Waar wordt hedendaags geweld behandeld?

« La persuasion et la violence peuvent détruire la vérité, mais elles ne peuvent la remplacer. »(1)

Hannah Arendt

« […] face au mal, c’est au mal lui-même qu’il faut recourir, et sans tarder, dans autant de situations où la morale ordinaire aboutit justement au genre d’inhibition teintée de culpabilité sur laquelle les gens malfaisants comptent pour étendre leur emprise. »(2)

Pierre-Henri Castel

Bien avant l’offensive vaccinale actuelle, la violence a toujours été l’objet d’éclatantes divergences d’opinion dans l’intelligentsia et le public, sans oublier les militants. On peut en donner une définition large ou restreinte. Dans le premier cas, on qualifiera de « violents » des comportements aussi différents que le bombage d’une affiche publicitaire en rue, la destruction d’une antenne 5G, la simple voie de fait, un viol, un acte de torture, un assassinat… On voit directement le problème à la fois logique et moral de cette conception maximaliste. Mieux vaut donc resserrer la définition : la violence ne s’applique(rait) qu’aux êtres vivants et « sentients », c’est-à-dire capables de ressentir la douleur physique et morale, donc les humains et les animaux (avant tout ceux à sang chaud). Elle peut être physique, psychologique ou symbolique, « […] cette violence symbolique, ce travail d’imposition de sens et de valeur auquel certaines corporations (comme les journalistes) font profession de soumettre le reste de la population, en toute bonne conscience, comme si elles étaient en charge d’un ministère intellectuel et moral(3) ». À rebours de ce qu’avance la philosophie libérale — qui ne proscrit que la violence physique —, une forme n’est pas plus ou moins grave que les autres. Tout le reste relève de la destruction de biens, du vandalisme ou du sabotage. On peut certes réprouver ceux-ci, mais il ne faut pas confondre les deux plans. 

À Kairos, aucun sujet n’est tabou a priori. Nous avons cette fois décidé de quelque peu élucider la violence contemporaine, spécialement par temps covidiens. A‑t-elle pris de nouvelles formes caractéristiques à cette occasion ou recycle-t-elle les remugles de sa tradition telle que la civilisation l’a toujours connue ? Est-elle moralement condamnable dans tous les cas et d’où qu’elle vienne, ou peut-elle prendre de nouveaux atours de légitimité, entre autres sous le prétexte de la santé publique ou inversement du respect des libertés ? À la fin de sa vie, en 1987, le philosophe Günther Anders rouvrait le dossier dans un essai sulfureux, La violence : oui ou non, paru en RFA dans le contexte d’un ressentiment anti-nucléaire, juste après la catastrophe de Tchernobyl l’année précédente. Ses propos lui valurent une avalanche de critiques, car « Anders y reste intraitable, creusant son sillon, revenant sans fléchir aux sources et à la forge méthodique de sa détermination(4) ». D’autres reconnurent ce texte comme majeur et encourageant. Depuis deux ans, les populations occidentales(5) subissent une violence étatique qui s’est montrée graduelle, allant du port du masque obligatoire à la pression aux vaccins (bientôt obligatoires eux aussi ?). Dans la plupart des cas, les électeurs-consommateurs y répondent chaotiquement, comme l’avait déjà remarqué Jacques Ellul il y a quarante ans : « Le caractère émotif de ce que l’homme moderne appelle sa pensée […] a d’ailleurs pour conséquence une extrême violence des convictions alliée à une extrême incohérence des arguments(6) », les réseaux (a)sociaux en étant la principale caisse de résonnance. Autant le savoir : toute résistance populaire s’expose à la violence physique (de la police et/ou de ses congénères), psychologique et symbolique (stigmatisation dans les médias, le travail et la vie quotidienne), et in fine à la mort. Mais comme l’annonçait Anders, « ce n’est pas parce que la lutte est plus difficile qu’elle est moins nécessaire(7) ». 

L’historien des idées François Cusset, l’essayiste-troubadour Hervé Krief, les philosophes Valérie Tilman et Michel Weber ainsi que S. Kimo vous livrent ici le produit de leurs précieuses réflexions. 

Dossier coordonné par Bernard Legros et Alexandre Penasse 

Notes et références
  1. Hannah Arendt, La crise de la culture, Folio, 1954/2011, p. 330.
  2. Pierre-Henri Castel, Le Mal qui vient. Essai hâtif sur la fin des temps, Cerf, 2018, p. 110.
  3. Alain Accardo, Pour une socioanalyse du journalisme considéré comme une fraction emblématique de la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle, Agone, 2017, p. 124.
  4. Günther Anders, La violence : oui ou non. Une discussion nécessaire, Fario, 2014.
  5. Évidemment, nous n’ignorons ni ne minimisons celle qu’endurent depuis des décennies les pays officiellement décolonisés de la périphérie. Mais tel n’est pas notre sujet ici.
  6. Jacques Ellul, La parole humiliée, La Petite vermillon, Seuil, 1981, p. 330.
  7. Günther Anders, op. cit., p. 84

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