« Il s’agit de réparer le crime fait à l’humain »

INTERVIEW DE MIREILLE FANON

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Face aux violences racistes, aux droits niés, aux crimes perpétrés pendant plusieurs siècles dont les conséquences se font encore sentir, les demandes de justice et de réparations sont régulièrement mises en avant. Elles le sont d’autant plus depuis juin et les manifestations liées aux crimes policiers aux Etats-Unis. Dans cette interview, effectuée début février 2020, Mireille Fanon tient des propos concrets face à une réalité niée depuis trop longtemps, alors que ceux-ci pouvaient apparaître radicaux il y a quelques mois encore.

Kairos : Dans le cadre de ses travaux le WGEPAD(1) a‑t-il eu un projet de résolution concernant des réparations ?

Mireille Fanon : À l’heure actuelle, aucune institution multilatérale ne demande des réparations pour les crimes contre l’humanité et de génocide commis lors de la traite transatlantique négrière, de la mise en esclavage et du colonialisme. Les États savent très bien que demander des réparations pour ces crimes ou accepter que des organisations ou des États en demandent, les forceraient à questionner les structures du système dominant, ce qui dans le système capitaliste libéral blanc est impossible. C’est bien pour cela qu’il y a un consensus pour laisser hors de la sphère politique le processus de réparations. On consent à des événements mémoriels, à des plaques et peut-être prochainement à des rues ou des statues. Il y a des initiatives comme la Route de l’esclavage, mais cela ne s’inscrit pas dans une demande de réparations, peut-être que de manière sous-jacente, cette question était dans l’esprit de ceux qui ont travaillé sur un tel projet. Mais on peut s’interroger si à partir de ce projet, il ne s’agit pas plus de situer, à travers l’éducation, géographiquement des faits historiques qui ont façonné la société actuelle ? Ce qui n’est pas rien, mais l’humanité a besoin d’aller beaucoup plus loin si elle veut se réconcilier avec elle-même.

La question des réparations a été portée lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance associée (Durban 2001), mais les États anciennement esclavagistes et colonialistes ont cherché tous les moyens possibles, dont la question de la Palestine, pour délégitimer cette demande introduite par des États africains pour que l’ensemble de la conférence soit un échec.

De 2011 à 2017, la question des réparations a été portée par certains membres du WGEPAD, essentiellement par deux d’entre eux, au point qu’elle a fait l’objet d’échanges vifs. Cette demande a fini par être entendue, mais elle est toujours l’enjeu d’une politique politicienne et donc de rapports de force entre certains États. Les plus virulents contre toute discussion sont les Occidentaux et selon le gré du vent les autres pays sont ou pour ou contre.

Au niveau des Caraïbes, n’y a‑t-il pas eu des relances ?

En 2013, les chefs de gouvernement de la CARICOM (Caribbean Community) ont créé la Commission des réparations de la CARICOM (CRC) car c’était pour eux une question de premier plan. Un plan d’action en dix points pour la justice réparatrice a été élaboré et approuvé par les chefs de gouvernement en mars 2014 ; il sert de base aux discussions sur les réparations.

En janvier 2015, le Parlement de la Jamaïque a soutenu une motion présentée à la Chambre pour demander des réparations à la Grande-Bretagne. Rappelons-nous qu’en 2007, le Premier ministre britannique, Tony Blair, a qualifié la traite négrière transatlantique de « commerce honteux » et de « crime contre l’humanité ». Il a reconnu, et cela est à souligner, que nous ne cessons de souligner que les pays anciennement esclavagistes et colonialistes doivent leurs richesses au commerce des mis en esclavage et au pillage systématique des territoires qu’ils ont acquis par le vol et la violence, ce qui en droit est un crime‑, que la « prééminence internationale » de la Grande-Bretagne a été « partiellement dépendante d’un système colonial de travail d’esclaves ».

