, du Fonds de Pension et de Proximus Art ASBL, administrateur de la Proximus Foundation et de ConnectImmo. On le retrouve ailleurs, comme membre de l’Orientation Council d’Euronext, du Comité Stratégique de la FEB, du Conseil d’Administration de Voka, de la BBR (Benelux Business Roundtable), du Advisory Board de KPMG et membre du Bureau de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Pourquoi Stefaan De Clerck trouverait-il dès lors excessif de toucher 270.000€ d’indemnités parlementaires, lorsqu’il quittera le Parlement pour Belgacom(26). N’est-ce pas Proximus qui, il y a peu, affichait partout « Faites place à l’illimité » ?

On retrouve encore au CA l’ancien Commissaire européen au Commerce, ministre belge des Affaires étrangères (2004–2009), vice-Premier ministre (2008–2009) et commissaire européen à la Coopération internationale, à l’Aide humanitaire et à la Réaction aux crises (2009–2010), Karel De Gucht, qui est aussi professeur à la VUB, Président de l’IES (Institute of European Studies), membre du Conseil consultatif de CVC Capital et siège au Conseil d’Administration d’ArcelorMittal SA et de Merit Capital NV. Les autres viennent ou sont passés par la holding belge Ackermans & van Haaren, sont administrateurs de Pairi Daiza, BSB et Guberna (Pierre Demuelenaere) ; de Liquavista (société technologique spécialisée dans la création d’écrans) Philips, KPN, Kroymans Corporation BV, Tom Tom, etc. (Guido J.M. Demuynck) ; de Alcatel-Lucent, directeur associé de Qbic Fund (un fond inter-universitaire qui s’occupe de transformer des découvertes technologiques en business durable), Barco, Caliopa, une start-up spécialisée en photonique sur silicium (Martin De Prycker) ; de McKinsey & Co, Cockerill-Sambre, ABX Logistics, Aviapartner, bpost, FN Herstal, Investsud (Laurent Levaux) ; Schneider Electric (spécialiste mondial de la gestion de l’énergie et des automatismes), Colt Technology Services (l’un des principaux fournisseurs télécoms paneuropéens), BT Global Services, McKinsey, où l’administratrice actuelle de Proximus s’est spécialisée dans la stratégie de croissance technologique et télécom au service d’importantes multinationales (Tanuja Randery) ; CEO d’Act III Consultants (cabinet de conseil dédié aux transformations numériques), ancienne PDG de Vivendi Universal Publishing, McKinsey, Darty Plc et Neopost SA, CA de The French-American Foundation, The Women’s Forum et de l’IDATE (Agnès Touraine) ; Chief Financial Officer d’Elia, comité de direction d’APX-ENDEX, Coopers & Lybrand, Contassur (Catherine Vandenborre) ; imec ; Technology and Strategy Committee d’ASML, spécialiste des nanotechnologies (Luc Van den hove) ; GIMV, Sidmar (Arcelor-Mittal), Sunparks (division de Sunair), Greenbridge Incubator (université de Gand) et du Scientific Investment Board (université de Bruxelles), bpost, Five Financial Solutions (corporate finance), membre du conseil consultatif de plusieurs start-ups high-tech (Paul Van de Perre) ; membre de la commission de budget, du comité de rémunération, du conseil de régence de la Banque nationale de Belgique, présidente du conseil d’administration de bpost, administratrice de Belgacom sa ; administratrice de Invest Mons-Borinage-Centre IMBC ; membre du comité d’audit du FOREM, Chief Financial et Accounting Officer chez bpost, Membre du CA de Ethias DC, professeur de gestion et d’analyse financière à l’université de Mons-Hainaut (Martine Durez) ; la dernière, Isabelle Santens, apporte la touche « mode » au CA, étant Managing Director d’Andres NV, une société de mode belge concevant, produisant et distribuant les marques de vêtements pour femmes Xandres, Xandres xLine et Hampton Bays(27).

On aura trouvé cette description un peu longue, mais elle est essentielle pour comprendre qui commande et prendra les décisions qui impacteront le social et la nature durablement. Car, poussés par cette équipe de technophiles liés à des multinationales, des fonds d’investissement, des universités, des banques, des entreprises publiques…, Dominique Leroy et Stefaan De Clerck iront présenter leur vision stratégique lors de l’« audition sur la future politique de Proximus », devant un parterre de parlementaires enthousiastes. Ce sont ces administrateurs, choisis par le Conseil des ministres pour représenter les différents partis, qui décideront des principales orientations de Proximus dans le dessein principal de ne pas nuire aux actionnaires. Ainsi, c’est le Conseil d’administration qui décidera du licenciement de 2.000 postes, alors que le ministre Charles Michel feindra d’être surpris, ayant pourtant placé ses acolytes dans l’antre de l’opérateur télécom, à l’instar des autres « grands » partis. Il faut en effet, avec le soutien indispensable des médias, simuler l’étonnement pour donner l’impression que tout cela n’est pas mûrement pensé et stratégiquement organisé par une élite politico-financière qui vise les mêmes objectifs. Du spectacle, toujours(28).

En somme, avez-vous perçu dans le panel des administrateurs de Proximus, un individu capable d’introduire ne fût-ce qu’un doute quant à la pertinence de déployer la 5G en Belgique ? N’y a‑t-il pas un patent conflit d’intérêt, dès lors que Proximus demeure une entreprise publique ? Comment par ailleurs assurer le bien commun dès lors que la patronne de Proximus touche 936.000€/an, Stefaan De Clerck pour avoir assisté à huit réunions du CA et onze des différents comités de Proximus, 186.244€, Karel De Gucht 72.000€(29) ; quand les jetons de présence au CA de Telenet tournent autour de 3.500€, avec des rémunérations fixes de 45.000€/an, 120.000€ pour le président du CA(30) ? ; que Yves Leterme, Patrick Dewael, Siegfried Bracke, pour ne citer qu’eux, ont facturé Telenet pour des conseils rendus, respectivement 55.000€, 82.000€, 66.000€(31) ?; que chez Orange, le PDG avait touché en 2016, 1,55 millions d’€(32) ? Peut-il encore y avoir dans de tels cas un souci du bien commun et une prééminence du principe de précaution ?

LE COMITÉ D’EXPERTS : LE RETOUR DE L’IMPARTIALITÉ ?

