Nous partageons avec vous une enquête de nos amis du média POUR! Enquête qui en dit long sur l’état de corruption systémique en Belgique. Un drame, voulu et entretenu par les pouvoirs exécutif, judiciaire, législatif, avec un pouvoir médiatique (des mainstream) qui ne fait pas son travail — ou bien fait parfaitement son travail de fabrication du consentement. Il est légitime de se dire que sans toucher à cela, rien ne pourra changer en profondeur(1).
Les amies, les amis, On s’est creusé la tête pour vous raconter cette folle histoire le plus simplement possible. Ça prend un peu plus de 10 minutes à lire. Un gros pari, à l’heure des vidéos Tiktok de 20 secondes en moyenne, mais un pari qui pourrait rapporter près de 100 millions et faire en sorte, pour une fois, que des riches paient leurs impôts ! (On a plein d’idées pour y arriver ! )
On vous raconte :
MAIS QUI CONTRÔLE LA JUSTICE ?
On s’est naïvement posé la question parce qu’on est tombé sur une affaire pourrie, mais alors, c’est du lourd.
Une histoire d’évasion fiscale à l’héritage.
En général, ces histoires-là, elles passent sous les radars.
Si les pauvres doivent frauder, les riches, eux, ils ont le pognon pour s’évader.
Ils se paient une armée d’avocats fiscalistes, réviseurs d’entreprises, experts comptables et autres notaires.
Et ils échappent à l’administration fiscale et à la justice (toutes deux définancées), bien souvent impuissantes (et parfois complices).
Mais ici, c’est l’histoire d’un héritier qui a décidé de déclarer l’entièreté de l’héritage, soit 400 millions € au lieu des 117.000 € déclarés par ses frères et sœurs, qui ont planqué le reste.
Pour vous aider à vous représenter la différence entre la succession déclarée et la succession estimée, on vous a fait un graphique. Mais le montant déclaré est tellement petit qu’on ne le voit pas. Alors on a converti l’argent en secondes (1€ = 1 seconde). Et ça donne ceci :
117.000 € = 1 jour, 8h et 30 minutes
400 millions € = 12 ans, 249 jours, 15h et 6 min
Ça donne une idée des sommes qui nous échappent quand il n’y a pas d’héritier rebelle chez les familles riches …
C’est l’histoire, donc, de Luc Verbruggen, l’héritier rebelle.
Il y a 25 ans, Luc a subi une très grave opération qui le tiendra à l’écart de ses affaires durant plus de deux ans et le laissera invalide à 100%.
Pendant ce temps, il est dépouillé par son frère, Marc, devant ses frères et sœurs, spectateurs complices.
Quand leur père (qui fut le plus grand notaire de Bruxelles) décède en 2002, la famille est bien armée pour procéder à la déclaration de succession. Un des oncles est notaire et un autre est un ténor du barreau (il était l’avocat du milliardaire Albert Frère, dont le montant des droits de succession est un secret… d’Etat !)
Et nos héritiers fraudeurs ne sont pas en reste.
Mais vu le pactole, pour assurer le coup, ils se font conseiller par ZE spécialiste en planification successorale, l’avocat Emmanuel de Wilde d’Estmael. C’est lui le magicien, le grand architecte de l’évasion de la fortune du père.
La succession comprend principalement 4 sociétés : 3 de droit belge et 1 au Liechtenstein.
Avant que notre magicien n’entre en scène, un ami de la famille, le réviseur Marc Ghyoot, va se charger d’estimer la valeur des trois sociétés de droit belge.
Il fallait oser : les sociétés possédaient (entre autres !) un superbe hôtel et un complexe Shopping au Sablon (un endroit hyper chic au cœur de Bruxelles), un building ainsi que des terrains dans le centre-ville de Bruxelles, ainsi que d’autres immenses terrains hyper bien placés qui valent une fortune.
Mais dire que ça ne vaut rien, c’est un joli coup, mais ça ne suffit pas. Et c’est là que notre magicien intervient avec ses précieux conseils : faire croire que tout appartenait à la veuve (une couturière qui n’avait jamais exercé d’emploi).
Et il conseille de faire en sorte – tant qu’elle est en vie – qu’elle fasse des donations à 5 de ses 7 enfants.
(Luc, notre héritier rebelle, il est un peu brouillé, forcément, avec ses frères et sœurs qui l’avaient dépouillé.
Et il y a aussi Jack, un autre frère, qui est un peu comme Judas. Il aimerait bien être dans le bon camp, avec Luc, mais le pognon est dans l’autre camp, alors il louvoie.)
