Contribution extérieure

A propos de la déontologie journalistique

Ou comment l’expédier aux oubliettes

C’est fin mars 2021 que « l’affaire » a démarré par un courrier envoyé au CDJ (Conseil de Déontologie Journalistique) protestant contre la violation de l’éthique par la RTBF, accusée d’avoir diffusé des films de propagande du régime israélien au milieu des journaux télévisés.
Devenue le dossier n° 21–19, cette protestation a été transmise par la Secrétaire générale du CDJ au Directeur de l’information de la RTBF qui s’est défaussé sur un de ses adjoints, le « Responsable éditorial “Monde” », pour y répondre.

On pourra lire plus loin quelques-unes des déclarations du porte-parole de cette entreprise. Certaines valent leur pesant de cacahuètes ou de cuberdons. Le témoignage qui suit permettra de découvrir ou de vérifier que des sujets et des thèmes à l’apparence apolitique ou anodine peuvent dissimuler des pratiques qu’on ne s’attend pas à rencontrer dans une institution de service public. Enfin, l’épilogue montrera que notre pays est bien celui du consensus et que les « petits arrangements » entre confrères sont toujours d’actualité… Et tant pis si la déontologie est foulée aux pieds par un organisme qui prétend la défendre. 

De si candides petits films

Ce n’étaient que trois courts reportages (3′ chacun) diffusés pendant les journaux télévisés de la RTBF. Pas de quoi en faire un fromage donc.
Même s’ils glorifiaient le régime israélien ?
Comment ça ? Des films de propagande sur notre TV nationale ?

Vous n’aviez pas remarqué ?
Normal, ils n’avaient pas vraiment l’air de films de propagande.
Ils ne vantaient pas l’efficacité des snipers faisant des cartons sur les civils de Gaza, ne saluaient pas les opérations de nettoyage ethnique et l’implantation des colons, n’acclamaient pas les lois d’apartheid… Rien de tout ça ! Ils ne parlaient que de culture, d’humanitaire et d’amour des animaux. De bien innocents petits films à première vue, non ?

Le premier rendait hommage à des archéologues de la « Israël Antiquities Authority » qui, dans une grotte du désert de Judée, avaient découvert des fragments d’un parchemin rédigé il y a plus de deux mille ans.
Le deuxième saluait le généreux comportement des autorités israéliennes qui avaient offert un terrain de skateboard aux adolescents palestiniens de Jérusalem-Est.

Le troisième montrait les travaux d’aménagement d’un grand espace arboré pour accueillir les gazelles de montagne, les Dorcas, et, ainsi, les sauver d’une extinction certifiée imminente.
D’une voix émue et pas peu fier de l’initiative, le responsable de l’opération déclarait face caméra « C’est l’avenir d’une espèce qui se joue ici ! »

Faut vraiment avoir l’esprit mal tourné pour critiquer de si émouvantes petites vidéos, non ?
Ben… C’est qu’il y avait un hic.
Ces reportages étaient bidons ou mensongers, ou les deux !
Quoi ! Vous osez affirmer que notre télévision, celle que je paie avec mes sous, a diffusé des films trompeurs ? Mensongers ? Et personne n’a vérifié avant de les mettre à l’antenne ?
Il faut préciser avant tout que ces films étaient fournis clé sur porte par une société israélienne, notre télévision nationale n’intervenant que pour la présentation en français. On ne connaît pas le nom du fournisseur, la RTBF ayant refusé de le communiquer. Pour ce qui est du contrôle de la véracité avant diffusion, obligation requise pour tout journaliste, on n’a pas d’information non plus.
Ce que l’on sait par contre c’est que dans sa réplique au CDJ le « Responsable éditorial “Monde” » de la RTBF a défendu ces reportages bec et ongles et certifié, avec la plus grande énergie, l’objectivité de leur contenu.

Et si on y regardait d’un peu plus près

La découverte des fragments d’un antique parchemin, tout d’abord.
Contrairement aux commentaires de la RTBF situant cette découverte en territoire israélien, elle a été réalisée en Cisjordanie, dans une grotte de Nahal Hever pour être précis.
En Palestine occupée donc !
Dans son édition du 16 mars 2021, le journal Le Monde confirme d’ailleurs qu’elle a bien été faite « …dans la partie du désert de Judée située en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967 »

Conclusion?
Pour l’ONU (Résolutions 2334 & 2347) et l’UNESCO (Convention de 1970), il s’agit ni plus ni moins d’un pillage de patrimoine, considéré comme crime de guerre par la CPI (Cour Pénale Internationale). Ajoutons aussi que dans un rapport de 2021, Amnesty International souligne que « Le gouvernement israélien et les colons se servent de l’archéologie pour renforcer leur contrôle sur les territoires palestiniens occupés ».
Mais ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout, le point de vue du délégué de la RTBF !
Dans sa réplique au CDJ, il soutient mordicus la thèse israélienne et, pour clouer le bec à qui oserait la contester, il ne trouve rien de mieux que d’inventer un néologisme géographique en situant le lieu de la découverte non pas en Israël, non mais en Palestine mais…« au milieu de la frontière de 1967 ».

Aucun doute possible, notre plat pays est bien le royaume des zwanzeurs et la déclaration de ce nouvel expert en cartographie mérite de figurer dans un prochain bêtisier… Rubrique Les frontières pour les nuls.

Pour le deuxième film, un terrain de skateboard offert aux gamins palestiniens de Jérusalem-Est par le gouvernement israélien, le porte-parole de la RTBF, encore une fois en accord parfait avec le point de vue sioniste, déclare dans sa missive au Conseil de déontologie : « Je peux vous affirmer que le sujet est tourné dans la vieille ville et donc à Jérusalem-Est ».

Il garantit aussi que ces adolescents sont bien Palestiniens puisque « … Ils parlent Arabe et, comme les images le montrent, sont venus par les ruelles de la vieille ville ».
Et voilà ! L’emmerdeur n’a plus qu’à fermer son clapet !

Décorticage d’un bel embrouillamini

Tout d’abord, constatons que le porte-parole de la RTBF a parfaitement raison quant à l’emplacement du terrain de skateboard. Il est bien installé dans la Vieille ville de Jérusalem… Plus précisément dans le quartier dit chrétien, sur le toit d’un grand bâtiment administratif situé entre la porte de Jaffa et l’église du Rédempteur.

Et pour ce qui est des jeunes sportifs, il a encore raison, ils viennent du quartier dit des Maghrébins de cette même Vieille ville.
Mais il y a un bémol… Un beau gros bémol !
Contrairement à ce qu’il affirme, cette Vieille ville n’est pas à Jérusalem-Est, zone théoriquement palestinienne, mais se situe en Israël… Comme l’a décrété le gouvernement sioniste il y a quelques cinquante-cinq ans.

Une petite révision du cours d’Histoire contemporaine aurait permis à l’expert du boulevard Reyers de vérifier que ce quartier de Jérusalem a été annexé en 1967 – annexion illégale selon l’ONU bien entendu – et que, au mépris des lois internationales, le gouvernement de Begin a fait ratifier cette annexion par une Loi Fondamentale votée en 1980 à la Knesset, le parlement israélien.

Selon le régime au pouvoir là-bas, ce quartier fait donc aujourd’hui partie de l’État d’Israël et le plan diffusé par son administration indique que c’est au-delà de la porte des Lions – assez loin de la Vieille ville donc – que se situe Jérusalem-Est, territoire qui comprend entre autres les quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan.

Conclusion?
Les gamins que les réalisateurs israéliens font déambuler devant les échoppes de la rue Al-Wad sont simplement des adolescents citoyens de l’État israélien… Pas des jeunes venus de Jérusalem-Est ! Une particularité cependant, l’apartheid étant une pratique bien établie là-bas – le rapport d’Amnesty International du 1er février 2022 est édifiant à ce sujet – le régime leur a octroyé une carte d’identité spéciale les qualifiant de « Résidents de l’État d’Israël « .
Cette carte d’identité, d’une autre couleur que celle des Israéliens considérés comme Juifs, est délivrée par l’armée (!) et révocable sans préavis.
Citoyens de l’État
sans l’être.

Et ça depuis 1967 ! Plus d’un demi siècle !
Mais le cartographe patenté de notre chère télévision n’est pas désarçonné pour si peu et, soutenant la tentative de mystification du service de propagande israélien, déclare, péremptoire, que la Vieille ville est sur le territoire palestinien… Na, c’est moi qui décide !
A‑t-il vraiment cru que personne ne découvrirait l’embrouille ?

Et un bonus, un !

Dans son entêtement à défendre à tout prix les producteurs aux ordres du régime de Netanyahu, Bennett, Gantz et consorts, le délégué de la RTBF a aussi « oublié » le témoignage d’Adel Trabelsi, un des jeunes skateurs du film.
Dans le JT du 12 février 2021, tout heureux de pouvoir pratiquer son sport favori, il explique « Il n’y a pas de terrain de skateboard à Jérusalem-Est. Y a pas la place.»

