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N’oublions pas la 5G

Dans les soubresauts actuels, il ne faudrait pas oublier la 5G. Nous publions ci-dessous un résumé du communiqué de l’association Procès 5G France, suivi d’un article publié en son temps dans le hors-série n° 5, « 5G, face au conte de fée, le compte des faits ».

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Recours en annulation du décret 5G

Communiqué du 21 avril 2023

Pour faciliter le déploiement de la 5G et comme annoncé dans un communiqué par le ministre-président de la Région de Wallonie, Elio Di Rupo[note], le parlement wallon a voté sans état d’âme un décret[note] qui réduit encore un peu plus la faible protection dont les citoyens disposaient contre les effets délétères des rayonnements micro-ondes de la téléphonie mobile. À titre d’exemple de ce que permet cette nouvelle « norme de protection », un opérateur qui voudrait installer une antenne 5G ou autre sur un nouveau site pourrait émettre avec une puissance telle que la population riveraine subirait un rayonnement dix fois plus intense que ce qui était autorisé avec la norme précédente[note].

Cela fait plus de 60 ans que des scientifiques et des médecins s’inquiètent des effets des rayonnements micro-ondes comme en témoigne un colloque tenu en 1957 à Washington[note].

Depuis plus de 20 ans, les appels nationaux et internationaux se succèdent pour un abaissement des limites de puissance d’émission autorisées et la constitution d’organismes de régulation qui soient indépendants de l’industrie et réellement au service de la santé publique. Entre de nombreux autres appels, plus de 400 scientifiques et médecins ont signé le « 5G APPEAL » initié en 2017 et par lequel ils « demandent un moratoire sur le déploiement de la 5G. La 5G augmentera considérablement l’exposition aux rayonnements micro-ondes, dont il a été prouvé qu’ils sont nocifs pour l’homme et l’environnement »[note].

Très récemment, neuf experts de la pollution électromagnétique des pays nordiques ont publié un article dans les « Annals of Clinical and Medical Case Reports » par lequel ils demandent l’arrêt du déploiement de la 5G et un cadre réglementaire plus strict sur les rayonnements micro-ondes des technologies sans fil.[note] Ils mentionnent deux des toutes premières études sur l’impact de la 5G. L’une d’entre elles a montré qu’une antenne 5G a « provoqué une augmentation extrême du rayonnement micro-ondes dans un appartement. En l’espace de quelques jours, les résidents ont souffert des symptômes typiques de l’exposition aux micro-ondes : troubles graves du sommeil, vertiges, problèmes de peau, difficultés de concentration, acouphènes, troubles de la mémoire à court terme, confusion, fatigue, tendance à la dépression, symptômes cardiaques et pulmonaires, palpitations cardiaques et sensation de lourdeur dans la poitrine ».

Face à l’indigence intellectuelle et morale ainsi qu’au mépris du gouvernement et du parlement wallon[note] pour la santé des citoyens et son déni des conséquences écologiques du déploiement de la 5G en matière de consommation d’énergie, de dérèglement du climat et d’extraction de ressources non renouvelables, le Collectif stop5G.be a mandaté son avocat pour déposer un recours en annulation du décret.

Contact :Francis Leboutte, 04 388 39 19 – Colette Devillers, 02 772 86 80info@stop5G.be – www.stop5G.be

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Consultation publique sur la 5G à Bruxelles : enfumage démocratique et fabrique de l’ignorance