Devant cet étalage d’indécence, le recours à l’expertise scientifique allait pouvoir apporter des éléments et trancher quant à la décision à prendre. Mais c’était sans compter sur le fait que nous avions à nouveau affaire des convaincus avant l’heure — d’avoir à juger qui allait composer le jury…

C’est le 19 juin 2015 que le gouvernement bruxellois, sur proposition du cabinet de la ministre Fremault, en charge de l’environnement, approuve donc la composition du comité d’experts des radiations non-ionisantes. Si celui-ci est composé de neuf membres issus de plusieurs domaines (médical, scientifique, économique et technologique)(33), cette diversité occulte la réalité d’un comité globalement acquis à la cause technologique, les uns travaillant dans un secteur qui promeut la 5G, les autres étant directement liés aux opérateurs qui les financent. Ce groupe temporaire, dévolu à la tâche d’évaluer « de manière continue l’impact sur la santé des antennes de GSM », allait devoir non moins que statuer sur les normes de protection de la santé des Bruxellois.

« Pour assurer à long terme une protection satisfaisante des Bruxellois, ce comité d’experts est essentiel pour évaluer les effets des ondes électromagnétiques au regard des évolutions des technologies et des connaissances scientifiques, des impératifs économiques et de santé publique. »

Céline Fremault, ministre de l’Environnement

LA COMPOSITION DU COMITÉ

1. Trois membres avec une expertise scientifique sur les effets des radiations non-ionisantes sur la santé et/ou l’environnement :

- Isabelle Lagroye (IMS de Bordeaux, Bioélectromagnétisme) est française et membre de l’ICNIRP, la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants, dont « les expertises sont une référence internationale et servent de base à de nombreux pays occidentaux, dont la France, pour définir un seuil limite d’exposition aux ondes »(34). L’ICNIRP se présente comme une « commission scientifique indépendante pour promouvoir la protection contre les rayonnements non ionisants (RNI) dans l’intérêt de la population et de l’environnement »(35). Belle déclaration d’intention, mais il n’aurait pas été compliqué au Parlement et au Gouvernement bruxellois de découvrir les conflits d’intérêts passés de celle qui en est une des membres. Isabelle Lagroye finance en effet ses recherches avec l’argent de France Telecom, Alcatel, Bouygues telecom(36). Plus récemment, on découvre sur le site de l’OMS qu’elle réalise des études financées par EDF. Isabelle Lagroye est également membre de la Société Française de Radioprotection (SFRP), « dont les membres bienfaiteurs sont entre autres Areva, GDF-Suez, l’IRSN »(37), qui au départ s’évertuait à propager l’idée que le nucléaire est sans danger, et possède aujourd’hui une branche « rayonnements non-ionisants », qui continue le même travail de propagande. 

- Luc Verschaeve (Institut de Santé Publique, Departement Biomedische Wetenschappen), est président de la Belgian BioElectroMagnetics Group (BBEMG), qui sous l’onglet « Indépendance et intégrité scientifique », note, sans humour : « Dans la recherche scientifique, il est important de lutter contre la fraude et d’éviter les conflits d’intérêts. C’est d’autant plus important quand la recherche est subventionnée par l’industrie (sic). La meilleure façon de garantir la qualité des recherches et l’intégrité des chercheurs, même sous pression de performance (sic), réside dans le maintien d’une culture de recherche optimale dans laquelle l’observation d’un code éthique strict est primordiale ». Et quoi de plus efficace pour parer à ce risque d’une recherche scientifique au service de ceux qui la paient, que de se conformer au… « code d’éthique de la recherche scientifique en Belgique », et de s’assurer que « les chercheurs qui participent aux activités du BBEMG s’engagent à observer l’honnêteté scientifique complète ». Les lobbies tremblent. Nous voilà donc rassurés sur l’impartialité des recherches de BBEMG, « la collaboration avec Elia ne peut y exercer aucune influence » (…), « l’accord énonce clairement que les chercheurs bénéficient à tout moment d’une complète liberté scientifique et qu’ils sont totalement responsables des résultats de leurs recherches.»(38) Elia, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique qui représente au total plus de 8.600km de lignes et de câbles souterrains répartis sur l’ensemble du pays et emploie 1.300 personnes, voit assurément ce code d’éthique d’un bon œil, elle qui fait certainement passer la santé et le bien-être de la population avant ses intérêts financiers. Enfin, ce n’est peut-être pas l’avis des riverains de Woluwé-Saint-Lambert qui s’étaient mobilisés contre les dangers d’émissions électromagnétiques liés à des tranchées 150.000 volts mis en place par Elia. Ces derniers reprochaient notamment à la commune d’avoir accepté l’organisation d’une réunion d’information où Elia présente M. Verschaeve comme « expert indépendant », alors qu’ils voient en lui « cet énième contestataire d’alerte qui apparaît dans les médias ou les colloques afin de discréditer les alertes sanitaires sur les radiations »(39).

- Jacques Van Der Straeten ne semble pas l’objet de tels conflits d’intérêts d’une recherche dite au service de la population tout en étant financée par des opérateurs. Ce médecin adopte pourtant la position « intermédiaire », typique de l’expert « faux trublion » qui, devant la marche en avant du progrès « inéluctable », préconise la prudence individuelle, propre à nos sociétés libérales : d’un côté laissez-faire total aux multinationales qui produisent les objets nocifs, choix individuel de se protéger ou non (d’autant qu’on puisse le faire) de cette nocivité de l’autre. C’est le modèle du paquet de cigarettes et des photos morbides qui l’accompagnent, de ce double message paradoxal où l’on nous vend du poison tout en nous invitant à s’en protéger, si l’on veut, modèle qui exprime le rapport d’un État qui n’a plus prise sur le fonctionnement social, uniquement là pour garantir un contexte propice aux investissements et ajouter quelques touches de régulations palliatives pour conjurer les effets les plus visibles et empêcher un chaos total qui contreviendrait aux intérêts du capital. On laisse faire donc, après on verra : « Puisque l’usage du GSM est actuellement généralisé, une alternative aux études de type cas-témoins est l’analyse de l’évolution avec le temps de la prévalence des tumeurs cérébrales »(40). C’est ce qui s’appelle « prendre les gens pour des cobayes »(41).

2. Deux membres avec une expertise scientifique sur les propriétés des radiations non-ionisantes :

- Yves Rolain (VUB, Wireless Communications), président du comité mis en place par Fremault, est membre de IEEE, « the world’s largest technical professional organization dedicated to advancing technology for the benefit of humanity », dont « l’objectif principal est de promouvoir l’excellence et l’innovation technologique au bénéfice de l’humanité ». Le tableau de directeurs donne à lui seul une idée des motivations de ceux qui sont à la tête de l’organisation(42). L’IEEE qui organisera en octobre 2019, son 2ème forum sur la 5G (The 2019 IEEE 2nd 5G World Forum : « 5GWF’19 »), dont l’objectif est de mener des experts industriels, académiques et de la recherche à échanger leurs visions aussi bien que leurs avancées sur la 5G ». Alors, comme l’IEEE le titre : « Soyez partie prenante de la Collaboration Globale Créant la 5G pour le Bénéfice de la Société »(43). La messe est dite, les informations sur la 5G reprises sur le site ressemblant plus à une offre marketing qu’aux résultats d’une « recherche indépendante », certains « articles » ayant manqué leur publication dans un folder de Proximus, comme « Tout ce que vous devez savoir sur la 5G »(44). Yves Rolain recevra un prix de l’IEEE en 2004, 2010, 2011, et 2012. Ne croyez pourtant pas que cela puisse éroder son intégrité…

Doit-on pourtant s’étonner si dans le rapport 2016 du département Elec de la VUB, deux projets que mène Yves Rolain (un entre 2014 et 2019, l’autre depuis 2005), on trouve dans la case « montant », la note « Confidentiel », alors même qu’on ne stipule pas l’organisme donateur ?

- Véronique Beauvois (ULG, Applied and Computational electromagnetics), ingénieure civile électricien à l’ULiège, fait aussi partie du BBEMG dont le bailleur de fonds est Elia. Un entretien avec elle, publié dans un mémoire de fin d’études,(45) en dit long sur le rapport entre les deux entités :

« — Au niveau du BBEMG, comment fonctionne-t-il ?

Le groupe du BBEMG est maintenant financé par Elia. Des projets leur sont proposés et Elia peut accepter ou pas de les financer. Une fois le financement attribué, les chercheurs ont toute la liberté pour publier ».

Elle travaille à l’institut Montefiore, qui est en lien avec un ensemble de sociétés spin-offs, qui se définit comme « une nouvelle société créée à partir d’un laboratoire de recherche dont l’objectif est de valoriser commercialement un résultat de recherche (une technologie). Pour ce faire, la société spin-off est en principe liée à l’université par le biais d’un contrat de licence qui établit les conditions du transfert de la technologie du laboratoire vers la société »(46). Difficile d’être plus clair.

Parmi celles-ci :

- L’Association des Ingénieurs de Montefiore (AIM), où l’Université de Liège (Ulg) côtoie des sponsors comme Engie Electrabel, Lampiris, Euresis, Schneider Electric(47), Siemens, Sonaca, Tractebel ;

- Ampacimon, qui œuvre sur tous les continents pour optimiser le réseau, où l’on retrouve de nouveau comme partenaires, Elia mais encore Alstom (transport ferroviaire), Pôle Mecatech (regroupement de près de 250 acteurs industriels et académiques impliqués dans des projets communs de génie mécanique), Cigré (organisation mondiale dans le domaine de l’électricité à haute tension), etc. ;

- Taipro, concepteur de microsystèmes, avec des partenaires comme Technord (spécialisée dans le génie électrique, en intégrant les nouvelles technologies de l’industrie 4.0 pour « garantir une productivité et une flexibilité optimales des processus industriels de ses clients »), Guardis (systèmes d’information et sécurité informatique), Biion (automatisation et supervision de procédés industriels pharmaceutiques et biotechnologies), Safran (groupe international de haute technologie spécialisé dans l’aéronautique) ;

- Blacklight Analytics, qui lie les compétences informatiques aux systèmes énergétiques, travaillant notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Pas besoin de décrire les quatre autres « industries universitaires spin-offs », dès lors qu’on a compris que la recherche sert l’industrie, qui en retour récompense les chercheurs universitaires. De là à dire que la recherche est orientée, que les programmes se calquent sur les intérêts de l’industrie, c’est une évidence. Une scientifique de l’ULB que nous avons interviewée, nous disait(48) :

- L’université met des antennes sur ses toits, et reçoit de l’argent pour ce faire. Elle a mis le wifi partout, dans tous les auditoires et les lieux publics. Alors dire que cette technologie est nuisible, cela ne peut se faire!

Kairos: Est-ce que vous savez qu’il y a un contrat entre l’ULB et Huawei ?

- Oui je l’ai appris. Monsieur André Fauteux me l‘a envoyé, en me disant : « Vous connaissez ça sans doute Madame ? » — « Non », ai-je répondu. C’est un contrat pour installer la 5G.

Kairos: Vous voulez dire que l’université ne peut plus dire ce qu’elle veut dès lors qu’elle a des intérêts économiques avec des opérateurs et des producteurs de gsm ?

- Oui, c’est exactement ça. On ne peut pas dire que ces choses-là sont nuisibles.

Kairos: Est-ce qu’on vous l’a dit clairement ?

Quasi. Le doyen m’a dit : « Il y a du wifi ici Madame, et je ne sens rien », sous-entendu : c’est ce vous devez dire aussi.

Ce vivier d’acteurs universitaires, industriels et politiques qui s’agitent dans le domaine de la haute technologie constitue une garantie indispensable pour nos gouvernements qui se fixent l’unique objectif de la croissance et l’accumulation illimitée du capital. La santé, comme la nature, n’ont jamais aucune espèce d’importance face aux impératifs économiques.

3. Deux membres disposant d’une expertise scientifique concernant les besoins micro- et macro- économiques et sociaux en matière de télécommunications mobiles :

On est ici dans le domaine supra-social, celui où, après avoir reçu les rapports qu’ils attendaient des experts qu’ils avaient payés, les relais politiques, « pour le bien-être de la population », peuvent agir. 

- Laura Rebreanu, représentante patronale, membre de la chambre de commerce et de l’Union des entreprises de Bruxelles, ne cache pas son enthousiasme pour la technologie comme outil indispensable à la transition énergétique : « Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, la transition vers une société ’’bas carbone’’, limitant les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, devra être rapide et globale. Les compteurs intelligents sont indispensables pour y parvenir. »(49) On est sauvé ! Si on avait su, dès 1972, quand le Rapport Meadows alertait sur les risques inhérents à notre modèle de société si nous ne changions pas de cap, alors que la solution était là, devant nous, dans les compteurs communicants. « Entreprise résiliente », « stop au gaspi », « durable », « mobilité urbaine », « cocréation », la représentante patronale a adopté parfaitement ce vocabulaire de la novlangue qui assure ce « changement dans la continuité » où l’on se dote de nouveaux mots pour faire croire qu’on fait autre chose alors qu’on continue comme avant. Autre particularité de cette approche : il s’agit toujours d’encourager les nouvelles technologies et les bonnes habitudes individuelles, en veillant surtout à ne pas mettre en cause les plus grandes entreprises responsables du pillage de la planète.

