FUTUR D’UN MONDE PLASTIQUE ET FUTURS PLASTIQUES DU MONDE

Un dossier de Marzie Flodienka

LEXIQUE DU PLASTIQUE 

Plastique (ou thermoplastique) : polymère qui sous l’action de la chaleur se ramollit réversiblement, peut être remodelé et redurci en refroidissant (PET, PE, PP, PS, PVC) Plastique thermodurcissable : matériau polymère durcissant de manière irréversible et ne se ramollissant plus à la chaleur. On les appelle souvent résines (résine époxy, colles, vernis, etc.)

  • PET : polytéréphtalate d’éthylène (qui appartient à la grande famille des polyesters)
  • PE : polyéthylène
  • PP : polypropylène
  • PS : polystyrène
  • PVC : chlorure de polyvinyle
  • PU : polyuréthane
  • PA : polymamide
  • MNPs : Micro et nanoplastiques
  • Bioplastique : se dit d’un plastique biosourcé et biodégradable
  • Plastique biosourcé : plastique issu de matériau naturel et végétal (autre que le pétrole ou le gaz de schiste)
  • Biodégradation : action d’une matière qui se dégrade en élément qui retourne à la terre (CO2, eau, matière carbonée non toxique)
  • Fragmentation : action d’un polymère qui en vieillissant se découpe en fragments de polymère de plus en plus petits donnant naissance aux MNPs

C’est incroyable à concevoir en 2025, mais vivre sans plastique c’est tout à fait possible, l’humain y est même parvenu pendant quelques milliers d’années.

Ce n’est même pas si vieux, car les premiers polymères semi-synthétiques ont vu le jour au cours du XIXe par modification chimique d’un polymère naturel, (ivoire et soie artificiels au départ de la cellulose ou les pneumatiques au départ du caoutchouc, par exemple) et se sont fortement multipliés au XXe siècle, avec notamment la découverte belge de la bakélite, polymère entièrement synthétique.

Le plastique est donc un polymère de synthèse, c’est-àdire une longue chaîne de monomères — dit autrement, un long assemblage de molécules — de taille et de monomère variables, avec plus ou moins d’additifs, ce qui lui confère toutes ses propriétés : flexibilité, élasticité, résistance, dureté, durabilité, transparence, couleur, etc. Par opposition, on retrouve les polymères naturels comme l’amidon, la cellulose, la laine, la soie, le caoutchouc ou encore certaines molécules biologiques qui constituent nos organismes : les protéines, l’ADN ou l’ARN, synthétisés par la nature elle-même.

Si nous remontons à l’enfance et aux souvenirs que nous avons de nos grands-parents, leurs maisons, leurs mobiliers, leurs vêtements, leurs voitures, leurs vélos, bref l’ensemble de leurs biens était globalement d’un autre temps : plus lourds, plus denses, plus sobres (tant dans le design que dans la multifonctionnalité), plus robustes, plus chers aussi. Il y a 50 ou 60 ans, le plastique — les polymères de synthèses — n’avaient pas encore complètement envahi nos vies. Les meubles étaient en bois massif et non en bois composite (aggloméré, MDF, OSB, contre-plaqué), mélange de fibres de bois et de résine plastique. Les vêtements étaient en coton, en laine, en lin, en chanvre et non en fibres synthétiques (polyester dont PET, PU, viscose, PA ou nylon, acrylique, élasthane, etc.). Les courses alimentaires se faisaient dans de petites épiceries ou directement chez le producteur, il n’existait pas encore cette multitude d’emballages aguicheurs qui pullulent dans les supermarchés d’aujourd’hui. Les peintures et les vernis étaient réservés à des utilisations bien spécifiques et n’inondaient pas l’intérieur comme l’extérieur de nos habitations. Bien souvent, ils achetaient leurs biens, et ces derniers les accompagnaient toute leur vie. Et puis, très rapidement, comme dans beaucoup d’autres domaines, les innovations scientifiques ont submergé le quotidien. Le plastique ne fait pas exception. C’est même un cas d’école.

En écrivant ces lignes, un ultime sommet international contre la pollution plastique se déroule à Genève et ne semble pouvoir aboutir, tant les enjeux sont nombreux.(1) Alors qu’unanimement les défenseurs de l’environnement sonnent l’alerte à la pollution plastique, les mêmes installent massivement des éoliennes composées en partie de plastique et dont les pales en résine époxy ou polyépoxyde (obtenue par polymérisation des monomères épichlorydrine et bisphénol A) semblent libérer par érosion des micro et nanoplastiques (MNPs) contenant le très décrié composé(2) ; cautionnent des voitures électriques beaucoup plus lourdes que les voitures thermiques(3), ce qui a décuplé l’utilisation de plastique pour tenter de les alléger, et augmenté l’usure des pneus (proportionnelle au poids de la voiture); promeuvent des panneaux solaires qui sans plastique n’existeraient pas ; et la numérisation massive qui entraîne forcément une augmentation de la consommation en polymères de toutes sortes.

Bien loin de vouloir faire ici le procès d’un matériau qui certes a envahi nos vies, mais les a également profondément modifiées et par la même rendues plus confortables, plus hygiéniques, plus rapides, plus légères, plus pratiques, plus paresseuses aussi peut-être, l’idée de ce dossier est plurielle. En premier lieu, questionner et intellectualiser son omniprésence et peut-être surtout notre façon de l’utiliser quotidiennement, y compris là où on ne le soupçonne pas. Puis, faire le tour des connaissances et des nombreuses problématiques qui l’entourent afin de prendre action et imaginer la suite. Car une suite, il y en aura une. Imaginer un futur sans plastique relève de l’illusion et tout le monde s’accorde à le dire.

Le plastique du futur ? Pour en parler, il faut comprendre ce qui se cache derrière pour ne pas le réduire aux seuls emballages alimentaires qu’il est si facile d’incriminer (et si facile par ailleurs de ne pas acheter). Comprendre et questionner nos modes de vie et de (sur)consommation qui sont en partie responsable du débordement. Comprendre ensuite que le recyclage du plastique est extrêmement complexe, parce qu’il n’existe pas un plastique mais des plastiques, qu’il n’existe pas une façon de recycler, mais des façons de recycler, et qu’à ces impératifs s’ajoutent bien d’autres contraintes et enjeux.

Comprendre encore que les plastiques émettent des particules micro et nanoplastiques, MNPs et que cette pollution a d’ores et déjà colonisé les eaux, la terre, l’air, et même nos organismes. Comprendre enfin qu’il existe des nuances aux discours et des solutions aux problèmes, et qu’il faut donc les entendre, les étudier et les analyser à la lueur de tout ce qui a été cité précédemment. Pour faire le tour de la question, Kairos s’entretient avec 3 spécialistes du sujet aux points de vue différents qui s’opposent et/ou parfois se rejoignent pour une vision globale de la problématique de ce matériau incroyable et omniprésent : le plastique.

Notes et références
  1. « Pollution plastique : la “dernière chance” manquée à Genève », Le Soir, 15–08-
    2025
  2. Rain Erosion Maps for Wind Turbines Based on Geographical Locations : A Case
    Study in Ireland and Britain, K. Pugh, Journal of Bio- and Tribo-Corrosion (2021)
    7:34 ; Leading Edge erosion and pollution from wind turbine blades, Asbjørn
    Solberg, Bård-Einar Rimereit and Jan Erik Weinbach,
    http://dx.doi.org/10.13140/RG.2.2.33339.34080
  3. Une voiture thermique pèse en moyenne 0,9 à 1,5 tonnes

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