Photo : PxHere

Le rapport sur les incidences environnementales[1] du projet d’ordonnance de la Région bruxelloise visant à faire passer la limite de protection contre les radiations électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF[2]) de 6 à 14,5 V/m considère implicitement que le déploiement de la 5G est inévitable et n’envisage à aucun moment la possibilité d’en rester à la situation actuelle (2G, 3G et 4G). La saturation du réseau actuel tout comme le déploiement de la 5G sont considérés comme inéluctables, la possibilité de prendre des mesures adéquates pour limiter le trafic des données étant passées sous silence. Le rapport (ou son « résumé non technique ») présente là un premier biais de taille.
Il est regrettable qu’une administration comme Bruxelles Environnement censée être indépendante du pouvoir exécutif publie un rapport aussi orienté, à l’image de la mise en place de la Commission délibérative citoyennes « 5G » par cet exécutif. Pour rappel, cette commission composée de 15 députés et de 45 citoyens tirés au sort parmi la population bruxelloise devait répondre à la question « Comment voulons-nous que la 5G soit implantée en Région de Bruxelles-Capitale, en tenant compte de l’environnement, de la santé, de l’économie, de l’emploi et des aspects technologiques ? ». D’emblée, aucune place dans cette commission n’avait été laissée aux citoyens opposés au déploiement de la 5G qui n’avaient d’autre choix que de refuser de participer[3]. Se réclamer des « recommandations » de cette Commission comme il est fait dans le rapport n’est donc pas recevable, que ce soit pour la recommandation « d’adopter une norme d’émission stricte (sic) de 14,5 V/m », les « dispositions environnementales » à prendre, les « mesures complémentaires ou correctrices », etc.
Bouleversement climatique
Sur la question vitale du bouleversement climatique d’origine anthropique sur laquelle il n’est pas nécessaire de revenir au vu de l’actualité[4], les conclusions de Bruxelles Environnement dans le résumé semblent d’une légèreté insoutenable : malgré le constat du « secteur de la télécommunication grand consommateur d’énergie et émetteur de gaz à effet de serre » (page 9 du résumé) et, comme tout le monde le sait, malgré les énormes efforts à faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’augmentation de la consommation de l’énergie et de la production de gaz à effet de serre liée au déploiement de la 5G est envisagée en toute tranquillité, cet aspect n’étant même pas mentionné dans les conclusions de ce résumé (la majorité des lecteurs de l’étude se contenteront de lire le résumé qui fait tout de même 18 pages, le rapport en faisant 90).
Toutefois, le constat est nettement mieux posé dans les conclusions du rapport (page 86) où on lit : « … bien que des dispositions environnementales soient intégrées à l’Ordonnance, elles ne pourront que légèrement atténuer l’augmentation importante de la consommation énergétique et de la production de déchets engendrée par le déploiement de la 5G par rapport à ce déploiement selon l’ordonnance actuelle (alternative 0), qui est par ailleurs en opposition avec les objectifs climatiques et environnementaux de la Région visant à une réduction de l’émission de GES et à une consommation durable, sobre, locale et circulaire ». Pourquoi ne pas avoir laissé cette phrase dans les conclusions du résumé ?
L’ICNIRP, un instrument au service du lobby
Avec ce rapport, Bruxelles Environnement poursuit l’enfumage démocratique amorcé par l’exécutif en même temps qu’il désinforme et contribue à la fabrique de l’ignorance chère au lobby des télécoms, en particulier sur les normes de protection internationales, notamment celles de l’ICNIRP (Commission internationale sur la protection des radiations non ionisantes), qui protégeraient du « seul effet biologique avéré », à savoir l’effet thermique[5] ; il y aurait bien d’autres effets biologiques et même sanitaires[6] « potentiels », mais aucune étude n’aurait montré de relation causale (section 1.3.1.f du résumé, page 11).
Sur ce plan, le rapport se contente de citer des études favorables aux thèses de l’ICNIRP et du lobby des télécoms et ignore toutes les autres, en fait des milliers d’études publiées depuis plus de 50 ans. Par exemple, ce que dit le rapport sur les effets génétiques est particulièrement consternant et atteint des sommets dans l’art de la désinformation : « Rassurants, les résultats montrent que plus une étude est scientifiquement sérieuse, plus les observations de lésions génétiques sont faibles » (sur ces effets génotoxiques, voir ci-dessous). A fortiori, on ne peut compter sur les auteurs du rapport pour exposer les méta-analyses qui montrent que les conclusions des études sur les effets biologiques et sanitaires sont fonction du mode de financement : majoritairement, les études financées par l’industrie ne montrent pas d’effets biologiques ou sanitaires contrairement à celles financées par des fonds publics ou des organismes indépendants de l’industrie. Cette influence ne date pas d’aujourd’hui : pour 85 études sur la génotoxicité (atteinte de l’ADN) des CEM-RF publiées de 1990 à 2005, 43 études ont montré un effet, 42 n’en ont pas trouvé, une répartition plus ou moins égale (ce qui n’est pas inhabituel dans ce type de comparaison). Par contre, ce qui est remarquable, c’est que 32 des 35 études financées par le lobby de l’industrie de la téléphonie mobile et de l’armée de l’air étasunienne ne montrent aucun effet ; de plus, une des trois études financées par le lobby qui a trouvé un effet a failli ne pas être publiée (source : www.microwavenews.com/RR.html).[7]
La plupart des pays du monde s’appuient sur les recommandations de l’ICNIRP qui est une institution privée de droit allemand créée en 1992 par Michael Repacholi pour répondre au mieux aux volontés de l’industrie des télécoms. Elle fonctionne comme un club fermé : ses membres décident seuls de qui peut y entrer et seuls y sont admis ceux qui défendent l’idée que s’il n’y a pas d’effets thermiques, il ne peut y avoir de conséquences sanitaires. Elle n’applique aucune règle de transparence ou d’indépendance, puisqu’au contraire la plupart de ses membres passés ou présents sont connus pour leurs liens avec l’industrie des télécoms.
Le lien étroit qu’entretient l’ICNIRP avec l’industrie est documenté de longue date comme le montrent les enquêtes et documents suivants :

