Les ondes électromagnétiques: un fléau qui rapporte

La nuit de la Saint Sylvestre 2013 en Belgique, plus de 72 millions de messages SMS ont été envoyés. Chaque année, ce chiffre enfle, démontrant implacablement le succès grandissant de la téléphonie mobile et des technologies de communication qui la rendent possible. Pour permettre son déploiement maximum, les antennes relais ont donc colonisé nos villes et nos campagnes en quelques décennies, modifiant notre environnement électromagnétique de façon considérable: dans l’espace urbain, le rayonnement électromagnétique, dans une gamme de fréquences allant de 300 MHz à 300 Ghz, atteint souvent des niveaux 10 millions de fois supérieurs au rayonnement naturel…

Au sein d’une société se vantant d’être à la pointe du progrès et s’enorgueillissant d’être guidée par la raison, on aurait pu penser que cette évolution technologique allait s’accompagner de recherches sur les risques éventuels de ce nouvel environnement électromagnétique. Ce ne sera pas le cas, les lobbys, les entreprises de télécommunication, les gouvernements et les médias étant trop grisés par l’accumulation inédite de gains, tout fut lancé sans étude des effets sur le corps humain.

Les premières alertes viendront de ces sentinelles que sont les oiseaux et les abeilles, qui utilisent les variations du champ magnétique et des vibrations électromagnétiques ambiantes pour s’orienter. Parmi les études récentes, celles de Marie-Claire Cammaerts-Tricot s’est portée sur les effets des rayonnements électromagnétiques de la téléphonie mobile sur les colonies de fourmis (Article ‘Que nous racontent les rats et les fourmis’). Ses résultats sont sans appel: les fourmis placées dans un environnement électromagnétique comme celui du GSM, ont un taux de mortalité très élevé et se comportent anormalement: déplacement impossible, recroquevillement des antennes, impossibilité de rentrer au nid, de se nourrir, de communiquer, arrêt du développement larvaire… Les fourmis sont un bio-indicateur et ces résultats illustrent ainsi l’incidence de la téléphonie mobile sur tout être vivant. L’étude supervisée par André Vander Vorst sur les rats a montré quant à elle un taux de mortalité deux fois plus élevé chez les rats exposés à des micro-ondes et des troubles majeurs de la mémoire.

Les blocages et intimidations contre ceux qui tentent d’établir les faits scientifiques s’avèrent toutefois le plus inquiétant, faisant abstraction de tout enseignement historique (Article ‘Profession? Fabricant de polémique’). Nous avons des données, elles sont là! (Article ‘Les normes de protection contre les rayonnements des télécommunications sans-fil protègent l’industrie, pas les êtres humains’) Mais les vérités scientifiques ne font pas toujours bon ménage avec nos certitudes acquises de technophile et la sacro-sainte croyance en la reprise de la croissance. On ne mettrait quand même pas à l’arrêt, le temps d’un moratoire, des usines de fabrication de téléphones portables, surtout en temps de crise ! On n’arrêtait déjà pas leur production alors même que ceux qui les vendent savaient très bien le sang, les guerres et les pollutions qu’ont nécessité leur production (Article ‘Extraction meurtrière’).

Les autres, c’est-à-dire «le peuple», sont le plus souvent tenus à l’écart de ces «mauvaises» (car dérangeantes) informations, la presse ayant par trop besoin des revenus de la publicité pour les téléphones portables et autres gadgets associés qu’elle nous vend dans ses pages. Laissé dans l’ignorance, l’habitude de l’usage a donc fait place à la dépendance: le GSM est devenu pour beaucoup une prothèse technique indispensable (Article ‘Le téléphone portable: miroir de nos sociétés’). Et plus cette société tue les possibilités de choix, plus elle vante le sujet comme libre de choisir.

Ce ne sont pourtant pas moins que nos capacités de penser qui sont ici en jeu. Un enfant en bas âge – lorsque le travail d’endoctrinement scolaire n’a pas encore pu produire ses effets –, en présence de tous les éléments d’information sur l’objet: le processus de fabrication d’un téléphone portable, les études sur la nocivité des ondes électromagnétiques, les effets sur la sociabilité et le rapport aux autres, etc., cet enfant pourrait donc assez facilement faire le choix pertinent face à la question de la nécessité ou non de continuer à produire l’objet néfaste.

Il faudra d’abord, pour changer, qu’on puisse retrouver le sens de ce qui est essentiel et le distinguer de l’accessoire. Ce sera difficile… «plus de 60% des Nigérians ont accès au téléphone portable, un exploit dans un pays grand comme trois fois la Californie, doté de routes en mauvais état, d’un service postal peu fiable et de deux lignes de téléphone pour mille habitants. Le prix du téléphone portable le moins cher permettrait à un Nigérian d’acheter douze kilos et demi de millet, c’est-à-dire de quoi nourrir une famille de cinq personnes pendant cinq jours. Le nombre d’abonnements a néanmoins explosé en Afrique, passant de 12 millions en 2000 à 376 millions en 2008 (1)».

Alexandre Penasse, Coordinateur du dossier
– En collaboration avec le collectif Dé-Mobilisation
Notes et références
  1. Boston Review, cité dans le Monde Diplomatique d’avril 2010

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