« Les soldats de l’occupation israélienne se vantent d’avoir attaqué une salle de classe à l’intérieur d’une école à Gaza et vandalisé les biens des écoliers. » ou « Une école palestinienne a pris feu après que des soldats de l’occupation israélienne ont tiré des bombes lacrymogènes dans l’école, située dans le quartier d’Al Isawiya de la Jérusalem occupée. » ou « Des dizaines de Palestiniens ont été tués et blessés samedi dans une frappe israélienne sur l’école Al-Fakhoura, gérée par l’UNRWA, dans la ville de Gaza. » Les brèves de journalistes de cette nature sont extrêmement nombreuses, vidéos à l’appui. Et peu importe que ces écoles soient gérées ou non par l’ONU.
Déjà deux universités de Gaza, l’université islamique et l’université Al Hazar, ont été complètement détruites, à coup de bombes. Le ciblage des lieux palestiniens d’apprentissage et de culture, en ce compris religieux, apparaît comme un fait volontaire, s’opposant ainsi à la création des liens sociaux. Les mosquées et les églises apparaissent systématiquement détruites. La Grande Mosquée Al-Omari, vieille de 1400 ans, héritage des croisades ‑une ancienne église- a déjà subi des coups douloureux même si elle n’est pas (encore?) en ruine. Tout près, l’église Saint-Porphyre, également bâtie par les Croisés, est déjà bien endommagée. Oui, c’est une vieille terre meurtrie.
Des lieux de vie, comme l’hôpital Al Shifa le plus grand établissement hospitalier de Gaza, subissent des sorts « inhumains » pour reprendre l’exclamation d’un Scott Ritter. Vidée par la force, au prix de décès faute de possibilités de soins, l’hôpital Al Shifa est certes en cours de destruction, une « zone de mort » selon l’OMS (19 novembre), mais plus grave les compétences aussi : « le professeur Rafet Lobad, chef du service de médecine interne de l’hôpital Shifa, lui et toute sa famille ‑sa femme, ses enfants et ses frères et sœurs- ont été tués par des avions de guerre israéliens » (annonce du 18 novembre de source gazaoui).
Sommes-nous face à un génocide, c’est à dire des tueries à grande échelle contre des populations pour ce qu’elles sont et d’une manière planifiée ? En tout cas il me semble indéniable qu’il y a, non seulement des actes qui apparaissent posséder ce caractère, mais qu’il existe aussi des intentions génocidaires venant de dirigeants israéliens, si l’on reprend leurs déclarations (bombe nucléaire, animaux, et j’en passe). Faut-il rappeler les incantations du premier ministre faisant référence au chapitre 60 du livre d’Isaïe, (Bible, ancien testament) avec sa prophétie, et dès lors aussi les conditions de la prophétie dont le maintenant odieusement « célèbre » verset 12 : « Car nation ou royaume qui ne te servirait pas périra ; ces nations-là seront entièrement dévastées. »
Il est vrai que, quand le délire religieux et/ou son prétexte, n’utilisant que ses écrits les plus violents, prend le dessus, ce fut toujours, au cours des âges, un catastrophe humaine, quelque soit le religion. Cela semble fou de parler ainsi au XXIe siècle et pourtant.
Assurément, cela mérite réflexion et critique. La question que je veux poser : y a‑t-il un « génocide culturel » ? Notion non reprise par le corpus juridique des instances internationales, mais qui illustre cette volonté apparente de destruction des liens sociaux, là où ils se construisent, mais aussi là où la transmission du savoir se réalise. L’occupation israélienne veut-elle éradiquer les capacités d’éducation des Palestiniens, de transmission du savoir, et donc le savoir lui-même ?
J’ai passé une partie de ma vie à transmettre le savoir dans le cadre d’une Université. Détruire par l’extrême violence, sans soucis de la vie humaine, des universités, dit beaucoup non seulement sur les intentions, mais aussi sur les buts de ceux qui profanent ainsi l’essence même de ce qui construit et réalise l’homme selon une longue chaîne qui remonte à la nuit des temps. Les personnes responsables de ces actes s’opposent ainsi, très consciemment et volontairement, aux capacités de paix entre les groupes humains en ce compris pour leur propre peuple. Ils créent véritablement les conditions de la guerre sans fin.
En effet, briser la chaîne du savoir d’un groupe humain est « particulièrement odieux », tant dans sa réalisation que dans ses effets. Il devient donc urgent d’interrompre le cycle de la violence et de reforger la chaîne.
« Qu’à l’instar des méthodes de destruction communautaire propres au génocide physique/biologique, les procédés de génocide culturel sont adoptés en vue d’anéantir un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel et qu’ils sont tout aussi aptes à concrétiser ce dessein criminel considéré comme particulièrement odieux, raison pour laquelle ils devraient être également qualifiés de génocide et réprimés en tant que tel. » Jasmina Zagorac, le génocide culturel : un crime oublié du droit international ? 2022.
Christophe de Brouwer
Full-professeur honoraire et ancien président de l’École de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles. (22 novembre 2023)