« Bonjour Monsieur V.(1), je suis actuellement étudiant et effectue un travail de fin d’année sur les associations qui défendent le droit des automobilistes. Serait-il possible que vous m’accordiez une interview ? » Voilà comment tout a commencé et comment je suis parti à la rencontre de monsieur V., fondateur d’une association défendant le droit de rouler et de se parquer à Bruxelles. Nous avons rendez-vous à 10h30 dans un établissement. 10h25, mon téléphone sonne : « J’avais une réunion prévue de 9h00 à 10h00, je pensais être à l’heure, mais là…, tout est bouché, y’a des files partout… ». Il s’excuse et me dit qu’il risque de ne pouvoir me rejoindre à l’heure et au lieu convenus qui se trouve à… 20 minutes de vélo du lieu où il est. « Restez en ligne, me dit-il ! Attendez ! A droite, à gauche, ahhh !, ça va ! Je m’engage sur Montgomery, je pourrai normalement être là pour 11 heures ». Dix minutes passent, il me rappelle : « Ça y est, c’est dégagé, je serai là ». Ouf, sauvé : « Mon permis, ma liberté »… Plein de bonhomie, ravivé par mon intérêt pour la chose qui occupe le centre de son combat, la voiture, il ne manque toutefois pas de me faire remarquer que ces vicissitudes automobilistiques, qui ont failli nous coûter notre rencontre, « feraient un sujet intéressant pour mon travail de fin d’étude ». Certes! Pour l’instant je l’étudie, lui, mais ça, il ne le sait pas !
Alexandre Penasse(2) : Votre association défend le droit de rouler et de se parquer. Selon vous, le droit de rouler et de se parquer, par exemple à Bruxelles, n’est pas encore acquis. Dans ce cas, que faites-vous pour concrétiser ces droits ?
Monsieur V. : En fait ces droits étaient acquis et ont été depuis 10 ans progressivement mis en cause. Ils existaient naturellement je dirais : ça fait partie de la vie d’une population moderne dans un pays développé, même dans les pays sous-développés, tout le monde roule ! Et donc c’était naturel. Mais il y a peut-être une dizaine d’années, il y a une idéologie qui s’est mise en place, surtout en Europe de l’ouest, et qui conteste même le droit de rouler. Et c’est pour cette raison que nous avons créé notre association.
Vous roulez pour le loisir ou pour vos déplacements ?
Non, surtout pour les déplacements, pour les courses, pour le travail, pour les rencontres… Ce qu’on peut faire à vélo, je le fais à vélo parce que ça me donne une bonne condition physique aussi. Je ne fais pas ça par manie (sic).
Pourtant souvent les automobilistes et les cyclistes sont, disons, en mésentente… Comment expliquez-vous cela ?
Écoutez, je pense qu’il faut objectiver. La plupart des automobilistes ne sont pas anti-vélos, un certain nombre roule de temps en temps à vélo. Mais ils trouvent que les vélos sont indisciplinés ; ils se croient parfois tout permis. Et je crois que beaucoup de cyclistes ne sont pas anti-voitures, d’ailleurs ils roulent aussi, il faut dire les choses comme elles sont : ils profitent des voitures des autres ou même parfois ils roulent dans leur voiture. Donc, il ne faut pas dire « Les cyclistes et les automobilistes sont en guéguerre », ça ce n’est pas vrai, c’est une caricature.
Il y a un noyau de cyclistes idéologues qui considère que rouler à vélo c’est vertueux et que rouler en voiture c’est moralement mal. Cela pose un problème dans la mesure où les citoyens sont libres : ils peuvent prendre la voiture, le transport en commun, le vélo. Les Bruxellois, qui sont libres jusqu’à nouvel ordre, font 60% de leurs déplacements en voiture, environ 15–20% en métro, 10% en bus, 10% en tram et, on peut discuter, 3 ou 4% à vélo. Alors ça a doublé puisque avant on était à 1,5 et maintenant on est à 3, ça a doublé en 10 ans, je veux bien, m’enfin! Il faut voir à quel niveau on se trouve. C’est ça l’objectivité, donc il ne faut pas venir dire que 3% ou 4% doivent faire la loi !
On considère que le nombre de voitures va doubler d’ici à 2050, est-ce que ça c’est un fait ? Le fait que l’on considère que le vélo est très marginal et que ça ne va pas augmenter, n’est-ce pas une façon de se soumettre à une réalité concrète, c’est-à-dire : « La voiture augmente de toute façon, il n’y a rien à faire, alors que le vélo demeure marginal et on ne pourrait pas faire beaucoup plus pour ce mode de transport » ?
