Vaccin anti-Covid-19 : la valse des milliards

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Il y aurait environ 150 labos où des chercheurs tentent de développer un vaccin anti-Covid-19. Start-ups, bio-tech, universités, Big Pharma : chacun, avec ses supporters et sponsors, participe à la course pour le Graal, le vaccin qui nous libérerait de la menace du satané virus. Mais les motivations des uns et des autres sont souvent troubles : protéger la santé des humains ou… se positionner pour engranger des profits gigantesques ?

Nous vous épargnerons ici la description des diverses manières dont on imagine activer notre immunité pour résister aux assauts de la maladie : virus entiers (morts ou vivants, mais atténués), morceaux de matériel génétique, protéines de leur enveloppe, avec ou sans adjuvants qui boostent la réaction immunitaire… C’est complexe et rares sont les médias qui entrent dans les détails. D’ailleurs, ce sont souvent les journalistes des rubriques « économie » plutôt que « sciences » qui abordent le sujet des vaccins : premier signe qui devrait nous éclairer sur la réponse à la question de l’intro de cet article.

LES COMPORTEMENTS GÉNÉREUX…

Selon les scientifiques qui ont pris la direction des affaires du monde, le vaccin est LE remède dans lequel nous devons placer tous nos espoirs. Alors que par le passé, il a toujours fallu des années pour mettre au point et développer la production des vaccins, on nous laisse entendre que dans quelques mois, ou au maximum un an et demi (soit mi-2021), nous disposerions de la panacée. Le concert des nations semble partager cet avis et, le 20 avril 2020, les 193 membres de l’ONU ont adopté une résolution (non contraignante) réclamant « un accès équitable aux futurs vaccins contre le Covid-19 » en soulignant « le rôle dirigeant crucial » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

« Équitable » est un adjectif que l’on ne peut qu’approuver, mais qui peut se lire de différentes manières. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a estimé qu’un futur vaccin devait être considéré comme un « bien public mondial » accessible à tous. Il a donc réuni un sommet qui a recueilli des promesses de versements de 8,8 milliards de dollars pour accélérer la production de vaccins.

Certains sont plus précis : ainsi, le prix Nobel de la paix argentin, Adolfo Pérez Esquivel et le Comité pour la défense de la santé, de l’éthique et des droits humains (CODESEDH) ont lancé une pétition en quatre langues (espagnol, français, anglais et portugais)(1), en faveur d’un vaccin Covid-19 universel et gratuit. Cet appel rejoint celui, plus proche de nous, d’un autre humaniste, Riccardo Petrella, dès fin mai qui affirme que « Les vaccins sont des biens publics mondiaux. La vie n’est pas un brevet. La course au vaccin n’est pas une course saine et juste. Les grands médias en parlent comme s’il s’agissait d’un championnat du monde de football. Il ne s’agit pas de la santé de milliards de personnes : le véritable objectif est de gagner le brevet sur le vaccin et donc des milliards et des milliards d’euros. La priorité, ce sont les milliards d’euros, pas les milliards de personnes. Les gens ne sont qu’un outil pour le profit »(2). Lui et ses complices imaginent des mesures concrètes pour empêcher cette course au profit et proposent même un tribunal Russell sur les crimes qui seraient commis au nom de l’argent dans la lutte contre Covid-19…

On le verra, ces actions sont bien nécessaires face à la voracité des firmes pharmaceutiques alors qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Après la Seconde Guerre mondiale, la poliomyélite, très contagieuse, menaçait la vie de millions d´enfants, car elle n´avait pas de traitement. En 1955, le Dr Jonas Salk mettait au point un vaccin effectif et sûr. Jonas Salk a refusé de breveter le vaccin qu´il avait découvert et a expliqué : « Je veux dire aux gens qu´il n´y a pas de brevet. Est-il possible de breveter le soleil ? ». De même, en 1957, le Dr Albert Sabin a développé un vaccin par voie orale et lui aussi a renoncé à ses droits de brevet afin de faciliter la diffusion mondiale de sa découverte, le plus vite possible. La conduite éthique de ces deux scientifiques a permis l´éradication quasi totale de cette maladie dans le monde entier.

