Soutenir les hôpitaux de Gaza ?

Les hôpitaux de campagne semblent se multiplier dans la bande de Gaza. D’abord celui envoyé par la
Jordanie (~40 lits) le 20 novembre, puis tout récemment par les Émirats Arabes Unis (~150 lits), pays où
par ailleurs la COP 28 vient de s’ouvrir, le Maroc annonce le sien ainsi que la Turquie. Sans parler de
l’Égypte, de l’autre côté de la frontière, qui apporte une capacité hospitalière modeste dès les débuts de l’opération israélienne. Un navire-hôpital français avec environ 30+30 lits, a été envoyé pour,
officiellement, « soutenir les hôpitaux de Gaza », mais, au large de la Bande de Gaza depuis 5 jours, il
n’accueille encore personne … En soi, les besoins sont tellement immenses que ceux-ci sont bienvenus, même si cela ne semble qu’une larme dans l’océan des pleurs. 

« Soutenir les hôpitaux de Gaza » , de quoi parle-t-on ? Il reste 12 hôpitaux qui fonctionnent comme ils
peuvent avec manque de carburant, d’eau, de nourriture et autres, soit encore une capacité théorique de 1400 lits (40%), en réalité ?, pour s’occuper des 41 000 blessés (données cumulées), des environ 1120 accouchements hebdomadaires, des personnes atteintes de diverses épidémies qui sévissent actuellement à grande échelle (diarrhées, infections respiratoires notamment), etc., etc. La liste des besoins urgents est vraiment longue. Combien de temps encore fonctionneront-ils, car l’exemple du Nord ne laisse pas beaucoup d’espoir ?

En effet, l’arrivée de ces hôpitaux de campagne pose des questions, pendant qu’un convoi de Médecins
sans Frontière essuie des tirs meurtriers et se fait démolir au bulldozer, malgré qu’ils aient dûment signalé leurs déplacements aux autorités israéliennes (oui, les extérieurs signalent leurs mouvements), que les hôpitaux en dur, généralement équipés, sont détruits les uns après les autres, dans des souffrances inouïes. 

Nous avions documenté au jour le jour, un peu naïvement, sans se douter de la conclusion, la fin de
l’hôpital Al Shifa, le plus grand complexe hospitalier de Gaza. Nous pourrions évoquer la découverte,
durant le cessez-le-feu, de ces prématurés en train de se décomposer, apparemment abandonnés après
l’évacuation forcée de l’hôpital Al-Nasr le 11 novembre (présence de prématurés à ce moment
documentée par médecins sans frontière). Insoutenable. Avec des conséquence également terribles, la
destruction de la plupart des puits d’eau dans le nord de la bande de Gaza est en cours, aggravant une état sanitaire déjà en faillite. Pourquoi ces équipes hospitalières de « campagne », placées en bordure des agglomérations urbaines, n’investissent-elles pas les hôpitaux encore debout, ne fut-ce que ceux encore capable de fonctionner dans le sud de la Bande de Gaza, et pourrait renforcer ainsi considérablement leur capacité réelle ? De plus, cela les protégerait par leur seule présence et les soins prodigués se feraient dans un meilleur environnement ? 

D’un point de vue santé publique, il y a là quelque chose d’absurde.

Christophe de Brouwer
Full-professeur honoraire et ancien président de l’École de Santé publique de l’Université libre de
Bruxelles. (4 décembre 2023)

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