Donc, nous nous sommes rendus dans les bureaux de vote, ici, là et ailleurs ; nous avons déposé nos bulletins dans l’urne : l’un pour élire nos conseillers communaux, l’autre, nos représentants à la Province, usant ainsi de notre droit et du relatif privilège de pouvoir choisir, par- mi celles et ceux qui se présentaient à nos suffrages, les figures les mieux à même de rencontrer nos aspirations personnelles et collectives. Le moins que l’on puisse dire est que le résultat de ce scrutin a surpris les observateurs patentés autant que les électeurs pour lesquels le vote, fût-il obligatoire, n’en est pas moins une chose sérieuse et qui présente, aussi, l’opportunité de voir, peut-être, les choses prendre d’autres tournures que celles que l’on était contraint de subir jusqu’alors.
On l’a vu, les partis traditionnels – le parti socialiste, le mouvement réformateur et les sociaux chrétiens – ont tous, dans des proportions variables selon les endroits, perdu quelques plumes dans l’aventure alors que, de leur côté, les écologistes, le PTB et d’autres listes, plus ou moins marquées à gauche et plus modestes quant à leurs sympathisants et électeurs potentiels, se sont signalées par des succès parfois spectaculaires, dans les grandes agglomérations urbaines principalement. De là, on l’a vu aussi, des voix se sont fait entendre pour en appeler à des alliances locales en vue de renverser celles en place depuis 6 ans et qui, par de nombreux côtés, n’avaient pas répondu aux at- tentes des citoyens-électeurs. En pointe dans ces espoirs et ces vœux, quelques leaders syndicaux de la FGTB – la CSC étant restée bien à l’abri de tout excès postélectoral – , des leaders Écolos et d’autres encore. Tous en ont appelé à des majorités de gauche, partout où cela était possible ; et les opportunités ne manquaient pas. Et puis, ici et là, on a négocié dès le lendemain d’un vote que d’aucuns qualifiaient d’historique ; et on a vu. Des Écolos faisant alliance avec le MR, des socialistes reconduisant les mêmes majorités, des cdH pareillement ; la « grande vague de gauche » devenant un frisson sur l’eau saumâtre de la politique à la petite semaine.
Les choses sont pourtant limpides : ce qu’un nombre important d’électeurs a exprimé c’est, avant tout et surtout, le rejet de la politique menée au fédéral par le MR et associés et commanditaires de la N‑VA. Une politique scandaleusement au service des moyens et gros nantis, lesquels, on ne le sait que trop, échappent gaillardement à l’impôt pendant que les retraités, les salariés et autres « assistés » continuent à fournir aux caisses de l’État l’essentiel de ses ressources ; qui vont-être, nul ne l’ignore, largement utilisées pour remplacer et renforcer l’arsenal de nos forces armées de l’air et de terre entraînant une dette que deux générations à peine, suffiront à éteindre. Que la sanction infligée aux néo-libéraux ne se soit pas révélée plus nette encore reste inexpliqué. Autant que celle qui a frappé le vieux parti socialiste, d’une ampleur équivalente, tant le parti à la rose – de plus en plus fanée – a mené de longue date une politique fédérale ne se démarquant que trop peu de celle du MR. On aura eu l’occasion de sourire et ricaner ici, en région liégeoise, de la campagne menée par le PS qui, de slogans en promesses, faisait la part belle aux plus beaux jours de l’ancien POB au point que, si elle s’était avérée fondée ailleurs que dans la pure illusion, elle promettait rien moins que la Révolution en tous les domaines possibles et imaginables. Comme de bien entendu, et pour reprendre la célèbre formule de Charles Pasqua ou Jacques Chirac, « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Et encore, nombreux sont celles et ceux qui, sympathisants et électeurs du PS, bercés encore par ces belles envolées, auront assisté à la ridicule et stupéfiante voire même crapuleuse campagne de l’après scrutin qui visait de manière ignominieuse à discréditer le mouvement de Raoul Hedebouw. Cela parce que le PTB se refuse à entrer dans des majorités qui ne feraient que poursuivre les objectifs de celles-ci alors qu’à l’évidence ils ont été sanctionnés par une large part de l’électorat. Certes, la riposte, souvent drôle et pertinente, ne s’est pas fait attendre mais la manœuvre aura alimenté la non moins stupide tentative de diabolisation menée par les bleus, qui visait à semer la panique dans les têtes les plus fragiles en présentant le PTB sous le visage des « méchants-communistes-qui-ont-commisdes-crimes-épouvantables-ne-l’oublions-jamais » et continuez à nous faire confiance, braves gens, nous allons poursuivre notre politique pour l’emploi (« jobs, jobs, jobs »), la cohésion, la justice sociale et la lutte contre la pauvreté à notre manière, dixit Charles Michel et autres membres de la confrérie des menteurs et raconteurs d’histoires qui ne font plus rire personne.
Résumons-nous : le changement, ce n’est pas pour aujourd’hui et ce ne sera pas pour demain non plus. Les vieilles organisations politiques, partout, en sont encore à la gestion de l’immédiat. Nulle part ne perce la conscience de ce que notre temps est compté, que la Nature et tout ce qu’elle englobe – nous, humains, toutes les espèces végétales et animales, des insectes aux poissons, des oiseaux aux mammifères terrestres et marins – est dans un péril proprement inimaginable, cette civilisation mercantile, le projet fou de s’approprier tout ce qui existe pour notre seul et navrant profit, tout cela va s’effondrer dans des soubresauts qui ne pourront être que monstrueux. Nous avons voté en vain, nous allons le payer. Et cher…
Jean-Pierre L. Collignon