…ET LES ACTES ÉGOÏSTES

65 ans plus tard, le monde a bien changé. Le manque de solvabilité des populations exposées aux virus « exotiques » avait conduit les firmes pharmaceutiques à se désintéresser des recherches de traitements contre ces virus, mais le Covid-19 leur apparaît comme une extraordinaire aubaine à augmenter leur chiffre d’affaires et les dividendes à distribuer aux actionnaires(3). Comme dans d’autres secteurs essentiels à la vie humaine, les Big Pharma sont aujourd’hui prêts à sacrifier les valeurs morales sur l’autel du productivisme et de l’accumulation des richesses.

Non seulement l’industrie pharmaceutique sort déjà renforcée de la crise sanitaire, mais elle se fait pré-financer la recherche d’un éventuel vaccin, sans contreparties vu l’impatience des nations. Dans sa logique égoïste d’« America first », Trump a très rapidement lancé des pré-commandes aux montants gigantesques afin de garantir que les États-Unis seraient servis en premier en cas de découverte d’un vaccin(4), notamment pour s’assurer une large part du gâteau vaccinal de la société anglo-suédoise AstraZeneca dont le projet de vaccin issu des recherches de l’université d’Oxford est dit faire la course en tête. Défiées sur leur territoire, les institutions européennes n’ont pu s’organiser collectivement et c’est une alliance hétéroclite composée de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et des Pays-Bas qui a réservé 300 millions de doses pour un montant de 750 millions € dès juin 2020, avant même de savoir si le sérum passerait les tests de sécurité et serait efficace. En tout cas, un pari déjà gagné pour AstraZeneca(5).

L’on assiste donc à une véritable « géopolitique des vaccins », car la nation qui verrait apparaître sur son territoire le premier vaccin, connaîtrait une belle hausse de son prestige mondial. L’Union européenne a donc tenté d’agir et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a donc organisé une espèce de téléthon, vaste opération mondiale de récolte de fonds. En près de 3 heures, sous son animation enthousiaste sur Internet, une soixantaine d’interventions de dirigeants disséminés aux quatre coins du monde ont permis d’engranger des promesses de versements de près de 7,4 milliards €. «Aujourd’hui, c’était un sprint, le départ. Mais ce qui nous attend, c’est le marathon», s’est félicitée la présidente. Quand on vous disait que c’était une course.

L’HYDRE DES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ

On peut craindre une véritable foire d’empoigne lorsqu’un ou des vaccins apparaîtrait, avec l’abandon à leur sort des pays et individus pauvres. L’OMS prétend réguler le secteur, mais elle a passé des accords avec deux organisations internationales mélangeant des acteurs publics et privés et censées organiser la distribution des vaccins. On peut douter de la sincérité de ces deux « alliances » qui se disent philanthropiques.

Le GAVI(6) est né en 2000 et compte parmi ses fondateurs et contributeurs les plus importants, la Fondation Bill & Melinda Gates, alliée à la Commission européenne et des gouvernements de pays riches, les États-Unis, la France, mais aussi la Russie, le Qatar. La CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) créée en 2017 compte elle aussi parmi ses contributeurs la Fondation Bill & Melinda et d’autres pays : l’Australie, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Éthiopie, l’Allemagne, le Japon, le Mexique, la Norvège et la Grande-Bretagne.

Ces unions publiques/privées exécutent, théoriquement sous la direction de l’OMS, la politique mondiale des vaccins. Elles choisissent donc les laboratoires producteurs de vaccins et les financent(7)… dans une totale opacité. Kate Elder, spécialiste en vaccination au sein de Médecins sans frontières dénonce : « Il n’y a aucune transparence sur le choix des laboratoires producteurs ou le coût réel de production malgré les financements publics ». Le critère de choix ne serait-il pas le fait que les « généreux donateurs » sont actionnaires des firmes choisies ?

Ces organisations devraient par la suite s’occuper de distribuer ces vaccins après avoir pré-commandé des doses, « dans le cadre d’un mécanisme d’allocation qui devra être déterminé par l’OMS » selon le Gavi. « Les doses seront réparties équitablement au fur et à mesure qu’elles seront disponibles entre les pays autofinancés qui paieront leurs doses et les pays en développement qui, autrement, n’auraient pas les moyens de payer pour le vaccin », prétend le GAVI.

