Contribution extérieure

Devons-nous tous habiter le même chez moi ?

Considérer les enfants comme identiques parce que tous auraient le même âge, et sur cette base leur imposer une éducation au sexe, à la naissance, à l’intimité, relève à lui seul de l’effraction psychique. Rappelons que la discrimination se définit de deux manières, inévitablement liées: traiter des personnes identiques de façons différentes ou traiter des personnes différentes de manière identique. Les politiques jouent sciemment sur cette confusion en prétextant le bien-être des enfants afin d’introduire dans l’école une idéologie qui n’y a aucunement sa place. 

Si nous sommes convaincues qu’il est nécessaire d’écouter les enfants, faut-il les éveiller de façon systématique et homogène dès la tendre enfance aux choses de l’identité, du sexe et de la venue au monde ? De nos points de vue professionnels et parentaux, il s’agit de le faire en fonction de leur évolution individuelle ! Chaque enfant est unique et cet apprentissage fait intégralement partie de son intimité. Imposer ces thèmes de façon anticipative avant que des questionnements ne surgissent selon leur éveil personnel relève de l’effraction psychique. Les livrer à une information systématique pourrait donc faire plus de dégâts que les prétendus bénéfices recherchés.

Il est cependant important de les introduire à la notion d’intimité. Comment ? Voilà un sujet qui mérite d’être creusé. Il ne nous semble toutefois pas suffire à justifier les contenus de l’EVRAS. Sous prétexte de prévention il est question justement de violer l’intimité mentale d’enfants dont seuls les parents connaissent la tradition de pensée. Des mots mal posés peuvent mettre un être en état de sidération et provoquer un contre-sens.

L’intime relie l’enfant à la tradition orale, aux valeurs familiales ainsi qu’au transgénérationnel. Aucun professeur ni formateur ne peut parler au nom de cela ! Pour l’essentiel, faut-il vraiment qu’un programme soit établi, alors que le simple bon sens ferait l’affaire ? Prévenir l’agression ; induire chez l’enfant la conscience que son corps lui appartient, devrait être « parlé » à toutes occasions, c’est-à-dire précisément quand il peut en être question et avec n’importe quel adulte en charge de l’enfance. Une actualité qui les touche, un comportement d’enfant vis-à-vis d’un autre, un élève différent, un évènement animal, l’annonce de la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur bref, tout ce qui anime la vie quotidienne de l’enfant quel que soit son âge, peut donner lieu à ce genre de parenthèses.

Questions/réponses/dialogues impromptus. Ce sont d’ailleurs peut-être les adultes, y compris les parents, et non les enfants eux-mêmes qui pourraient au besoin bénéficier d’une initiation destinée à les aider à répondre avec justesse et modération aux questions enfantines. Pour ce qui s’agit des discours concernant le genre, il nous semble que la réflexion devrait se présenter d’une façon nettement plus élaborée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Qu’il y ait de plus en plus d’adolescents interrogeant leur genre ; qu’ils soient nombreux (surtout aux USA) à vouloir en changer, posent de sérieuses questions éthiques, idéologiques, philosophiques, spirituelles et scientifiques (perturbateurs endocriniens ?) à nos sociétés contemporaines. Il semble que les réponses actuelles sont hâtives, imprégnées par des effets de mode et peu ancrées dans la grande richesse des savoirs accumulés depuis une centaine d’années concernant la construction de l’identité chez l’enfant et l’adolescent. Et ceci même s’il s’agit d’interroger les vues d’un patriarcat aux multiples angles morts. Nous vivons une époque transitoire, intranquille, secouée par de graves questions de survie planétaire. Les adolescents sont particulièrement touchés car ils sont ceux par qui vient le changement. Considère-t-on suffisamment leur statut de symptôme d’une société en quête de re-pères ? Peut-être veulent-ils changer de sexe faute de se sentir capables et outillés pour changer le monde ? Pour avoir travaillé depuis de longues années en tant que professeur et en tant que psychanalyste et ou psychothérapeute, nous affirmons que les jeunes sont assoiffés ! 