En 2015, lors d’une visite du successeur de Tony Blair au poste de Premier ministre, la première en 14 ans en Jamaïque, David Cameron, reconnaissant que « slavery was abhorrent in all its forms(2) », a concédé, en termes de réparations, une aide de 25 millions de livres pour construire la nouvelle prison de la Jamaïque. Il avait, peu de temps auparavant, proposé que les Jamaïcains  condamnés  en  Grande-Bretagne  soient renvoyés à la Jamaïque pour y accomplir leur peine de prison. À cette somme, étaient ajoutés 300 millions de livres pour l’ensemble des Caraïbes pour la construction d’infrastructures, tout en soulignant bien qu’ « I hope that, as friends who have gone through so much together since those darkest of times, we can move on from this painful legacy and continue to build for the future.(3)” Selon lui, cette visite avait pour but de « reinvigorate ties between the countries, and that he wanted to concentrate on future relations rather than centuries-old issues(4) ». Mais, évidemment, il n’a prononcé aucune excuse pour les crimes contre l’humanité commis.

Notons au passage, que l’on ne cesse d’entendre des excuses, des regrets pour les crimes de guerre et de génocide commis contre les 6 millions de personnes durant la Seconde Guerre mondiale, mais si peu pour les plus de 10 millions de personnes arrachées à leur continent, tuées, violées, déshumanisées et privées de leur dignité par un système qui n’a jamais, dans ses aspects idéologiques, cessé d’empoisonner les relations à l’Autre, de détruire le sens de l’altérité entre les humains. Nous en sommes toujours là.

Concernant le rapport Savoy-Sarr intitulé Restituer le patrimoine africain, ne pensez-vous pas que cela peut être une façon « douce » d’aborder la question des réparations pour les crimes commis pendant la colonisation ?

Non, car si c’était le cas cela aurait déjà dû avoir lieu. Face à la violence exercée contre les corps noirs, quelle que soit sa forme, il n’y a d’alternative que d’affronter les questions liées aux demandes légitimes de réparations. Bien sûr, on peut rendre les œuvres d’art volées par les pays colonisateurs, mais cela ne rendra jamais la dignité aux corps offensés, déshumanisés et désacralisés de nos ancêtres, cela ne rendra jamais les terres volées et pillées, cela ne mettra jamais fin au mal développement du continent africain et des afro-descendants qui sont considérés comme des non-êtres et vivent dans les zones périphériques que leur concèdent ceux qui n’ont jamais cessé de les oppresser. C’est bien de rendre les œuvres volées, et cela aurait déjà dû être fait, mais cela ne pourra jamais être pour solde de tout compte.

Ce ne sont pas seulement des objets qui ont été volés, c’est bien ce que soulignent les rédacteurs du rapport Restituer le patrimoine africain : vers une éthique relationnelle(5) : « Ce ne sont pas seulement des objets qui ont été pris, mais des réserves d’énergies, des ressources créatives, des gisements de potentiels, des forces d’engendrement de figures et de formes alternatives du réel, des puissances de germination ; et cette perte est incommensurable parce qu’elle entraîne un type de rapport et un mode de participation au monde irrémédiablement obérés ».

En mettant en esclavage, en déshumanisant, en violentant des millions d’Africains, les Européens ont effectivement brisé des « … réserves d’énergies, des ressources créatives (…), des puissances de germination ».

On peut penser que si cela n’a toujours pas été fait c’est tout simplement que l’ancien colonisateur ne veut pas s’avouer colonisateur et ne trouve rien de répréhensible à cette politique de domination sur des êtres; peu importe que le président français se soit élevé, en Algérie, contre le colonialisme en 2017 : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes ». Des excuses oui, des actes décoloniaux fondateurs avec l’objectif de changer les relations à l’Autre, certainement pas.

Pourtant, à travers les arguments juridiques de recel et de blanchiment, n’a‑t-on pas une porte d’entrée pour ouvrir le débat sur les réparations pour les crimes commis pendant la colonisation ?

Pourquoi pas ? Tout cela participe, en tout cas, à mettre à jour les rapports pervers et coloniaux, mais ne touche en rien la question des réparations pour crimes contre l’humanité et de génocide. Cela pourrait être complémentaire, mais il faut être très vigilant à ne pas masquer le processus de réparations. Jusqu’alors, ayant suivi de nombreux débats sur la dette illégale dans différents contextes, je ne peux que constater que les réparations n’ont jamais été abordées. Il ne s’agit pas seulement de réparer les crimes de meurtres, de vol et de pillage, il s’agit essentiellement de réparer le crime fait à l’humain et par conséquent à l’humanité. Cette humanité a basculé dans des politiques mortifères depuis ce qu’il est convenu d’appeler « les grandes découvertes ». Il faut bien en prendre conscience. En fait, plutôt que de parler de « grandes découvertes », il faudrait préciser qu’à partir de 1492, l’humanité a connu une grande catastrophe à la fois métaphysique et démographique. À ce sujet, il faut refuser le storytelling visant à faire de la catastrophe humaine mise en place lors de la Seconde Guerre mondiale, l’unique épreuve dans l’histoire de l’humanité. « La possibilité de l’impossible » avait déjà eu lieu et depuis 5 siècles, aussi bien de nombreux historiens que des philosophes, des intellectuels et des politiques ont fait et continuent de faire tout ce qui est en leur possible pour donner une autre interprétation de ce que fut cette catastrophe, quitte à s’arranger avec les faits. Voire même pour certains(6) à s’inscrire dans un consensus négationniste.

