Le sujet, la foule et la pensée critique

« L’affiliation politique, l’appartenance nationale et les premières fidélités ne doivent à aucun moment prendre le pas sur les critères de vérité attachés au malheur et à l’oppression. Rien ne défigure plus l’image publique de l’intellectuel que le louvoiement, le silence prudent, le vacarme patriotique et le reniement théâtral » (Edward Saïd, Des intellectuels et du pouvoir, p.12)

« L’argument selon lequel il ne faudrait pas dire certaines vérités, car cela « ferait le jeu » de telle ou telle force sinistre est malhonnête, en ce sens que les gens n’y ont recours que lorsque cela leur convient personnellement (…) Sous-jacent à cet argument, se trouve habituellement le désir de faire de la propagande pour quelque intérêt partisan, et de museler les critiques en les accusant d’être « objectivement » réactionnaires ». (Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique)(1)

Que dire des rassemblements qui ont eu lieu dans les pays occidentaux à la suite du massacre de Charlie-Hebdo ? Sont-ils le signe d’une résurgence de la solidarité et de la fraternité ou, très paradoxalement a priori, l’expression d’un individualisme foncièrement ancré dans la société et dans nos existences ? Opter, dans une analyse critique, pour la deuxième solution, à première vue très contradictoire – ne penser qu’à son propre bien-être tout en se rassemblant dans un but semble-t-il gratuit –, générera certainement chez certains lecteurs un sentiment étrange qui leur fera penser que l’auteur de cet article a pris certaines substances qui sous l’effet d’une sorte d’euphorie intellectuellement inhibante l’empêcheraient d’exercer sa raison. Car en effet, comment ne pas voir dans un tel rassemblement (des millions de personnes dans la rue !), le signe d’un retour du collectif ? Comment ne pas déceler dans l’agrégat d’individus autour d’une même cause apparente le signe évident d’un début de quelque chose d’autre ?

Au risque de déplaire, nous ne voyons pas là un signe d’une rupture avec l’ordre dominant. Si tel était le cas, si vraiment cette masse était l’équivalent d’une collectivité muée par des principes humanistes, nous serions devant une période révolutionnaire historique, que nous attendons. Au contraire donc, ce mouvement de masse a tout des phénomènes de « mise en commun » qui conservent cette caractéristique profonde du système qui les a engendrés : l’individualisme. Comment en effet penser qu’un seul événement viendrait bouleverser des décennies de pensée atrophiée ? Alors qu’on nous persuade des bienfaits de la concurrence, du marché libre et non faussé, de l’élitisme et du « qui veut peut », de la prévalence de l’avoir sur l’être, comment pourrait-on tout à coup recouvrer la part d’humanité qui s’est échappée dans les méandres d’une société dévolue au « toujours plus » ?(2)

Les rassemblements ont-ils dès lors d’autres objectifs que de se rassembler ? Comment croire, même si nous le souhaiterions, qu’ils sont le reflet d’une autonomie individuelle(3) plutôt qu’une manifestation de notre ancrage dans une culture individualiste qui rend difficile l’empathie et la capacité de se mettre à la place de l’autre ? Au fond, le choix du rassemblement donne la réponse à la question, car l’acte est en lui-même le symptôme d’une société habituée au spectacle, que ce soit celui du mondial ou des commémorations officielles — Lady Di ou Michael Jackson -, d’une société plus habituée aux cérémonies « en direct » qu’au cercle restreint et intime d’où les caméras sont absentes. La recherche de cette foule unanime symbolise donc ce que l’individu est devenu dans nos sociétés : un être qui n’a jamais été aussi peu autonome. Et la foule est une réponse à cet état. Comme le disait Freud dans son essai Psychologie des foules et analyse du moi, « les liens affectifs féconds que nous reconnaissons dans la foule suffisent pleinement à expliquer un de ses caractères, le manque d’autonomie et d’initiative chez l’individu pris isolément, l’identité de sa réaction et de celle de tous les autres, pour ainsi dire sa réduction au rang d’individu de foule »(4). L’effacement du conflit dans une unité édictée médiatiquement marque cette « identité de la réaction » : tous, quels qu’ils soient, dominés, dominants, pauvres, riches, exploiteurs ou exploités, Juifs, Arabes, Blancs, Noirs, …, tous doivent être identiques, « Charlie », leur présence même et la force du nombre taisant les conflits profonds qui traversent cette société. Et la conjonction de la mort et des réactions émotionnelles qu’elle suscite en général, avec l’inévitable identification aux victimes – « ça aurait pu être moi – en ce sens que la mort d’un autre est toujours un peu la nôtre à venir –, avec la sommation médiatico-politique à s’unir, amènent cette ressemblance curieuse que l’on retrouve dans les récits hagiographiques des enterrements, où tous les êtres partis s’auréolent de cette aura de la perfection ; à la différence que dans le cas qui nous occupe cette hagiographie déborde les seules personnes que la mort a touchées pour se répandre dans le domaine des opinions politiquement exprimables. Ce genre d’événements est donc une aubaine pour le discours néo-libéral et ceux qui le répandent, car à l’instar des propos dithyrambiques offerts au défunt qui refuse toute rature dans le récit, celui-ci exclut par principe toute dissidence.

