Prison de Haren

La réponse des partis politiques au projet de construction de la prison de Haren

Comme nous l’évoquions dans le dernier dossier de Kairos « Contre la prison de Haren et toutes les prisons modernes », voici les réponses du PS, Ecolo, CDH, MR, à notre question :

 

« Votre parti se positionne-t-il pour ou contre le projet de construction d’une méga-prison à Haren, et plus largement quelle est sa position sur les projets de construction de nouvelles prisons ? »

 

Nous vous laissons vous faire une idée…

 

- PS(1)

La question de l’opportunité de construire ou non une nouvelle prison en
Région bruxelloise relève avant tout de la compétence des autorités
fédérales. Le constat déjà ancien de la vétusté voire de l’insalubrité des
prisons de Saint-Gilles et de Forest est toutefois indéniable. Les
conditions de détention des prisonniers ont maintes fois été critiquées
par les instances internationales.

Vu l’état de dégradation avancé des prisons et l’évolution des normes de
détention depuis leur construction (au 19ème siècle), l’Etat fédéral a
fait le choix de construire une nouvelle prison à Haren pour y déménager
les détenus de Saint-Gilles, Forest et Berkendael à l’horizon 2018–2019.

La Région bruxelloise est l’autorité compétente pour instruire la demande
de permis d’urbanisme relative à ce projet et veillera au respect des
réglementations urbanistiques en vigueur et à l’insertion harmonieuse de
ce projet dans la ville. L’étude des incidences environnementales vient de
se terminer et le projet fait actuellement l’objet d’une enquête publique
sur le territoire de la Ville de Bruxelles.

Par ailleurs, l’annonce de la désaffectation des prisons de Saint-Gilles
et Forest constitue pour la Région bruxelloise une opportunité de
développer un nouveau quartier résidentiel et d’y créer de nouveaux
équipements au profit de ses habitants. Une étude de définition a ainsi
été réalisée à son initiative et a conclu à la possibilité de réaffecter
partiellement les prisons et d’y créer un millier de logements ainsi qu’au
moins une grande école et d’autres équipements de proximité.

Le 2 avril dernier, le Gouvernement bruxellois a approuvé les conclusions
de cette étude de définition et décidé de poursuivre la mise en oeuvre de
ce projet. Il a également confirmé sa volonté d’acquérir les sites des
prisons et chargé le Ministre-Président de poursuivre les discussions avec
l’Etat fédéral en ce sens.

En conclusion, vu l’opportunité que la construction de la prison de Haren
constitue en terme de réhabilitation d’un vaste quartier au c¦ur de la
Région, et considérant l’amélioration des conditions de détention des
prisonniers que celle-ci engendrera, la Région bruxelloise ne peut
accueillir ce projet que favorablement.

- ECOLO

 

Sur le cas spécifique de projet de maxi-prison à Haren, il semble évident pour Ecolo qu’une prison décentrée posera immanquablement la question de l’accessibilité en transports publics mais aussi celle de la difficulté pour les familles, les services d’aide aux détenus, les visiteurs et les avocats, d’accéder facilement et rapidement à la prison.

 

Il est certain qu’une maxiprison à Haren déséquilibrerait totalement un quartier déjà fortement soumis à de nombreuses pressions et nuisances. Ce quartier est malgré tout parvenu à préserver un patrimoine environnemental appréciable pour les riverains et il est important de le préserver au maximum. Plusieurs enjeux se jouent, dont celui de la conservation d’une agriculture urbaine. A nouveau, l’ampleur du projet ne permet pas de conserver un équilibre à l’échelon local, ni même régional.

 

D’autres problématiques ont également déjà été soulevées : celle de la sécurité et de sa prise en charge : quel corps de sécurité prendrait les prisonniers en charge ? Quel protocole entre le Fédéral et la zone de police ? De la même façon, rien ne semble défini en ce qui concerne des critères architecturaux et urbanistiques du nouveau bâtiment .

 

Les principes qui doivent, selon nous, guider la réflexion en matière de politique carcérale sont les suivants:

 

  • mettre en place et garantir une politique pénitentiaire à taille et à conditions humaines.
  • Lutter contre la surpopulation carcérale
  • Garantir l’accessibilité des prisons aux les familles, aux avocats, aux associations qui travaillent avec les détenus
  • développer les alternatives à l’emprisonnement plutôt que d’augmenter les capacités d’emprisonnement.

 

Selon ces différents critères, le projet de maxi-prison à Haren n’est en rien une réponse adéquate aux yeux d’Ecolo.

 

Sur la question d’une politique pénitentiaire à « taille humaine » nous n’avons eu de cesse que ce soit au niveau de notre programme électoral, dans nos interpellations au gouvernement fédéral , dans nos compétences ministérielles d’aide aux détenus et aux justiciables de 2004 à 2014 de souligner la nécessite de diversifier les alternatives à l’emprisonnement.