C’est l’approche factuelle-opérationnelle (sic). L’autre approche, c’est idéologique, c’est de dire « On roule en voiture, c’est pas bien ». Au début c’était fondé, dans la mesure où les voitures polluent, et dans la mesure où les voitures polluent encore, j’accepte volontiers la critique, je m’y joins. Mais il y a face à cela deux approches : l’approche négative qui est de dire : « Les voitures ça ne sera jamais propre », idéologique, et puis il y a l’approche volontariste, technique, qui dit : « On doit rendre les voitures propres ». Ça c’est la solution positive, voilà. Et les voitures sont de plus en plus propres, vous pouvez regarder les chiffres.
Justement alors, je saute sur une question : selon ce qu’on peut lire sur votre site : « La voiture électrique serait plus propre, plus silencieuse, émettrait moins de CO2, impliquerait une moins grande dépendance au pétrole ».
Mais bien sûr !
Alors, est-ce dire que les voitures actuelles majoritairement à essence et diesel polluent, sont bruyantes, émettent beaucoup de CO2 et impliquent une grande dépendance au pétrole. J’ai retourné la…
Oui, oui, mais c’est-à-dire que… « une grande » ? Tout est relatif. Les ingénieurs n’arrêtent pas d’améliorer la propreté des voitures. Le point culminant, c’est la voiture électrique, pour le moment, on trouvera peut-être encore quelque chose après…
Et la voiture actuelle alors… parce qu’il y a 0.1% de voitures électriques, même pas ?
Je suis pour le principe, vous dites d’objectivité, pour le principe de réalisme. La voiture actuelle, la voiture à moteur à combustion, ça c’est clair, elle va rester des décennies ! Donc renseignez-vous : il n’y a aucun indice que cette voiture pourrait disparaître dans un avenir prévisible. Aucun ! Ce qui est vrai c’est que le combustible, le carburant venant du pétrole fossile, va se réduire un peu, beaucoup ? Un peu ? On discutera, mais ça va se réduire. Mais il est évident que vous avez une panoplie de carburants de remplacement. L’Allemagne nazie pendant 5 ans a fait la guerre, 1940–45, sans pétrole brut. Il n’y avait pas accès pratiquement(3).
La technologie est déjà là ?
Elle était là il y a 50 ans, 60 ans, on transforme du charbon en combustible pour moteur de voiture.
On parle beaucoup évidemment du pétrole, parce qu’on est dans une société du pétrole, on en a besoin pour tout : les vêtements, les transports, l’alimentation… On parle peut-être moins du charbon ou d’autres énergies, mais il semblerait que toutes commencent à manquer ; on a peut-être trop puisé dans les ressources de la terre, et même le charbon…
Je vois que vous avez été interviewer des idéologues, hein ! Oui, oui. Mais je suis content de pouvoir rectifier tout cela. Vous devez lire des livres, comme le professeur a dit, objectiver. Et donc le pétrole, disons minéral, il y en a encore pour des décennies. C’est complètement faux de dire qu’on l’épuise. Prenez tout ce qui se construit comme nouveaux puits, en Amérique Latine, au niveau du Brésil, au niveau du golfe du Mexique, au niveau du Venezuela, pour ne citer que ceux-là, c’est énorme ! Alors dire que le pétrole s’épuise, ça c’est un mensonge. Par contre, il pourrait être plus cher qu’avant, si on va le chercher dans des régions où c’est plus difficile de l’extraire, le prix va augmenter, ça c’est vrai. Mais dire qu’il n’y en a plus ou qu’il n’y en aura plus, ou qu’on l’épuise, ça c’est complètement faux.
On ne s’en rend pas compte quand on roule évidemment, mais l’essence ne vient pas de Belgique, elle vient de loin, donc si des gens en Équateur décident de ne plus exploiter leurs ressources pétrolières, ça va avoir un impact sur le prix du pétrole.
Je pense qu’il y a des gens extrêmement intelligents, habiles, qui font mousser tous ces sujets dont vous parlez.
Vous croyez que c’est de la manipulation ?
Naturellement ! Lisez les ouvrages… différents, et vous allez voir la surabondance de pétrole dans le monde, d’autant plus qu’on n’a même pas encore touché au pétrole du Pôle Nord ou du Pôle Sud, où ça fond. Moi je ne fais pas de critique ou d’appréciation sur le réchauffement climatique ; mais donc il y a là des gisements énormes.