- Walter Hecq, CEESE1/ULB, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management (SBS-EM), 75 ans, trône depuis des décennies dans toutes les commissions, et participe à quelques débats dont le thème nous met la puce à l’oreille.(50)

4. Deux membres disposant d’une expertise scientifique concernant les technologies de communication sans fil :

- Sophie Pollin (KUL, Telecommunications and Microwaves) a fait ses recherches de doctorat à l’Imec (Institut de Micro-Électronique et Composants). Après Santa Clara, Berkeley, elle rejoint le bercail et le « groupe sans-fil »(wireless group) à l’Imec de Louvain, où elle est depuis 2012 assistante-professeur. Dans son CV disponible sur le site de l’Imec, elle écrit : « L’Internet des objets promet de plus en plus de périphériques à connecter. Nous avons donc besoin de solutions qui s’adaptent parfaitement à la densité de nœuds, qui soient intelligentes, auto-apprenantes, hétérogènes. Le domaine complexe du sans-fil comprend des réseaux en essaim, des réseaux cellulaires LTE ainsi que de futurs réseaux de capteurs mobiles aériens. Beaucoup de défis intéressants et d’opportunités réunis! ».(51) Sophie Pollin a sans doute croisé dans les couloirs de l’Imec, Luc Van den hove, président et CEO de celle-ci, accessoirement membre du conseil d’administration de Proximus (Voir Supra). Rappelons tout de même que Sophie Pollin étant censée « évaluer les effets des ondes électromagnétiques », notamment en termes de santé, alors qu’elle est salariée d’une entreprise dont le leitmotiv est : « Le pouvoir de la technologie ne doit pas être sous-estimé. la technologie a le pouvoir d’améliorer des vies. C’est pourquoi nous repoussons les limites de la technologie »(52).

- David Erzeel travaille pour l’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT) qui réglemente ces deux matières. C’est l’IBPT qui, le 24 mars 2017 publie un communiqué de presse qui se félicite d’avoir « prolongé de 5 ans les droits d’utilisation de Broadband Belgium dans la bande de fréquences 3,5GHz (…) bande de fréquences 3,5GHz en question [qui] fait partie de la bande de fréquences 3,4–3,8GHz, désignée par le « Radio Spectrum Policy Group » européen dans son avis du 9 novembre 2016 comme la principale bande de fréquences, avec les bandes de fréquences 700MHz et 26GHz, pour introduire la technologie mobile 5G en Europe ». Pas étonnant dès lors que « l’IBPT doit promouvoir l’introduction de la 5G en Belgique. Il s’agit en effet de l’intérêt du consommateur et du fonctionnement du marché interne pour les communications électroniques »(53). L’ancien président de l’IBPT, Luc Hindryckx, est devenu lobbyiste à l’ECTA (European Competitive Telecommunications Association), organisme associé à de nombreux opérateurs. Ce n’est pas une exception, les anciens leaders de l’IBPT empruntant fréquemment les revolving doors entre public et privé (Belgacom, FranceTelecom, KPN Orange, etc.). Quand on sait que les hautes fonctions vont et viennent de Proximus, Orange et les autres grands opérateurs, on comprend pour qui travaille l’IBPT.

Que peut-on dire à ces êtres dépourvus d’intérêts égoïstes qui mettent tout en œuvre pour assurer notre avenir et celui de tous les êtres vivants, si ce n’est « merci » ?

LA SCIENCE, FER DE LANCE DU CAPITALISME

La science et ses temples universitaires ont dédié une partie de leurs activités au développement technologique, lequel est indispensable au profit des multinationales et participe au pillage de la planète. Parmi tous les exemples, Proximus, l’ULB (Université libre de Bruxelles) et la VUB (Vrije universiteit van België) ont signé à Pékin en juin 2015 « un accord technologique avec Huawei », Huawei qui « fournira l’infrastructure 5G pour le ’’campus du futur’’ à Bruxelles »(54). S’il ne semble même pas contradictoire d’associer un opérateur et une multinationale à des universités censées indépendantes, c’est que ces dernières ne le sont plus du tout. En France, exemple parmi d’autres, l’IMS, laboratoire de l’intégration du matériau au système rattaché au CNRS, « s’attache à mettre au point cette puce « miracle » qui doit tenir, à terme, sur une tête d’épingle. Une création qui n’est cependant rendue possible que grâce au partenariat liant un laboratoire de l’IMS au géant des puces électroniques STMicroelectronics »(55). Peu importe qu’il faille « environ 72 litres d’eau pour produire l’une de ces petites puces qui font fonctionner ordinateurs portables, GPS, téléphones, iPads, téléviseurs, appareils photos, micro-ondes et voitures. En 2012, sans doute près de 3 milliards de puces ont été produites. Cela représente près de 200 milliards de litres d’eau. Pour des puces semi-conductrices »(56).

Le vœu de Céline Frémault est donc pieux, lorsqu’elle délègue à son comité le soin d’évaluer les ondes électromagnétiques « au regard des évolutions des technologies et des connaissances scientifiques, des impératifs économiques et de santé publique ». C’est une pure aporie que de mettre dans une même phrase les « impératifs économiques » et les questions de santé : il n’y a pas de santé dès lors qu’on introduit la compétitivité et la croissance. Ce n’est donc pas l’évaluation du comité Fremault qui allait venir déterminer le déploiement de la 5G, mais la décision déjà prise par les multinationales de le faire, soutenues par les élites politiques, qui allait déterminer la position d’un panel scientifique avalisant ce qu’il fallait avaliser. Pour faire court, Céline Fremault, comme les autres, est une exécutante. La technocratie dicte donc ses choix aux politiques qui ne peuvent toutefois les accepter sans feindre le processus démocratique. Le politique met donc en place un comité d’experts afin de donner l’illusion d’une décision impartiale, mais choisit des membres déjà acquis à la cause.

Dès 2010 en effet, la Commission européenne fixait ses objectifs dans le « Plan numérique 2010 », qui aboutira en 2016 à définir « un plan d’action pour la 5G en Europe », titrant sans vergogne son premier paragraphe « le déploiement rapide de la 5G : une opportunité stratégique pour l’Europe ». On peut aussi y lire que déjà « en 2013(57)la Commission a lancé un partenariat public-privé (PPP-5G) doté de 700 millions d’€ de financement public, dans le but de garantir la disponibilité de la technologie 5G en Europe d’ici à 2020. Cependant, les efforts de recherche ne suffiront pas à eux seuls pour assurer à l’Europe un rôle de premier plan dans le domaine de la 5G. Il faut mener une action plus large pour que la 5G et les services qui en découlent deviennent une réalité, notamment pour l’émergence d’un «marché domestique» européen pour la 5G ». Il était dès lors déjà évident qu’aucun débat public ne pourrait avoir lieu, bien avant déjà les déclarations d’intention de déploiement de la 5G, et, surtout, qu’aucune opposition ne pourrait se faire entendre.

