Lorsqu’un individu ou une organisation constitue un risque pour le pouvoir en place, ou pourrait devenir dangereux pour ce dernier, les habitudes ne sont généralement pas — encore — en Belgique à l’élimination physique du dissident. S’appliquant constamment à dire ce qu’ils ne font pas et faire ce qu’ils ne disent pas, armés de leur bras médiatique, les gouvernements ne peuvent nommer leur censure, et se retranchent donc vers des règles qu’ils ont eux-mêmes édictées. Dans ce système de type mafieux, les organisations censées constituer des garde-fous contre les « dérives », ne sont en fait que des structures au service de l’ordre en place, uniquement présentes pour donner l’illusion d’une contestation possible. Une mesure de rétorsion consiste donc pour eux à priver les récalcitrants de l’argent public qu’ils sont censés recevoir.
Kairos bénéficie de l’aide à la presse périodique de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2014, laquelle soutient les éditeurs d’un titre de presse. Si nous respections toutes les conditions pour bénéficier d’une part minime de l’argent du contribuable, il était toutefois évident que cela ne plairait pas à tout le monde, ce qui est au fond tout à fait normal… sauf quand ces personnes font partie du pouvoir. Olivier Marroy a pu l’exprimer le 28 septembre en Commission parlementaire, député grand défenseur des causes justes qui s’outrait que les « fonds publics servent à financer un tel torchon », parlant du journal Kairos. On n’avait pourtant jamais vu l’homme s’outrer, par exemple: que le gouvernement wallon gagne de l’argent avec la Fabrique national d’armement de Herstal; que de l’argent — toujours public — soit distribué aux firmes pharmaceutiques; que des victimes des inondations soient toujours sans logement des mois après(1); que des millions d’euros soient distribués aux médias du pouvoir.
S’appuyant sur le réflexe pavlovien qui fait saliver journalistes et politiques à la moindre parution qui s’écarte de leur chemin doctrinal, le député se lâche, ce qui nous amènera, devant l’insulte, à écrire au pouvoir subsidiant, à savoir le cabinet de la ministre Bénédicte Linard(2).
La ministre nous répondait et introduisait son courrier ainsi:
A la fin de son courrier, on nous prévenait tacitement du futur qui allait nous être réservé:
Voici ma réponse au courrier dont les extraits sont repris ci-dessus:
N’ayant rien pour étayer l’assertion fourre-tout de « théories du complot » et « fake news », aucune plainte à déposer contre Kairos média, ils ont usé d’autres techniques, plus insidieuses. Désormais, pour bénéficier des aides à la presse périodique, il faudra être membre de l’Autorité pour l’Autorégulation de la Déontologie Journalistique (AADJ(3)).
Formée par cooptation comme les autres instances auto-instituées et auto-régulées, l’AADJ est désormais indirectement investie du pouvoir de décider si un éditeur peut bénéficier de l’aide à la presse périodique, puisqu’elle peut en dernière instance décider de son adhésion, ou pas.
Comme membres de l’AADJ, notamment: François Ryckmans (qui était dans la commission d’agréation pour la carte de presse et a notamment décidé de ne pas me la renouveler), Martine Simonis (secrétaire générale de l’AJP), qui répond aux multiples censures et violence policière dont nous sommes l’objet par le silence, sauf quand il s’agit de copier-coller les plaintes des médias mainstream à mon égard, comme celle de Philippe Delusinne (patron de RTL), également à l’AADJ, aussi membre effectif de la Commission d’appel pour la carte de presse (dont fait partie également André Linard, le père de la ministre actuelle des médias(4)); Gilles Milecan(5) (juriste de l’AJP, IPM), Gabrielle Lefèvre (présidente de la Commission d’agréation pour la carte de presse). Les membres effectifs proviennent tous de l’AJP, c’est donc une évidence que ce sera désormais l’AJP qui décidera si nous avons droit ou pas aux subsides…
L’ADDJ est financée par les éditeurs de médias et les journalistes et dispose d’un budget de 160.000 euros. L’AJP, quant à elle, perçoit un subside de la Communauté Française. Elle dépend du gouvernement de la Communauté Française et donc directement de la ministre de médias.
Une grande famille, constituée de membres qui ne sont certainement pas friands de voir Kairos continuer à prospérer, et qui parvient à faire passer de la censure pour un respect des règles.
- Voir https://www.kairospresse.be/retour-sur-les-inondations-de-juillet-2021/?highlight=olivier+marroy
- Nous avons expliqué les faits dans une vidéo: https://www.kairospresse.be/la-presse-libre-un-torchon-pour-un-depute-belge/?highlight=maroy
- « L’AADJ est la structure juridique qui supporte le CDJ et en assure le fonctionnement. Elle est constituée en asbl et est composée d’une assemblée générale, d’un conseil d’administration, d’un bureau et d’un secrétariat général. Les membres fondateurs de l’AADJ sont des médias ou associations de médias, parmi lesquelles les associations professionnelles des journalistes et celles des éditeurs. Le pouvoir de décision est partagé équitablement entre les représentants des éditeurs de médias et ceux des journalistes. L’AADJ est l’interlocutrice, notamment des pouvoirs publics, pour les questions institutionnelles. Le CDJ n’a pas de personnalité juridique propre. Il est le bras opérationnel de l’AADJ et est notamment l’interlocuteur du public pour les questions de déontologie journalistique. Il exécute les missions confiées par le décret qui le reconnaît. La composition des deux instances est différente ; seule une partie des membres du CDJ le sont aussi de l’AADJ. » https://www.lecdj.be/fr/le-conseil/fonctionnement/
- André Linard, père de l’actuelle ministre des médias, pour qui « le journalisme citoyen n’existe pas » (voir https://www.kairospresse.be/la-presse-libre-existe/), est l’ancien secrétaire général du Conseil de déontologie journalistique.
- Nous lui avions envoyé le 19 janvier un courrier marquant notre étonnement de n’avoir jamais été répertoriés dans l’index des médias belges de l’agenda annuel de l’AJP. « Bonjour, Pourriez-vous me fournir une explication sur l’absence du journal Kairos dans l’index des médias des agendas annuels de l’AJP des années précédentes, jamais repris dans le relevé des presses périodiques? Il est en effet étrange de priver ceux qui reçoivent ou achètent cet agenda de prendre connaissance de l’existence du journal Kairos. Dans l’attente d’une réponse de votre part ». A ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse.