Il y a «Bio» et «Bio»

Les produits «marqués» bio fleurissent dans notre vie quotidienne. on en trouve autant dans des petits commerces de proximité au public varié, dans des paniers obtenus par des groupes d’achat, que sur des étals de grande surface. 

Cette disparité, au-delà de la béatitude ingénue qui verrait dans cette colonisation du bio une marque de changement radical, pose surtout la question de sa définition: qu’est ce qu’un produit bio? 

Car, comme le disent les auteurs: «Quels points communs existe-t-il entre les paysans qui vendent leurs produits bio, avec une réflexion sur un prix juste, sur des marchés de plein vent ou au sein d’Amap (Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne) et une enseigne de la grande distribution qui propose sur ses linéaires des produits bio importés de l’autre bout du monde, au bilan carbone catastrophique et vendus entre cinq et dix fois leur prix d’achat ? » En effet, quelle pertinence, et quel sens entre le projet de société que porte l’agriculture biologique et la consommation du bio de grande surface? Là où l’un représente un véritable projet de société, l’autre révèle une nouvelle niche commerciale à exploiter. Là où l’un est porteur de changement, l’autre n’est que continuité. 

Le bio n’a pourtant rien de nouveau et cette ancienneté n’en est que plus pertinente du fait de l’évolution et de l’approfondissement – dans l’exploitation de la nature et de l’homme dont l’époque actuelle témoigne. il faut au fond se rappeler «qu’avant la révolution industrielle, toutes les agricultures du monde étaient bio, en ce sens qu’elles n’avaient recours ni aux engrais ni aux pesticides de synthèse ni aux médicaments vétérinaires allopathiques ni aux plantes et animaux transgéniques». que ce soit l’agriculture biodynamique, l’agriculture organique ou encore l’agriculture naturelle de Fukuka, «les fondateurs de la bio sont clairement des opposants (…) Ils représentent, chacun à leur manière, un courant permanent de résistance intellectuelle à des modes de pensée dominants». cela rompt avec l’indifférenciation entre le bio-business et le bio pour une société plus juste, plus saine, plus solidaire. 

Et l’enquête est implacable, passant de la Colombie avec son huile de palme certifiée «paramilitaire» et «bio» par Ecocert -, les élevages intensifs de volaille français où une nouvelle réglementation européenne de l’agriculture biologique permet d’importer 50% de son alimentation, et les tomates, fraises et autres d’Almería, certifiés «sous serre» et «fruits de l’exploitation de travailleuses marocaines, polonaises, roumaines»… où la seule différence avec le non-bio réside dans les intrants certifiés… bio; décortiquant aussi ces nouvelles grandes surfaces exclusivement bio, s’arrêtant au Maroc, en Israël et en Palestine, pour conclure par un chapitre au titre évocateur: «une autre bio pour un autre monde».

Car c’est un double défi qui se présente à nous, bien loin des grandes surfaces aseptisées arborant leurs produits bio: «changer l’agriculture pour changer la société, ou devoir changer la société pour pouvoir changer l’agriculture».

AP

La Bio, entre business et projet de société, Philippe Baqué (sous la dir.), Editions Agone, Marseille, 2012 

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