Pendant que la presse vante à tort et à travers les « avantages indéniables de la 5G », sans jamais exprimer le moindre doute, les tractations politiques se font donc dans une étonnante discrétion. Est-ce surprenant quand on sait que les médias appartiennent à des grands groupes financiers qui ont des intérêts multiples et variés, notamment dans les nouvelles technologies. D’autres instances pourtant, soulignent le danger. Dans sa résolution 1815 datée de 2011, le Parlement européen énonce au point 6 : « Attendre d’avoir des preuves scientifiques et cliniques solides avant d’intervenir pour prévenir des risques bien connus peut entraîner des coûts sanitaires et économiques très élevés, comme dans le cas de l’amiante, de l’essence au plomb ou du tabac ». Rien n’y fera, la chose étant économiquement trop importante, entendez « primordiale pour assurer la continuité de l’enrichissement des plus riches et une forme de contrôle totalitaire(58) ». Il est évidemment primordial de laisser le jeu se faire dès lors qu’en situation de crise profonde et de métamorphose du système capitaliste, la seule possibilité d’assurer sa durabilité se retrouve dans la fuite en avant technologique. De ce fait, les discours « verts » et les arguments en termes de progrès social des décideurs (politiciens et patronat confondus) occultent la manne que représente la transition technologique.

COMITÉ FREMAULT : CITER LES RÉSULTATS INQUIÉTANTS POUR MIEUX LES BALAYER

Le rapport du comité Fremault illustre cette réalité, où le doute ne profite qu’aux bénéficiaires de l’« impératif économique », offrant un florilège d’assertions/contre-assertions, où d’un côté ils citent les résultats « préoccupants » des recherches scientifiques, pour de l’autre mieux ne pas s’en préoccuper, et les évacuer :

- « Cette décision a été prise par la majorité des experts concernés, sur la base de plusieurs études démontrant un risque accru de gliomes chez les utilisateurs de téléphones mobiles. Il n’y a toutefois aucune certitude et des études récentes tendent à prouver plutôt que le lien entre l’exposition et les gliomes diminue au lieu d’augmenter ».

- « Pour l’heure, il est toutefois trop tôt pour se prononcer définitivement étant donné que de nombreux cancers mettent des années à se déclarer et que l’utilisation du téléphone mobile est encore trop récente à ce stade (sic). Les indices sont encore moins nombreux en ce qui concerne les tumeurs cérébrales ou les autres cancers de la tête et du cou… La seule étude (sic) qui portait sur la téléphonie mobile et les tumeurs cérébrales chez les enfants et les adolescents n’a démontré aucun effet ».

- « Des études portant sur des effets potentiellement génétiques (pouvant avoir un lien indirect avec un cancer) n’ont pas débouché sur des effets évidents. Des effets alarmants ont été rapportés mais uniquement dans le cadre d’études dont la qualité peut être remise en question. Les indications sont également insuffisantes pour d’autres effets potentiels pouvant avoir, dans une certaine mesure, un lien avec le cancer ».

- « Des effets immunologiques ont été constatés, mais à ce jour, la pertinence biologique de ces observations n’est toutefois pas claire ».

- « Étant donné que nous tenons notre téléphone mobile contre la tête, d’aucuns craignent que le rayonnement qui parvient dans le crâne ait des effets nocifs sur le cerveau (pas seulement un cancer). Il y a des indications d’effets sur l’activité cérébrale, le sommeil, l’apprentissage ou la mémoire mais les effets sont limités et pour l’heure, il n’est absolument pas certain qu’ils aient un impact réel sur la santé (…) mais les résultats ne sont pas cohérents et n’ont probablement pas de signification fonctionnelle. C’est aussi le cas chez les enfants, où des résultats douteux ont été enregistrés. Aucune perturbation du mécanisme de thermorégulation n’a été démontrée chez l’adulte ou chez l’enfant. Il convient néanmoins de poursuivre la recherche ».

- « Plusieurs évaluations critiques de ces études arrivent à la même conclusion, à savoir qu’une perturbation de la barrière hémato-encéphalique sous l’action (notamment) de fréquences de téléphonie mobile est possible mais uniquement lorsque l’intensité de l’exposition est élevée et qu’il se produit donc des effets thermiques. On n’observe aucune perturbation de la barrière hémato-encéphalique en cas d’utilisation « normale » (sic) des appareils de communication mobile et donc d’exposition « normale ». Des expériences en laboratoire n’ont révélé aucune affection neurologique telle que la maladie d’Alzheimer, contrairement à ce que certains prétendent. Quelques études sur le sujet démontrent au contraire un effet protecteur (sic) ».

- « Des études ont constaté des effets sur la reproduction et le développement. Par contre, aucun effet sérieux n’a pu être observé aux niveaux d’exposition qui nous intéressent. Aucun effet significatif n’a pu non plus être observé chez des souris qui avaient été exposées en permanence au rayonnement de systèmes de communication sans fil et ce, sur quatre générations. Il est invraisemblable qu’il puisse y avoir des effets sur le fœtus de mères exposées pendant la grossesse en raison des niveaux d’exposition extrêmement faibles. Il n’y a aucune indication sérieuse d’effets sur la qualité du sperme ».

- « Certains symptômes non spécifiques, tels que maux de tête, fatigue, vertiges et autres sont parfois attribués à une exposition aux fréquences radios. Il est ainsi fait mention d’  »hypersensibilité électromagnétique ». Des études antérieures (sic), qui ont été complétées par des études plus récentes, conduisent toutefois à la conclusion qu’il n’y a aucune preuve que l’exposition à des champs électromagnétiques provenant de téléphones mobiles par exemple, ait un lien de cause à effet avec ces symptômes. Au contraire, il y a des indications d’un effet « nocebo » ».

Concluant que malgré les nombreuses études, « on ne peut répondre clairement par « oui » ou par « non » à la question « L’exposition aux champs électromagnétiques de systèmes de communication sans fil est-elle nocive pour la santé? » », la décision de déployer la 5G semble pourtant aller de soi. Ils préparent en outre le futur, anticipant les demandes ultérieures de l’industrie des télécommunications qui à l’évidence iront vers un toujours plus grand « assouplissement des normes » : « Il convient de noter que la limite d’exposition proposée ne signifie pas qu’au-delà de cette limite, des risques réels sont à prévoir. » À l’instar du nucléaire, le risque n’existe pas quand les intérêts économiques priment, même si on évoque des situations qu’on ne connaît pas(59). Pour le comité, « il n’y a en réalité pas de véritable base scientifique à une norme aussi stricte. Le but a d’ailleurs toujours été que le gouvernement tienne compte des valeurs conseillées mais aussi d’autres considérations (p.ex. économiques) (sic), et fixe donc des normes indiquant la limite entre les niveaux d’exposition acceptables et inacceptables (…) Au vu des connaissances scientifiques actuelles, cette norme assouplie ne semble pas inique ».