Le responsable éditorial “Monde” ne regarderait-il pas son propre JT ?
Oublierait-il aussi que les seul.e.s Palestinien.ne.s qui peuvent franchir les checkpoints et entrer sur le territoire israélien sont celles et ceux qui sont porteurs d’un laissez-passer attestant d’un travail ?
Cet arbitraire, régulièrement dénoncé par les organisations impliquées dans la défense les Droits humains, a notamment pour conséquence que, simple exemple, la très grande majorité des habitants de Bethléem, ville palestinienne située à moins de 15 kilomètres de l’Esplanade des Mosquées, n’a jamais pu y mettre les pieds… Et ça depuis la création de l’État d’Israël en 1948 !

Des checkpoints ? Où avez-vous vu des checkpoints ?

Il semble que pour le représentant de notre chaîne nationale, la dénonciation de l’oppression subie par la population palestinienne n’est qu’un ramassis de fariboles.
Dans son courrier au CDJ, il va jusqu’à certifier qu’il n’y a pas le moindre obstacle, pas la moindre entrave au déplacement des Palestiniens « Ayant été sur place il y a deux ans, je n’ai croisé aucun check point pour passer de Jérusalem est à Jérusalem ouest ».

A tomber de sa chaise !
Était-il pompette au moment de sa visite ?
A moins qu’il n’ait cru que les militaires en faction aux portes de Damas ou d’Hérode et ceux qui contrôlent l’accès à la mosquée Al-Aqsa… Sont seulement là pour faire prendre l’air à leur mitraillette ? Devant un tel bobard, il reste l’humour… le noir !

Il faut sauver les petites gazelles !

Avec le troisième film, on patauge allègrement dans le loufoque.
Le Responsable éditorial “Monde” de la RTBF atteste que « Ces gazelles Dorcas sont en voie d’extinction et Israël est l’un des derniers pays où l’antilope vit à l’état sauvage ».
Protecteur autoproclamé de la faune, il finirait par donner mauvaise conscience à un militant de Gaia ! Sauf que… Notre spécialiste « gazelles » a oublié de mentionner que ces Dorcas vivent à l’état sauvage dans les pays du Sahel, au Maghreb, en Égypte, en Éthiopie.… Et même dans la péninsule arabique ! Leur nombre total est estimé à 40.000, dont environ 3.000 peuplent le plateau du Golan, autre territoire occupé illégalement par l’armée israélienne.

Celles du film, une petite vingtaine, vraisemblablement capturées au Golan, gambadent sans peur au milieu des visiteurs du Gazelle Valley Park situé entre le boulevard Menahem Begin et la caserne des pompiers Givat Mordechai.

Selon Tripadvisor, ce petit parc de quelques hectares est une attraction prisée par les touristes. Ah, l’amour des bêtes ! Ça marche toujours pour tirer une larme aux gogos !

Cher téléspectateur, ce canular émotionnel vous a été gracieusement offert par la RTBF !

Et une cerise sur le gâteau, une !

En annexe des craques du porte-parole de la RTBF, un juriste de la maison s’est fendu d’une virulente critique du comportement de la Secrétaire générale du CDJ !
Il l’accuse, ni plus ni moins, de « personnaliser » cette plainte et d’exercer ainsi une  » pression inutile sur les travailleurs de la RTBF  » entraînant un « effet certain sur leur santé et leur sécurité » avec « un impact sur la liberté d’expression et le droit d’informer « .

D’après ce distingué homme de loi, la Secrétaire générale ne respecte pas l’éthique en usage dans l’institution du boulevard Reyers, institution qui se veut exclusivement « Un collectif assumant la responsabilité des contenus audiovisuels qu’elle produit et diffuse ».
Autrement dit, toute critique directe de journalistes ou dirigeants de l’entreprise RTBF, est interdite ! Face au citoyen lambda, il n’y a pas d’interlocuteurs humains, pas d’individus responsables, pas de visages… Seulement une façade, celle du bâtiment du boulevard Reyers ! 

Ce spécialiste du droit aurait-il puisé son inspiration dans Le Procès de Kafka?

Qu’on ne s’y trompe pas, j’ai parfaitement conscience que ces trois courts reportages sont à classer dans la rubrique faits divers, qu’ils n’ont pas de réelle importance pour l’information des téléspectateurs.
Et je suis aussi bien conscient que mon témoignage m’attirera l’aversion de certains notables de la nomenklatura audiovisuelle.