C’est à partir de cette meurtrière épopée coloniale qu’a été entérinée la politique de la race – concept socialement construit – comme moyen de diviser l’humanité, ce qui constitue un crime contre l’humanité elle-même, contre les noirs, contre les peuples indigènes de l’Amérique du Sud et du Nord ; un crime que les blancs sans s’en rendre compte ont aussi commis contre eux-mêmes.

Ce que nous devons par le processus des réparations est de restituer son humaine humanité à une humanité dominante, violente – une inhumaine humanité – qui gouverne les peuples en imposant sa modernité euro-centrée et sa croyance fantasmée en la suprématie blanche. Les blancs ont perdu, en esclavagisant les noirs de l’Afrique et en tuant les indigènes, le sens de l’autre, l’Amour de l’autre, c’est ce que Frantz Fanon appelle de ses vœux : « Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve (…) Supériorité ? Infériorité ? Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ? »(7)

Tant que nous ne passerons pas par ce processus, notre humanité sera orpheline d’elle-même, tentera vainement d’inventer de nouveaux droits, alors que le besoin essentiel est d’en finir avec le racisme biologique qui a impacté la structure profonde des États anciennement esclavagistes et colonisateurs.

On peut nous rétorquer que ce type de racisme n’existe pas ou qu’il ne s’agit que de discrimination raciale de type individuel. Prenons la police, si elle s’autorise à commettre des crimes à l’égard des corps noirs (j’inclus aussi les Arabes), c’est bien que ce racisme est profondément ancré dans l’inconscient collectif de nos sociétés. Ce racisme structurel fonctionne comme un système –il n’y a qu’à étudier le nombre d’incarcérations, de personnes sans emploi, mal logées, mal soignées, le nombre de pays dont les richesses sont pillées et dont les peuples vivent dans une grande pauvreté pour voir, si on le veut bien, que c’est bien la présence, dans l’idéologie prônée par le capital et la financiarisation du monde, d’une perception dominante des êtres sur les non-êtres. Ce qui est intéressant à remarquer c’est que ce sont ces 1% du système capitaliste libéral qui maintiennent les 99% dans des zones de non-être. Parmi ces non-êtres, il y a tous ceux qui partagent l’histoire de cette humanité mortifère avec la traite négrière transatlantique, la mise en esclavage, la colonisation et le colonialisme et qui sont, de facto, au bout du bout de l’échelle.

Si l’on veut une humanité humainement soutenable, il faudrait que tous ceux travaillant sur les questions de blanchiment et de corruption lient ce travail à l’incontournabilité du besoin fondamental de réparations. Sinon, une fois encore, on se contentera d’un cautère sur une jambe de bois.

C’est bien ce qu’a souligné le rapport Savoy-Sarr, n’y est-il pas fait mention d’un passage obligé par les réparations ?  Cette étape est humainement indispensable si l’on veut aborder non seulement la question de l’humain – humain et non ennemi – où il n’y a plus aucune raison de penser l’autre en termes de hiérarchisation et si l’on veut que les relations internationales ne soient plus hégémoniques, mais respectueuses d’un droit international qui ne soit ni déstructuré ni délégitimé par ceux qui se considèrent les maîtres du monde parce que blancs. On voit bien, dès lors, que les réparations sont un processus politique qui force à analyser les éléments fondateurs de la racialisation et de son rapport avec le capitalisme, mais aussi les conséquences sur les personnes racialisées. Si ces étapes sont disqualifiées, comme il y a tendance à le faire, il y a fort à parier que ni l’éducation, ni les dates anniversaire ni les balades décoloniales ne suffiront. Le racisme structurel continuera d’irriguer les rapports sociaux, culturels, économiques et environnementaux.