Et voilà comment on fait passer une succession de 400 millions d’un richissime notaire pour une succession de Mr Tout-le-Monde : 117.000€. Même pas de quoi s’acheter un appart à Bruxelles.
Luc, qui a bien saisi l’embrouille, porte plainte au pénal. L’enquête de
la juge d’instruction, Silviana Verstreken, commence fort. Elle ordonne 3 perquisitions : au bureau et au domicile de Liliane (l’héritière notaire) ainsi qu’au bureau du notaire des 5 héritiers, Yves Deschamps (qui a appliqué les conseils d’Emmanuel de Wilde d’Estmael, l’avocat spécialiste en planification successorale).
Et là, BINGO !
Les enquêteurs retrouvent les traces écrites des conseils frauduleux d’Emmanuel de Wilde d’Estmael !
Bref, de quoi faire tomber les héritiers fraudeurs, leur notaire Yves Deschamps, le réviseur Marc Ghyoot et Emmanuel De Wilde d’Estmael.
Pris de panique, ce dernier écrit fissa à la juge pour invoquer le secret professionnel !
Pas besoin de faire 5 ans de droit pour se douter qu’on ne peut pas invoquer le secret professionnel pour couvrir ses propres crimes ou délits…
Et donc la juge Silviana Verstreken ne s’arrête pas et ordonne des enquêtes au Luxembourg, en Italie, en Suisse et en Allemagne (c’est dire l’ampleur du montage fiscal pour arriver à cacher cet héritage…)
Puis soudainement, COUP DE TONNERRE !
La juge saborde l’enquête !
La juge refuse les mesures coercitives que lui réclame l’inspecteur général qui mène l’enquête, MAIS SURTOUT, elle lui demande de retirer les courriers d’Emmanuel de Wilde d’Estmael du dossier ET AUSSI de supprimer tous les PV qui les mentionnent et de les remplacer par d’autres PV qui ne les mentionnent pas !
Pourquoi un tel changement ?
Dans ce milieu où on se connait, on se protège, manifestement. Et des “amis” sont venus plaider avec insistance la cause d’Emmanuel de Wilde d’Estmael auprès de la juge, Silviana Verstreken, qui craquera/comprendra… (à vous de choisir). D’autant que ces “amis” sont des pointures.
Pour ne pas alourdir la lecture, nous ne les nommerons pas.
Il faut dire que les sommes en jeu sont considérables et que les faits sont graves : Emmanuel de Wilde d’Estmael a quand même conseillé de frauder (et en plus, il était officiellement le conseil de la maman, à l’époque, et non des enfants).
Bref : VERDICT (tout démarrait de la plainte de Luc) : 5 mois de prison avec sursis pour les 5 héritiers fraudeurs. (Imaginez la peine si on avait tenu compte des pièces évincées du dossier…)
La Cour d’Appel les innocentera. On ne condamne manifestement pas des gens comme eux.
Les conseils frauduleux d’Emmanuel de Wilde d’Estmael seront considérés comme judicieux (wiwi !) et la Cour ne demandera pas de preuve que la mère possédait bien toute cette fortune, arguant que c’est plausible.
Pour cette incroyable décision, on remerciera Luc Maes, le Président de la Cour d’Appel, ainsi que Jean-François Godbille, l’avocat général.
Luc a été en cassation mais la Cour de cassation n’a rien trouvé à redire.
Nous sommes alors en 2013 (plus de 10 ans après le décès du père !).
Mais l’histoire n’est pas finie, au contraire !!
Car une succession, il faut la liquider. On ne touche pas l’argent comme ça, il faut passer devant un notaire. Et lors de successions conflictuelles, comme ici, on fait appel à un notaire judiciaire, et aussi, dans ce cas, à un expert judiciaire pour estimer la valeur de la succession.
ET LÀ, REVIREMENT COMPLET DE SITUATION !
L’expert est honnête…
Les 5 héritiers fraudeurs – qui ne savent pas qu’ils vont tomber sur un expert pareil – jurent, sous serment cette fois-ci, que la déclaration de succession de 117.000 € est correcte.
Le boulot de l’expert pour estimer la valeur de la succession, il est pas simple. D’abord, parce que ça fait des années que les héritiers fraudeurs cachent les pièces comptables qui prouvent l’ampleur de la succession et que ça n’est pas une mince affaire de reconstituer ce puzzle avec le peu de documents disponibles. En plus, malgré les gros montants, la comptabilité est majoritairement composée d’ « opérations diverses ». Impossible de savoir ce que c’est, donc. (Les comptables comprendront la gravité de la chose.)
Et en plus, il a en face de lui des avocats et conseils des héritiers fraudeurs qui font tout, forcément, pour lui mettre des bâtons dans les roues et gagner du temps.
