Foutoir et autres joyeusetés

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Nous avions donc, en ce début de soirée du deuxième jour du mois d’août 2020 et nous avons peut-être encore, à l’heure où vous entamez la lecture de cette de cette chronique – courage, ça va barder ! – un virus nommé Covid-19, un gouvernement fédéral, une Région flamande, une Région wallonne, une Région de Bruxelles-Capitale ET une Communauté flamande, une Communauté française, une Communauté germanophone, des provinces et des communes. À quoi il est bon et juste d’ajouter un Comité Scientifique Coronavirus, composé d’experts en tous genres – infectiologues, virologues, épidémiologistes et autres spécialistes – chargé d’aider les autorités de santé (ici, nous passons sur les nombreuses cellules de ceci et de cela qui avaient et ont encore pour mission de coordonner l’ensemble des constats et des décisions qui étaient, sont et seront prises) à lutter contre le coronavirus. Ce comité émet des avis scientifiques au sujet de l’évolution du virus et il aide notre pays à se préparer, dans un premier temps et lutter, dans un deuxième temps contre le méchant coronavirus. Bien ; mais ce n’est pas tout. Nous avions aussi – et nous avons encore – de plus ou moins éminents organes de presse, publics et privés télés, radios, journaux-papier et virtuels sans lesquels nous serions bien embêtés et ignorants de surcroît. Merci la presse. Impossible, aussi, de passer sous silence les fameux et indispensables réseaux sociaux, en l’occurrence formidable caisse de résonance du tout et du n’importe quoi. Bref, au final et en considérant l’ensemble de tout ce qui précède : un cocktail plutôt plaisant et même, osons le dire, par moment carrément loufoque et même jubilatoire. Nous allons y venir.

Le gouvernement fédéral et toutes les autres « entités », il faut bien que de braves gens se dévouent pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes, qu’elles rencontrent l’assentiment de celles et ceux – vous, moi, beaucoup d’autres, environ 11 millions de têtes – dont elles ont la lourde charge, n’est-ce pas? Il faut un ou une, à l’occasion, Premier(e) ministre pour le fédéral, des ministres présidents ici et là, des assemblées représentatives du choix des électeurs, des sous-ministres, des conseillers de toutes sortes, des membres de cabinets, des secrétaires, des communicateurs ; enfin, une kyrielle de décideurs plus ou moins qualifiés dans la gestion des affaires qui touchent à la vie de celles et ceux qui composent le bon peuple. Et, en l’occurrence, à savoir l’apparition subite et la propagation du virus qui nous occupe ici, il fallait prendre des mesures et ne pas laisser cette épidémie en prendre trop à son aise.

Sauf que, la chose n’aura échappé à personne, hormis les premiers intéressés, la pléthore voire même le surnombre des ministres, toutes compétences confondues, a eu pour effet que, pour le dire platement, ces gens se marchaient sur les pieds, décidaient une chose ici, en décidaient le contraire un peu plus loin pendant que les experts es-sciences se bousculaient sur les plateaux de télévision, dans les pages des journaux et sur les réseaux sociaux en faisant de grands gestes et prenant à partie les décideurs politiques incapables à leurs yeux de comprendre réellement la situation dans laquelle on se trouvait et qui était rien moins que catastrophique. De confinement en déconfinement à petits pas, d’ouverture de commerce à interdictions diverses, de nombres de personnes à fréquenter ou non dans tel ou tel contexte, de présence et de rigueur policière partout avec, à l’occasion, l’une ou l’autre bavure sans trop de conséquences, de mortalités effarantes dans les hospices de vieux enfermés et abandonnés de tous, du nombre croissant d’infectés ou de suspects de l’être, l’épidémie a finalement pris figure de vaste pantalonnade morbide.

Pour ce qu’il en est de « la presse » il est flagrant, tous médias confondus, qu’elle a joué un rôle de première grandeur dans le torrent ahurissant des informations les plus affolantes, créant de la sorte un climat général de panique disproportionnée dans une bonne part de la population ne sachant plus à quel saint se vouer pour échapper au terrible et inexorable : « On va tous mourir !». Quant aux réfractaires et rebelles aux injonctions des autorités, ils ont eu la part belle sur les réseaux sociaux où se bousculaient les prises de positions radicales, les appels à la désobéissance civile, un je‑m’en-foutisme de bon aloi et les théories les plus loufoques teintées de complotisme.

Mais il faut les comprendre, ces braves gens. Rarement et de longtemps on aura eu à prendre connaissance d’autant de signaux contradictoires autant que farfelus dans tous les domaines relatifs à cette « crise du coronavirus ». Que ce soit dans le port du masque, tour à tour superflu, inadéquat, sans intérêt véritable pour contrarier sa propagation jusqu’à l’obligation pour tous de le porter en tous lieux sous peine d’amende salée, pour ce qui est des déplacements des vacanciers là ou ailleurs à l’étranger, avec des zones orange, vertes et rouges, des lieux inhospitaliers et d’autres prêts à nous accueillir à bras ouverts au gré de supposées zones à risques changeant d’un jour à l’autre, quand ce n’était pas d’une heure à l’autre, selon qui s’exprimait sur la question ; sans compter les alarmes à la deuxième vague : « Elle est là, elle va arriver demain ou dimanche prochain… Non !, ce sera à l’automne… » Quelques mots pour résumer cette lamentable saga : foutoir, gabegie, incompétence… Et cela parce qu’il fallait soulever un couvercle social au risque d’une déflagration malvenue, mais aussi se plier au plus vite aux injonctions des milieux socio-économiques qui demandaient à cor et à cris que la main‑d’œuvre mise au repos forcé retourne gaiement à l’ouvrage dans l’intérêt du commerce et de l’industrie sans lesquels, comme nul ne l’ignore, il n’est pas de vie possible.

Jean-Pierre L. Collignon

PS : Au moment d’expédier cette chronique à qui de droit, ce 10 août, on a donc eu droit à ces bagarres, au littoral ; une jolie fête populaire. À l’heure où vous tiendrez notre excellent journal entre vos mains gracieuses et sous vos yeux attentifs, il s’en sera peut-être encore passé, des choses…

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