Qu’importe, je n’ai plus de plan de carrière… et n’en ai d’ailleurs jamais eu.
Je n’ai pas, non plus, l’âme d’un justicier, Don Quichotte ou Zorro, et pas la moindre disposition pour le complotisme.
Je frémis simplement à la pensée que ce manquement à la déontologie à propos de films présentés comme candides, alors qu’ils sont à l’évidence de propagande, ne soit récurrent et appliqué à des informations primordiales pour nos concitoyens.
Le journalisme anodin n’existant pas, cette absence de rigueur me paraît condamnable.
Elle l’est d’autant plus quand on constate que les responsables de ce « dérapage » ne sont pas des journalistes « de première ligne » – est-il nécessaire d’affirmer que j’ai une grande admiration pour la compétence et la droiture de nombre d’entre eux – mais des cadres dirigeants d’une institution publique.

Les mots neutres n’existant pas non plus, les dénégations du représentant de la RTBF à propos de faits établis et son alignement sans réserve sur les déclarations des services de propagande israéliens, amènent à se poser une question : Et si la diffusion de ces films était volontaire, si elle était cautionnée par la direction de l’institut ?

On serait alors face à une complicité objective avec le régime actuellement au pouvoir en Israël.

Et dire que ce régime est d’extrême droite tient de la redondance ou du pléonasme. Comme quoi, trois petits films peuvent – peut-être ? – révéler des pratiques inquiétantes.

Dans sa réplique au CDJ, le représentant de la RTBF tente aussi d’entraîner la plainte sur un terrain polémique en la liant au drame qui se déroule là-bas.

S’il est indéniable que je suis sensible à la persécution subie par le peuple palestinien et que ce sentiment transparaît dans mes propos, les réactions du délégué de la RTBF laissent, elles, subodorer, le mot est faible, de la sympathie pour le régime actuellement au pouvoir dans ce pays.

Nous n’irons certainement pas en vacances ensemble !

Mais la motivation, le cœur de ma protestation, n’est pas là… Absolument pas !

Elle est essentiellement dans le fait que le contrôle sur la véracité du contenu n’a pas été réalisé avant diffusion, dans le fait que le code de déontologie journalistique n’a pas été respecté !

Ce code qui dit dans son article premier « Les journalistes recherchent et respectent la vérité en raison du droit du public à connaître celle-ci. Ils ne diffusent que des informations dont l’origine leur est connue. Ils en vérifient la véracité et les rapportent avec honnêteté .« 
Dans un autre texte fondamental du CDJ, il est aussi écrit « Tout journaliste se doit de diffuser des informations vérifiées (…) la responsabilité des journalistes envers le public prend le pas sur leurs responsabilités à l’égard d’intérêts particuliers, des pouvoirs publics et de leurs employeurs. »

On est malheureusement loin du compte dans le cas présent.

En route vers l’épilogue !… Je rigole !

A peine la Secrétaire générale du CDJ avait-elle lancé la procédure, qu’une journaliste indépendante, membre du Conseil du CDJ, s’est désistée pour ce dossier.
C’est assez regrettable car cette dame, liée à une association de défense du peuple palestinien, connaît sans doute bien la situation et aurait pu confirmer divers points de la plainte.

Crainte de devoir contredire certains de ses collègues ? De se mettre mal avec eux ?

De son côté, la RTBF aurait voulu jouer la montre qu’elle ne s’y serait pas prise autrement.
Après plusieurs semaines de silence, il a fallu un appel de la Secrétaire générale du CDJ pour qu’on apprenne, fin juin 2021, que la RTBF a « confirmé qu’elle n’avait effectivement pas adressé de nouveau courrier, comme elle en avait la faculté. Le dossier sera donc examiné lors d’une prochaine réunion plénière du CDJ.« 
Le porte-parole de la RTBF a‑t-il préféré se taire pour éviter ce qui est arrivé au nez de Pinocchio ?

Notre salle d’attente est à votre disposition !

Et nous voilà en septembre 2021.
Et nous voilà en octobre 2021.
Et nous voilà en novembre 2021.
Et nous voilà en décembre 2021… Neuf mois déjà depuis le début de « l’affaire ».

Ah ! Le temps… Indispensable pour parvenir au silence indifférent !

