Ukraine, le nouveau narratif, les mêmes méthodes

Ils voudraient que nous allions vite, dans ce temps où seule l’accélération est promue et valorisée. La guerre en Ukraine mérite pourtant qu’on s’attarde. Mais surtout, avant, il est important de souligner les similitudes qu’a la situation avec toute cette entreprise de manipulation des masses, où les médias du pouvoir nous dictent le réel, passant d’un jour à l’autre, sans vergogne, du tout Covid à presque rien, en conservant l’architecture coercitive, tout en passant au nouveau narratif : l’Ukraine. Quelle aubaine que l’une prenne le pas sur l’autre, et continue à occuper les esprits...

« Qu’il dénonce Goldstein, qu’il exige des mesures plus fermes contre les mentocriminels et les saboteurs, qu’il fulmine contre les atrocités de l’armée eurasienne, ou qu’il fasse l’éloge de Big Brother ou des héros sur le front de Malabar, on peut être sûr que chaque mot relève de l’orthodoxie la plus parfaite, du pur Sociang. En observant ce visage sans yeux aux mâchoires qui claquent lui vient le sentiment étrange qu’il ne s’agit pas d’un humain mais d’un automate. Ce n’est pas le cerveau qui s’exprime, mais le larynx. Strictement parlant, ce sont bien des mots qui sortent de cette bouche, mais au lieu d’être un discours articulé, ce n’est qu’un bruit émis en toute inconscience, comme le canard cancane ».

George Orwell, 1984, p.73.

« L’une des grandes leçons à tirer des cinq derniers siècles en Europe et en Amérique est la suivante : les crises sévères contribuent à renforcer le pouvoir de l’État. Cela a toujours été le cas et il n’y a pas de raison que ce soit différent avec la pandémie de COVID-19. Les historiens soulignent le fait que l’augmentation des ressources fiscales des pays capitalistes à partir du 18ème siècle a toujours été étroitement associée à la nécessité de mener des guerres, en particulier celles qui se sont déroulées dans des pays lointains et nécessitaient des capacités maritimes. »

Klaus Schwab, Thierry Malleret, Covid-19 : La Grande Réinitialisation, p.73.

« On devait en finir avec la Révolution sandiniste, car il ne devait pas y avoir d’autres Cuba sur le continent, et pour y parvenir tous les moyens pouvaient être employés. C’est ainsi que fût échafaudée l’alliance entre plusieurs importants trafiquants colombiens, principalement ceux des dits « cartels » de Medellin et de Cali, la CIA, et d’autres agences de sécurité étasuniennes ».

Hernando Calvo Ospina, Colombie, derrière le rideau de fumée. Histoire du terrorisme d’État, p.176.

« L’autorité spectaculaire peut également nier n’importe quoi, une fois, trois fois, et dire qu’elle n’en parlera plus, et parler d’autre chose ; sachant bien qu’elle ne risque plus aucune riposte sur son propre terrain, ni sur un autre. Car il n’existe plus d’agora, de communauté générale ; ni même de communautés restreintes à des corps intermédiaires ou à des institutions autonomes, à des salons ou à des cafés, aux travailleurs d’une seule entreprise ; nulle place où le débat sur les vérités qui concernent ceux qui sont là puisse s’affranchir durablement de l’écrasante présence du discours médiatique, et des différentes forces organisées pour le relayer ».

Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, p.34.

Le fait que ceux qui ont pris l’habitude de faire du mensonge la forme du discours politique nous diraient cette fois-ci la vérité, devrait nous amener de sérieux doutes quant à la validité de leurs jugements. Le fait aussi qu’ils s’octroient l’arbitraire de décréter qui est du camp du bien et qui relève de celui du mal, tout en déplorant les victimes de ce dernier – alors qu’ils ont laissé en jachère médiatique et depuis longtemps celles qu’ils ne considéraient pas comme dignes d’intérêt (les Palestiniens par exemple) – devrait également nous mettre sur nos gardes. Sans parler du monde inique qu’ils n’étaient même pas capables de percevoir comme le résultat direct de leurs actions.

L’Ukraine ici ne fait pas exception. Il faut donc, avant de se pencher sur la spécificité de la situation « Ukrainienne », souligner ce qu’elle a en commun avec toutes les autres histoires qu’on nous raconte.

1. On nous narre une histoire. Leur histoire. Plus que des faits, il s’agit surtout de la représentation qu’on nous en donne : un système médiatique possède les réseaux de diffusion (radio, télé, satellite). Cette histoire s’écrit même dans le virtuel avant de prendre pied dans le réel : Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a d’abord incarné un personnage dans une série, professeur d’histoire qui devient président de l’Ukraine…

2. De cette histoire, le pouvoir politico-médiatique décide, à l’instar du récit Covid, quand elle commence, quand elle devient importante, et quand elle se terminera. Point de mots donc de la guerre que mène l’État ukrainien aux régions indépendantes, et ce depuis 2014. Pas plus sur le putsch orchestré par les USA et leurs vassaux européens la même année.

3. Deux camps : le bien, le mal. Dire tout le positif sur le premier, tout le négatif sur l’autre. Occulter ce qui contredit la procédure. Pour les médias aux ordres, la situation est toujours identique : un méchant attaque un gentil qui tente de se défendre et est secouru par un autre dépourvu d’intérêts égoïstes (les Américains en l’occurrence). Ceux qui parleront dans les médias devront dire ce qu’on attend qu’ils disent(1).

4. L’Occident pointe les Droits de l’homme et autres valeurs morales. Ça suinte le mensonge et la com’, car il n’y a ici qu’affaire de gros sous (2). Rien de nouveau.

5. Les mots sont essentiels et forment la pensée : parler d’invasion/libération, par exemple, changera totalement la façon d’appréhender la situation.

6. En dernière instance, c’est toujours le peuple qui paye les dégâts. Parmi eux, on comptabilisera les morts de la guerre, les blessés, les affamés, les privés-de-tout. Les autres, minoritaires, hors-sol (la nationalité n’est pour eux utile que si elle sert de passe-droit, rappelons-nous Saakashvili, politicien Georgien, qui a fui le pays accueilli par les États-unis, accusé de corruption et crimes).

La malléabilité cérébrale des individus qui suivent instantanément le nouveau narratif médiatiquement imposé est sans doute le plus extraordinaire. 

Ceux qui écrivent le scénario savent les mots d’Orwell justes : « Qui contrôle le passé contrôle l’avenir, et qui contrôle le présent contrôle le passé ».

Il faudra que nous comprenions le présent. Ceux qui en sont incapables n’écouteront rien de l’analyse de ce présent.

Pour commencer donc, parmi les multiples analyses existantes, on consultera avec intérêt : 

Notes et références
  1. https://www.redvoicemedia.com/video/2022/03/woman-stuns-french-media-when-she-tells-her-truth-the-opposite-of-big-medias-ukraine-narrative/
  2. https://antipresse.net/les-sanctions-europeennes-ou-la-passion-de-lautomutilation/

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