Donc, disons que c’est vrai que la fonte des glaces, c’est triste, mais ça donnera accès…
…aux nouvelles ressources ! Ça c’est une piste. Mais on n’a pas besoin de la fonte des glaces. On en a tout plein en cours de prospection. Le Brésil est champion ; il y aura la fonte des glaces en plus et il y a surtout aussi d’autres ressources comme les sables bitumineux…
Au Canada !
Au Canada ! Et donc on peut faire le tour de la planète et le tour des technologies et la conclusion c’est : « Il y aura toujours des combustibles pour les moteurs à combustion interne comme ceux que nous connaissons ». Il y a le gaz, n’oubliez pas, on peut faire tourner les moteurs au gaz, et c’est beaucoup plus propre d’ailleurs. Donc le slogan dit : « Tout s’épuise », et c’est un slogan que j’ai dû contrer comme d’autres d’ailleurs, et bien c’est de la désinformation. « Le réchauffement, la planète s’épuise, il y aura plus moyen de rouler en voiture donc ne roulons plus »… ça j’espère que vous n’allez pas tomber dans le panneau. Alors je vous donnerai des livres que vous pouvez lire, avec des données objectives, scientifiques.
Certains parlent du « pic du pétrole », qu’on serait arrivé dans la deuxième phase…
Qu’est-ce qu’on vous a fait lire ? Ils sont forts ! Ils ont une longueur d’avance sur moi là. Le terrorisme intellectuel, il faut l’appeler par son nom, qui consiste à jeter des contre-vérités, inventer des beaux concepts, avec habilité : « pic du pétrole », enfin tout ce qu’on veut… pour faire conclure qu’il ne faut plus rouler en voiture. Ça prend en Europe de l’ouest avec des esprits un peu philosophes, comme nous l’avons toujours été. Tout cela ne prend pas en Asie où ils sont beaucoup plus pragmatiques, ni en Amérique où ils sont beaucoup plus tournés vers l’économie, ni certainement pas au Brésil où dans des pays qui veulent se développer, qui n’en ont rien à faire de ces considérations-là.
Une autre question, pour rester objectif, un peu dure mais je la pose : est-ce que la liberté de rouler en voiture pourrait justifier des marées noires ou des guerres, selon vous, par exemple ?
C’est une question qui a été posée… est-ce que vous êtes l’interprète de certains, qui vous ont dit : « Si tu vois X, tu dois lui poser ces questions-là ? »
Non, pas « Si tu vois X » mais « Si tu fais une étude en prenant un peu tout en compte, pose cette question-ci », voilà.
Oui m’enfin, donc il y a des personnes, allez…, anti-voiture qui vous ont parlé, on le sent ! Mais c’est bien, c’est pas…
Je ne sais pas si ce sont des personnes anti-voiture…
Oui mais ce genre de questions, allez, avouez : « Est-ce que vous croyez que rouler en voiture peut justifier le fait de marées noires »… Allez bon, écoutez… vous riez vous-même. Donc c’est une façon de présenter les choses, de culpabiliser…
Non, non, non…
Je ne suis pas d’accord avec la méthode de culpabilisation et la méthode du catastrophisme… Donc pour le moment vous avez engagé votre conversation sur deux thèmes : le thème du catastrophisme, « il n’y a plus de ressources »…
Oui, on a glissé là-dessus, vous avez raison.
Et puis après la culpabilisation : « Rouler ça veut dire qu’il faut exploiter du pétrole, ça veut dire qu’il y a des marées noires ». Enfin, écoutez, ça c’est…
Parce qu’on pense beaucoup à la marée noire dans le golfe du Mexique(4)…
Bien sûr, mais ça, ça n’a rien à voir avec le fait de rouler, est-ce qu’on utilise du pétrole ou pas, est-ce qu’on veut l’industrie du pétrole ou pas ? L’industrie sert beaucoup, vous l’avez dit vous-même, comme matière première pour tous les plastiques, ça n’a rien à voir avec rouler !
Non, mais la question de la liberté…
La liberté de rouler, mais évidemment que nous sommes partisans de la liberté de rouler ; il y a 6 milliards d’êtres humains qui sont partisans de la liberté de rouler !
« Il y a surabondance de pétrole dans le monde, d’autant plus qu’on n’a même pas encore touché au pétrole du Pôle Nord ou du Pôle Sud, où ça fond »
Où s’arrête cette liberté ?