Le comité, qui devrait statuer sur les risques sanitaires, s’appuie plutôt sur une réalité créée par les industriels, le publicitaires et les multinationales de télécoms, pour alerter sur l’insuffisance des infrastructures dans l’avenir : « l’utilisation de plus en plus généralisée des smartphones et tablettes contribue à l’augmentation du trafic de données mobiles (« données » au sens large), et donc à l’accroissement de la pression sur les infrastructures existantes qui risquent de plus en plus de se trouver en sous-capacité ». Soulignant que « les trois moteurs de la croissance » sont le trafic des données mobiles, la mise sur le marché de tablettes, laptops, smartphones et des applications de plus en plus variées, le comité conclut que « cette évolution implique des mises à niveau continues des infrastructures existantes et demandent des investissements de la part des opérateurs. La 4G avec des antennes “LTE capables“ sont multi-bandes et fonctionnent en multifréquence (…) tire le marché mondial et représente des montants de 4 milliards de $ en 2015 (ABI Research, 2015). Elle préfigure l’arrivée de la 5G prévue en 2020 avec les antennes LTE‑B ».

Vous avez dit « comité d’experts », dont nombreux sont issus du monde scientifique ? Au fond, ceux-ci font tout le contraire de ce qu’on attend de scientifiques : ils partent des comportements généralisés (l’utilisation massive des technologies mobiles) pour en conclure qu’ils sont le signe du bien-être de la société(60), généralisant le fait qu’une utilisation massive est d’emblée la preuve d’une innocuité, (l’amiante en offrant, à un autre niveau, un bon contre-exemple). Le comité évoque l’argument habituel où aucune précaution dans le déploiement des nouvelles technologies n’a lieu d’être, car « cela ralentirait fortement le développement de la « ville intelligente », qui a pour but d’améliorer la qualité de vie des populations citadines tout en contribuant à une utilisation plus efficace des ressources ». La suite est à l’avenant, où l’on explique que « des études économiques montrent que chaque euro investi dans les réseaux très haut débit (fixe et mobile) génère 3€ de PIB, et 1,5€ de recettes fiscales et sociales », et qu’il « est dès lors nécessaire de simplifier la législation et de diminuer autant que possible les démarches et exigences administratives ». Pour celui qui n’aurait pas saisi : « La transition numérique souhaitée par le Gouvernement bruxellois ne pourra pas se faire sans un cadre juridique, fiscal et administratif favorable ». Tiens, en tout point correspondant à « la déclaration de politique régionale (20 juillet 2014) », qui a dit vouloir « faire de Bruxelles une capitale du numérique » ? 

En fin de rapport, les suggestions du comité sont stupéfiantes. À propos du site internet de l’IBGE, le comité dira : « Pour éviter que ne s’installe un climat de méfiance vis-à-vis de tous les rayonnements, il est important de mener une communication claire. Le comité estime que le site Internet peut jouer un rôle important à cet égard. Le comité estime que le site Internet mérite une plus grande renommée ».

Il ajoute : « La propagation des ondes est une matière abstraite. Les ondes électromagnétiques présentent l’inconvénient de ne pas être observables par nos sens, ce qui rend le grand public réceptif aussi bien à l’information qu’à la désinformation. Les sources d’information liées à la Région sont parfois perçues comme partiales par le public et ne sont donc pas estimées à leur juste valeur. Le comité estime qu’il faut une communication scientifiquement correcte mais vulgarisée, qui sont (sic) impartiale et dont l’impartialité soit également reconnue par le grand public. Suggestion: Prévoyez un canal d’information de vulgarisation, indépendant et honnête, pour cette matière technique ».

Quand on sait d’où ils parlent, c’est pur cynisme.

UN MODÈLE INFAISABLE

« D’après les données dont nous disposons actuellement, la solution de la technologie est tout sauf probable »(61)

Amené à butter un jour ou l’autre sur les limites de la planète, ce modèle demeure infaisable, même si ceux qui veulent sa mise en œuvre pousseront l’extractivisme jusque dans ces dernières limites, relançant l’activité minière dans des pays qui l’avaient massivement délaissée, comme la France. La réalité de la finitude des ressources naturelles notamment, comme celle des métaux rares indispensables aux nouvelles technologies, imposent ainsi de rappeler quelques faits.

Dans le mythe de la transition énergétique, tout commence avec le pouvoir que l’homme obtient par la maîtrise des métaux rares, comme il l’avait eu auparavant avec le charbon puis le pétrole : « Tels des démiurges, nous en avons multiplié les usages dans deux domaines qui sont des piliers essentiels de la transition énergétique : les technologies que nous avons baptisées « vertes » et le numérique »(62). Si les prémisses de la transition énergétique remontent aux années 80 en Allemagne, c’est en 2015 que se fait la grande coalition de 195 États, lors de la COP21 à Paris, débouchant sur l’accord de Paris où les États escomptent contrer le changement climatique et contenir le réchauffement en deçà de deux degrés,(63) en substituant aux énergies fossiles les énergies vertes. Dans son ouvrage fruit d’une enquête de 6 années, Guillaume Pitron imagine un sage, figure imaginaire, qui se rendrait à la tribune de la COP21, tenant ces propos : « Cette transition va mettre à mal des pans entiers de vos économies, les plus stratégiques. Elle précipitera dans la détresse des hordes de licenciés qui, bientôt, provoqueront des troubles sociaux et réprouveront vos acquis démocratiques (…) La transition énergétique et numérique dévastera l’environnement dans des proportions inégalées. En définitive, vos efforts et le tribut demandé à la Terre pour bâtir cette civilisation nouvelle sont si considérables qu’il n’est même pas certain que vous y parveniez », concluant : « votre puissance vous a aveuglés à un tel point que vous ne savez plus l’humilité du marin à la vue de l’océan, ni celle de l’alpiniste au pied de la montagne. Or les éléments auront toujours le dernier mot ! »(64). Guillaume Pitron souligne les questions les plus cruciales, qu’aucune des 196 délégations présentes ne s’est posée : « Comment allons-nous nous procurer ces métaux rares sans lesquels ce traité est vain ? Y aura-t-il des vainqueurs et des vaincus sur le nouvel échiquier des métaux rares, comme il y en eut jadis avec le charbon et le pétrole ? À quel prix pour nos économies, les hommes et l’environnement parviendront-ils à en sécuriser l’approvisionnement »(65).

L’auteur souligne la dépendance nouvelle que nous nous créerons, encore plus dramatique que celles que nous nous sommes créées précédemment : « En voulant nous émanciper des énergies fossiles, en basculant d’un ordre ancien vers un monde nouveau, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance, plus forte encore (…) Nous pensions nous affranchir des pénuries, des tensions et des crises créées par notre appétit de pétrole et de charbon ; nous sommes en train de leur substituer un monde nouveau de pénuries, de tensions et de crises inédites »(66).

