Ceux qui se gargarisent à longueur d’édito de leur liberté d’expression, qui scandent d’une même voix qu’« ils sont tous Charlie », se prévalant d’une intrépidité toute relative quand les nouveaux Charlie relèvent autant du monde politique, économique, financier ou people, ceux-là ferment merveilleusement leur gueule quand il s’agit de dénoncer la détention de Julian Assange, dans des conditions qui semblent s’inspirer de ces dictatures que ces mêmes journalistes aiment tant montrer du doigt, enfin surtout celles à qui l’Occident ne vend pas des armes.
Dans un édito vibrant, l’outrecuidante Béatrice Delvaux nous promettait en 2015 de « continuer à l’ouvrir ». Á l’époque, nous exprimions au contraire « qu’elle l’avait toujours fermée, sauf quand il s’agissait de défendre patrons et capitaines d’industrie »(1). Comme ses amis des autres médias du plat pays, de l’hexagone ou d’ailleurs, avant et après 2015, ils continuent à vendre leur spectacle d’une société démocratique, ouverte, où la pluralité des positions pourraient se faire entendre… afin de maintenir cette illusion, il leur faut donc occulter, lisser, feindre le dialogue, diaboliser, « feuilletoniser » l’information (cf. la formation du gouvernement fédéral).
QUAND LES MÉDIAS DU POUVOIR FERMENT LEUR GUEULE
De cette dramatique désinformation systémique, nous pouvons toutefois tirer un enseignement qui n’est pas négligeable et s’offre comme un argument imparable à la lancinante rengaine de la « liberté de la presse ». Car où êtes-vous vaillants journalistes, courageux éditorialistes, alors que celui qui a révélé au monde les pratiques criminelles et mensonges éhontés de nos gouvernements croupi depuis 5 mois dans une prison londonienne, après avoir passé quelques 2.555 jours enfermé dans une pièce à l’ambassade d’Équateur ? Qu’attendez-vous pour « l’ouvrir » ?
C’est que vous ne pouvez pas, comme vous ne pouviez pas relayer cette incroyable censure dont fut frappé le magazine Financité de la part du journal La Libre, à laquelle nous avons consacré une enquête conséquente(2) ; alors que toutes les rédactions ont, selon nos sources, largement ouvert le communiqué de presse envoyé à l’époque par la rédaction de Financité, seul un média relaya l’information dans une brève (la RTBF), étonnamment, celle-ci étant habituée à l’obéissance canine comme ses consœurs. La liberté de la presse est un spectacle, pas une vérité : pour qu’il continue à se jouer, il faut donc alimenter le premier et ne pas rechercher la seconde.
Voilà donc, entre autres, pourquoi ça ne va pas : que vous vous disiez de gauche, de droite, pro-ci, anti-ça, pro-ça, anti-ci, la formation de nos idées ne peut se faire lorsque nous n’avons pas à notre disposition les éléments pour les édifier convenablement.
Alexandre Penasse