Difficile alors d’être submergé par une émotion, de marcher avec en tête les maîtres du monde et de pouvoir exprimer dans le mêmes temps les responsabilités historiques de l’Occident. On mélange l’émotion ressentie avec notre regard sur les politiques occidentales, on ne se détache pas des victimes, avec ce que cela a comme corollaire : on ne peut les voir que comme des martyrs a‑historiques de la liberté d’expression, non comme des individus dont le basculement au rang de victimes dépasse leur personne même. Dès lors, ceux qui rompent le pacte tacitement imposé (par les médias, tous ceux qui l’acceptent et propagent la bonne pensée mais aussi par tous ceux qui se disent que quelque chose ne va pas mais qui se taisent en attente qu’un quidam se lève et dénonce la supercherie… donc qui donnent le plus souvent à croire aux autres qu’ils adhèrent à la doxa) sont au plus vite relégués au rang d’amoraux, la critique sociale et l’activité intellectuelle s’assimilant, par un formidable rapprochement, à l’absence de sens moral.

Émotion et raison ne sont donc pas bonnes amies. Et la foule, en ce sens, exalte la première, éteignant la seconde. Freud continue ainsi, soulignant le surplus d’affectivité qui se substitue à la capacité de réfléchir et empêche d’attendre : « mais la foule, lorsque nous la considérons comme un tout, montre bien davantage; les signes d’affaiblissement du rendement intellectuel et de désinhibition de l’affectivité, l’incapacité de se modérer et de temporiser, la tendance au dépassement de toutes limites dans l’expression des sentiments et à leur décharge totale dans l’action » . En ce sens, le rassemblement est moins le signe d’un « réveil » soudain que la preuve d’un endormissement qui continue ; moins le symbole d’un équilibre que la manifestation profonde d’un malaise. D’aucuns diront peut-être qu’il n’est pas possible de temporiser après un tel acte. Je répondrais deux choses : d’abord que cet empressement a déterminé les réponses politiques à venir, les plus importantes ayant été décidées dans les heures et les jours suivants (le plan vigipirate notamment), c’était donc là signer un blanc seing au gouvernement; ensuite, qu’il est étrange que cette temporisation ne soit pas possible pour certains actes (Charlie-Hebdo) mais bien pour d’autres (Gaza ou Boko-Haram).

