L’illégitime industrie de l’atome

Brèves nucléaires

Sans la Convention de Paris signée en 1960 par les dirigeants de 16 pays européens qui se sont entendus pour limiter la responsabilité civile de l’exploitant en cas d’accident, il n’y aurait pas d’électricité atomique en Europe, aucune assurance ne voulant couvrir le risque engendré par cette industrie. En cas d’accident grave, toute la Belgique serait touchée, de même que les pays voisins, et le coût serait quasiment entièrement reporté sur le citoyen(1). Une catastrophe nucléaire causerait la mort de dizaines de milliers de personnes, la maladie chez des centaines de milliers d’autres et compromettrait définitivement l’avenir de nos enfants. Des millions de personnes devraient abandonner leur foyer pour toujours.

LES LIMITES ÉCONOMIQUES DE L’ATOME

Fin juillet 2017, dans l’État de Caroline du Sud (USA), la construction de deux réacteurs atomiques a été abandonnée, bien qu’ils soient déjà à moitié construits et que plusieurs milliards de dollars aient déjà été investis. En cause, le retard et l’explosion des coûts du projet et l’impossibilité de trouver des investisseurs pour poursuivre le projet. À ceci, s’ajoute la faillite de Westinghouse(2), le concepteur du modèle de réacteur concerné, l’AP-1000, et la déroute financière de la société japonaise Toshiba qui avait racheté Westinghouse en 2006. Cette affaire pourrait bien annoncer la fin des deux seuls autres réacteurs étasuniens actuellement en construction (en Géorgie, également des AP-1000).(3)  Bien que les États-Unis soient toujours le premier producteur d’énergie atomique au monde avec une centaine de réacteurs, celle-ci ne représente que moins de 10 % de l’électricité étasunienne consommée. Depuis l’accident de Three Mile Island en 1979, ce secteur y est en perte de vitesse. Le dernier réacteur raccordé au réseau l’a été en 1996. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la France et d’Areva, en quasi-faillite et soutenue à bout de bras par l’État français, avec la construction des réacteurs EPR de Flamanville et de Olkiluoto (Finlande) pour lesquels, à ce jour, le coût est passé de 3 à 10,5 milliards d’euros et dont on ne voit pas la fin des déboires.(4)

À quand l’arrêt de la construction de ces réacteurs ?

PACTE ÉNERGÉTIQUE 18 OCTOBRE 2017

 

Le « pacte énergétique », un plan pour le futur de l’énergie en Belgique jusqu’en 2050, avait été promis pour fin 2015 par la Ministre de l’énergie Marie-Christine Marghem et le gouvernement Michel. Aujourd’hui, il semble que nous en sommes encore très loin, du moins d’un plan sérieux, ambitieux et qui enterrerait définitivement le nucléaire en 2025 comme en principe prévu par la loi actuelle.

Depuis quelques semaines, il circule un document non public rédigé par des fonctionnaires de l’État et qui doit servir de base de négociation entre les 4 Ministres de l’énergie (du fédéral et des trois régions). De l’avis de ceux qui on pu en prendre connaissance, ce document, qui ne fait que 42 pages, est pitoyable et sans ambition. Sur la question cruciale de la sortie du nucléaire, il laisse la porte ouverte à une nouvelle prolongation des réacteurs en 2025. Ce qui pour moi n’est qu’une demi-surprise, après analyse des dires de la Ministre, par exemple lors de deux émissions sur la radio de la RTBF du 28 mai (« À votre avis ») et du 12 septembre 2017 (« L’invité de Matin Première »).

Ce qui nous laisse quelques possibilités pour le devenir de la consultation publique sur le pacte qui avait été promise pour le mois de novembre. La première, la moins mauvaise, la plus honorable, mais hélas la moins probable : la Ministre fédérale reconnaît la faiblesse du document de travail et sa propre responsabilité dans ce retard invraisemblable et reporte la consultation à plus tard (de plus, elle devrait démissionner de son poste de Ministre). La deuxième : la Ministre reporte la consultation en faisant porter la faute par les gouvernements régionaux, ce que laisse présager le terme de « responsabilité collective » qu’elle a utilisé à propos du retard pris par ce dossier. Troisième possibilité : la Ministre maintient la date de novembre, ce qui donnera lieu à une consultation fantaisiste sur un plan fantaisiste qui, d’une part, risque d’ouvrir la porte à une nouvelle prolongation de certains réacteurs atomiques belges et, d’autre part, ne permettra pas à la Belgique de remplir ses engagements de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et à propos du climat.

Francis Leboutte

Plus d’infos :
— www.findunucleaire.be : soutenir, adhérer (5 €/an), contribuer, s’informer,…
— www.liege.mpOC.be : décroissance à Liège.

Notes et références
  1. Plus de cinq mille milliards d’euros selon deux études allemandes différentes, pour un accident grave en Allemagne. Engie (Electrabel) est responsable à hauteur de 1,2 milliards d’euros, soit moins que le bénéfice que cette société engrange certaines années.
  2. En mars 2017. Les sept réacteurs belges, comme bon nombre de réacteurs en service dans le monde, ont été construits sous licence Westinghouse.
  3. Pour plus d’information, voir le site de Beyond Nuclear (en anglais).
  4. Voir http://www.findunucleaire.be/echo/EPR-deraisonne.htm et http://liege.mpoc.be/doc/energie/nucleaire/-articles/Leboutte-Francis_De….

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