75 pays seraient disposés à participer financièrement à des achats groupés de vaccins coordonnés par le GAVI et la CEPI. 90 pays à faibles revenus verraient quant à eux leur accès aux vaccins soutenu par le système de distribution mis en place. « Ensemble, ce groupe de 165 pays représente plus de 60% de la population mondiale. Le groupe comprend des représentants de tous les continents et de plus de la moitié des économies du G20 dans le monde », a déclaré l’OMS. Cela signifie donc que les 40% restants (Algérie, Colombie, Gabon, Irak, Thaïlande, Turquie…) auront de graves difficultés pour accéder au vaccin contre le Covid-19. Le marché, encore plus fort, restera en position de force pour imposer ses prix léonins.

RÉSISTANCES EN HAUSSE

Historiquement, les vaccins (rage, variole, rougeole, poliomyélite…) ont été salués comme des symboles de progrès qui ont sauvé des centaines de millions de vies. Mais aujourd’hui, les populations sont de plus en plus réticentes à se faire vacciner, même face au Covid-19 qu’on ne cesse de nous présenter comme un monstre dont nous devrions avoir très, très peur. Les mensonges, les volte-face, les incohérences, les experts qui se révèlent être des avocats de causes ou des serviteurs de secteurs industriels : tant d’errements ont sérieusement dégradé la confiance des citoyens dans la science et dans leurs dirigeants, comme il a été montré dans l’article « Médecine officielle : perte de confiance généralisée ». (8) C’en est au point qu’en France, seuls 27% des 1.023 personnes sondées sur la question ont dit qu’elles se feraient certainement vacciner (30% probablement oui, 16% probablement non, 16% certainement pas)(9). En Belgique, une étude de l’Université de Gand montre qu’il n’y a plus que 35% des citoyens qui sont disposés à suivre aveuglément les injonctions gouvernementales, contre 81% au début de la pandémie. (10)

La méfiance de beaucoup de citoyens vient du fait qu’ils réalisent de plus en plus clairement qu’ils sont des outils pour le profit de quelques privilégiés. C’est vrai pour la santé mais il est d’autres secteurs (agriculture notamment) où les brevets privés sont le moyen trouvé par les multinationales pour enlever à l’État le rôle qui lui revient de responsable de la régulation de la vie collective, des droits et de la vie. Si l’on veut retrouver un peu de confiance, il sera nécessaire de libérer la science, la santé et l’économie en général de la finance prédatrice. Comme demandé par beaucoup, le futur vaccin devra être considéré comme un bien public mondial, accessible à tous, gratuitement et sans obligation contraignante. Alors, peut-être, l’humanité se considérera-t-elle comme une communauté de sujets solidaires et pas comme des objets qu’à l’instar de tout le vivant, certains voudraient breveter.

Alain Adriaens

LA TRAGI-COMÉDIE SANOFI

La France, jamais avare d’épisodes burlesques, a connu la saga Sanofi. Alors que cette multinationale française du médicament a des accointances non cachées avec le sommet de l’État français (Macron appelle son patron par son prénom, Paul), voilà que ce même patron annonce que si sa société parvenait à trouver un vaccin contre le Covid-19, les États-Unis seraient les premiers à en bénéficier. Il faut dire que le gouvernement américain a passé à Sanofi une grosse précommande et que le Biomedical Advanced Research and Development Authority, l’organisme américain chargé de financer la recherche, lié au ministère de la santé états-unien, a octroyé 30 millions de dollars à Sanofi dans le cadre d’un programme de recherche d’un vaccin.

Fâché, Emmanuel s’est ému de cette traîtrise et a même failli oublier au service de qui il était puisqu’il a déclaré qu’il serait nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché. Il a rapidement contacté son ami Paul (Hudson) et le conseil d’administration de Sanofi s’est tortillé pour tenter de calmer le scandale et a affirmé qu’aucun pays ne serait privé de leur vaccin… même si une préférence pour les USA leur donnerait une avance de quelques jours ou semaines.

Il faut dire que Sanofi est depuis des années au centre des critiques :

- scandale de son médicament, la Dépakine®, qui a handicapé entre 15.000 et 30.000 enfants (que Sanofi a refusé d’indemniser) ;

- mise(11) à jour des pratiques antisociales de la multinationale par le magazine Fakir et son rédac’ chef/député François Ruffin ;

- dénonciation des petits cadeaux octroyés par l’État français à son protégé : le syndicat CGT a révélé que Sanofi perçoit de l’État français entre 110 et 130 millions de crédit d’impôt recherche par an, tout en ayant diminué les effectifs de 5.000 emplois en 12 ans et annonçant encore 1.700 suppressions de postes à l’avenir, malgré l’augmentation de son chiffre d’affaires de 7% au premier semestre 2020(12);

- poursuite des cadeaux somptueux aux actionnaires : encore 4 milliards € en 2020.

