Philippe de Villiers : au cœur de l’indécence du génocide des Palestiniens

« Je vais dire quelque chose qui me tient à cœur. J’avais tout à l’heure un ami qui travaille dans les services et qui me disait : “C’est la première fois dans l’histoire de France qu’on a 41 morts et qu’on ne bouge pas ; on distribue les condoléances. Moi je me souviens du Drakkar, l’attentat du Drakkar en 1983. 23 octobre 1983, y’a un camion piégé, y’a 50 tués paras français qui sont morts, tués par le Djihad islamique. Et tout début du mois de novembre, on apprend que la France a frappé, elle a frappé fort. Et un pays qui ne frappe plus, qui n’a plus l’esprit des représailles, c’est qu’il n’existe plus. »

Ainsi s’exprimait, au lendemain des attaques du 7 octobre 2023(1) l’autoproclamé défenseur de la chrétienté Philippe de Villiers. Le chroniqueur de la chaîne CNews de Vincent Bolloré rêvait d’envoyer l’armée française faire un carton sur les Palestiniens au côté de l’armée israélienne. Armée israélienne appelée du doux nom de « Tsahal » par les mass médias, phénomène unique. Que de Villiers se rassure, « Tsahal » se débrouille très bien toute seule. L’explication invariable est la recherche des otages. Les expéditions de l’armée israélienne se soldent invariablement par cent morts à l’aller et cent autres au retour. Pas un jour ne passe sans qu’elle ne tue une centaine de Palestiniens, massacrant notamment les affamés qui se ruent sur les convois alimentaires. Cette guerre n’en est pas une ; c’est un génocide. Mais chut !, il est interdit de le dire sous peine d’être immédiatement diabolisé par les mass médias, voire d’avoir la police qui sonne à la porte à 6 heures du matin. Il ne faut croire que ce que l’on voit. Certes, il est permis de s’indigner, mais seulement à géométrie variable, comme le fait courageusement, et bien seule, remarquer Ségolène Royal : « Il y a un décalage entre ce que suscite effectivement ces comportements répréhensibles et ce qui se passe à Gaza. […] Effectivement, il y a eu destruction d’un stand [d’un député du parti socialiste pro-israélien], etc. Mais quand même il y a des dizaines de milliers d’enfants qui ont été massacrés à Gaza. Il y a quand même une différence de nature et de niveau. Ce n’est pas le même sujet, mais je ne veux pas que ce sujet-là occulte la gravité de ce qui est en train de se passer à Gaza et en Cisjordanie. »(2)

Dans son dernier essai, au cours d’une réflexion interminable sur son identité juive ou son covidisme forcené(3), la journaliste Naomi Klein nous livrait cette observation : « Pour comprendre le sionisme qui a créé Israël en 1948, il faut accepter qu’un peuple, tout comme une personne, puisse être la fois victime et persécuteur, qu’il puisse être à la fois traumatisé et facteur de traumatismes. L’histoire moderne est très largement une affaire de substrats traumatiques déplacés à travers le monde comme autant de pièces d’échecs sculptées dans la misère humaine, avec les victimes d’hier qui se retrouvent enrôlées dans les armées d’occupation d’aujourd’hui. » Nous assistons aujourd’hui, quasiment impuissants, à un génocide comme nos grands-parents ont vécu celui des juifs européens. Tout est fou dans cette histoire. Comme l’ont retracé des historiens israéliens, les Palestiniens sont les descendants juifs du Livre. Ce sont eux, les sémites. Une partie a été convertie au christianisme puis à l’islam aux cours des siècles. Les Israéliens sont, eux, majoritairement des habitants de l’Europe centrale convertis au judaïsme sur le tard(4). Mais, même si cela était faux, que cela changerait-il ? En quoi cela donnerait-il le droit de perpétrer un génocide ? Désormais, la critique de l’histoire de l’État israélien, menée par d’innombrable juifs, est tombée dans l’interdit. Mais, plus ahurissant, c’est désormais la reconnaissance de l’État palestinien qui déchaîne l’ire des chroniqueurs télés pro-sionistes ! Dans mon récent article sur son admiratrice Eugénie Bastié(5), je relevais cette citation de Philippe de Villiers : « C’est une guerre à mort pour la survie d’Israël. Alors après, une fois que le Hamas sera détruit, il restera un problème à résoudre, c’est le problème des Palestiniens, qui sont des victimes du Hamas, et qui pourront survivre. »(6) Je concluais : « Merci pour eux ». Cette promesse était de fait un mensonge.

