L’hebdo écrit — 15.11.24
Il ne faut pas voir seulement dans la propagande médiatique une influence à sens unique qui serait reçue par un sujet passif et inconscient ne réalisant pas ce qui lui arrive. Il existe une interaction entre l’émetteur et le récepteur, en ce sens que beaucoup veulent et demandent ce qu’ils reçoivent, c’est-à-dire que l’information qu’on leur donne les rassure et les conforte, créant un monde dont la représentation ne bouleverse pas leurs certitudes acquises. Ils en redemandent du JT, entre deux émissions de divertissement.
Cette correspondance est à l’œuvre quand la volonté de comprendre est abolie. Chez ceux-là, plus grande chose à faire. S’ils ne sont pas aujourd’hui capables de voir, après Covid-19, Ukraine, Gaza, l’organisation du mensonge dont les médias sont les principaux promoteurs, que faut-il encore leur donner. À Amsterdam, alors que deux fractions de supporters aux relents fachos, dont des israéliens ultra-sionistes, en vinrent aux mains, pieds, barres de fer, couteau, en pleine rue de la capitale, la réduction à l’attaque antisioniste fut de nouveau la réponse des médias. Aujourd’hui, on en est au point où une fille se ferait violée en rue par un israélien, que sa plainte serait taxée d’acte antisémite. Ils voient de la chasse aux juifs partout, rideau de fumée pour mieux occulter leurs méfaits et leurs crimes. Misère.
Nous sommes arrivés dans l’ère de l’abolition de l’effort. Une amie me disait récemment que l’IA pouvait à sa place préparer le texte explicatif qui accompagnait les visites de son jardin. L’IA pouvait même varier les plaisirs, et passer du style Rabelais à celui de Verlaine et tous ceux que l’on voulait. Certes, mais l’IA n’arrivera jamais à une chose dont elle prive celui qui recourt à ses services : l’effort d’avoir construit et cherché, de s’être trompé et fourvoyé, pour arriver à un résultat final qu’on présente à d’autres, nous emplissant de la fierté du résultat accompli d’avoir fait une chose qui ne se limite pas à un clic de souris. Sous l’œuvre créée, l’homme s’accomplit et fait société avec les autres. L’IA, elle, dans une société où l’effort sera aboli, risque le plus souvent de desservir ce qui fait le vivre ensemble ; réduisant les individus à des monades insignifiantes incapables désormais de réfléchir, qui avec le temps gagné à ne pas fabriquer des œuvres, iront regarder des séries netflix.
C’est à cela qu’il faut craindre une atrophie généralisée des cerveaux, à l’instar de la perte musculaire inquiétante des jeunes, montés sur des trottinettes, vélos et autres engins électriques, à des âges où ils ont tout pour avancer d’eux-mêmes et surtout en ont le besoin.
Le comble de l’aliénation sera atteint quand on aura atteint la certitude que les instruments qui nous asservissent nous libèrent, et que ceux qui osent le dire sont des réactionnaires. Comme disait Herbert Marcuse dans L’homme unidimensionnel : « Le concept d’aliénation devient problématique quand les individus s’identifient avec l’existence qui leur est imposée et qu’ils y trouvent réalisation et satisfaction. Cette identification n’est pas une illusion mais une réalité. Pourtant cette réalité n’est elle-même qu’un stade plus avancé de l’aliénation; elle est devenue tout à fait objective; le sujet aliéné est absorbé par son existence aliénée. Il n’y a plus qu’une dimension, elle est partout et sous toutes les formes».
Qu’est-ce qui fait qu’on refuse nos existences aliénées ? Qu’est ce qui fait qu’un jour on se réveille. J’ai récemment reçu un message qui m’a beaucoup touché, d’un policier résistant que j’avais reçu au tout début du Covid. Je vous le lis :
« Très cher Alexandre Penasse, 2025 pointe le bout du nez et je ne peux m’empêcher de regarder en arrière. J’ai bientôt 50 ans et aujourd’hui ma vie a bien changé de ce qu’elle était il y a cinq ans encore. Ces changements, je te les dois en grande partie. La rencontre que j’ai eue avec toi lors de cette interview chez toi où nous étions six « flics » en questionnement sur les inepties que l’on nous demandait d’appliquer pendant la période covideuse, fut le début de ma métamorphose. Depuis cette rencontre, je n’ai cessé de te suivre. Depuis cette rencontre je n’ai cessé de réfléchir à mon rôle dans tout ce merdier. J’ai essayé tout ce qu’un flicaillon honnête pouvait faire pour changer les choses, les combattre, éveiller d’autres consciences. Rien n’y fit. Je ne refais pas l’histoire mais l’Ukraine, Gaza, les élections USA, la diabolisation du milliardaire, la pensée unique passant la deuxième… autant de choses témoignant que la censure, la mésinformation et la volonté d’asservir le peuple sont plus présentes que jamais. Je sais que comme homme tu as difficile de tenir debout par moment. Je me souviens de cette grande interview avec Alexandra Henrion Caude et plusieurs autres grands hommes et femmes où tu ne peux contrôler les larmes qui te vinrent avec l’émotion, la fatigue. C’est ça qui te rend authentique et intègre à mes yeux (et pas qu’au mien).
Tu fais un boulot formidable et je te promets que je vais reprendre l’abonnement à Kairos pour te soutenir. Ma situation économique a changé mais mon sentiment de bien être et de liberté aussi. J’ai perdu beaucoup d’argent mais je ne suis plus flic aujourd’hui. Je travaille dans une AMO qui aide les gamins de 0–22 ans à s’en sortir dans ce monde, ce pays de merde. J’ai repris un bac en Educ Spec (et même là, on sent la puissance de la propagande mais maintenant je gère ça). Ce choix que j’ai fait, le courage que j’ai trouvé pour renoncer à mes petits acquis sociaux et à mes avantages de « flic » c’est grâce à toi (et aussi bien sûr à ma merveilleuse femme) mais je devais prendre ces quelques minutes pour te le dire depuis un moment. C’est en regardant la vidéo avec Tocsin sur le site de Kairos que je me suis dit: Écris-lui maintenant. Ce mec le mérite. T’es un homme bien Alexandre. Tu le sais sûrement et tu n’en fais pas étalage. Sans te placer au rang des « sauveurs » tu es en tout cas en phare dans la nuit pour beaucoup de gens et pour ma part, tu m’as en partie sauver mec ».
Merci. Cela donne tout son sens à notre travail, indispensable pour toute l’équipe de Kairos.
Les propos de cet ancien policier indique aussi que l’inertie institutionnelle rend quasiment impossible de changer les choses de l’intérieur. Le totalitarisme fonctionne car chacun y participe.
Cette interview, on voulait en profiter pour vous le repasser. En remplacement du D‑Krypt Hebdo que nous n’avons pu faire ce jeudi, ce témoignage des 4 policiers et du militaire nous rappelle une période sombre, inimaginable pour certains, nous remet en mémoire ce qu’ils ont osé nous faire vivre, et d’où nous ne sommes évidemment pas encore sortis.
Ce n’est qu’un intermède. Reste à éveiller le plus de monde pour que plus jamais nous ne retombions dans ce délire et que ceux qui en sont responsables soient jugés.