Edwy Plenel ne respecte pas les principes dont il se prévaut

Par Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS

Dans votre courte interview d’Edwy Plenel (EP), ce 13 décembre 2023, ce dernier reprend des accusations infondées à mon égard et réaffirme son mépris en m’associant à Didier Raoult qu’il semble détester au plus haut point. Il manifeste par ailleurs son ignorance des questions scientifiques et médicales. Aussi, lorsqu’il remarque que « le réel parfois ne rentre pas dans nos convictions et notre rôle c’est d’apporter des informations qui obligent une partie de notre public à penser contre lui-même », on se dit qu’il ferait bien de s’appliquer à lui-même son propre principe de temps en temps.

Un cas particulier qui illustre un phénomène général

Je ne connais pas personnellement EP mais son opinion me semble emblématique de la façon dont une bonne partie de la gauche intellectuelle et politique s’est comportée durant la crise du Covid. Et comme c’est également ma famille politique, il m’importe de lui répondre et je remercie Kairos de me le permettre. J’ajoute en préambule que j’ai été un soutien et un abonné de Mediapart dès sa création, et j’y ai tenu pendant douze ans un blog. Je ne renie rien de tout cela. C’est un journal qui fait de l’investigation, ce qui est essentiel. Mais c’est aussi un journal d’opinion. Il réalise donc des investigations ciblées, des investigations orientées par des positions idéologiques. Je le respecte et je pense même que c’est inévitable. Mais chacun comprend aussi la limite qui est consubstantielle à la démarche : on ne trouve de réponses qu’aux questions qu’on s’est posées. Si on refuse de poser certaines questions, alors on laisse dans l’ombre une partie de la réalité, et cette partie qui demeure obscure est peut-être plus importante que celle que l’on a mise en lumière. Donc, plus on a des convictions idéologiques fortes, plus on devrait faire attention à ce que son investigation ne soit pas partielle voire partiale.

La meilleure preuve du caractère idéologique de la position d’ED est son incapacité à la mettre en discussion. Bien qu’il ne connaisse manifestement pas grand-chose aux questions médicales et scientifiques concernées, son propos est péremptoire, l’homme est sûr de lui, et il a trop d’orgueil pour reconnaître qu’il a pu se tromper. C’est banal. Ce qui l’est moins, c’est que EP en a tellement (de l’orgueil) qu’il n’a jamais voulu ne serait-ce que discuter de tout cela. J’ai raconté dans l’épilogue du tome 2 de ma Doxa du Covid comment j’ai tenté de dialoguer avec la rédaction de Mediapart puisque je réalisais une grande enquête collective et que celle-ci était très suivie par le lectorat du journal. Or, en retour, je n’ai récolté d’abord qu’un silence méprisant (aucune réponse à mes messages proposant de discuter), ensuite beaucoup d’agressivité sur les réseaux sociaux (notamment celle de Fabrice Arfi sur Twitter) et enfin une censure brutale qui a visé d’abord certains de nos articles en particulier, puis la totalité de mon blog que Mediapart a menacé de fermer purement et simplement.

L’objectif d’Edwy Plenel (EP) : détruire la crédibilité de Didier Raoult (DR)

EP dénonce l’« autoritarisme » de DR, « c’est un mandarin » disait-il dès 2020. Et c’est vrai, c’est une réalité. Mais c’est tellement répandu dans le monde académique, notamment en médecine, qu’on s’étonne beaucoup de voir EP utiliser un tel argument. Ça ne peut pas être de la naïveté. C’est donc que sa réflexion est parasitée par une émotion. Cela traduit sa très forte animosité contre la personne de DR. Et c’est l’erreur de base qu’on fait énormément de personnes. Comment peut-on sérieusement prétendre analyser une crise sanitaire mondiale et discuter des politiques publiques à adopter en ayant une pensée à ce point polluée par des questions de personnalité individuelle ? C’est très mauvais intellectuellement. Et quand ce sont des sociologues qui pensent et agissent comme ça (et j’en connais beaucoup), c’est encore plus grave car c’est profondément anti-sociologique. Imaginez que je prenne position sur l’évolution des politiques de sécurité en France à partir de mon opinion sur la personnalité de tel ou tel grand chef de police. Ce serait ridicule. Donc, accuser DR d’être un affreux mandarin autoritariste est idiot : les facultés de médecine regorgent de mandarins. Les médias aussi d’ailleurs… C’est tristement banal et ça ne devrait pas être un argument.

