DEGRÉS DU HARCÈLEMENT PUBLICITAIRE

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La publicité nous indispose tous. Elle envahit tous les instants de notre vie sous diverses formes. Parmi ces formes, certaines sont plus insupportables que d’autres. Lançons-nous dès lors dans une tentative de classification subjective (mais basée sur beaucoup de témoignages) du gradient de nuisance des diverses manières par lesquelles la publicité essaye de nous convaincre que nous serons très malheureux si nous n’acquérons pas tel ou tel objet, dans l’ordre croissant de dérangement.

Sur papier glacé de préférence, la plupart des périodiques regorgent de belles photos et de mots qui se veulent séducteurs pour nous convaincre de consommer tel ou tel produit. C’est parfois joli, parfois un peu ridicule, mais la page est vite tournée et rien n’oblige à faire attention aux images tentatrices. Toutefois, dans un récent débat entre Béatrice Delvaux et Alexandre Penasse, la rédac-chef du Soir reconnaissait que lorsqu’un gros annonceur menaçait de ne plus collaborer avec le journal, cela menaçait l’équilibre économique du quotidien. C’est bien pourquoi, soucieux de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs d’argent, Kairos (et quelques autres médias) refusent la publicité dans leurs pages.

Nos boîtes-aux-lettres sont théoriquement destinées à héberger le courrier qui nous est destiné. La pub les squatte allégrément et nous submerge de kilos de papiers que, en bons écolos, nous mettons à la poubelle sélective. Heureusement, des autocollants « Pub non merci » sont disponibles et – plus ou moins – respectés par les diffuseurs.

Selon des études sérieuses, lorsqu’on déambule dans les rues de nos villes, sur une journée ordinaire, nos yeux captent ente 2.000 et 3.000 publicités. Quand c’est l’enseigne d’un commerce, c’est utile et acceptable mais les « sucettes » et autres panneaux, parfois éclairés, sont de gênantes entraves à la circulation (piétonne, évidemment). Heureusement, certaines villes ont interdit les panneaux de grandes dimensions (20m² à 40m²), véritables pousse-au-crime consommatoire…

Les programmes de télévision sont rarement intéressants et sont de plus en plus interrompus par des « pauses » publicitaires. Même si c’est l’occasion de satisfaire de menues obligations, leur répétition est plus qu’irritante. Quelques chaînes résistent partiellement à cette invasion mais souvent ces publicités sont un tel apport financier qu’elles influencent le contenu des programmes (qui, selon le directeur de TF1, ne sont qu’un moyen de fournir « du temps de cerveau humain disponible » aux annonceurs).

De plus en plus de nos contemporains ne regardent plus la télé mais vont chercher infos et divertissement sur Internet. Là non plus, pas de refuge : les inserts publicitaires, à gauche, à droite, avant, après, pendant les images… nous poursuivent. Pis encore, les algorithmes nous espionnent et nous imposent les pubs censées nous intéresser. Qui, après avoir tenté de réserver un hôtel dans un endroit quelconque, ne s’est vu bombardé de propositions d’hébergement ciblées sur cette région ?

Enfin, sommet du harcèlement, l’appel téléphonique qui n’est pas celui que vous attendez impatiemment mais bien d’une compagnie de téléphone, d’un marchand de vin ou de tout autre mercanti qui vient vous déranger jusque dans votre sieste. On a envie d’insulter la personne au bout du fil mais on se rappelle que c’est un pauvre employé qui, souvent d’un lointain pays francophone du sud de la planète, essaie de survivre dans un call-center qui le sous-paie. Personnellement, je réponds « Oui… » d’un air faussement intéressé et abandonne le cornet. Je ne sais combien de temps l’opérat·eur·rice parle dans le vide, mais c’est toujours ça de coût de communication inutile pour son p… de patron. On se défend comme on peut contre ces damnées pubs qui parasitent notre vie quotidienne.

Alain Adriaens

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