La « clôture » de la séquence de la mise en esclavage, qui ne fournissait plus ce que les États et les esclavagistes espéraient en termes de profit, a ouvert les portes à la colonisation. La clôture de la séquence esclavagiste en raison de la couleur de peau, les indépendances acquises le plus souvent dans le sang et le bruit des armes n’ont pas mis fin au paradigme de la domination à partir de ce que les Nord-Américains nomment the color line. On est passé à la séquence de la colonisation du continent à partir duquel avaient été mis en esclavage des millions d’êtres. L’idéologie n’a que changé d’objet, et encore si peu. On en est toujours là.

Pourrait-on comparer la période de l’abolition de l’esclavage (en sachant qu’il y a eu d’autres formes de servage) à la période coloniale prolongée ensuite par le système-dette et la tutelle des institutions financières internationales ?

Je voudrais d’abord souligner que l’on ne peut/ne doit pas considérer que la mise en esclavage est une forme de servage. Non, on parle de déshumanisation, de déni du droit à la vie, de la perte d’identité au nom d’une supériorité supposée des blancs. On parle d’un corps qui n’appartient plus à celui qui l’habite et le vit, qui est non seulement la propriété du maître, mais une marchandise.

Dans le cas de la colonialité du pouvoir qui s’exerce dans le cadre de relations internationales, on perçoit bien que les corps noirs sont juste tolérés. Il n’y a qu’à regarder comment le continent est considéré. Cela est un affront à une humanité qui prétend œuvrer pour la dignité et l’égalité des droits et plus encore pour l’universalité des droits. Il s’agit d’un énième mensonge !

La dette ne pose pas la même problématique ; elle pose la question d’une dette soi-disant due par des peuples mal développés à ceux qui les dépouillent et les tuent, si cela est nécessaire. Ce type de dettes ayant été mis en place par les anciens colonisateurs pour maintenir leur joug sur les peuples ; mais un joug présenté comme « démocratique », pour le bien des peuples pour la transparence et contre la corruption. La violence du joug colonial a été transformée sous une forme plus acceptable pour les peuples du Nord qui regardent, encore trop souvent, les peuples du Sud d’une manière paternaliste pour ne pas dire plus…

Travailler sur la dette suppose peut-être de s’interroger sur l’origine de ce procédé. On découvrira que les États esclavagistes, au moment des abolitions, dans le courant du XIXe siècle, ont considéré qu’ils avaient une dette uniquement à l’égard des propriétaires des mis en esclavage et non à l’égard de ceux qui ont subi pendant plus de 400 ans cette mise en esclavage. Ainsi la France a payé des compensations(8) aux colons laissant les anciens mis en esclavage, parce qu’ils n’avaient d’autre solution, obligés de travailler sur les plantations de leurs anciens maîtres, pour un salaire de misère. Ils sont devenus les travailleurs précaires de leurs anciens bourreaux. La dette consiste à mettre à genou, et surtout à les laisser dans cette posture, les peuples qui auraient la velléité de demander des comptes sur les terres qui leur sont volées, sur les richesses naturelles qui sont pillées par des transnationales et sur les politiques économiques qui leur sont imposées à coup de programmes d’ajustement structurel ou d’accords iniques. Le cas le plus emblématique est celui d’Haïti. Ce sont les victimes de la mise en esclavage qui sont maintenues dans un statut de précarité immonde et ce sontles pays anciennement colonisés qui doivent payer des dettes à leurs anciens colonisateurs. Rien n’a changé et l’humanité n’a surtout pas changé le paradigme de domination qui s’inscrit dans un rapport de production en faveur de l’esclavagiste et du colon.

Cessons d’être naïfs et comprenons que le système capitaliste dans lequel nous vivons est né de la division de l’humanité imposée par l’idéologie de la race comme marqueur social et plus même comme droit à la vie. Les colons esclavagistes avaient droit de vie et de mort sur les mis en esclavage ; le Code noir élaboré par Jean Baptiste Colbert (1685), dont la statue vient d’être repeinte en rouge par un militant de la BAN(9), précise le lieu épistémologique où devaient être maintenus les mis en esclavage « déclarons les esclaves être meubles(10)(…). C’est cela qu’ont permis les dites “Grandes découvertes” ».