Où s’arrête la liberté de rouler ? Mais où s’arrête la liberté de manger ? Mais comme par hasard c’est de la liberté de rouler dont on parle ! Mais moi je vous dis, où s’arrête votre liberté de manger ? Est-ce que vous avez le droit de manger tout ce que vous voulez alors qu’il y a des gens qui crèvent de faim ?
Ah oui…
Alors allons‑y hein…
Peut-être qu’il y en a qui mangent trop et qui gaspillent trop de nourriture.
Oui, m’enfin, alors, alors voilà, non mais ça va pas, je m’excuse ; la liberté de rouler… (rire) (…) Je suis pas liberticide moi, mais je me bats contre les liberticides (…) J’accepte volontiers de vous aider. D’ailleurs moi je vous intéresse parce que je suis une source d’informations, mais vous m’intéressez parce que vous êtes aussi une source d’informations. On va faire une opération win-win entre nous (…) J’avais espéré que vous alliez aborder le problème de rouler en voiture à Bruxelles. Alors maintenant, on parle de l’épuisement des ressources… Je reconnais que les adversaires de la voiture ont la foi dans leur mission, la preuve c’est qu’ils vous ont déjà injecté des questions de ce genre. Comme si l’épuisement des ressources avait quelque chose à voir avec la mobilité à Bruxelles ! Je vous ai répondu : 1. Il n’y a pas d’épuisement des ressources telles quelles. 2. Il y a une surabondance de solutions de remplacement.
Vous parliez des adversaires. Que pensez-vous des anti-voitures, des défenseurs du vélo comme le GRACQ ou Provélo ?
Je ne porte pas de jugement.
Pas nécessairement que sur le GRACQ et Provélo, mais aussi ceux qui se disent anti-voiture ?
Ça c’est tout différent ! Et là j’espère qu’on va quitter le domaine politique, idéologique, pour parler d’autres choses. Mais la grande différence entre le GRACQ ou Provélo d’un côté et Touring et notre association de l’autre, c’est qu’objectivement le GRACQ et Provélo dans tous leurs écrits sont anti-voiture. Ils trouvent que la voiture ce n’est pas bien, qu’il faut remplacer cela par le vélo, etc. Tandis que nous, et ça vous pouvez le retenir et même l’afficher, nous n’avons rien contre le vélo. C’est tout différent. La relation entre GRACQ et nous n’est pas symétrique. Nous sommes très tolérants, nous sommes tolérants…
C’est important ça.
Et comment donc ! Tandis qu’eux ne le sont pas. Parfois je prends ma priorité face à un vélo : « Espèce de brute » ! Ils sont lancés, et il y’a un noyau dur. Donc je fais une distinction avec la masse des cyclistes – mais moi-même je suis cycliste, ça vous le mettrez dans votre papier ? Je roule plusieurs fois par semaine à vélo pour mes déplacements fonctionnels, pas pour mes loisirs.
Et vous trouvez cela dangereux à Bruxelles ?
Ah, oui mais ça c’est une autre question ! On parle du vélo maintenant : on n’arrête pas de dévier du cœur… Le vélo, moi je roule ! Et la réponse « Est-ce que c’est dangereux ? » Ça dépend du cycliste avant tout. Faut pas venir dire, ça dépend des autres, des trams, ou des… non, non, non ! Ça dépend du cycliste ! Moi je dis « Est-ce que c’est dangereux d’aller faire de l’escalade en montagne ? » Si c’est un alpiniste ou quelqu’un qui a des notions, non ! Si c’est quelqu’un qui n’y connaît rien, oui ! Eh bien, pour le vélo c’est pareil. Est-ce que c’est dangereux ? En soi, ce n’est pas dangereux ; mais c’est dangereux pour ceux qui ne savent pas maîtriser l’équilibre, le muscle, parce qu’il faut pouvoir un moment accélérer, la vision parce qu’on voit autrement qu’en voiture… Donc rouler à vélo en ville c’est inévitablement réservé à ceux qui ont certaines qualités ! Çà n’est pas un outil grand public. Et c’est la raison pour laquelle il n’y a que 3 ou 4% des déplacements… Tout cela est très cohérent vous savez ! Les faits, la réalité elle est cohérente, ce qui n’est pas cohérent, c’est l’idéologie, comme vous venez de voir. Mais donc c’est pas donné à tout le monde. Si on construisait une ville au départ, avec des pistes à vélo partout, tel que l’on puisse rouler en toute sécurité, ah bien oui ! Alors ce ne serait pas dangereux. Mais maintenant, c’est dangereux pour ceux qui ne savent pas… Allez, passez sur les voies de tram, moi je vais souvent rue Royale… vous êtes aussi cycliste ?