L’ÉMOTION MISE EN SPECTACLE

Et la télé, qui a fait du rire et des pleurs des instruments de son pouvoir invoqués pour faciliter la vente de produits vantés dans des publicités, a merveilleusement « récupéré » (peut-on parler de « récupération » et non plutôt de « création » dès lors que ce sont ces médias qui par définition médiatisent l’événement dans le sens qu’ils choisissent) l’émotion collective, au détriment des tentatives de comprendre, qui sont moins bonnes vendeuses(5). Et c’est aussi cette habitude d’être « seul ensemble » — la télé réunit le séparé disait très justement Guy Debord – qui a initié la volonté de sortir de la passivité et d’être dans l’image ; la foule séparée qui auparavant regardait passivement les événements (chaque individu devant son écran) est maintenant réunie(6)… pour mieux retrouver le soir devant son écran la lecture de la réalité à laquelle elle a participé le temps d’une après-midi : « Avec plus de 5 millions de téléspectateurs rassemblés devant le magazine d’information [Envoyé Spécial] ce jeudi soir [le 8 janvier, le lendemain de l’attaque], France 2 arrive en tête des audiences. Il s’agit du meilleur score du magazine depuis le début de sa saison (…) À titre de comparaison, le dernier numéro du magazine, diffusé le 18 décembre 2014, a réuni 3,6 millions de téléspectateurs et 14,4 % du public. L’émission était arrivée en deuxième position derrière la fiction de TF1 Léo Matteï, Brigade des mineurs à 3,9 millions de téléspectateurs. », (…) « Ce jeudi soir, Envoyé spécial a réuni 5,1 millions de téléspectateurs, soit 20,7 % du public selon Médiamétrie, permettant ainsi à France 2 de se hisser en tête des audiences. L’émission, présentée par Guilaine Chenu et Françoise Joly dépasse ainsi la série française de TF1 No Limit(Sic), à 4,2 millions de téléspectateurs et 16,9% de part d’audience », pouvait-on lire sur divers sites friands des chiffres d’audimat et des parts de marché, qui ne s’embarrasse pas de savoir si comparer les chiffres d’audience entre une émission sur les morts de Charlie-Hebdo et la série No Limit (qui porte bien son nom dans ce cas-ci… ironie!) n’a pas quelque chose d’indécent. Outre que les sujets de ces séries ressemblent étrangement à la réalité (ou que la réalité ressemble étrangement à ces séries…), il est affligeant de constater ce palmarès en terme d’audience qui ne s’encombre d’aucune considération morale.

Par ailleurs, au-delà de la diversité d’opinions qui traversent la foule, quels messages implicites ce mouvement peut donner (car qui va médiatiser l’événement après, qui va choisir de donner tel titre à la couverture du journal du lendemain ? Qui va choisir de privilégier tel témoignage plutôt qu’un autre? Qui va choisir les questions de l’enquête ?(7)) ? Le bon père de famille qui convie ses enfants au rassemblement du dimanche, sûr de lui et des valeurs de son pays, érige tacitement dans le même temps le mode de vie occidental en panacée. La foule donne une image, récupérée par l’industrie médiatique, qu’on le veuille ou non, qui fait preuve de réalité et institue le groupe qu’on considère comme porteur des valeurs suprêmes de la liberté et de l’égalité, en regard d’un Autre opposé : « la seule preuve de « réalité » qui soit importante à l’égard des caractéristiques de groupe est une preuve de « réalité sociale »Les caractéristiques de son propre groupe (son statut, sa richesse ou sa pauvreté, sa couleur de peau, sa capacité à atteindre ses buts) n’acquièrent de signification qu’en liaison avec les différences perçues avec les autres groupes et avec leurs différences évaluatives (…) La définition d’un groupe (national, racial, ou tout autre) n’a de sens que par rapport aux autres groupes »(8)(Tajfel 1972, 295). L’unanimisme occulte ainsi les conflits qui traversent nos sociétés, arrangeant par ailleurs comme on l’a dit les dépositaires du pouvoir politique et médiatique. Le père en marche dans la foule dit en substance à ses enfants, sans ne rien dire : nous avons été attaqués, nos valeurs ont été souillées et risquent de se perdre si nous n’y prenons garde. Or, par là même, il balaie d’un coup l’histoire des pays occidentaux et de la domination (avec toutes ces misères) qui a permis d’atteindre le mode de vie occidental, il n’explique pas d’où provient « la haine de l’Occident », en brandissant le bouclier, il aveugle et ce n’est là qu’un effet de l’arrogance et du déni occidental : « la mémoire de l’Occident est dominatrice, imperméable au doute. Celle des peuples du Sud, une mémoire blessée. Et l’Occident ignore et la profondeur et la gravité de ces blessures »(9) ; mais il efface aussi la réalité actuelle de pays occidentaux profondément et doublement inégalitaires : en leur sein même et entre eux et les pays non-occidentaux. De fait, il élude les structures de fonctionnement qui ont permis et permettent de pérenniser l’inégalité profonde et éhontée, dans lesquelles les médias de masse ont une responsabilité massive. La formule synthétique « la liberté d’expression a été attaquée » est un paravent commode tant pour le pouvoir en place que pour l’individu. Elle institue les illusions démobilisatrices.