L’histoire de « la gripette » est également très hypocrite. Oui DR a sous-estimé l’ampleur de l’épidémie et la virulence du Sars-Cov‑2 au tout début du mois de février 2020. C’est vrai. Mais là encore, quelle hypocrisie de ne le reprocher qu’à lui alors que la quasi-totalité des commentateurs faisaient de même à ce moment-là. Il faut se souvenir que fin janvier 2020 la ministre de la santé, Agnès Buzyn, disait encore que le virus ne sortirait peut-être pas de Chine et l’OMS disait ne pas savoir si la transmission interhumaine était avérée. Le 10 mars 2020, le très médiatique médecin Michel Cymès déclarait encore dans l’émission Quotidien sur la chaîne TMC que« ça reste une maladie virale comme on en a tous les ans ». Bref, si la plupart des commentateurs se sont trompés au tout début de la crise, alors il est malhonnête intellectuellement de n’en faire reproche qu’à un seul.

Troisième erreur d’EP : DR n’a jamais dit ou écrit nulle part qu’il avait un remède « miracle » contre la Covid. Ce sont des formules de journalistes sensationnalistes, et EP devrait le savoir. DR a dit que le protocole de soins de l’IHU permettait de diminuer rapidement la charge virale et donc les risques d’aggravation de la maladie si on la traitait dès l’apparition des premiers symptômes. Et au-delà du protocole en question, il a surtout (avec d’autres, comme Christian Perronne) incarné la résistance de médecins à qui, pour la première fois de l’histoire, un gouvernement réputé démocratique a voulu interdire de soigner les gens (« Restez chez vous, prenez du doliprane »), ce qui a eu des conséquences mortifères terribles. C’était ça le débat de fond (que j’ai essayé de valoriser autant que j’ai pu) : comment soigner les gens pour réduire le nombre de malades et le nombre de morts ? Or, en concentrant toute son énergie à vouloir détruire la personne de DR, Mediapart a contribué de façon importante à empêcher la tenue d’un débat contradictoire sur cette question qui était pourtant cruciale. Il a ainsi été un des acteurs majeurs de la grande diversion que constitue à mon sens la « polémique Raoult » (voir le tome 1 de ma Doxa du Covid).

La réalité est que Mediapart n’a jamais investigué cette question [du vaccin], n’a jamais organisé le moindre débat contradictoire sur cette question et n’a jamais sorti la moindre information originale sur cette question

Edwy Plenel ne connaît pas les questions médicales et scientifiques concernées

Il est navrant d’entendre EP déclarer : « nous avons montré combien le vaccin restait la protection la plus sûre ». La réalité est que Mediapart n’a jamais investigué cette question, n’a jamais organisé le moindre débat contradictoire sur cette question et n’a jamais sorti la moindre information originale sur cette question. Mediapart a simplement repris à son compte ce que d’autres disaient. Sur ce sujet, il a fait état du même conformisme et de la même crédulité que les autres médias. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est encore une grosse erreur. Car, au fil des mois, tout ce que j’ai écrit avec mon équipe sur le sujet à partir de l’été 2021 se confirme. Je rappellerai au moins quatre choses.

1) La récente technologie de l’ARN messager n’avait jusqu’à présent été expérimentée sur l’homme que dans le cadre de traitements contre le cancer et avec des résultats plus que décevants. Des sociétés comme Moderna et BioNTech ont poussé depuis dix ans à son transfert vers la beaucoup plus lucrative et beaucoup moins légalement encadrée production de vaccins, mais cela n’avait jamais été testé sur les humains. Nous avons bien affaire à un produit expérimental et à une expérimentation à l’échelle mondiale. Et la moindre des choses aurait dû être d’adopter une attitude extrêmement prudente (principe de précaution). Hélas, EP est à l’image de toutes ces élites intellectuelles et politiques qui n’ont pas réellement de formation scientifique et qui invoquent « la Science » avec un S majuscule, comme on invoquerait un Dieu. C’est une posture idéologique. Cela s’appelle le scientisme. Or, la science ce n’est pas le scientisme. La science, c’est une démarche de recherche et de découverte progressive du réel, qui requiert de façon sine qua non la liberté d’investiguer, la liberté de s’exprimer et le débat collectif contradictoire. Le scientisme est un dogme, la science en est par définition le contraire.

2) Les industries pharmaceutiques ont des pratiques criminelles qui sont archi-connues, et Mediapart a eu à traiter plusieurs scandales sanitaires au fil des ans. Croire au miracle vaccinal de Pfizer et Moderna, au point d’empêcher même qu’on puisse avoir un débat contradictoire à ce sujet, est donc une naïveté et/ou un dogmatisme absolument confondants.

