CECI N’EST PAS UN PIÉTONNIER

Relais de la lutte par Gwenaël Breës

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Le 29 juin, «le plus grand piétonnier d’Europe» et son nouveau plan de circulation commencent à être mis en œuvre. Plus que jamais, la Ville de Bruxelles brûle les étapes. Mais attention : ce piétonnier n’en est pas un… 

La Platform Pentagone regroupe des habitants, commerçants, travailleurs, usagers et associations pour lesquels une ville agréable, vivante et attractive, est d’abord une ville habitée. Sans contester le concept 

de piétonniers en ville, ils remettent en cause la vocation principalement touristique, événementielle et commerciale du projet de la Ville de Bruxelles qui, loin d’offrir un redéploiement de l’offre en transports en commun, donne priorité à l’accessibilité automobile. Nous reprenons ici des extraits de la charte de la Platform Pentagone qui demande la redéfinition de ce piétonnier au profit des habitants et commerçants du centre-ville, et de leur qualité de vie. C’està-dire en diminuant les nuisances plutôt qu’en les augmentant. 

Oui à un espace public partagé qui améliore la qualité de vie des habitants ! 

Non à la privatisation de l’espace public ! 

La Platform Pentagone veut un espace public partagé qui respecte la variété des publics, des fonctions, des usages et des modes de déplacement ainsi que la sécurité. La vocation de l’espace public libéré grâce à un piétonnier doit être réorientée. La privatisation des espaces publics de l’hypercentre se banalise et inquiète déjà (concession de l’espace public à des opérateurs privés en vue d’organiser des actions publicitaires et commerciales). (…) 

Oui à une offre commerciale variée ! Non à la standardisation de l’offre commerciale ! 

(…) Des études comparatives à l’échelle européenne démontrent que la mise en œuvre de ce type de piétonniers accélère les processus de spécialisation des commerces, favorisant presque exclusivement les restaurants (cf. rue des Bouchers), la confiserie-chocolaterie (cf. Grand Place), les commerces d’habillement et de chaussures (cf. rue Neuve) ou la parfumerie. Ces piétonniers entraînent ainsi la disparition des commerces de biens nécessaires à la vie quotidienne (…). Ces piétonniers favorisent les grandes chaînes, avec contrats de franchise, mais sont défavorables aux indépendants, aux commerces de proximité, et aux services. (…) 

Oui à l’amélioration de la qualité de l’air ! Non à l’aggravation de la pollution ! 

Le premier avantage d’une piétonisation devrait être de contribuer à diminuer le trafic automobile dans l’ensemble du Pentagone et sur la petite ceinture. Mais le piétonnier tel que conçu par la Ville de Bruxelles (…) encouragera la circulation automobile et dégradera encore la qualité de l’air, déjà très mauvaise en région bruxelloise (…). 

Selon la littérature scientifique, un des principaux responsables de la pollution de l’air est le trafic automobile. Actuellement, l’exposition de longue durée aux particules fines (PM10) et très fines (PM25) représente le principal risque sanitaire de la pollution de l’air. On estime que cette exposition entraîne une détérioration anticipée de la vie de 1 à 18 mois dans le Benelux. Les effets de la pollution de l’air touchent principalement le système respiratoire (…) mais peuvent être aussi cancérigènes (…). 

Oui à une mobilité renforçant les transports en commun et les modes actifs de déplacement (vélo, marche) ! 

Non à l’augmentation de la pression automobile autour de l’hypercentre ! 

La formation d’un mini-ring entre la petite ceinture et l’hypercentre aura pour conséquence de maintenir une pression automobile élevée sur tous les quartiers du Pentagone puisque le trafic empruntant actuellement les boulevards du centre s’y verrait reporté. Pire encore, la création de nouveaux parkings le long de ce mini-ring engendrera des flux supplémentaires, en desservant la nouvelle zone piétonne et commerçante juste à ses abords ! (…) 

Oui aux logements accessibles dans tout le périmètre du projet ! 

Non à la spéculation immobilière ! 

La transformation des boulevards centraux en piétonnier voué à l’événementiel et à l’attractivité commerciale, risque de produire une hausse des loyers dans tout le périmètre. La Ville de Bruxelles affirme vouloir attirer une nouvelle “classe créative” dans son schéma de développement commercial. Il faut se doter d’outils pour contrôler la hausse des loyers. Par ailleurs, la Régie foncière et le CPAS de Bruxelles doivent s’engager formellement à maintenir les loyers et leurs occupants actuels, y compris dans les cellules commerciales, et à fournir des logements sociaux en suffisance. (…) 

Oui à l’amélioration de la santé de tous les habitants ! Non à la pollution sonore ! 

Le bruit représente la principale pollution des sens. Les nuisances sonores ont des effets souvent non réversibles sur l’oreille (baisse de l’audition ou même surdité), sur le sommeil (un bruit de 70 dB réveille presque tout le monde), mais aussi sur la santé cardio-vasculaire ou hormonale, ou encore sur le développement intellectuel ou sur les troubles du comportement. De nombreux habitants se plaignent, depuis des années, des graves nuisances engendrées par les méga-événements tels que les Plaisirs d’Hiver, le Brussels Summer Festival, et par les nombreuses terrasses de bars ouvertes tard dans la nuit, notamment à Saint-Géry. Compte tenu de cette expérience, la perspective d’un vaste piétonnier dédié à l’événementiel est très problématique. 

En Région bruxelloise, en 2013, 49 % de la po pulation bruxelloise (de 15 ans et plus) est gênée à domicile par au moins une des sources de pollution (bruit principalement, vibrations, pollution de l’air, mauvaises odeurs), contre 27% en Région wallonne et 23% en Région flamande. (…) 

Oui à une véritable concertation du public et à une étude d’incidences approfondies, prévue par le droit européen et portant sur l’ensemble du plan ! 

Non à l’absence de débat et au défaut d’études préparatoires sérieuses ! 

On imagine qu’un projet d’une telle ampleur, aux impacts si importants (non seulement pour les quartiers directement concernés mais aussi pour l’ensemble de la Région et au-delà), a fait l’objet d’études préparatoires approfondies et de débats avec tous les acteurs. Il n’en est rien ! Au contraire, “on a tout fait à l’envers” (Yvan Mayeur, bourgmestre de la ville de Bruxelles) ! La Ville veut avancer au pas de charge et a adopté les projets quasiment sans études préparatoires. (…) À l’inverse de ce que dicte le droit européen, qui prévoit que les plans d’aménagement urbain doivent être soumis : 

- à des études approfondies d’évaluation des incidences environnementales, 

- et à la participation du public tout au début de
la procédure, c’est-à-dire “lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles”, ou autrement dit “avant que le plan ou le programme ne soit adopté ou soumis à la procédure législative”. (…) 

Relai de la lutte de la Platform Pentagone, plus d’infos sur www.platformpentagone.be 

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