Ironique d’ailleurs que le massacre de Boko-Haram qui a fait plus de deux-mille morts, dans un Nigéria sous l’emprise des multinationales du pétrole, ait été si peu couvert par les médias de masse occidentaux, bastions de la « liberté d’expression ». C’est que le pays est, d’une manière ou d’une autre, celui qui permet à nos bagnoles de rouler et nos avions de voler, à une agriculture productiviste de se pérenniser, aux marchandises de circuler. Le Nigéria est un des garants de notre mode de vie occidental, « non-négociable »… Il est donc plus facile pour les médias de masse de se jeter dans la traque des commanditaires présumés de l’attaque de Charlie-Hebdo et de justifier le déploiement policier et militaire que de nous expliquer l’histoire du pillage du Nigéria, dont on ne peut nier l’implication historique dans le désastre qui s’y déroule. Car faire l’autopsie de tout cela, c’est en revenir à « nous », et donc, inévitablement rejoindre des faits que tout semblait séparer, pour ainsi voir que la haine s’est abreuvée aux mêmes sources. Il y a entre les frères Kouachi et les sanguinaires de Boko-Haram peut-être moins de différence que l’on ne croit.

C’est aussi à Paris, le 12 janvier 1970, à l’hôtel Crillon, place de la Concorde, que les « seigneurs d’Elf » et ceux des compagnies concurrentes hollandaise et anglo-saxonnes, après une guerre dont ils profiteront et qui fit plus de deux millions de morts, signeront l’accord sur le partage du butin pétrolier et gazier nigérian. Hasard ? « Premier producteur de pétrole en Afrique et huitième plus important du monde, le Nigéria (…) est à présent la proie impuissante de Shell, BP, Total, Exxon, Texaco et autres prédateurs. Et 70% de sa population survit dans une misère abyssale. C’est sur cette réalité-là, bien sûr, que prospère la haine de l’Occident »(10). N’est-ce pas, peu ou prou, sur un même type de réalités, certes foncièrement différentes mais où inégalités et désespoirs sont maîtres, qu’a germé la haine de Amedy Coulibaly et des frères Kouachi ? Bannis d’une société décente, tout en étant pareillement attirés par les sirènes du « tout, tout de suite »(11), le hasard des rencontres(12) déterminant un moment le point d’inflexion de leur parcours ; ils ont basculé.

La question qui dérange sans doute le plus, et qui fera que nous serons très certainement taxés par certains du qualificatif devenu maintenant banal de « terroriste »(13), est celle-là – et c’est pour cela que je la formulerai à la première personne : si, par le hasard de la naissance, j’avais pu non pas « être Charlie » mais un des individus morts ce jour-là (le concierge, Charb, Cabu…), par le hasard de la naissance n’aurais-je pas pu aussi être un des frères Kouachi, si j’avais eu la même existence ? Admettre que la naissance détermine en grande partie l’existence, ce n’est pas dire que l’on ne peut pas dépasser sa condition, mais c’est énoncer que nos capacités de dépassement deviennent extrêmement limitées passé un certain seuil d’exclusion. Pour saisir les sources de l’inégalité, ne faut-il pas comprendre celui qui la subit le plus ? Non pas l’excuser de ce qu’il a fait, ce qui signifierait que nous surdéterminons l’importance de la naissance et excluons tout infléchissement de « parcours » et la possibilité d’agir sur soi, mais le comprendre ? C’est ce que fait Georges Orwell, lorsque correspondant de guerre à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il croise un bourreau SS accusé de crimes abominables : « … mis à part l’aspect dépenaillé, mal nourri et mal rasé qui caractérise en général tous les individus qui viennent d’être capturés, celui-ci était un spécimen rebutant, mais il n’avait pas l’air brutal, ni en aucune façon effrayant : névrosé tout au plus, et même intellectuel, à un certain niveau inférieur. Ses yeux pâles, au regard fuyant, étaient déformés par d’épais verres de lunettes (…) Ainsi le bourreau nazi de notre imagination, le personnage monstrueux contre qui nous avions combattu toutes ces dernières années, se réduisait maintenant à cette minable épave dont le besoin le plus manifeste n’était pas de recevoir son châtiment, mais bien quelque traitement psychologique »(14).