Il s’agit pour ECOLO de changer d’orientation et de philosophie en matière pénale en mettant l’accent sur la prévention, des alternatives crédibles à la détention préventive, et la redéfinition d’une politique pénitentiaire . La peine de prison lorsqu’elle ne peut être évitée, doit être exécutée dans des conditions respectueuses des droits humains , s’accompagner d’un encadrement psycho-social et être mise à profit pour préparer la sortie afin de limiter le risque de récidive. L’option défendue par Ecolo est de remplacer les grosses structures pénitentiaires existantes par des unités plus petites, ne dépassant pas une capacité de 150 détenus, . Enfin, Ecolo s’oppose à toute privatisation de l’activité pénitentiaire, même limitée à certains services.

 

La lutte contre la surpopulation carcérale est l’une de nos priorités c’est pourquoi nous demandons de garantir à la détention préventive un usage exceptionnel et de développer et investir dans des mesures alternatives à la détention et de réserver la détention préventive aux cas les plus graves. Sortir les personnes internées des prisons doit également être une priorité.

 

Dans le cas de Haren,

 

- Le projet défendu par le fédéral ne permet pas l’accessibilité nécessaire à l’activité pénitentiaire – qu’il s’agisse des familles, du milieu associatif qui œuvre aux questions d’accompagnement et de réinsertion, ou encore des acteurs du système judiciaire. Ce projet, présenté par le fédéral comme exemplaire, prévoit une trop forte concentration de l’activité pénitentiaire, et est trop excentré.

 

- L’ampleur de l’ « offre » carcérale que le projet de Haren représente ne correspond pas, pour nous, comme pour nombreux observateurs attentifs de ce secteur, à l’évolution souhaitable de la politique pénitentiaire en Belgique. En effet, celle-ci devrait plutôt privilégier des infrastructures à petite échelle au niveau spatial, au sein de la société.

 

Bref, alors que la politique de détention carcérale en Belgique devrait évoluer en reposant sur 3 principes : petite échelle, alternative et proximité, nous ne pouvons que déplorer que le projet de maxi-prison à Haren en soit le parfait contre-exemple.

 

Nous ne reprenons pas ici toutes nos propositions en matière de politique pénitentiaire , elles se retrouvent largement dans notre programme pour les élections de mai 2014. Nous vous renvoyons également à la récente carte blanche (la Libre Belgique du 2 octobre) d’un président Écolo de CPAS titrée : « l’exclusion sociale derrière les prisons high tech » . Il développe un aspect supplémentaire de la politique pénitentiaire actuelle : la relégation de plus en plus forte de la responsabilité de prise en charge des détenus du Fédéral vers les CPAS

 

Néanmoins, il est urgent de prévoir, dans les prisons bruxelloises actuelles, des espaces de formation, d’enseignement, d’accueil des familles qui soient plus décents et plus vastes que les quelques « couloirs » qui tiennent lieu actuellement à ces activités et rencontres.

 

Pour le cas spécifique de Bruxelles, Ecolo a demandé que l’étude d’incidence envisage également une option plus réduite avec le maintien de la maison d’arrêt sur le site de Saint-Gilles.

 

- CDH

La question est complexe car la situation des prisons, particulièrement à Bruxelles est particulièrement difficile et sensible et les problèmes soulevés avec le projet de la méga-prison de Haren sont nombreux dans une situation économique plus que délicate.

1° la situation des prisons à Bruxelles :

les prisons bruxelloises sont dans un état déplorable, particulièrement insalubres et impropres à y assurer la détention ou la détention préventive d’un être humain. La prison de Forest est à cet égard de loin le pire des exemples. Les conditions de détention y sont inhumaines et totalement indignes d’un Etat de droit. C’est un constat unanime.

Il y a donc lieu d’agir de façon urgente pour fermer ces prisons.

Les trois prisons de Bruxelles ont une population totale (en surnombre mais en réalité) de plus de 1200 détenus

2° Quelles solutions ?

a) La rénovation serait sans doute beaucoup trop coûteuse et nécessiterait la fermeture durant un temps extrêmement long pour assurer la rénovation de ces prisons

b) Dès lors une ou plusieurs nouvelles constructions s’imposent sans doute à défaut d’autres solutions mais où  et selon quelle formule ?

c) La construction d’une nouvelle prison n’est-elle pas l’occasion de réfléchir à de nouvelles structures à taille beaucoup plus humaine, basées sur un vrai plan de détention adapté à chaque détenu comme l’a insufflé la loi de principes de 2005 malheureusement non encore entrée en vigueur pour les principaux aspects relatifs à ces plans de détention individualisés qui doivent permettre une véritable réinsertion de la personne détenue à sa libération et limiter au maximum le risque de récidive?

Nous pensons, au CDH, que ces nouvelles structures doivent être réalisées dans cet esprit et permettre des activités de type professionnel mais aussi de formations, des activités sportives, artisanales.

Elles doivent surtout tendre progressivement, en fonction de chaque cas pris individuellement, à des régimes partant de la grande sécurité ( pour les cas les plus graves) à des régimes progressivement de plus en plus ouverts basés sur la responsabilisation du détenu et surtout à la préparation encadrée de sa libération et son retour dans la vie réelle.