En Libye, lorsque des migrants(11) sont vendus comme l’étaient nos ancêtres, cela émeut un temps, mais personne, et surtout pas la France, patrie auto-proclamée des droits de l’homme, ne mène campagne pour que cette ignominie cesse ; au contraire elle vend des armes(12) à l’un des camps. Aux États-Unis, au Brésil, en France, en Europe plus généralement, ce sont les afro-descendants (dans ce terme j’inclus toutes les personnes issues du continent africain, du nord au sud) qui sont les premières victimes des violences policières.

Quand vous annoncez définitivement : « Les noirs sont vus comme inférieurs et ne sont pas considérés comme des êtres humains », vous construisez un inconscient putatif autour de cela.

Ce n’est pas moi qui construis cet inconscient putatif ; il est là de facto depuis plus de 400 ans. Il se traduit par l’invisibilisation des corps noirs, le silence sur leurs revendications pour leur droit à la dignité. Leur alternative : la mort. Et c’est hélas ce que nous sommes obligés de constater en analysant le nombre d’incarcérations, d’abandons scolaires, de personnes victimes ou d’une santé problématique ou de perte d’emploi ou de sous-emploi dans de nombreux pays anciennement esclavagistes et colonialistes.

Nous en avons eu une preuve supplémentaire avec le coronavirus(13) qui touche les plus précaires, et principalement les afro-descendants et les Afro-Américains.

Y a‑t-il eu des tentatives de dialogue entre les différents groupes de travail pour collaborer ensemble ?

On n’en est pas encore à la convergence des luttes. Il faudrait déjà que tous ceux qui se disent anti-racistes définissent exactement ce qu’ils entendent par anti-racistes. Tout le monde se déclare antiraciste. C’est autre chose d’assumer s’inscrire dans un processus dépendant totalement de l’antiracisme politique. C’est-à-dire que je ne dénonce pas seulement les discriminations de classe, mais aussi celles concernant la racialisation touchant les afros-descendants et les Africains qui sont bel et bien des personnes racisées. Ce que ne sont pas et n’ont jamais été les blancs. Lorsque l’on entend des intellectuels affirmer qu’il y a émergence d’une nouvelle forme de racisme : celui touchant les blancs, on croit rêver devant de telles inepties et de telles méconnaissances de ce que signifie être racisé. La particularité du système qui a installé la traite négrière transatlantique, la mise en esclavage et le colonialisme est qu’il s’est construit sur le paradigme de la domination dans lequel les blancs se sont arrogé les fonctions de la domination telles que définies par Robert Kurz.

Propos recueillis par Robin Delobel, retranscription Dounia Dorkenoo

Notes et références
  1. WGEPAD : groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine.
  2. « L’esclavage était odieux sous toutes ses formes ».
  3. « J’espère que, en tant qu’amis qui ont vécu tant de choses ensemble depuis ces temps les plus sombres, nous pouvons aller de l’avant et continuer à construire pour l’avenir ».
  4. « revitaliser les liens entre les pays, et qu’il souhaitait se concentrer sur les relations futures plutôt que des questions vieilles de plusieurs siècles. ».
  5. https://bj.ambafrance.org/Telecharger-l-integralite-du-Rapport-Sarr-Savoy-sur-la-restitution-du.
  6. https://lesinrocks.com/2019/06/04/actualite/idees/christine-angot-et-lesclavage-un-discours-ideologique-et-non-informe/.
  7. Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952.
  8. Décret du 27 avril 1848 ; article 5 « L’Assemblée nationale réglera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux colons. »; http://www2.assemblee-nationale.fr/14/evenements/2016/abolition-de-l-esclavage-1794-et-1848/1848-l-abolition-definitive#node_32613.
  9. Brigade anti-négrophobie; https://la1ere.francetvinfo.fr/statue-colbert-taguee-devant-assemblee-nationale-paris-845972.html.
  10. Le Code noir, article 44.
  11. https://fondation-frantzfanon.com/en-libye-nos-freres-vendus-aux-encheres/.
  12. https://lepoint.fr/afrique/armes-francaises-en-libye-ce-soutien-que-paris-ne-peut-plus-cacher-12–07-2019–2324181_3826.php.
  13. https://fondation-frantzfanon.com/corps-noirs-mort-et-reparations/.

 

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