À FRANÇOIS CAVANNA (1923–2014)(1)
Philippe Debongnies
Etrange époque que la nôtre, pleine de contradictions et d’ambigüités. Le décryptage et l’élucidation des événements sont de plus en plus ardus, quelle que soit la focale utilisée, de gauche, de droite ou d’ailleurs. Donc restons tous modestes, évitons les positions de surplomb, les indignations grandguignolesques(2), et cessons de faire la leçon aux autres, car « la quête de la clarté conceptuelle est à la fois indispensable et vaine(3) », et « […] on peut estimer que le refus de l’ambivalence et l’intolérance à l’ambigüité relèvent de l’exacerbation des affects, qui n’ont peut-être jamais été aussi massifs qu’aujourd’hui(4) ». Et encore : gardons notre sang-froid, pensons librement et envoyons paître les curés de toutes obédiences !
Prenons d’abord le cas de la non-binarité, notion à la mode que n’aurait pas reniée Michel Foucault. La binarité est le …
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Notes et références
- Écrivain qui s’identifia à l’extrême gauche soixante-huitarde alors qu’il était déjà quadragénaire, Cavanna serait aujourd’hui considéré comme un réac (en dépit de son scientisme et de son athéisme). Le lire dans la nouvelle mouture de CharlieHebdo m’a intellectuellement et littérairement nourri entre 1992 et 2005, année de ma rupture avec le journal suite à l’appel de Philippe Val à voter pour le traité constitutionnel européen, avec la hargne et la mauvaise foi qui le caractérisent. Le journal venait de prendre son tournant néolibéral.
- À ce sujet, on rappellera à quel point l’aussi court que médiocre essai de Stéphane Hessel Indignez-vous ! (2010), best-seller mondial, a causé du tort au débat. Il faut choisir : s’indigner ou penser. Comme l’observe Oscar Brenifier, « l’indigné est un juste, ou se conçoit comme tel. Il connaît le bien et le mal, son appréciation est fondée, légitime et sans équivoque, sa décision est irrévocable et sans recours. Il est le garant du bon ordre des choses. Il est équitable et incorruptible. » (in Rebelle ? Le libertaire indigné, Ancrages, 2024, p. 43).
- Thomas Bauer, Vers un monde univoque. Sur la perte d’ambigüité et de diversité, L’Échappée, 2024, p. 11.
- Ibidem, p. 16.
- Pour être précis, sa proximité avec le parti nazi n’a duré que quelques années, de
1933 à 1936. - Comme quoi, en politique, l’ambigüité est souvent la règle.
- Sur X, le député de LFI Carlos Martens Bilongo recourt à la psychiatrisation de ses opposants d’extrême droite : « Ils sont malades du cerveau, ce ne sont pas des élus normaux ». Ou comment combiner le souvenir de l’ex-URSS et la socialdémocratie.
- Tout bien réfléchi, ce serait plutôt le peloton, pour éviter l’émission de gaz à effet de serre.
- Les initiales ont été modifiées.
- La chose est bien plus compliquée concernant les journaux en papier. Que faire dans ce cas ? Des perquisitions dans les domiciles privés pour des autodafés, dans un remake de Fahrenheit 451 pour presse périodique ? Précisons que nous n’avons pas accédé à la demande de T. H.
- Jan Spurk, Le désir d’autorité, Le Cerisier, 2024, p. 12.
- Jean Birnbaum, Le courage de la nuance, Seuil, 2021, p. 74.
- Ibidem, p. 79.
- Cf. Alexandra Laignel-Lavastine, Jan Patočka, l’Esprit de la dissidence, Michalon, 1998.
- Alors que le courage et la force d’âme sont des valeurs transversales à la droite et à la gauche, demandez-le aux quelques derniers résistants de la Seconde Guerre mondiale.