Nous sommes aujourd’hui en 2023, plus de 21 ans après le décès du père et la succession n’est toujours pas liquidée. (Et donc, y’a toujours pas un balle de droits de succession dans les caisses de l’Etat !)
On ne peut pas tout vous raconter ici – il y a trop ! – mais l’expert judiciaire a réalisé un vrai parcours du combattant !
En plus des pointures comme avocats, les héritiers fraudeurs se sont payé les services du Vice-président de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises. Une position qui assure une légitimité aux héritiers. Ce dernier ne répondra à aucune question sensible et niera même détenir certains documents.
Luc, il maîtrise cette affaire bien mieux que tout le monde. Et donc, pour ne pas lui transmettre certaines pièces (il pourrait démontrer trop vite qu’elles sont fausses, par exemple), l’avocat des sociétés des héritiers fraudeurs, Fabian Tchékémian, associé du cabinet DALDEWOLF, invoquera le SECRET DES AFFAIRES ! CARRÉMENT ! (Après le secret professionnel, hein, tant qu’on y est…)
Et ça sera validé par la Présidente !
L’expert judiciaire reçoit au compte-gouttes les pièces qu’il demande.
Et ce ne sont bien sûr pas les plus importantes qui lui sont transmises.
On ne lui répond jamais sur les sujets cruciaux.
Bref, ils gagnent du temps.
Ils tenteront aussi de noyer l’expert sous des milliers de documents abscons ou inutiles. Mais l’expert dénichera quand même, parmi eux, des infos primordiales.
L’avocat des sociétés, Tchékémian, fera tout pour restreindre le périmètre de l’expertise. Il brandit même les expertises de 2002 (année du décès du père) faites par le réviseur Marc Ghyoot, qui avait estimé les sociétés pour des queues de cerises.
Et pour couronner le tout, la justice oscille entre passivité complice et sabordage volontaire.
Cette justice se permet tout :
Quand ils existent, il arrive que les PV des audiences ne reprennent pas les propos de l’expert (et encore moins ceux de Luc, mais lui, la Présidente a carrément dit qu’elle ne l’écoutait pas !). Elle est d’une complaisance folle à l’égard des héritiers et refuse de prendre les mesures coercitives que lui demande l’expert pour avancer dans son rapport (par exemple les faire payer 15.000€/semaine de retard de remise des pièces comptables).
Mais l’expert, c’est ZE expert ! Un cador ! Il s’y connait à fond et il se laisse pas démonter et poursuit ses investigations (pour donner les infos les plus complètes au notaire chargé de la liquidation de la succession). Et même s’il lui manque encore plein d’infos, il a bien vu qu’il manquait des sommes gigantesques et ses premiers rapports sont des bombes :
“Comptabilité non conforme aux lois”, “infractions”, “manquements graves”, “conflits d’intérêts”…
Et il lève le voile sur la société cachée au Liechtenstein qui connait de nombreux flux financiers avec les trois autres sociétés de droit belge. VERBRUGGEN
Oui, c’est un problème.
Et pas que pour les 5 héritiers fraudeurs mais aussi pour la centaine de professionnels du droit et du chiffre qui a pris part, depuis 21 ans, à cette gigantesque fraude (magistrats, avocats d’affaires, experts-comptables, réviseurs d’entreprises, notaires, experts immobiliers…).
Et parce qu’il s’agit d’une famille connue dans le milieu (c’était le plus grand notaire de Bruxelles), ce sont pas des petits noms qui sont mêlés à ça. Y’a des ténors. Si l’expert dévoile la vérité, les dominos vont commencer à tomber…
Et la justice, elle n’a pas envie de ça. Alors les choses vont s’accélérer. Le 28 octobre 2021, la Présidente Isabelle De Ruydts va dire à l’expert judiciaire (à qui la Cour doit encore de l’argent pour son travail) d’arrêter immédiatement ses travaux en cours !
Et elle va sommer Luc de payer 50.000€ sur les 75.000€ qui sont dus à l’expert !
Là, Luc il est ruiné. Il vit sous le seuil de pauvreté (il a même dû dormir dans sa voiture). Il a des gros frais de santé et il ne peut plus se payer d’avocat depuis bien longtemps. Et la Présidente le sait bien puisqu’elle lui a refusé une rente médicale quelques mois plus tôt.
Pour ne pas alourdir cette histoire compliquée, il y a une chose dont on ne vous a pas encore parlé :
QUE FAIT L’ÉTAT dans tout ça ?