Mais la question demeure abominable dans une société capitaliste, la tentative d’explication relevant de l’ignominie. Car que nous disent les théories libérales ? Que l’homme se fait seul, est maître de ses choix et libre de faire ce qu’il veut ; que les plus démunis peuvent « réussir », que la mobilité sociale est toujours possible. Que même si les droits sont imparfaits, « il y a toujours la possibilité de… » Mais ce qu’elles ne nous disent pas, c’est combien restent sur le carreau : combien de frustrés pour quelques « élus » (frustrés aussi, mais cela nous n’en discuterons pas ici), combien de misère, de délinquance, que d’autres conditions de vie auraient évité ; combien d’humiliations pour obtenir tellement peu…

Dès lors que l’on se dit que l’Autre, ça aurait pu être moi(15), quel que soit cet autre, on ouvre la voie à la compréhension du monde et de ce qui nous fait. Ce dont « être Charlie » nous prive.

Notes et références
  1. L’essai a été réédité en 2006 aux éditions Plon et publié une première fois en 1984, p.101.
  2. Il serait trop long de décrire tout ce que cette société met en oeuvre pour nous réduire au seul rang de consommateurs.
  3. Autonomie qui, doit-on le préciser, n’a rien à voir avec l’indépendance tant valorisée par nos sociétés capitalistes.
  4. Freud, « Essais de psychanalyse », p.182, c’est moi qui souligne.
  5. N’oublions toutefois pas que même si le nombre de manifestants à Paris est important, les absents, ceux qui ont décidé de ne pas y aller, l’est d’autant plus.
  6. « Ni rire, ni pleurer, mais comprendre », disait Spinoza.
  7. Voir Le Soir, De tijd, etc.
  8. Henri Tajfel, « La catégorisation sociale », dans Moscovici, S. (sous la direction de), Introduction à la psychologie sociale, Vol. 1, Paris, Librairie Larousse, 1972. 
  9. Jean Ziegler, « La haine de l’Occident », Éditions Albin Michel, 2008, p.14.
  10. Jean Ziegler, ibid.,p.17.
  11. Voir à ce sujet l’ouvrage de Morgan Sportès, dans lequel il décrit l’enlèvement et la séquestration d’un jeune français par ceux que les médias dénommèrent facilement « le gang des barbares ». La souffrance et le désœuvrement de jeunes de banlieue d’origine immigrée, manipulés aussi par un psychopathe, offrent des éléments aidant à l’analyse de l’affaire « Charlie ». Morgan Sportès, Tout tout de suite, Éditions Fayard, 2011.
  12. Notamment de prédicateurs musulmans extrémistes sévissant dans les banlieues où le terreau pour faire germer leurs idées est des plus fertiles.
  13. Lors de la diffusion de l’article sur internet « Nous ne sommes pas tous Charlie » (pages 10–11), un journaliste a traité l’auteur, notamment, de « terroriste des consciences ». Voir la brève page 22.
  14. Georges Orwell, « Revenge is sour », cité dans Leys, pp. 64–65.
  15. Tzvetan Todorov introduit ainsi son ouvrage La conquête de l’Amérique, la question de l’Autre : « Je veux parler de la découverte que le Je fait de l’autre. Le sujet est immense. A peine l’a‑t-on formulé dans sa généralité qu’on le voit se subdiviser selon des catégories et dans des directions multiples, infinies. On peut découvrir les autres en soi, se rendre compte de ce qu’on n’est pas une substance homogène, et radicalement étrangère à tout ce qui n’est pas soi : je est un autre. Mais les autres sont des je aussi : des sujets comme moi, que seul mon point de vue, pour lequel tous sont là-bas et je suis seul ici, sépare et distingue vraiment de moi. Je peux concevoir ces autres comme une abstraction, comme une instance de la configuration psychique de tout individu, comme l’Autre, l’autre ou autrui par rapport au moi ; ou bien comme un groupe social concret auquel nous n’appartenons pas ». Tzvetan Todorov, « La conquête de l’Amérique, La question de l’autre », Éditions du Seuil, Paris, 1982, p.11.

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