Et voilà maintenant que le fleuron de l’industrie pharmaceutique française, couvert de cadeaux et de louanges, tombe dans les bras (chargés de dollars) de Trump. Décidément, on ne peut plus se fier à personne…

Notes et références
  1. https://www.pressenza.com/fr/2020/08/petition-pour-le-vaccin-covid-19-universel-et-gratuit/
  2. https://pour.press/les-vaccins-sont-des-biens-publics-mondiaux-la-vie-nest-pas-un-brevet/
  3. Le secteur pharmaceutique est un des rares à continuer à arroser ses actionnaires de dividendes plantureux. Une ONG néerlandaise spécialisée dans l’analyse des pratiques des multinationales, Somo, vient de sortir une étude assassine pour le secteur. De 2000 à 2018, les 27 entreprises du Big Pharma étudiées ont vu passer leur dette de 60 milliards de $ à 518 milliards, soit de 21% à 72% de leur chiffre d’affaires. Cet afflux d’argent a très peu servi à la recherche, mais, par contre, la rémunération des actionnaires a grimpé de… 400% ! Ce constat fait dire à l’ONG que l’objectif des firmes du Big Pharma n’est pas de produire des médicaments utiles à des prix abordables, mais qu’elles sont devenues des sociétés d’investissement qui attirent par des rendements indécents les plus fortunés de la planète (source : https://somo.nl/somo-reveals-the-financialisation-of-the-pharmaceutical-industry-and-the-potentially-deadly-costs/).
  4. L’administration américaine a investi en mars 456 millions $ dans un vaccin candidat développé par Johnson & Johnson, 486 millions en avril dans Moderna et jusqu’à 1,2 milliard en mai dans AstraZeneca qui travaille sur le développement d’un vaccin en partenariat avec l’université d’Oxford. Un crédit de 628 millions $ a été accordé à Emergent Biosolutions EBS.N pour accroître ses capacités de production d’un éventuel vaccin et Regeneron Pharmaceuticals a bénéficié de 450 millions $. Dans le cadre d’une opération de « capture du marché » nommée Operation Warp Speed, un partenariat public-privé lancé par la Maison blanche pour faciliter et accélérer la production de traitements et de vaccins et destinée à s’assurer les chances de disposer d’au moins un vaccin sûr et efficace dès la fin de cette année, Début juillet, l’administration fédérale américaine a accordé à la société Novavax le crédit le plus énorme, 1,6 milliard de dollars, avec l’espoir que le laboratoire pharmaceutique soit en mesure de produire 100 millions de doses d’un éventuel vaccin d’ici janvier 2021. Quelques heures plus tard, l’action Novavax bondissait de 28% à la Bourse de New York. En juin, le département américain de la Défense avait déjà accordé au laboratoire un crédit de 60 millions $ pour l’aider à produire 10 millions de doses de son vaccin cette année. L’Operation Warp Speed soutient aussi Pfizer et Merck.
  5. AstraZeneca : fin 2019, effectif de 70.600 personnes, capitalisation de 125 milliards $, chiffre d’affaire de 24,3 milliards $, bénéfice net de 1,335 milliard $ (source Wikipedia).
  6. https://gavi.org/fr .
  7. Par exemple, le GAVI a réservé 300 millions de doses à AstraZeneca pour 663 millions € et la CEPI soutient 9 projets de vaccins contre le Covid-19 à hauteur de 829 millions $.
  8. https://pour.press/medecine-officielle-perte-de-confiance-generalisee/ .
  9. https://huffingtonpost.fr/entry/le-vaccin-contre-le-coronavirus-1-francais-sur-3-le-refuserait-voila-pourquoi-sondage-exclusif-yougov_fr_5f1ae-94dc5b6f2f6c9f56ae4
  10. https://ugent.be/nl/actueel/motivatievolksmarathonstijgtweer.htm
  11. https://fakirpresse.info/le-scandale-sanofi-les-chiffres
  12. https://www.facebook.com/LesSanofi/posts/1433584580111054/

 

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