Le corporatisme médiatique

Discours lors de la marche pour la liberté de la presse

Ce discours d’Alexandre Penasse, écrit le 28 décembre, a été prononcé devant le siège de l’Association des Journalistes Professionnels (AJP), à Bruxelles, le 29 décembre 2021, alors que la prolongation de la carte de presse du journaliste de Kairos lui a été refusée pour la période 2022–2026. Il démonte les propos des dirigeants de l’AJP, représentants des médias du pouvoir, qui se réfugient derrière l’apparente indépendance de la Commission d’agréation, composée des mêmes, décidant qui aura droit au titre de journaliste, ou pas. Il est évident qu’ils ne privilégient dès lors pas ceux qui osent faire leur travail de recherche de la vérité. Ce 29 décembre, ceux qui soutiennent la liberté de la presse étaient plus de 300. 

Vous êtes peut-être 20 aujourd’hui, 50, 100. Ou plus. Qu’importe, ceux qui sont ici refusent de voir la réalité à travers le prisme déformant de ces médias mainstream qui suivent le courant dominant. Vous avez décidé d’emprunter les petites ruisseaux, ceux que le flot dominant d’information s’emploie à occulter en permanence.

L’Association des journalistes professionnels, l’AJP, dont vous êtes devant le siège, si les forces de l’ordre, l’ordre dominant, vous ont laissé y accéder, est censée défendre « les journalistes professionnels, la qualité de l’information et la liberté d’information ». Mais il suffit de consulter la composition du Conseil de direction de l’AJP pour comprendre que ce ne sont pas ces libertés qu’ils chérissent, mais celles des entreprises médiatiques qui fabriquent le consentement. Les mêmes à qui on a laissé cette puissance énorme et essentielle qui est celle d’informer, énoncent qui a le droit ou pas de porter le titre de journaliste.

Ceux qui travaillent à la DH, RTL, Rossel, Sudpresse… décident donc à l’unanimité de ne pas prolonger ma carte de presse, sous le prétexte que je n’ai pas été rémunéré par l’ASBL Kairos pendant huit mois en 2019 et que le journalisme n’aurait donc pas été mon activité principale. Raison entièrement fondée évidemment pour ceux qui prennent les décisions, avec une subjectivité assumée… Ces mêmes qui se sont tus, lorsque j’ai été interdit de conférence de presse pendant presque 8 mois ; qui n’ont rien dit lorsque le gouvernement me censurait en pleine conférence de presse ; qui n’en ont pas fait plus lorsqu’une journaliste de RTL, Dominique Demoulin, taxait mes questions de complotistes en plein direct TV ; qui ne trouvèrent rien à dire non plus devant les réponses d’Alexander De Croo en conférence de presse, ineptes et mensongères.

Martine Simonis, présidente de l’AJP, ne manqua pourtant pas de me rappeler par courrier les règles de bienséance du métier, alors que Philippe Delusinne et Laurent Haulotte , respectivement CEO de RTL Belgique (rachetée récemment par les groupes de médias belges Rossel et DPG), et directeur de l’information et des sports de RTL Belgique (et membre du Conseil de déontologie journalistique), portaient plainte contre moi devant ce même Conseil de déontologie journalistique, pour des propos que j’ai eus durant un direct devant la conférence de presse du Codeco.

Conseil de déontologie au sein duquel on retrouve notamment : Martine Simonis, présidente de l’AJP, Gabrielle Lefèvre, présidente de la Commission d’agréation, Bruno Godaert de l’AJP et la DH, Denis Pierrard, directeur général chez IPM, Jean-Pierre Jacqmin, directeur de l’information et des sports à la RTBF ; le reste c’est Sud Presse, Le Vif, L’Avenir…

L’Association des journalistes professionnels, le Conseil de déontologie journalistique, la Commission d’agréation des journalistes, sont donc des structures corporatistes, interdépendantes, où les uns et les autres siègent dans l’un et l’autre de ces organes. Structures régissant la vie médiatique et l’éthique journalistique en Belgique francophone (bien que tout soit identique en Flandre), elles sont pourtant censées représenter les garde-fous contre les dérives journalistiques… Ou le loup qui garde la bergerie.

Et tous ceux-là voudraient me faire croire qu’au cœur de leur décision il n’y aurait qu’un froid respect des règles, sans aucune censure, comme le dit Gilles Milecan, juriste de l’AJP, responsable de la revue éditée par l’AJP « Journalistes », et « deputy chief editor » chez IPM Group…

La misère médiatique, qui avait déjà atteint ses sommets avant l’épisode politique du Covid-19, a permis la manipulation des masses comme jamais. Avec des fermetures, ouvertures, re-fermetures ; des messages paradoxaux énoncés sous le couvert de la solidarité ; un narratif ponctionnant les chiffres en fonction de ses intérêts et créant la réalité dramatique qu’il voulait : dramatique lorsque les chiffres étaient pour lui dramatiques ; dramatique lorsque les chiffres ne l’étaient pas mais risquaient de le devenir.

Imaginez un instant si ces médias avaient fait leur travail et non pas présenter la réalité telle qu’elle les arrangeait? S’ils s’étaient non pas fait les porte-voix des gouvernements, mais avaient initié de vrais débats, cherché la vérité, dérangé? S’ils n’avaient pas banni et stigmatisé les scientifiques, médecins, infirmières, pompiers, philosophes, enseignants… qui pensent autrement?

Au lieu de cela, ils ont instillé la peur, la culpabilité, la délation, la division. Ils ont prêché le covidisme, se sont érigés en tribunal de l’inquisition, ont traqué les hérétiques modernes qui refusaient leur doxa, désormais repris sous le nom de « complotistes ».

George Orwell disait que la véritable liberté d’expression est celle de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. La charte de Munich sur les droits et les devoirs des journalistes énoncent comme un des devoirs celui de respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit qu’a le public de connaître la vérité.

Je me suis battu, nous nous sommes battus, avec Kairos, depuis des années, pour construire cette vérité. Aujourd’hui, cela nous vaut les insultes de ceux qui veulent que nous restions dans la caverne, gavés de leurs fake news encartées entre deux publicités pour des voitures électriques. Cela me vaut le retrait de ma carte de presse.

Il n’en faut pas davantage pour comprendre qui ils sont et qui ils servent.

Nous ne pouvons plus l’accepter.

Merci !

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