Hamas/Israël: Courrier adressé aux députés et sénateurs de Belgique

Notre collaborateur Daniel Zink a pris l’initiative ci-dessous d’écrire aux députés et sénateurs ce courrier concernant la situation très préoccupante au Proche-Orient.

Monsieur le … / Madame la…,

On dit – et c’est très juste – qu’il y a des extrémistes des deux côtés, en Israël/Palestine. On considère – et c’est vrai en partie – que le désastre humanitaire qui se joue là-bas depuis le 7 octobre a été déclenché par des Palestiniens. Mais pour qu’on puisse espérer pouvoir y mettre fin, il faut que l’acteur en position de force – donc le pouvoir israélien –, voie que la communauté internationale est consciente des responsabilités écrasantes de cet acteur-ci, et qu’elle fasse pression sur lui par tous les moyens civilisés possibles, en particulier des sanctions. 

Pour moi, le point de vue qui précède est celui auquel arrive toute personne qui prend vraiment en compte le contexte concerné, que je me limiterai à rappeler en quelques lignes, sur base des sources les plus officielles, notamment le site de l’ONU. (Vous connaissez sans doute vous aussi ce contexte, mais les présentations unilatérales qu’on entend bien souvent peuvent rendre utile un petit rappel).

L’installation, en Palestine, de nombreuses personnes juives ou d’origine juive, cette installation aurait a priori pu bien se passer. Le gros problème est que ce choix a été imposé aux Palestiniens, et que l’État qui a été fondé là-bas, au milieu du 20e siècle, a été considéré dès le début comme celui d’une communauté bien déterminée. 

Avec un tel point de départ, il n’est pas étonnant que la situation ait toujours à nouveau mené à des conflits. Et ce d’autant plus du fait que les colons religieux intégristes considèrent qu’ils sont les seuls à avoir le droit de vivre sur cette terre, et en chassent petit à petit les Palestiniens(1), détruisant des centaines de villages, et faisant monter toujours plus le nombre de Palestiniens vivant en réfugiés dans leur propre pays natal, dans des conditions misérables (surpopulation dans les camps, très graves pénuries d’eau potable, d’énergie, de médicaments…)(2).

Toute une partie des Israéliens critique ces crimes colonialistes, mais aucun de leurs dirigeants successifs n’y a mis fin ; tout du contraire, ces dirigeants s’en sont fait les complices, puisque l’armée protège les colons. Par ailleurs, le rapport de force est tel que les morts et blessés des inévitables conflits dus à cette politique révoltante sont très majoritairement du côté palestinien. Toute victime a bien sûr la même valeur, quelle que soit son origine, mais la disproportion est flagrante : fin août dernier, l’ONU annonçait que depuis 2008 (année à partir de laquelle cette institution recense les victimes), ces conflits avaient causé la mort de 6.407 Palestiniens, tout en en blessant 152.560, pour 308 Israéliens tués et 6.307 blessés(3).

Israël a certes des ennemis extérieurs d’une certaine puissance, mais là aussi, le rapport de force est extrêmement inégal, puisque cet État possède la bombe atomique et qu’il est soutenu, inconditionnellement, par la première puissance mondiale, les USA, auxquels personne ne peut vraiment se mesurer militairement.

Il est certes normal que le gouvernement israélien ait réagi aux attaques du 7 octobre ; mais, d’autant plus à la lumière de ce contexte, sa réplique est clairement et totalement disproportionnée, et elle manifeste plus que jamais un communautarisme inhumain.

Ainsi, le choix juste, de la part de la communauté internationale, serait manifestement celui de condamnations morales sans appel, assorties de menaces de sanctions liées à des délais très courts.

Les Israéliens les plus lucides seront sans doute de cet avis eux aussi – notamment une partie de ceux qui ont manifesté cette semaine contre leur gouvernement(4), ou encore les nombreux militaires de l’État hébreu qui, au long des années, ont refusé de participer aux actions militaires criminelles contre les Palestiniens(5).

Bien sûr que les attaques du 7 octobre sont elles aussi une tragédie, mais on ne peut les juger – ni juger leur approbation par de très nombreux Palestiniens(6) – sans tenir compte du fait qu’elles ont été menées contre des colons et des militaires, sur un territoire occupé, et par des gens qui, depuis si longtemps, souffrent des injustices et crimes commis par ces colons. Tenir compte de cela n’est pas accepter ces attaques, mais considérer leurs causes et d’importantes circonstances atténuantes.

L’invasion de l’Ukraine a suscité révolte et sanctions. Il serait scandaleux que les destructions et tueries orchestrées par le pouvoir israélien ne mènent pas à des réactions vraiment fermes.

Et ce qui, après l’urgence de la fin du massacre actuel, devrait être visé avant tout, c’est la transformation de l’État communautariste qu’est Israël ; c’est-à-dire sa transformation en un État qui ne soit ni juif, ni musulman, ni chrétien, mais qui soit un État pour tous, où chacun ait vraiment les mêmes droits.

J’espère de tout cœur que vous ferez partie des élus politiques qui parviendront à considérer les choses avec lucidité et qui agiront en conséquence.

En vous remerciant pour votre attention, je vous prie de recevoir mes meilleures salutations,

Daniel Zink, ancien coordinateur de l’asbl Carrefour des Cultures

Notes et références
  1. https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/israel-palestiniens-soumis-expulsion-forcee-deplacement
  2. https://www.letemps.ch/monde/moyenorient/conditions-vie-bande-gaza-seraient-deja-invivables
  3. https://www.ochaopt.org/data/casualties/
  4. https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20231015-isra%C3%ABl-manifestation-anti-netanyahou-%C3%A0-tel-aviv
  5. https://www.rtbf.be/article/israel-43-soldats-s-elevent-contre-les-injustices-faites-aux-palestiniens-8353918
  6. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/16/en-cisjordanie-entre-ranc-ur-et-peur-le-soutien-au-hamas_6194771_3210.h

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