Introduction d’Alexandre PENASSE à la table ronde DÉMOCRATIE*

Les conférences

Si nous sommes réunis ici aujourd’hui, c’est que la politique, au sens noble du terme, celui de l’organisation de la cité, donc de nos vies, nous intéresse. Pourtant, nos vies sont la plupart du temps régentées par d’autres, qu’on élit et à qui l’on délègue le soin de décider pour nous, troquant pour un confort illusoire notre liberté. Ce sont eux qui décident des médias qu’ils subventionnent, qui « aménagent » le territoire, préconisent un type d’énergie plutôt qu’un autre, usent de l’argent public pour envoyer des armes en Ukraine, confinent une population entière, ou imposent une injection expérimentale comme seule et unique remède. Au delà de tout soupçon.

S’ils ne jouissaient pas du monopole de la représentation du réel, c’est-à-dire s’ils ne possédaient pas les médias qui leur permettent de nommer et montrer ce qui leur convient, et d’occulter tout le reste, ce ne serait pas grave, au fond, ils vivraient à côté avec d’autres médias qui contrebalanceraient leurs visions, générant par cette forme de coexistence pacifique l’indispensable débat. Mais le problème est qu’ils ont l’exclusivité de ce qui est pour eux La Vérité, nous indiquant en filigrane en être les seuls et justes dépositaires. Ils sont de vrais dieux qui disent ce qu’ils ne font pas et font ce qu’ils ne disent pas : ils promeuvent la liberté d’expression, mais bannissent le débat ; prônent le changement, mais dans la continuité ; évoquent interminablement la paix mais provoquent sans cesse la guerre ; prône l’égalité, la justice, l’équité, mais mettent en place les structures qui nourrissent les hiérarchies, l’injustice, l’iniquité.

Et pour créer l’illusion du débat, de l’échange, de cette confrontation d’idées d’où la vérité émergerait, ils nous illusionnent de leur différence qui ne serait que fonction de leurs positions respectives sur l’axe gauche-droite. Si cette fausse distinction occulte parfaitement leurs positions communes dans les grandes lignes (presse, processus électif), elle ne nous dupe toutefois pas sur la plus ou moins égale répartition en termes de scandales, à gauche ou à droite du centre. Dans ce domaine, ils sont tous, peu ou prou, égaux.

Kazkghate, Samu social, Nethys, Maroc-gate déguisé en Quatargate, les travaux du parlement wallon passant de 17 millions à 46, le tunnel de 20 mètres pour relier ce même Parlement au parking, pour la modique somme de 700.000 euros, les indécentes indemnités parlementaires, tous les Papers : Panamapapers, PandoraPapers, ParadisePapers, et puis Cambridge analytica…

Les médias aux ordres adorent les scoop, les révélations explosives, mais laissent crever dans une prison le journaliste qui a contribué à lever le secret sur ces pratiques nauséabondes et qui a permis que s’écrivent leurs articles édulcorés. Julian Assange. Leur silence est ignoble et, parfois, même s’ils en parlent, c’est pour mieux faire de l’homme une icône éthérée leur permettant d’oublier cette omniprésence idéologique où leur censure réflexe se vit comme liberté. Julian comme nouvel symbole de l’omerta. C’est un comble. Mais nous n’en sommes plus à un paradoxe.

Tout va bien. Ne trouvez-vous pas ? Les présidents de partis, récemment, discutent de la façon dont ils peuvent lutter contre l’extrême droite, mais pas contre la corruption. Évidemment, ils ne vont pas cracher dans la soupe, ils en sont les principaux acteurs, et donc profiteurs. Ah, l’épouvantail de l’extrême droite, qui permet de ne pas parler de ce que le philosophe Alain Deneault nommait l’extrême centre. Je le cite :

« On a associé à tort l’extrémisme en politique à la position du curseur sur l’axe gauche-droite. Alors que l’extrémisme, au sens moral, renvoie beaucoup plus à une attitude qui consiste à être intolérant à ce qui n’est pas soi. L’extrême centre consiste à être intolérant envers tout ce qui ne s’insère pas dans ce paramétrage finalement très étroit de l’ordre du jour du programme oligarchique. C’est un centre qui a peu à voir avec l’axe politique gauche-droite, dans le sens où c’est un centre qui vise moins à se situer sur cet axe qu’à l’abolir, et à présenter une vision des choses comme étant la seule valable. L’extrême centre c’est donc ne tolérer rien d’autre que ce discours-là. Pourquoi le centre ? Parce qu’il ne va pas se présenter comme étant radical, destructeur, impérialiste, violent par bien des aspects, mais se présentant au contraire comme pondéré, pragmatique, comme étant normal, vrai, juste, équilibré, comme étant raisonnable, rationnel ».

C’est donc cette extrême centre qui favorise la destruction du social, de l’individu et de la nature. Elles qui privilégient les paradis fiscaux alors que la misère indécente ne cesse de croître, s’assurant dans un même temps que le mobilier public découragera les sans domicile et tous ceux qui rejoignent chaque jour la cohorte, de pouvoir dormir sur un banc qui diminuera peut-être la probabilité qu’ils succombent à leur nuit.