La gestion du temps est une tactique bien connue en politique.
Son étirement permet d’atteindre le point d’insignifiance d’une quelconque sanction ou réparation. Est-ce cette quête d’obsolescence qui est appliquée par le CDJ ?
Mais non ! Pensez-vous !
Faut vraiment avoir l’esprit mal tourné pour dire ça !
Pourtant, il faudra qu’on m’explique comment, avec un conseil composé d’une cinquantaine de membres, actifs ou suppléants et avec la technologie moderne (la vidéo-conférence notamment), on arrive à se prononcer que sur, au mieux, quatre ou cinq plaintes par mois… pour la plupart déposées il y a plus d’un an. Une petite visite sur le site web du CDJM, l’équivalent français de notre CDJ, permet de voir que cette institution traite huit dossiers par mois… le double du CDJ!

Mais ce n’est pas tout.
Le temps d’attente pour qu’un dossier soit examiné et qu’une injonction soit prononcée par l’organisme français est de… Deux à trois mois, maximum!

Une autre petite visite, sur le site du « Raad voor de Journalistiek », le « CDJ » flamand, révèle qu’il lui faut entre trois et six mois pour examiner et se prononcer sur les plaintes !

Révélateur, non?

La lecture des comptes rendus des réunions du CDJ montre qu’il y a très peu de chances, pour ne pas écrire aucune, de voir les plaintes aboutir à une quelconque action de réparation.
Au bout d’une année d’attente, voire plus, les faits dénoncés passent obligatoirement de « actualité » à « archives »… avec pour conséquence que les injonctions du CDJ ont un effet nul.

Et, quand on sait que c’est depuis la création de ce CDJ (2009) que cette procédure est appliquée, on ne peut qu’en déduire qu’elle est réfléchie, volontaire.
Complotiste de penser qu’on ne s’y prendrait pas autrement pour décourager tout lanceur d’alerte ?

On remarque aussi que les plaintes examinées par le Conseil semblent choisies en fonction inverse de la pertinence de leur contenu.
Une simple lecture suffit pour voir que certaines plaintes sont de toute évidence infondées au regard des préceptes du CDJ. Mais elles sont quand même mises en discussion à la réunion mensuelle du Conseil… bloquant ainsi l’examen de plaintes plus pertinentes.

Faut pas confondre le dire et le faire !

A cette « popote entre collègues », il faut encore ajouter le non-respect des injonctions.
Comment ça ! Y en a qui refusent d’appliquer les décisions du CDJ ?
Hé oui !
Petit exemple : en conclusion d’un dossier (le 20–57), le CDJ enjoint la RTBF de publier un texte sur la page d’accueil de son site web.

Il faut littéralement fouiller le site pour finir par le trouver dans une page… consacrée au coronavirus. Une autre méthode est de publier l’injonction sur le site web du CDJ… une bonne semaine après la décision du Conseil stipulant que cette publication doit se faire dans les sept jours.
C’est ainsi qu’un texte concernant la plainte 22–07, élaboré en séance du 23 mars 2022 est seulement publié le 5 avril… sur le site web du CDJ ! Quant au media incriminé ?
Hé oui, c’est comme ça petit citoyen lambda, les sept jours sont passés… Plus moyen de vérifier !

Ce genre de pratique n’empêchera pourtant pas le CDJ de déclarer dans ses « Recommandations sur l’obligation de rectification » : la rectification doit être rapide, c’est-à-dire sans délai, dès la prise de connaissance de l’erreur et précise que si cette prise de connaissance survient trop longtemps après la commission de l’erreur, la rectification peut perdre de son intérêt et de sa pertinence ».

Et nous voilà en avril 2022.
Plus d’une année depuis le dépôt de la plainte 21–19.
Et aucune chance pour qu’elle soit examinée avant l’été… ou à l’automne!

Après avoir été, pendant plus d’une année, confronté au fonctionnement du CDJ, je suis bien obligé de constater que cette « affaire » se terminera, au mieux, par une injonction à la RTBF qu’on pourra peut-être lire, en cherchant bien, sur son site web.
Il vaut donc mieux baisser le rideau sur ce sordide vaudeville.

Me souvenant qu’en 2021, le prix Nobel de la paix a été décerné aux journalistes Maria Ressa et Dimitri Muratov – elle et lui sont l’honneur de leur métier – il m’est pénible de constater que certains de leurs collègues de mon pays n’ont pas la même approche de leur fonction.
Le silence hypocrite de la majorité de la presse sur le sort de leur collègue Julian Assange, pourrissant dans une geôle anglaise, est un exemple frappant de ce triste comportement.

De profondes modifications dans la composition et le fonctionnement de ce Conseil de la Déontologie Journalistique me paraissent indispensables pour qu’il devienne un outil réellement capable de faire respecter la déontologie et réagir efficacement contre les dérives.

Arrivé au bout de cet interminable chemin, c’est tout ce que j’espère.

Rudi Barnet

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