Deux informations récentes de l’actualité belge s’entrecroisent et doivent être liées pour mieux les comprendre :
1. Le samedi 17 août L’Écho publiait un article sur un rapport d’audit confidentiel de l’Inspection des Finances selon lequel le siège de la police fédérale a coûté des dizaines de millions d’euros en trop au contribuable. Le rapport dénonce, en outre, une série de manquements graves dans ce dossier comme le non-respect de la loi relative aux marchés publics. De quoi s’agit-il ?
En 2001, l’État fédéral vend la Cité administrative à une société appartenant à 60% à Breevast, la société d’un milliardaire hollandais à la réputation sulfureuse, Frank Zwegers, et à 40% à Immobel. La Belgique a touché 276,5 millions d’euros pour la vente mais elle loue le même complexe immobilier pour un loyer annuel indexé de 24,8 millions d’euros. Suite aux travaux de rénovation achevés en 2009, le loyer serait passé à 54,2 millions. Inutile de dire que ces prix sont monstrueux et totalement en défaveur de l’intérêt général.(1)
En 2010, en affaires courantes, le gouvernement prend la décision de regrouper la police fédérale à cet endroit. Le service responsable de ce type de marché est la Régie des Bâtiments. « D’après ses propres dires, elle a reçu de la police fédérale et des anciens ministres Open Vld de l’intérieur des signaux indiquant que leur préférence allait au projet de Breevast et d’Immobel », peut-on lire dans le rapport d’audit. Même si la Régie était responsable du choix final, elle s’est sentie « obligée ». Le cabinet du ministre des Finances – à l’époque Didier Reynders (MR) – était responsable de la Régie des Bâtiments et a joué un rôle important dans le choix de la Cité administrative. « Mais sur base des documents disponibles, il n’est pas facile de savoir qui a décidé quoi. »
Cela fait 8 ans qu’une enquête criminelle a été lancée contre l’ancien patron de la PJ à Bruxelles, Glenn Audenaert, qui aurait reçu de l’argent du patron néerlandais Frank Zweegers, l’ancien propriétaire de la Cité administrative. Y a‑t-il eu des pots-de-vin expliquant certaines décisions étranges ?(2) Bref, en un mot comme en 100, on a maintenant une estimation du coût de la corruption (40 millions €) dans cette affaire grâce au travail d’un journaliste (Lars Bové) et au courage d’une source qui a osé mettre au jour ce rapport.
2. La deuxième information porte sur une proposition de loi portée par Didier Reynders ayant pour but de punir les lanceurs d’alerte et les journalistes qui révèlent des informations secrètes du gouvernement de plusieurs mois de prisons et de milliers d’euros d’amendes.(3)Nous sommes parfaitement dans le cas d’espèce : Lars Bové dévoile une information confidentielle dans un rapport d’audit de l’inspection des Finances. Cette divulgation met clairement en cause la responsabilité de Didier Reynders et est d’intérêt public, mais si la loi en question passe, des journalistes comme Lars Bové pourront être poursuivis et emprisonnés en Belgique… en 2019.
Non, on ne vous parle pas d’une dictature d’un pays d’Afrique mais bien de la Belgique…
Eric Arthur Parme
- Cfr « Bienvenue en ploutocratie : Kazahgate, Afrique, réseaux… Le MR à tous les étages. » : http://www.kairospresse.be/article/bienvenue-en-ploutocratie-kazakhgate-afrique-reseaux-le-mr-tous-les-etages
- Cfr https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/les-manquements-de-la-regie-des-batiments-ont-coute-des-millions/10154223.html).
- Cfr « 5.000€ d’amende et de la prison pour les lanceurs d’alerte : le projet de loi de Didier Reynders. » in RTBF.be du 14/8/2019).