3) en 2021 et 2022, toute la propagande vaccinale a reposé sur un argument moral, la culpabilisation : « vaccinez-vous pour protéger les autres ». Or, nous avons écrit dès juillet 2021 qu’il était clair statistiquement que ces produits n’empêchaient nullement ni d’attraper et de transmettre le virus, ni de tomber malade du Covid par la suite (quel que soit le nombre de doses). Cela se voyait dans les données statistiques, tout simplement. Et c’est aujourd’hui une évidence empirique que personne ne peut contester. Du reste, Pfizer lui-même a reconnu devant le Parlement européen qu’il n’avait pas conçu son produit pour ça et qu’il ne l’avait jamais testé en ce sens. Ce discours moral repris en cœur par la quasi-totalité des médias reposait donc en réalité sur… du vent.

Je dirais à Edwy Plenel qu’il ferait bien de se poser de temps en temps deux ou trois questions sur son attitude durant la crise du Covid. On ne peut pas se gargariser de mots comme « liberté de la presse », « indépendance », « liberté d’expression » et en même temps avoir de tels partis-pris idéologiques et pratiquer une telle ostracisation et une telle censure des gens qui ne pensent pas comme vous

4) nous avons écrit dès août 2021 que toutes les bases de pharmacovigilance signalaient un nombre extrêmement élevé d’effets indésirables (EI) légers comme graves. Et là encore, ceci est une évidence que chacun peut vérifier et qui n’a fait que se confirmer depuis. Les EI graves sont désormais très documentés dans la littérature scientifique, qu’il s’agisse d’allergies sévères, d’hypertension, de dérèglements du système immunitaire (syndromes de Guillain-Barré par exemple), de thromboses, de dérèglements du cycle menstruel notamment chez les jeunes femmes, de maladies cardiaques (myocardites, péricardites) notamment chez les jeunes hommes, de la réactivation de cancers chez les personnes plus âgées, de paralysies et autres affections neurologiques… la liste est très longue. De fait, il est aujourd’hui établi dans la bibliographie scientifique que la protéine Spike passe dans le sang et se répand dans tout l’organisme. Et je redis ici que les lendemains seront très compliqués pour tous les journalistes qui, pour des raisons diverses, n’ont pas la présence d’esprit ou le courage de mettre un minimum à distance le narratif des industries et des gouvernements occidentaux. Ce dossier des effets indésirables graves des thérapies à ARNm va fatalement revenir sur le devant de la scène tôt ou tard, parce que la réalité ne pourra pas être cachée ou travestie éternellement.

Quand un défenseur auto-proclamé de la liberté la refuse aux autres

Pour finir, quand EP dit que « Laurent Mucchielli disait des choses radicalement fausses », on aimerait bien savoir lesquelles et pouvoir en discuter. Mais là encore, c’est typique d’un rejet global, par principe, qui révèle que derrière l’aspect intellectuel il y a une dimension subjective, émotionnelle ou idéologique. Il y a des choses que j’avais le droit de dire et d’autres que je n’avais pas le droit de dire parce qu’elles sont taboues. J’ai écrit deux livres, dont un avec 30 autres collègues chercheurs et médecins, qui donnent plus de 700 pages et plusieurs centaines de références scientifiques en bibliographie. Or je n’ai jamais lu nulle part une analyse de ce travail, même hypercritique. Encore une fois, il n’y a pas de débat contradictoire et pas d’échanges constructifs d’arguments. Il n’y a que des postures d’autorité et de l’ostracisation globale. Ce n’est pas sérieux intellectuellement et c’est très grave parce que le sujet est très grave.

Pour conclure, je dirais à EP qu’il ferait bien de se poser de temps en temps deux ou trois questions sur son attitude durant la crise du Covid. On ne peut pas se gargariser de mots comme « liberté de la presse », « indépendance », « besoin d’investiguer », « liberté d’expression », « protection des lanceurs d’alertes », « esprit critique », « surveillance de l’action des puissants de ce monde », etc., et en même temps avoir de tels partis-pris idéologiques et pratiquer une telle ostracisation et une telle censure des gens qui ne pensent pas comme vous, a fortiori lorsqu’ils se réclament par ailleurs exactement des mêmes valeurs que vous ! La moindre des choses serait d’accepter d’en discuter tranquillement avec eux. EP le refuse et, comme d’habitude, il le fait de surcroît en se posant en donneur de leçons. La réalité est que, face à la censure dogmatique de Mediapart, c’est un autre média indépendant, politiquement lui aussi très clairement de gauche, Quartier Général créé et dirigé par Aude Lancelin, qui m’a accueilli. Et elle ne l’a pas fait avant tout par adhésion enthousiaste à telle ou telle de mes analyses sur la crise du Covid, elle l’a fait par principe ou pour le principe. Je terminerai donc en disant simplement ceci à Edwy Plenel : affirmer à l’oral des grands principes, c’est très bien ; mais la seule chose qui révèle qui vous êtes, c’est la façon dont vous agissez lorsque vous êtes en situation. Et si vos actes ne sont pas en cohérence avec vos discours, alors il y a un problème.

Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS

Espace membre