Oui, ça m’arrive…
Prenez l’église Sainte-Marie, rue Royale, allez vers la Colonne du Congrès : les camions, à juste titre, je ne critique pas, sont parqués là pour décharger, donc vous devez monter sur la voie de tram… c’est un exercice qui n’est pas donné à tout le monde.
Non, ça peut être dangereux.
Moi, je le fais, je m’amuse, ça entretient ma forme physique, mais enfin, bon ! Les cyclistes ne peuvent pas prétendre faire le hold-up sur Bruxelles. Je suis cycliste, je respecte les cyclistes, j’approuve le fait de rouler à vélo ! Parce que chaque fois que quelqu’un fait un déplacement à vélo, il n’est pas dans sa voiture, on ne peut pas être à la fois au volant et à vélo. Donc c’est bien de rouler à vélo.
Mais ils restent minoritaires.
Mais ils resteront toujours une minorité ! Ils ne seront même jamais à 20% dans une ville comme Bruxelles, dont les politiques qui se basent sur un développement énorme du vélo pour dire que la voiture doit être utilisée 20 % en moins, c’est une politique de l’autruche, c’est un indice d’inconscience anthropologique. L’être humain ne fonctionne pas contre son confort et sa sécurité. Donc, mais encore une fois ce sont des parenthèses.
Mais la voiture est quand même importante dans la société, c’est clair que quand on parle de cela, on sort quelques fois un peu du sujet…
Ce serait beaucoup mieux plutôt que de faire ces exercices idéologiques, de se concentrer sur l’anthropologie basique, sur l’économie basique, sur l’opérationnalité basique, sur la société, les relations sociales basiques… j’espère que vous le ferez… La conclusion : la voiture est irremplaçable. C’est tout ! (rire)
Parlons de Touring justement alors. Touring notait dans un article du 3 mars 2010 : « Personne n’aime être coincé dans les embouteillages, mais force est de constater que pour un grand nombre de gens, la voiture reste la seule alternative valable ». Quel est l’autre versant de cette alternative selon vous ? Ou comme vous venez de dire « la voiture est irremplaçable ».
… pour une série de déplacements, hein. Il ne faut pas jouer au journaliste tronqueur. Elle est irremplaçable pour une série de déplacements. Et si on ne sait pas l’utiliser, imaginons maintenant une taxe de 500% sur l’achat du véhicule, eh bien ces déplacements ne se feront pas, c’est tout ! Les gens ne vont pas prendre leur vélo pour aller chercher leur gosse à l’école, aller le conduire chez la belle-mère… ça n’existe pas ça ! Pour beaucoup de déplacements, c’est la voiture ou le néant. Il faut dire les choses comme ça… vous devez mettre ces expressions ! Et donc je dis que je suis pour le vélo, pour l’usage du vélo, un; deux : cet usage est inévitablement limité.
Mais là on dévie aussi, parce que vous parlez du…
Mais non, parce que la conclusion c’est que la voiture restera un outil indispensable au déplacement et que si on veut, ce que moi j’accepte, que les gens se déplacent moins en voiture à Bruxelles, fassent moins de kilomètres, l’alternative c’est le transport en commun, ou la motorette, ou le taxi, c’est pas le vélo, c’est tout. Donc moi je suis sans états d’âme.
Je vais vous citer trois types de voitures, laquelle est pour vous la plus efficace en ville : une voiture familiale type break, une smart, ou une 4 X 4 ?
Bien, écoutez, ça encore, je ne sais pas qui vous a suggéré cette question… mais cette question n’est pas… oui, mais qui vous la suggérée ? Elle ne vient pas de vous cette question !
Quand on fait un questionnaire, on le soumet aussi à d’autres gens de son entourage ou des gens de…
Oui, mais m’enfin ! moi je ne vais pas parler des 4 X 4, c’est l’obsession.
Parce que votre association défend aussi la mobilité, comme Touring, qu’on puisse moins être dans les embouteillages…
Oui, pas comme Touring, comme tout le monde, tous les Bruxellois souhaitent ça.
Donc, est-ce qu’il y a une stratégie du choix de la voiture, ou est-ce que les pouvoirs publics devraient intervenir là dedans, dans le choix d’une voiture, ou faire que les gens prennent des plus petites voitures.