C’est cette politique mafieuse qui vit en all-inclusif sur le dos du contribuable et augmente les effectifs des forces de l’ordre pour réprimer la délinquance que cette même misère génère indubitablement, elle qui demande l’exécution systématique des peines d’une durée comprise entre 6 mois et 2 ans, alors que cela faisait plus de 50 ans que cela ne se faisait plus. La même année, le Tribunal de première instance de Liège retenait la responsabilité de l’État belge dans la surpopulation existant au sein de l’établissement pénitentiaire de Lantin et le condamnait à adopter des mesures appropriées permettant de lutter efficacement contre cette surpopulation carcérale.

Dans cette logique du chaos qui l’anime, elle construit donc des prisons ultra-modernes dans un des derniers écrins de verdure de Bruxelles, à Haren, en collaboration avec un consortium privé, pour y placer les détenus que ses politiques généreront.

C’est elle qui impose le numerus-clausus qui crée les pénuries de médecins généralistes, tout en diminuant le nombre de lits dans les hôpitaux, revenant pourtant chaque année avec ses marronniers sur la saturation hospitalière, mettant en place des Partenariats-Publics-Privés entre universités et multinationales des high-tech et de la pharmacie.

C’est cette politique qui fait semblant d’écouter les paysans, les étouffant sous les aides européennes qui en font de nouveaux serfs, modernes. Le seigneur, désormais estampillé EU. Cette dernière qui leur crache à la figure le jour où ils sont là, des centaines de tracteurs envahissant les rues de Bruxelles, bien rangés dans les espaces où les forces de l’ordre les avaient confinés, délaissant leurs champs pour le bitume, pour leur annoncer qu’ils ne peuvent rien pour eux, alors qu’ils peuvent pour l’Ukraine, libérant 50 milliards en quelques heures. Circulez, au-delà de leur décadence, qui nous emporte, il n’y a rien à voir. Et les syndicats, par leur soumission abjecte, leurs feintes de pouvoir négocier, font partie du problème.

La caste politique, rarement perquisitionnée, révèle, quand elle l’est, 280.000 euros en petite coupure dans ses appartements ; l’Arena n’a rien d’ouverte. Pas grave, personne ne moufte, alors que le clodo volant un sandwich se prendra une condamnation. Exemplaire, n’est-ce pas ?

C’est cette politique aussi qui nous prive de l’aide à la presse périodique parce que nous n’avons pas dit ce qu’elle voulait entendre. Et elle le fait en se servant des institutions censées défendre les journalistes, mais qui ne sont au fait que des ministères de la vérité, constituées des médias de masse, œuvrant à leur propre pérennité, organes officiels censurant tout ceux qui s’opposent à leur propagande guerrière. Agences de com’ des gouvernements, ces médias sont des outils de fabrication du consentement, propriété des partis politiques, à l’instar de la RTBF, financée par nos impôts, ou d’autres appartenant à des grands groupes industriels : IPM, Roularta, Rossel…

Ce sont ces médias qui décident unilatéralement ce qu’est ou pas une Fake News, allant jusqu’à porter plainte contre des citoyens qui osent remettre leur plein-pouvoir de définition du réel.

Enfin, me suis-je dit, je me suis trompé. Car j’ai découvert les slogans des partis du pouvoir en 2024, et réalisé que par rapport à 2019, tout avait changé !

Slogans 2024

  • Les Engagés nous proposent un programme 2024 intitulé « Le courage de changer », « Parce que s’indigner ne suffit plus et qu’un sursaut de conscience est nécessaire, Ensemble dessinons les contours d’une nouvelle ambition ».
  • Ecolo : « Choisir l’avenir (plus vert, plus juste) ».
  • PS : « Rejoignez le combat »
  • « MR, L’avenir s’éclaire »
  • PTB, « Le choix de la rupture »
  • Défi, « Toujours plus juste ». « DéFI, c’est le courage et la nuance. Nous voulons un État démocratique plus responsable, plus efficace, mais surtout, au service des citoyens (…) Ceux qui sont fatigués par la politique traditionnelle trouveront chez DéFI une alternative responsable et pragmatique. »

Vous voulez savoir quels slogans ils avaient en 2019 ?:

2019 :

CDH : « Autrement, maintenant! »

Ecolo : « Au cœur du changement »

PS : « Protéger, Reconstruire, Vivre mieux »

MR :  « Avec le MR, c’est possible ! »

PTB : « Un programme social, c’est vraiment phénoménal ».

Défi : « Clairement plus juste »

Entre 2019 et 2024, après 2024, ils ont oublié qu’ils avaient fait des victimes, ils ont oublié la déliquescence du monde à laquelle ils avaient participé.

En 2024 justement, un sondage montre que 81 % des gens n’ont plus confiance dans les femmes et hommes politiques, 78 % n’ont plus confiance dans les institutions. 

Le fait est : nous sommes perdus. Notamment pour une raison : nous attendons tout d’eux, alors que la solution est sans doute en nous et contre l’organisation délétère de nos vies qu’ils mènent. 

  • La table de mixage utilisée lors de ce discours ne permit malheureusement pas d’entendre les retours du public, nombreux. Cela manque de rire, imaginez-les. 

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