Aujourd’hui prophète des droitards et héraut de l’anti-macronisme, de Villiers fut pourtant l’ami du président : « Emmanuel Macron à propos de Philippe de Villiers : « J’aime beaucoup ce type » ». Le 14 juin 2018, Le JDD relatait ainsi leur idylle. Sur l’écologie (conséquente) comme sur les arabes, on sent bien que sa raison s’altère. Ainsi, quand il évoque la décroissance, c’est pour nous livrer ce type de passionnantes analyses : « (La décroissance) ça me fait penser aux Khmers verts. Parce que les Khmers verts, ils veulent trois choses : ils veulent la décroissance, ils veulent décarboner […] et ils veulent transformer le pays en un camp de rééducation. C’est pour cela que je les appelle les Khmers verts, comme il y a eu les Khmers rouges. Alors la décroissance en fait, heu, c’est une mauvaise vision de la croissance. […] Là, en fait, on voudrait nous vendre le virus climatique derrière le CO2… derrière le coronavirus pour nous faire entrer dans un tunnel où on resterait chez soi, parce que dès qu’on sort de chez soi, on pollue. Et, heu, cette idée qu’on reste chez soi à numériser pour décarboner c’est une idée mortifère, parce que la décroissance augmentera les problèmes, elle ne les résoudra pas. […] Au nom d’une pureté de la planète et de la décroissance verte, il ne se passera plus rien. […] Alors la décroissance, vous noterez qu’elle va très bien avec le numérique parce que l’idée du numérique et de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, c’est de… ben on n’a plus besoin du travail et on n’a plus besoin de l’entreprise […] y’a plus de relation humaine, y’a plus de classe moyenne, il y a le revenu universel, ah ! ah ! pour tenir les gens tranquilles chez eux, financé sur l’argent magique, mais ça c’est une contre-société. »(7)

Adepte de la loi du talion façon « pour une dent, toute la mâchoire », on se demande bien ce qui peut rester de chrétien à Philippe de Villiers. À moins d’assimiler le catholicisme à la haine atavique de l’arabe jusqu’à intégrer les rangs des ultra-sionistes. De fait, la véritable religion de tous les de Villiers est le « choc des civilisations », plus précisément la guerre contre les arabes et assimilés. Tout le reste est second. Cela dit, je ne me réjouirais en rien d’une nouvelle censure par l’Arcom de Philippe de Villiers. La liberté, c’est celle de ceux qui ne pensent pas comme soi. À défaut, c’est une fausse liberté qui nie la liberté. Après, que de Villiers ait eu quelques bonnes réflexions sur l’Union européenne ou ait créé un beau spectacle vivant, franchement, je m’en f…

Vincent Cheynet, ex-rédacteur en chef de La Décroissance.

Notes et références

1. « Face à Philippe de Villiers », CNews, 15 décembre 2023.

2. RTL, 2 mai 2025.

3. Le Double. Voyage dans le Monde miroir (Actes Sud, 2024). Le titre est juste ; il s’agit de 500 pages de narcissisme durant lesquelles la figure de l’altermondialisme tartine ses malheurs pendant la crise du Covid. Ici, tout réfractaire à l’injection génique expérimentale, au pass sanitaire ou aux masques est d’extrême droite, voire plus sûrement nazi. D’ailleurs, elle voyait bien « que ceux qui prétendaient le plus bruyamment souffrir de cette perfide discrimination était majoritairement des femmes blanches plutôt aisées » – une condition totalement étrangère à Naomi Klein. Ces complotistes en tiraient honteusement un « statut victimaire », véritable crachat sur le visage de tous les indiens et les noirs pauvres dont les ancêtres esclaves ont fait la fortune des Amériques. L’auteur nous explique ainsi que les mères étasuniennes qui avaient fondé un groupe intitulé « Let Them Breathe » (« Laissez-les respirer ») avaient là commis un horrible outrage raciste au regard du slogan « I can’t Breathe » (« Je ne peux pas respirer ») de George Floyd. La critique des mondialistes ? « Un frisson m’a parcourue – je décodais aussitôt le mot “Juifs”».

4. Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008.

5. « Voyage au pays des néo-people : Eugénie Bastié », 23 janvier 2025. L’agent de Bolloré s’en est pris depuis à la courageuse Rima Hassan accusée de « narcissisme » après son expédition humanitaire vers Gaza en bateau (Europe 1, 13 juin 2025). Voilà qui ne manque pas d’air de la part d’une commentatrice qui expliquait vouloir à tout prix « en être » [de l’expédition humanitaire?].

6. « Face à Philippe de Villiers », CNews, 27 octobre 2023.

7. Thinkerview, 19 mai 2021.

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