 

Dans le cadre d’une détention préventive ou définitive, les lieux doivent permettre que le détenu, soit en contact avec la réalité extérieure tout en garantissant la sécurité publique. Il doit être encadré par des équipes pluridisciplinaires depuis le début de sa détention.

Il apparaît qu’une grande difficulté du détenu, lorsqu’il est libéré, est de se reconnecter aux gestes de la vie de tous les jours et de se responsabiliser par rapport à celle-ci (gestion d’un budget, de la vie d’un ménage, des démarches administratives, fiscales, prise en charge personnelle…). Cette préparation doit être prise en compte depuis le début de la détention dans des lieux adaptés.

d) Implantation de la prison à Haren :

  • Outre les questions environnementales cette implantation d’une méga-prison pose les questions suivantes : 
    • La distance entre le palais de justice de Bruxelles et la prison de Haren : avec les difficultés de circulation dans Bruxelles, cette distance entrainera des lenteurs de déplacement et des coûts importants liés à ces déplacements et aux problèmes de sécurité qui y sont liés. 
      • Soit les détenus devront être déplacés vers le palais pour les audiences de fond et cela entrainera des coûts importants
      • Soit les détenus devant passer devant la chambre du conseil comparaitront dans une salle prévue à cet effet dans l’enceinte de la prison et le problème se posera tant pour les magistrats, greffiers, procureurs du Roi et avocats qui devront effectuer les déplacements dans la circulation avec les problèmes liés aux dossiers qui devront suivre.
      • Les avocats seront, eux, dans la difficulté pour organiser leurs audiences tant au fond (au palais de justice ) qu’en chambre du conseil ( à la prison) sauf si des horaires particuliers sont aménagés pour cette raison.
    • Les visites tant des familles que des avocats seront rendues plus difficiles par la distance et les transports en commun non opérationnels
  • Le coût de l’opération : même si l’Etat ne débourse pas de fonds pour la construction de la prison ( entreprises privées ) les loyers que l’Etat devra débourser pendant de nombreuses années ne permettra pas un gestion saine du budget de la justice.

Conclusions

Ce projet de méga-prison doit être l’occasion unique de repenser la question de la prison à taille humaine, par petits modules et surtout pensée sur une base qui met en avant la préparation du détenu à sa libération et sa réinsertion dans la vie sociale en réduisant les risques de récidive en maximalisant les processus de réinsertion, de formation professionnelle, d’encadrement pluridisciplinaire et de conditions de détention humaines. Il y a cependant urgence à trouver des solutions aux prisons bruxelloises.

 

- MR(2)

Cher Monsieur,

 

Nous avons bien reçu votre courrier électronique en date du 31 mars et vous en remercions.

 

Comme vous le savez, le Mouvement Réformateur s’est toujours prononcé pour une politique pénitentiaire responsable et crédible.

La crédibilité d’un système répressif dépend en effet de sa capacité à exécuter effectivement et rapidement les peines prononcées par les juridictions pénales. C’est dans cette optique que le gouvernement actuel a pris une série d’initiatives concrètes.

 

La surpopulation carcérale constitue un obstacle majeur à une politique efficace et cohérente d’exécution des peines. Ses effets pervers sont connus : exécution tardive des peines, non-exécution des courtes peines, libérations anticipées, libérations provisoires, interruptions de peine dans l’attente de places disponibles ou de bracelets électroniques et impossibilité de mettre en place un véritable plan de détention contribuant à la responsabilisation du condamné, à sa réinsertion, à la prise de conscience de la faute commise et à la réparation du dommage causé par l’infraction.

 

Afin de lutter contre la surpopulation carcérale, le gouvernement a poursuivi la mise en œuvre du plan d’action pluriannuel d’augmentation de la capacité pénitentiaire et de rénovation des bâtiments pénitentiaires – le Masterplan. Ce plan prévoit entre 2012 et 2017 la construction de 2.217 places. En 2014, trois nouvelles prisons dont celles de Marche-en-Famenne, Leuze et Beveren ont été mises en place, fournissant ainsi 1.000 places supplémentaires. Cependant, suite à des évaluations effectuées par la Direction Générale des établissements pénitentiaires du SPF Justice, il apparaît que malgré la concrétisation intégrale du Masterplan, un déficit de places subsistera en raison de l’augmentation de la population carcérale.

 

Le Mouvement Réformateur propose donc de poursuivre la mise en œuvre du Masterplan et — si le contexte budgétaire le permet ou selon des modalités de financement à déterminer — de concrétiser un Masterplan Prison III afin de faire face à la surpopulation carcérale estimée par la Direction Générale des établissements pénitentiaires, de  permettre une véritable classification moderne des détenus et par conséquent de mettre en place une réelle diversification des régimes pénitentiaires.

 

Espérant avoir pu répondre à vos questions et restant à votre entière disposition, je vous prie de croire, cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

 

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Notes et références
  1. Signalée comme émanant de Rudi Vervoort.
  2. Signée par Olivier Chastel

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