« Une familiale, une smart ou une 4 X 4 », poser la question comme ça c’est révéler d’abord la haine du 4 X 4, qui est absurde sur le plan technologique… Toute ma vie, j’ai résisté à l’emprise de l’idéologique sur le physique et sur l’objectif. Il y en a dans le domaine religieux, dans le domaine économique…alors, non, bon, écoutez ! L’idéologie, ça ne va pas. Je ne veux pas parler des 4 X 4, moi je n’ai pas de 4 X 4, mais ce n’est pas l’objet.
Parce que vous trouvez qu’on en a fait un débat…
Un débat complètement faussé, n’est-ce pas. Le problème, c’est la pollution créée par les voitures, je veux bien en parler, ça c’est un problème objectif : il faut réduire la pollution. La 4 X 4 n’augmente pas ou ne réduit pas la pollution, ça n’a rien à voir. Mais il y a l’encombrement, on peut trouver que les 4 X 4 dans les parkings posent des problèmes, dans les parkings publics, qu’elles sont trop larges. Il y a combien de pour cent de 4 X 4 à Bruxelles ? 4% peut-être, c’est le cas de le dire ! Donc, ce n’est pas un problème, moi je refuse de… alors la smart ou la familiale, m’enfin, excusez-moi, mais c’est une question idiote. On choisit en fonction de ses besoins. La personne qui vous a formulé cette question-là…
… est un idiot !
Oui, vous pouvez lui dire de ma part. Idiot ou vicieux.
« Où s’arrête la liberté de rouler ? Mais où s’arrête la liberté de manger ? Mais comme par hasard c’est de la liberté de rouler dont on parle ! »
Alors, parlons des solutions de parcage. J’ai des chiffres concernant la France : « En France, de 1973 à 2004, le parc de voitures a plus que doublé, passant de 14,3 à 29,9 millions de véhicules, pour une croissance de 14% de la population » (Atlas du Monde diplomatique). Les chiffres relatifs doivent être peu ou prou semblables en Belgique. Quelles sont vos solutions de parcage si le nombre de voitures croît ainsi de façon exponentielle ? Et là je crois que je touche à une question importante de votre association, de Touring…
Oui, et de la vie des gens, de l’économie…
Quelles sont les solutions de parcage en sachant que la voiture occupe de l’espace, tout simplement.
On y est, on n’est plus dans les marées noires…
Et certains diront « occupent de l’espace au détriment d’autres »…
Toutes ces questions ont été inspirées de…
J’arrête ma question.
Non, mais vous avez raison de les poser. Là, la question est : il faut un arbitrage sur la voie publique en fonction de critères objectifs, et surtout pas en fonction de visions idéologiques. Je prends un exemple : dans les petites rues de quartiers denses où vivent les gens aux revenus modestes, ils ont une voiture comme tout le monde… donc il y’a 400.000 voitures à Bruxelles, ça vous saviez. 400.000 c’est ça. Environ 300 et des mille, je crois que j’ai ça ici.
Voitures de société ?
Non, non, m’enfin, pourquoi… qu’est ce qui vous a… ohh ! on vous a, on vous a bombardé de slogans. D’abord c’est le 4 X 4, les voitures de société…
Non, je pensais que vous alliez dire 400.000 voitures privées et 300.000 de sociétés. Moi je ne connais pas encore bien les chiffres.
C’est pour ça que je vous les ai donnés.
Donc 400.000 voitures à Bruxelles.
Mais il faut arrêter, allez ! Un homme comme vous, faire un mémoire d’un certain standing. Ne vous laissez pas arrêter par la problématique des 4 X 4, des voitures de sociétés… même les voitures de sociétés, c’est avant tout un problème de taxe.
Propos recueillis par Alexandre Penasse
- L’important n’est pas d’identifier l’individu, ce qu’il ne voudrait sans doute pas par ailleurs, mais de voir dans ses propos « l’idéologie qui parle ».
- Interview réalisée en 2011, publiée sur www.espritcritique.be, mais qui n’a rien perdu de son actualité, comme vous le constaterez.
- NDLR Cette assertion est fausse. L’Allemagne nazie n’aurait jamais pu soutenir aussi longtemps l’effort de guerre sans approvisionnement en pétrole. La règle était la même à l’époque pour les multinationales du pétrole qu’aujourd’hui : pas d’éthique s’il y a du fric !
- Le 20 avril 2010 eut lieu, sur la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, une explosion qui tua 11 personnes et allait répandre dans le golfe du Mexique 780 millions de litres de pétrole.