Par ailleurs, se pose la question essentielle du « propre ici » qui repose sur du « sale là-bas » : dans les mines de graphite (ressource minière qui entre dans la fabrication des voitures électriques), « des hommes et des femmes, nez et bouches recouverts de simples masques, travaillent dans une atmosphère saturée de particules noircies et d’émanations acides. C’est l’enfer »(67). « Ce panorama des impacts environnementaux de l’extraction des métaux rares nous astreint, d’un coup, à poser un regard beaucoup plus sceptique sur le processus de fabrication des technologies vertes. Avant même leur mise en service, un panneau solaire, une éolienne, une voiture électrique ou une lampe à basse consommation portent le péché originel de leur déplorable bilan énergétique et environnemental. C’est bien le coût écologique de l’ensemble du cycle de vie des greentech qu’il nous faut mesurer – un coût qui a été précisément calculé »(68).

Sur la question de l’impossibilité de réaliser cette transition sans une consommation massive d’énergies et de matières premières (« des centrales à charbon, à pétrole, à gaz et nucléaires, des champs éoliens, des fermes solaires et des réseaux intelligents – autant d’infrastructures pour lesquelles il nous faudra des métaux rares »), Guillaume Pitron a à de multiples reprises tenté de contacter Jeremy Rifkin, grand théoricien de la troisième révolution industrielle et laudateur de la transition énergétique, sans succès. Et l’explication de Guillaume Pitron à cette fuite offre une signification plus générale sur l’aveuglement massif et l’illusion des greentech, reposant sur un fait majeur : la transition énergétique et numérique a été pensée hors-sol. Quelles que soient ses applications, chacune d’elles en effet « procède d’abord beaucoup plus prosaïquement d’un cratère entaillé dans le sol (…) Au fond, nous ne réglons en rien le défi de l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes, nous ne faisons que le déplacer »(69).

ARTICULER LE REFUS DU MONDE QU’ON NOUS PRÉPARE ET LA LUTTE CONTRE LA RICHESSE INDÉCENTE

Placer nos espoirs dans les politiciens, les implorer de « prendre les bonnes décisions », c’est leur laisser le pouvoir d’imposer leurs solutions en usant des instruments médiatiques qu’ils contrôlent et qu’ils utiliseront pour nous faire croire que ces solutions sont le résultat de nos demandes et pour notre seul bien. Ainsi de la transition numérique, téléguidée par les multinationales et leurs serviteurs. La 5G, symbole de cette course en avant, nous promet l’enfer.

Ce sont les capitaines d’industries, ceux qui montent leur société boîtes-aux-lettres au Luxembourg, les banquiers et autres agioteurs que le Premier ministre Charles Michel a chargés au nom du Gouvernement de réfléchir à un Pacte national d’investissements stratégiques, dont les commanditaires ne sont autres que les patrons de Belfius, Proximus, Sioens Industries, la Fédération des entreprises de Belgique… qui sont les véritables architectes qui vont « préparer notre pays à la prochaine décennie ». Il leur faudra pour cela « réaliser une série d’investissements urgents au cours des prochaines années. Ces investissements permettront de renforcer l’économie, l’innovation et l’emploi. Nous avons besoin de cette prospérité supplémentaire pour continuer à financer l’enseignement, les soins de santé et la protection sociale. Mettons-nous tous à la tâche pour mener ceci à bien. Construisons ensemble notre avenir. Car l’avenir nous appartient ! ».
Certes, il leur appartient à eux seuls, pour l’instant, qui ne cherchent qu’une seule chose: conserver le pouvoir pour relancer la croissance afin d’assurer leurs profits(70).

Mais c’est de l’avenir des espèces vivantes et de la nature, pas de celui d’une minorité insatiable, imitée et soutenue à bras le corps par 10% de la population, dont nous nous soucions. Et pour assurer cet avenir, il faudra inévitablement sortir de l’impératif de croissance économique et oser des changements radicaux. Nous savons ce qu’il faut refuser et qui nous devons renverser. Notre survie est à ce prix.