Certains points de l’Evras sont avancés comme des évidences et imposent des points de vues qui dépassent la simple information car ils sont teintés d’idéologies (woke, transgenre,…). Ces sujets devraient conserver le mode interrogatif tant la réponse devrait être délicate, foncièrement personnelle et non aliénée. « Ne pas juger » la pornographie ? N’est-ce pas superposer la tolérance adressée aux adultes
dont les sexualités sont supposées matures, à la malléabilité d’esprit adolescente ? N’est-ce pas les encourager à se rendre sur la Toile afin d’y trouver des images et des films qui peuvent avoir un effet dévastateur sur leurs jeunes imaginations ? N’est-ce pas banaliser une certaine approche de la sexualité à un moment où les jeunes devraient pouvoir la découvrir à tâtons entre eux ou par d’autres sources, toujours respectueuses de leur intégrité ? Ne faut-il pas justement les mettre en garde contre cet accès facile à la pornographie et ses conséquences polluantes sur le développement de leur sexualité, c’est-à-dire sur leur perception de l’Autre ?

Et surtout, surtout, travailler au comment en interdire l’accès aux enfants mineurs ?! Est-ce vraiment urgent d’évoquer les nouveautés scientifiques en matière de fécondation ? N’est-ce pas les priver d’emblée d’un chemin de quêtes personnelles s’ils devaient être confrontés à ces problèmes ? Est-ce nécessaire de « dévoiler » la notion de masturbation aux petits enfants, quand bien même certains s’y adonnent : n’est-ce pas complètement contradictoire avec celle d’intimité ? Pourquoi évoquer les toutes nouvelles « théories » du genre à des enfants qui n’ont pas d’à priori à ce sujet ? Car si une fille se comporte en garçon n’est-ce pas simplement réjouissant de lui offrir un train plutôt qu’une poupée, sans commentaire ? Et si le garçon veut une poupée, où est le problème ? Faut-il pour autant leur signaler, dès l’âge tendre, qu’il est possible de changer de sexe ?

Quant aux « sextos », nous pouvons constater dans nos cabinets que si la théorie semble simple, la pratique l’est nettement moins !!! Des enfants-adolescents s’y livrent en guise d’opposition à l’autorité ou pour faire « comme les autres » quand ce n’est pas pour être tolérés dans le groupe, mais le regrettent amèrement ensuite. Avec pour conséquences des anorexies, des boulimies, des auto-mutilations…

Les politiques inspirés par leurs conseils ( qui ?) imposent à une population en perte de repères, des visions de plus en plus « hors-sols » c’est-à-dire, coupées du réel de l’âge et de la maturité/sensibilité propres à chaque enfant. Ils semblent ignorer, voire carrément se détourner des avertissements émis par des professionnels de terrain immédiatement aux prises avec la santé mentale des enfants et des adultes. Ces décisions idéologiques déplacent progressivement les façons de penser et induisent le risque de générer dans nos sociétés des états psychiques qualifiables de « psychotisants ». Le propre de la psychose étant la rupture avec le réel.

En adulant à répétition dans les médias, des situations singulières – qui méritent certes égard,
attention autant que réflexion – (GPA, personnes transgenres, homosexualité) en les présentant
comme références et/ou modèles d’identification, ne génère-t-on pas plus de questions qu’il n’y
a de réponses au risque d’en submerger nos enfants, par définition vulnérables et malléables ?
N’est-ce pas aussi opposer une sérieuse entrave à la liberté de penser que de répondre à des questions non encore formulées par eux ?


Anne Schaub, Psychologue — Psychothérapeute spécialisée dans les traumas psychiques
infantiles précoces – Auteure et Conférencière
Séphora Thomas, Psychanalyste, Historienne de l’art, Plasticienne, Auteure et Enseignante.

Chapô de la rédaction (A.P.)

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