DE QUI SE MOQUE-T-ON? SUR REYNDERS ET LES AFFAIRES ENTRE AMIS…

Illustré par :

Notre bon ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, est fantastique. Il vient de perdre les élections à Bruxelles et en Wallonie où il était censé défendre les voix des électeurs francophones. Mais le voilà qui sort du palais avec le rôle d’informateur en compagnie de son ami Vande Lanotte. Les deux compères apparaissent dans le dossier des fonds libyens gelés par l’Onu, Reynders étant soupçonné d’avoir indûment libéré les intérêts (2 milliards d’euros) et moyennant rétro-commissions de les avoir cédés à des milices libyennes. Ces dernières auraient transformé cet argent en partie en commande d’armes décollées de l’aéroport d’Ostende(1) qu’a dirigé pendant des années Vande Lanotte…

Malgré la volonté claire du peuple belge de changer ses dirigeants, le palais décide de mettre à la fonction d’informateur deux vieux caciques de partis ayant perdu les élections et ayant été soupçonnés dans des affaires de corruption. Cependant, Reynders brigue également, depuis des mois, le poste de secrétaire général du Conseil de l’Europe (NDLR qu’il n’a pas obtenu finalement). Pourquoi cette candidature un peu terne pour quelqu’un de si ambitieux… Est-ce les 33.000€ euros nets d’impôts ou l’immunité qui vont avec cette fonction, qui attire notre homme ? Enfin, certains se posent la question de la proximité de notre ministre avec les Russes et de leur situation au Conseil de l’Europe : sur le départ, ils pourraient être tentés de mettre un homme à eux à la tête de l’institution pour garder un œil dessus. 

Néanmoins, le futur scandale de l’État belge ne réside pas dans ces éléments mais bien dans la fonction très surprenante qu’exerce notre ministre des Affaires étrangères : ministre de la Défense. Petit rappel : au début de la législature, c’est un N‑VA pur jus qui a exercé la fonction, Steven Vandeput.  C’est également lui qui dans la précipitation a commandé 34 avions de combat F 35 pour remplacer nos F‑16. Pour un total de 15 milliards €… Son chef de cabinet adjoint s’appelait presque comme lui, Simon Put. Ce dernier est rentré dans « les annales » en 2015 car, à l’époque, la sûreté et le SGRS se demandaient s’il ne travaillait pas pour les Russes. À tel point, que le service de renseignement militaire avait refusé de lui donner son habilitation de sécurité(2). Était-il un agent double ou a‑t-il retourné sa veste ? Toujours est-il qu’à la stupéfaction de tous, il est devenu soudainement lobbyiste pour Lockheed Martin, qui fabrique le F‑35,  au printemps 2018(3). En matière de neutralité, on peut mieux faire.

Le départ du gouvernement de la N‑VA laissait le poste de ministre de la Défense libre. En toute logique, ce poste aurait dû revenir à Denis Ducarme qui siégeait au sein de la Commission défense nationale, dont il est vice-président. Mais, c’était oublier le système Reynders et son fidèle percepteur d’impôts personnels, Jean-Claude Fontinoy(4).  La Défense semblait le lieu idoine pour toucher des commissions occultes non seulement sur le marché des F‑35 mais également sur l’ensemble des marchés annexes : missiles, pièces détachées, infrastructures etc… En outre, plusieurs marchés militaires clef s’annonçaient : les nouveaux chasseurs de mines (2 milliards €), des nouveaux véhicules blindés pour la composante terre (programme CAMMO pour 1 milliard €) et enfin des drones (Predator B pour 227 millions €)

Dans cette grande foire à la corruption, certains noms sont intéressants à enregistrer car il y a beaucoup de chances que vous les entendiez encore :
- Michael Mitchell, le gagnant incontestable. Il s’agit d’un ancien pilote de la RAF, habitant Huldenberg et marié à une comtesse belge, Diane des Enffans d’Avernas. Il est à la tête des structures ayant remporté aussi bien le marché F‑35 que le marché CAMMO. Inutile de dire que l’année 2018 a été l’ « année de l’euromillion » pour lui. 
- Trudo Motmans, directeur général d’Asco, l’ancienne société de la famille Boas. Celle-ci est intimement liée aux marchés d’armes en Belgique depuis l’époque de  Paul Vanden Boeynants. L’entreprise s’est tournée vers l’aéronautique depuis des années et, comme par hasard, son concurrent américain l’a rachetée pour  542 millions € en 2018(5). Motmans est resté Vice-Chairman d’Asco, après la vente par la famille Boas. Il est président d’Agoria Vlaanderen et président du Flag (le groupement flamand des industries de défense.) On le dit très proche de la N‑VA…
- Joy Donné, chef de cabinet de Jan Jambon au Ministère de l’Intérieur. Il s’agit de l’homme qui a conduit Bart De Wever en Porsche Carrera avec deux plaques différentes au bureau du MR en 2014. Il y a déchiré un PV de police devant les caméras (Humo du 26-08-2016). L’intéressé a servi pendant dix ans à la Régie des Bâtiments sous les ordres de Jean-Claude Fontinoy, période pendant laquelle les subtilités de l’art de la corruption lui ont été enseignées.
- Jos Vanschoenwinkel, conseillé défense de la N‑VA, ancien pilote de mirage dans la Force aérienne belge. Les anciens se souviendront que rentrant de fiesta à Liège, l’intéressé avait allumé prématurément le réacteur de son avion dans son bunker. Les vélos des mécaniciens en avaient fortement souffert… 

Ces quatre individus sont intimement liés au marché, très contesté, des F‑35. Ce qui est intéressant, c’est qu’à la signature , le contrat F‑35 a été présenté comme le contrat du siècle pour l’industrie aéronautique belge (3 milliards de retombées économiques). Ce segment est vital pour l’industrie aéronautique wallonne en particulier, mais aujourd’hui il n’y a eu que de belles promesses et aucun contrat(6). Au-delà de la gabegie et de l’indécence d’encore engager des dépenses dans ce genre d’engins de morts, est-ce que notre bon ministre Reynders, qui a rencontré discrètement Bart De Wever à Mozet dans le château-ferme de Fontinoy à de nombreuses reprises, aurait trahi l’industrie wallonne ?

Éric Arthur Parme

Notes et références
  1. « Un trafic d’armes illégal d’Ostende vers la Libye », 15 avril 2015, https://www.7sur7.be/belgique/un-trafic-d-armes-illegales-d-ostende-vers-la-libye~a8c55507
  2. « Rechterhand Vandeput roept vragen op », De Tijd, 20-06-2015.
  3. « Wie wist wat over de F‑16’s op het kabinet ? », De Morgen, 23 mars 2018 ; F‑16: « Un adjoint du ministre Vandeput viré après des contacts avec Lockheed Martin », 20 juin 2018, www.rtbf.be.
  4. cf. Kairos, « Bienvenue en Ploutocratie », 20-04-2018, http://www.kairospresse.be.
  5. « Asco, le fournisseur belge du F‑35, vendu à des Américains. », L’Echo du 02-05-2018.
  6. « F 35, Lockeed Martin met l’aéronautique belge sur les charbons ardents », 21-03-2019, www.rtbf.be.

Espace membre