Vous avez dit bizarre?

Le 15 Avril 2020, les journaux Het Laatste Nieuws et De Morgen ont tous deux publié un article suite à la question remarquée d’Alexandre Penasse à la Première Ministre Sophie Wilmès lors de la conférence de presse du Conseil National de Sécurité.

« Moment bizarre », « Bizar », en néerlandais. C’est l’expression qu’ont choisi d’employer les sites de ces deux médias pour décrire l’intervention du journaliste qui interpella la Première ministre Sophie Wilmès sur la légitimité de son gouvernement à prendre des décisions pour tous les Belges et les conflits d’intérêts qui pourraient exister au sein de ce même gouvernement. 

Le même mot, dans deux rédactions différentes à quelques minutes d’intervalle. Bizarre et rien d’autre ! Pourtant, les qualificatifs ne manquaient pas pour décrire ce moment : percutant, attendu par les Belges, intéressant, déstabilisant, embêtant, frais, inespéré, surprenant même… Mais non, définitivement, la presse flamande a tranché: c’était un moment « bizarre », rien d’autre.

« Moment bizarre lors de la conférence de presse du Conseil de sécurité: un journaliste « critique » pose des questions sur les complots entre conseillers et industrie ».
«  Moment bizarre lors de la conférence de presse de Wilmès: un journaliste « critique » pose des questions sur les complots  ». DM HLN 

La différence entre les deux titres est que l’un mentionne les acteurs de ces « complots » dénoncés par le journaliste, tandis que l’autre semble s’être contenté du mot « complot ». Tout le monde comprend ce qu’est un complot, alors pourquoi se donner la peine de rappeler aux lecteurs les collusions évoquées par le journaliste de Kairos ? Bizarre ! La photo est également la même dans les deux articles. Bizarre! Et que penser du choix de cette photo, qui évoque non sans ironie le petit toussotement poli qu’a engendré la question ?

« Il s’agit d’Alexandre Penasse du site d’information Kairos, qui se décrit comme un« journal anti-productiviste, pour une société décente ». « Curieusement, Penasse a été le premier à parler. Au cours de sa « question », il a évoqué les liens entre les experts qui assistent le gouvernement dans la crise Corona et l’industrie pharmaceutique. Il a également demandé si la totalité de la population était suivie via le réseau 5G ».
« Il s’agit d’Alexandre Penasse du site Internet Kairos, qui se décrit comme un « journal antiproductiviste, pour une société décente ». « Curieusement, il a été le premier à parler. Au cours de sa « question », il a évoqué les liens entre les experts qui assistent le gouvernement dans la crise Corona et l’industrie pharmaceutique. Il a également demandé si la totalité de la population était suivie via le réseau 5G ultra-rapide ». DM: HLN: 

Plus bas, l’article de De Morgen parle du journaliste qui a posé la question alors que l’article de Het Laatste Nieuws en parle aussi ! Évidemment, quand un journaliste pose une question qui dérange, ce dont il est important de parler, c’est surtout du journaliste plutôt que de sa question ! 

Vous le sentiez venir, les deux articles sont identiques et écrits par la même personne. L’article est signé “LH”. Inutile de s’arrêter sur le fait qu’ils trouvent « curieux» que monsieur Penasse ait parlé en premier ni sur le fait qu’ils prétendent qu’« il a également demandé si la totalité de la population était suivie via le réseau 5G ultrarapide. » Cette dernière affirmation étant fausse et facilement vérifiable en regardant à nouveau la vidéo à cet instant précis : https://youtu.be/kGQfRTw-i8I?t=85. On s’apercevra alors qu’effectivement, lors de son intervention, Penasse fait référence à la 5G mais simplement pour émettre l’hypothèse que la crise du Covid-19 pourrait être l’occasion d’accélérer l’installation d’un réseau 5G.