Parce que, quand même, il devrait récupérer près de 100 millions de droits de succession. Et ça dure depuis 21 ans ! (Nous, les petits, si on met un mois de trop pour payer nos impôts, on aura vite fait l’administration fiscale sur le dos…)
Et donc, qu’a‑t-il fait ? Voici un petit résumé de notre ressenti :
On est (un peu) injuste :
En 2008, l’Etat avait rejoint Luc dans sa plainte contre les héritiers fraudeurs. Mais il a perdu, comme Luc. (Quand les professionnels du droit et du chiffre se tiennent, ils pèsent manifestement plus lourd que l’Etat…)
Mais l’administration fiscale, voyant bien qu’elle est prise pour un blaireau, elle doit quand même réagir un peu. Alors, ils ont fait deux saisies conservatoires (en gros, ils bloquent temporairement l’argent jusqu’à la fin de la procédure) pour un montant total de 32 millions d’euros (sur une succession de 117.000€, rappelons-le…)
Et même si les avocats de l’Etat assistent aux audiences successives, ils n’ont pas fait grand-chose de plus que ça.
MAIS CONTRE TOUTE ATTENTE, lorsque la Présidente ordonne à Luc de payer les frais d’expertise, l’Etat se réveille et propose à la Cour de payer les 75.000 euros pour payer les travaux déjà effectués, ET 75.000€ SUPPLÉMENTAIRES pour s’assurer que l’expertise aille bien au bout !
Du jamais vu !
L’étau se resserre autour des fraudeurs et de leurs millions…
C’est le branle-bas de combat !
Deux semaines plus tard, les avocats des héritiers fraudeurs envoient à la Cour une requête en récusation de l’expert, basée sur de faux témoignages ! (Ça n’aboutira pas : ils ne peuvent quand même pas TOUT se permettre…).
L’Etat, sans réponse de la Cour, il prend l’initiative de payer les 75.000€ à 3 jours de la deadline fixée par la Présidente. (La Cour mettra 5 mois pour verser l’argent à l’expert.) Quant au deuxième versement de 75.000 € pour terminer l’expertise, la Cour trouvera une entourloupe juridique pour dire que cette demande est “sans objet”. On gagne encore du temps.
L’expert judiciaire, il a dû en baver, depuis tant d’années. En plus, il s’est adjoint les services d’un expert immobilier et il faut le payer. (D’autant qu’il est bon, lui aussi : il a retrouvé des biens immobiliers qui n’avaient pas été déclarés.)
Alors, comme il doit en avoir marre, l’expert judiciaire a annoncé qu’il allait payer de sa poche la somme réclamée à la Cour pour payer l’expertise immobilière, histoire d’arriver au bout.
A l’heure nous où écrivons ces lignes (ce 22 mai 2023), l’expert devrait bientôt remettre d’autres rapports assassins … s’il n’est pas éliminé lui-même… Les héritiers fraudeurs et leurs avocats vont forcément encore essayer de le faire tomber. Et si Luc était lui-même éliminé ?
La prochaine audience est fixée au 25 mai 2023.
À l’ordre du jour :
Une contestation générale de tout ce qui concerne l’expertise (son périmètre, les honoraires, sa longueur, etc). Et une demande d’éliminer l’héritier rebelle du prétoire, de lui interdire toute communication. Il ne faut surtout pas que les saisies conservatoires de 32 millions d’euros deviennent exécutoires. Et surtout, il ne faut pas rouvrir des dossiers si soigneusement cachés depuis tant d’années…
FIN
Fin, vraiment ?
Pour une fois, grâce à Luc, l’héritier rebelle, on peut voir comment des riches tentent d’échapper à l’impôt.
Cet argent, c’est le nôtre ! Ce sont les craies du professeur, les béquilles du malade, la gare du village, le scanner du médecin, le camion du pompier, nos routes, nos trains…
On a saisi 9 fois les politiques, qui invoquent la séparation des pouvoirs ou qui nous disent qu’ils ne peuvent pas poser de questions parlementaires sur des affaires en cours. (Et une fois que ça sera jugé, ils s’abriteront derrière “L’autorité de la chôôôse jugée !” Ça sera trop tard !). Quant aux politiques communaux, AUCUNE RÉPONSE sur les 800 bourgmestres, échevins et conseillers communaux de la Région bruxelloise.
CECI N’EST QU’UN PETIT RÉSUMÉ D’UNE INCOYABLE SAGA DE 21 ANS. VOUS TROUVEREZ INFINIMENT PLUS DE DÉTAILS DANS LE DOSSIER DE CHRISTIAN SAVESTRE :
L’AFFAIRE VERBRUGGEN – Les fiscotrafiquants au pouvoir
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