Alexandre Penasse

Notes et références
  1. Respectivement, La découverte, 2007, p.104 ; Fayard, 2014, p.196 ; Les Presses de Sciences Po , 2013, p.64.
  2. L’auteur écrit en 2013… Clive Hamilton, Op. cit, p. 10–11.
  3. Stephen Emmott, Ibid., p.108–109.
  4. Ibid., p.142
  5. Ibid., p.143.
  6. Clive Hamilton, Requiem pour l’espèce humaine, Op. cit, p.20.
  7. Injonctions paradoxales, avec d’un côté l’ordre de consommer (le fameux pouvoir d’achat) et de l’autre celui de « sauver le climat », dont le pouvoir tente de résoudre la contradiction par le greenwashing , la propagation des « bons gestes » individuels et tout ce qui se rapproche de la supercherie du développement durable. Cela étant, la chose n’empêche pas de susciter chez le sujet une forte dissonance cognitive facteur de souffrance, du fait de ces contradictions « insolubles ».
  8. Cette expression est de Pierre Bourdieu. Voir notamment La production de l’idéologie dominante, Raisons d’Agir, Paris, 2008, p.107 ici.
  9. Clive Hamilton, Op. cit, p.16.
  10. http://www.ieb.be/5G-l-exploitation-sans-travail-c-est-la-sante
  11. https://www.rtbf.be/info/medias/detail_la-belgique-sera-t-elle-prete-pour-la-5g?id=9990997
  12. https://spectrum.ieee.org/video/telecom/wireless/everything-you-need-to-know-about-5g
  13. Clive Hamilton, p.49.
  14. http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/1214/54K1214001.pdf
  15. Il faut préciser que ce n’est pas vraiment une déduction, la comparaison entre les pays n’est pas la cause de la volonté de faire « mieux », elle n’est qu’un prétexte à la course. Ce n’est donc pas parce qu’ils voient les autres que les États veulent faire mieux, mais parce qu’ils veulent faire mieux qu’ils regardent les autres.
  16. Dans le pacte national pour les investissements stratégiques, véritable feuille de route pour le déploiement tous azimuts des technologies numériques, pas une seule fois le mot « climat » n’est employé dans son sens propre. Cela fait également partie de la novlangue, ce langage propre au pouvoir, qui consiste aussi à utiliser les mots dans des sens figurés qui petit à petit prendront un sens propre. Nous reviendrons plus loin dans notre analyse sur cette question. Dans la même veine, « L’accord de Paris sur le changement climatique ne mentionne pas une seule fois les mots « métaux », « minerais » et « matières primaires » », voir Guillaume Pitron, La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Les Liens qui Libèrent, 2018, p.23.
  17. https://www.premier.be/sites/default/files/articles/Report_FULL-FR_WEB_FINAL.pdf
  18. « Lancement du pacte national pour l’investissement en Belgique », 11/09/18, www.rtbf.be
  19. https://premier.fgov.be/sites/default/files/articles/Report_FULL-FR_WEB_FINAL.pdf
  20. « Rudy Demotte absent de la présentation du plan d’investissements: « On n’est pas là pour lustrer le travail du fédéral » », 11/09/18, La Première, www.rtbf.be
  21. « Lancement du pacte national pour l’investissement en Belgique », 11/09/18, www.rtbf.be.
  22. Ibid.
  23. Clive Hamilton, Op. cit, p. 55–56.
  24. Produits de grande consommation, 400 marques, 190 pays.
  25. Cette dynamique illustre ce jeu de chaise musicale où les partis placent leurs pions, à la fois pour les remercier et s’assurer leur fidélité, mais aussi pour contrôler l’entreprise publique et connaître ses secrets d’alcôve.
  26. « Stefaan De Clerck: « Je ne vois pas pourquoi je devrais renoncer à mes indemnités parlementaires » », 28/09/13, www.lavenir.net
  27. https://www.proximus.com/fr/group/governance/board-of-directors
  28. « Dans l’entourage de Charles Michel, il se dit (sic) que ce dernier est particulièrement remonté contre le management de Proximus. Le premier Ministre n’a été informé qu’en fin d’après-midi et s’estime mis devant le fait accompli », Le Soir, 09/01/2019.
  29. « Dominique Leroy voit sa rémunération gonfler de 8,2% », 15/03/18, www.lecho.be.
  30. « Telenet veut augmenter la rémunération fixe pour le président du CA », 25/03/17, www.lalibre.be.
  31. « Scandale Telenet: qui a touché combien? », 25/03/17, https://trends.levif.be.
  32. « Stéphane Richard mérite-t-il son salaire de 1,55 million d’euros ? », 28/09/17, www.capital.fr.
  33. http://celinefremault.be/fr/ondes-electromagnetiques-designation-de-la-composition-du-comite-dexperts
  34. « Comment les lobbies nous font croire qu’il n’y a pas de problème avec les ondes électromagnétiques », Marie Astier, 23/01/14, https://reporterre.net
  35. https://www.who.int/peh-emf/project/intorg/fr/
  36. https://reporterre.net/IMG/pdf/ondes-experts-declaration_d_interets.pdf
  37. « Lobby mode d’emploi ? », communiqué de presse de l’association française Robin des Toits – 09/01/2014, https://www.robindestoits.org
  38. https://www.bbemg.ulg.ac.be/fr/index-bbemg/infos-complementaires/independance-et-integrite-scientifique.html
  39. http://tervueren-montgomery.eu/pdf/2015–12-08-Reunion-information-Forgez-votre-opinion-sur-la-ligne-150000V
  40. https://www.researchgate.net/publication/242784812_GSM_Wifi_etc_danger_pour_notre_sante
  41. Voir l’article de Paul Lannoye du Kairos de novembre-décembre 2018, « Avec la 5G, tous cobayes ? », http://www.kairospresse.be/article/avec-la-5g-tous-cobayes
  42. https://www.ieee.org/content/dam/ieee-org/ieee/web/org/about/corporate/2018-bod-bios.pdf, consultée en décembre 2018, cette page n’est désormais plus accessible sans un identifiant et un mot de passe.
  43. http://ieee-wf-5g.org/
  44. https://spectrum.ieee.org/video/telecom/wireless/everything-you-need-to-know-about-5g
  45. L’environnement électromagnétique : son influence sur la conception architecturale, Marine Preud’Homme, p.168.
  46. http://www.sopartec.com/fr/qu_est-ce-qu_une-entreprise-spin-off-/122/2#.XDtwis1CdVg
  47. Vous vous souvenez, entreprise dont Tanuja Randery, administratrice de Proximus, est présidente pour le Royaume-Uni et l’Irlande… nous n’avons ni la place ni le temps de développer les croisements entre tous les protagonistes de l’affaire et leurs divers liens avec les entreprises, mais il est assuré que cette recherche donnerait un tableau digne d’un empire mafieux.
  48. Interview à paraître dans le prochain Kairos d’avril-mai 2019.
  49. « Compteurs intelligents : un outil dans la transition vers une société bas carbone », 18/05/18, www.beci.be.
  50. « Un management pour l’environnement, est-ce possible ? », http://www.fondationbernheim.be/nl/news/120/management-cafe
  51. https://www.esat.kuleuven.be/telemic/People-of-telemic/00041938
  52. https://www.imec-int.com/en/about-us
  53. https://www.ibpt.be/public/pressrelease/fr/135/persbericht_BroadBand%20Belgie_verlenging%20gebruiksrechten_240317_FR.pdf
  54. www.ulb.ac.be/babelbox/ws/getfile.php5?filter=databox6-art-attach-699…pdf
  55. « La puce qui va ringardiser nos smartphones est conçue à Talence » ; 22/10/14, https://objectifaquitaine.latribune.fr
  56. Stephen Emmott, Ibid., p.75.
  57. Un plan d’action pour la 5G en Europe, voir,  https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2016:0588:FIN:FR:PDF
  58. Sur les nouvelles formes de contrôle que permettront ces nouvelles technologies, voir, notamment, le site internet de Pièces et main d’œuvre, http://www.piecesetmaindoeuvre.com.
  59. Voir http://www.kairospresse.be/article/appel-absurde-2-le-forum-nucleaire
  60. « Aujourd’hui, plus personne ne nie l’apport de la technologie mobile pour le bien-être de la société et le succès de son développement en est le reflet ».
  61. Stephen Emmott, p.169.
  62. Guillaume Pitron, La face cachée de la transition énergétique et numérique, Les Liens qui Libèrent, 2018, p.17.
  63. Pour deux degrés, c’est déjà trop tard.
  64. Guillaume Pitron, Ibid, p. 22.
  65. Ibid., p. 23.
  66. Ibid., p. 26.
  67. Témoignage anonyme d’une journaliste chinoise, Ibid., p. 42.
  68. Ibid., p. 55.
  69. Ibid., p. 69.
  70. Notons, et ce n’est pas rien, que lors d’une session parlementaire, Ecolo-Groen, MR, cdH, Open-VLD, NVA, PS, se disent enchantés du Pacte, sans même que la composition du comité ne les choque le moins du monde. Audition à la Chambre des représentants de Belgique, du 22 décembre 2017. http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/2867/54K2867001.pdf

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