Le meilleur reste à venir. Dans le paragraphe suivant, les deux articles (ou plutôt, l’article) expliquent qu’« il est frappant de constater que le journaliste ait pu assister à la conférence de presse. Le matin, le cabinet du Premier ministre demande à tous les médias réguliers quelle personne sera envoyée. « Puisque nous avons dû organiser et restreindre l’accès à la salle de presse pour respecter au mieux les instructions en vigueur pendant cette pandémie, nous n’avons pas pu donner accès à tous les journalistes/rédacteurs », a déclaré la Première ministre dans un communiqué de presse.» Ainsi, nous avons deux organes de presse qui semblent trouver étonnant qu’Alexandre Penasse, journaliste et rédacteur en chef de Kairos, ait pu être présent à cette conférence de presse, parce que d’habitude, c’est le cabinet de la Première ministre qui DEMANDE à tous les médias RÉGULIERS quelle personne sera envoyée. 

Il y a plusieurs bizarreries dans ce paragraphe. Premièrement, nous avons deux médias qui semblent considérer qu’ils sont plus légitimes que d’autres à assister à des événements officiels. Bizarre! Ensuite, l’emploi de l’expression « médias réguliers » qui suggère l’existence de « médias non réguliers » : serions-nous secrètement passés sous un régime dictatorial dans lequel il existerait une presse officielle et une presse résistante? Bizarre! Enfin le fait de dire que le cabinet de la Première ministre DEMANDE quelle personne sera envoyée alors qu’en réalité, la Première ministre ne DEMANDE pas, mais CHOISIT qui pourra assister à la conférence de presse, et que les autres journalistes (pourtant pas moins légitimes) seront évincés, même s’ils possèdent une carte de presse, et même en ayant fait une requête en bonne et due forme auprès du cabinet de la Première ministre.

Réponse du porte-parole de Sophie Wilmès au mail annonçant que nous serons présents à la conférence de presse du 24 avril :

«  Bonjour,

Comme annoncé la dernière fois, nous procédons « en pool » au vu de l’accès limité à la salle de la conférence de presse au regard des mesures de social distancing. Vos confrères doivent pouvoir avoir accès également à la salle de presse. Les équipes tournent. Comme déjà indiqué, le contenu est disponible, en direct, sur internet. Si vous avez une question, je vous invite à vous organiser avec vos confrères journalistes. Il est de coutume que certains journalistes posent également une question pour une autre rédaction. Il est possible aussi de nous la transmettre ultérieurement. »

En fin de compte, la question qui se pose est : qui sont ces gens qui ont trouvé la question « bizarre» ? Manifestement pas certains lecteurs de De Morgen, comme l’indiquent les commentaires suivants. Les citoyens ont soif de vérité…

Commentaires de lecteurs suite à l’article de DM :

  • « Les journalistes critiques sont rares.
  • Au lieu de ces moqueries, j’aurais préféré lire les arguments pour expliquer pourquoi De Morgen trouve les problèmes de conflits d’intérêts “bizarres”.
  • Avec cet article, le journal donne par inadvertance la preuve de l’existence de la presse du régime.
  • Je ne pense pas qu’il soit si stupide. Il travaille pour http:// kairospresse.be articles intéressants. Ne pouvons-nous plus être critiques et tout avaler. Détenez-vous la vérité ou devons-nous tout prendre de vous comme des Ukases?(1) »

* Article de Het laatste nieuws: https://www.hln.be/nieuws/binnenland/bizar-moment-tijdens-persconferentie-veiligheidsraad-kritische-journalist-stelt-vragen-over-complotten-tussen-adviseurs-en-industrie~ad4498d7Article de De Morgen: https://www.demorgen.be/nieuws/bizar-moment-tijdens-persconferentie-wilmes-kritische-journalist-stelt-vragen-over-complotten~bd4498d7

Notes et références
1. Un oukase ou ukase: (en russe : указ, oukaz), mot parfois orthographié oukaze, est un terme juridique russe, dont l’équivalent en droit romain est décret ou édit. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ukase

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