Alexia Bertrand: guerre de postes sur fond de magouilles politico-financières

La presse francophone ne tarit pas d’éloge sur la nomination d’Alexia Bertrand au poste de Secrétaire d’État au budget et à la consommation. Elle souligne les brillantes études de cette femme politique, passée subitement du MR à l’Open Vld. Quand le pouvoir est l’objectif ultime au détriment du bien commun, les serviteurs médiatiques n’ont d’autres choses à souligner pour mettre le parvenu en valeur que ses études ou son sourire… Cette nouvelle nomination n’est qu’une preuve supplémentaire du désintérêt complet de la caste pour les gens, caste réduite à une poule sans tête prise dans une course sans fin aux fonctions de pouvoir. 

Lubo Duržo

Les journaux les plus attentifs soulignent l’intelligence de la manœuvre. Bertrand briguait la place de ministre des Affaires étrangères et aurait été choquée par la nomination d’Hadja Lahbib à ce poste. Elle avait en effet été de 2015 à 2019 la cheffe de cabinet du ministre de l’époque, Didier Reynders et semblait taillée pour cette responsabilité.

D’aucuns voyaient se rallumer la guerre entre reyndersiens et michelliens. Boucher ayant joué un mauvais tour à l’héritière spirituelle de Reynders.

Qui est Alexia Bertrand?

Maintenant, la vraie question est : qui est vraiment Alexia Bertrand ? Elle est la fille de Luc Bertrand, le milliardaire belge qui a longuement dirigé Ackermans & van Haeren, la multinationale d’origine anversoise qui chapeaute de nombreuses sociétés dont l’un des leaders mondiaux du dragage, la société Deme. 

Or Deme a été condamnée en Suisse pour corruption dans une affaire de contrat gigantesque avec le Nigeria. Elle a dû rembourser près de 35 millions d’euros(1). La même société est poursuivie en Belgique dans le cadre d’une autre affaire de corruption révélée par le FBI en Russie. Il s’agit d’une somme de près de 8 millions d’euros payée aux fonctionnaires russes en charge de l’octroi du marché du dragage du passage du Nord(2). Alexia Bertrand était administratrice d’Ackermans pendant toutes ces années.

On retrouvait également l’État belge (vis la SBI, Société belge d’investissement) associé à la société Rent-a-port dans une société Offshore du nom de Infra Asia Development Limited. Rent-a-port étant une filiale d’Ackermans & van Haeren. Vous avez bien lu ! L’État belge a été majoritaire dans une société Offshore. Le président du conseil d’administration de la SBI était Jean-Claude Fontinoy et un des administrateurs était Hans D’Hondt, le patron du fisc belge(3).

Fontinoy et Alexia Bertrand se connaissent très bien puisse qu’ils ont travaillé ensemble dans le cabinet de Didier Reynders pendant des années. On a soupçonné Fontinoy d’utiliser une asbl, Les plus beaux villages de Wallonie, comme structure de blanchiment et de corruption. Or, une des plus grosses sociétés donatrices n’était autres qu’Ackermans & Van Haeren via ses filiales Deme et Rent-a-Port. Une enquête est toujours en cours et ce depuis plusieurs années, avec des moyens d’investigation inexistants.

Pour couronner le tout, la galaxie des sociétés liées à Ackermans & Van Haeren dispose d’une batterie de filiales dans des paradis fiscaux(4).

Enfin, nous ne serions pas complets si nous omettions de dire que le mari d’Alexia Bertrand est promoteur immobilier. Amand-Benoît D’Hondt travaille pour Fortis Real Estate Asset Management. On le retrouve donc dans les gros dossiers concernant potentiellement l’État belge comme propriétaire ou locataire.

En quoi est ce que la nomination d’Alexia Bertand au budget pourrait mettre en péril l’intérêt général en Belgique, sachant que ce département est déjà calamiteux ? Parce qu’à l’évidence, elle appartient au « Clan Reynders », décrit à merveille dans le livre éponyme de Philippe Engels. Dès lors, elle va tout faire pour privilégier les intérêts de ce Clan et de la société familiale. En outre, pendant deux ans de vaches maigres elle disposera du meilleur pied de biche possible pour influencer la politique belge : « Fais ce que je te dis ou je fais fondre le budget de ton département. » Et il y a très peu de chance que l’intérêt général l’intéresse davantage dans le futur qu’il l’a intéressé dans le passé.

Notes et références
  1. Cfr L’Echo, « Deme condamné en Suisse pour corruption. » 02-06-2017.
  2. Cfr RTBF, »La justice belge poursuit le groupe belge de dragage Deme pour corruption en Russie. » 02-04-2021.
  3. Cfr 7sur7, »De l’argent public belge investi dans une structure offshore. », 08-11-2017.
  4. Cfr PTB, « Alexia Bertrand, ou le conflit d’intérêts élevé au rang d’art. »

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