On connaissait déjà le nom de Christian Araud comme contributeur de la revue Entropia (dans les n° 4 & 7). Le voici signant deux ouvrages. Le premier est un témoignage de sa vie professionnelle, des événements vécus qui ont eu pour effet de le mener progressivement à l’idée de la décroissance. Sur ce plan-là, son parcours de consultant international en matière de développement est loin d’être exemplaire! Mais notre homme, aujourd’hui à la retraite, en est bien conscient. Si l’on est grincheux, on pourra toujours y voir les confessions d’un repenti. Mais que celui qui a trouvé la voie du premier coup lui jette la première pierre. Les problématiques de l’eau, de l’agriculture intensive, de l’habitat, du transport, etc., ont été rencontrées à l’occasion de ses multiples voyages en Malaisie, Corée, Roumanie, Inde, au Mexique, Pérou, Niger, Sénégal, entre autres. Sa brève rencontre avec Ivan Illich lui ouvrit les yeux sur un autre pan de la réalité du monde. L’écriture est vivante, non dénuée d’autodérision et remplie d’anecdotes signifiantes. On aura compris que la lecture est plutôt légère – dans le sens positif du terme – et s‘éloigne des pensums théoriques sur la décroissance (par ailleurs parfaitement utiles et indispensables).
Changement de ton avec Préludes à la transition. Christian Araud livre ici un ouvrage très structuré, documenté et argumenté en faveur d’une transition indispensable, qu’il relie à et réconcilie avec – là est une des originalités du livre – la décroissance. Evoquant Hans Jonas et David Holmgren, l’auteur dresse, en toute lucidité, un état des lieux
catastrophique et détaille quatre probables scénarios du futur, « techno brune » (baisse lente du pétrole, changement climatique rapide), « techno verte » (baisse lente du pétrole, changement climatique lent), «intendants de la Terre» (baisse rapide du pétrole, changement climatique lent) et «canots de sauvetage» (baisse rapide du pétrole, changement climatique rapide). Parmi les initiatives de sorties par le haut, la permaculture et l’agroécologie représentent à ses yeux une sorte de parangon. Le chapitre 5 offre des pistes d’action, individuelles (simplicité volontaire, habitat économe et autonome) et collectives (écoquartiers, écolieux, arche de Noé), nomme les entraves à l’action politique, mais aussi ses conditions, compare les modes de vie résilients à la ville et à la campagne, etc. Pour terminer, Araud décrit quelques expériences concrètes, avec leurs avantages et inconvénients: le Mas de Beaulieu en Ardèche, Les Amanins de l’association « Terre et humanisme » de Pierre Rabhi, le Trièves dans le Vercors, jusqu’à Cuba et, bien sûr, Totnes au Royaume-Uni, où le mouvement de la transition est né. Entre pessimisme et optimisme, l’auteur trace les contours d’un futurible. On pourrait aussi résumer sa position par la formule « rien n’est acquis, rien n’est perdu». ARAUD Christian, LATOUCHE Serge (préface), La décroissance ou le chaos. Parcours d’un consultant international, éd. Le pédalo ivre, 2012, 200 pages.
ARAUD Christian, Préludes à la transition. Pourquoi changer le monde ?, éd. Sang de la Terre, 2012, 240 pages.
Bernard Legros