– ICNIRP : conflits d’intérêts, capture réglementaire et 5G.
En juin 2020, les députés européens Klaus Buchner et Michèle Rivasi ont publié un rapport sur l’indépendance de l’ICNIRP dont voici la principale conclusion : « pour un avis scientifique réellement indépendant, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous fier à l’ICNIRP. La Commission européenne et les gouvernements nationaux de pays comme l’Allemagne devraient cesser de financer l’ICNIRP».
Information et rapport sur le site de Michèle Rivasi : michele-rivasi.eu/a‑la-une/icnirp-conflits-dinterets-5g-et-capture-reglementaire.
– How much is safe?
Une enquête des journalistes d’Investigate Europe: « Des scientifiques tirent la sonnette d’alarme quant aux risques pour la santé causés par les rayonnements de la technologie mobile. Sans fondement, assurent la plupart des autorités chargées de la sécurité des rayonnements. Celles-ci prennent l’avis d’un petit cercle d’initiés qui rejettent les recherches alarmantes et fixent les limites de sécurité ».
investigate-europe.eu/publications/how-much-is-safe (janvier 2019).
– Self-referencing authorships behind the ICNIRP 2020 radiation protection guidelines.
« … les lignes directrices 2020 de l’ICNIRP ne répondent pas aux exigences fondamentales de qualité scientifique et ne sont donc pas adaptées pour servir de base à l’établissement de limites d’exposition aux CEM-RF pour la protection de la santé humaine. Avec sa vision uniquement thermique, l’ICNIRP s’oppose à la majorité des résultats de la recherche… Par conséquent, les lignes directrices 2020 de l’ICNIRP ne peuvent pas offrir une base pour une bonne gouvernance».
Par Else K. Nordhagen et Einar Flydal dans le journal Reviews on Environmental Health en juin 2022. https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/reveh-2022–0037/html
– Aspects on the International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP) 2020 Guidelines on Radiofrequency Radiation.
« La conclusion de l’ICNIRP sur les risques de cancer est la suivante : “En résumé, aucun effet des CEM de radiofréquence sur l’induction ou le développement du cancer n’a été prouvé.” Cette conclusion n’est pas correcte et est contredite par les preuves scientifiques. Des preuves abondantes et convaincantes de l’augmentation des risques de cancer et d’autres effets négatifs sur la santé sont aujourd’hui disponibles. Les directives 2020 de l’ICNIRP autorisent une exposition à des niveaux connus pour être nocifs. Dans l’intérêt de la santé publique, les directives ICNIRP 2020 devraient être immédiatement remplacées par des directives réellement protectrices produites par des scientifiques indépendants».
Par : Hardell L, Nilsson M, Koppel T, Carlberg M.
Publié dans Journal of Cancer Science and Clinical Therapeutics
doi:10.26502/jcsct.5079117.
– Conflit d’intérêts et partialité dans les comités consultatifs de la santé: le cas du groupe de travail de l’OMS sur les champs électromagnétiques (CEM). Don Maisch. Publié en anglais en 2006 dans le journal de l’ACNEM (Australasian College of Nutritional and Environmental Medicine). Disponible en français sur demande.
https://www.researchgate.net/profile/Don-Maisch

Des limites de protection totalement inadéquates
« Sur base de ce seuil [de l’effet thermique néfaste] et du principe de précaution, l’ICNIRP recommande de limiter l’exposition de la population à des rayonnements ne dépassant pas 41,2 V/m. La norme bruxelloise actuelle de 6 V/m est donc 50 fois[8] inférieure à la recommandation de l’ICNIRP. La Région bruxelloise a une des normes les plus strictes du monde, plus stricte qu’en Flandre et en Wallonie » (résumé, page 8). En fait, cette différence est très limitée, du même ordre que celle entre la peste et le choléra comme expliqué ci-dessous.
La limite recommandée par l’ICNIRP est de 41,2 V/m (volt/mètre) pour l’intensité du champ électrique d’un rayonnement dont la fréquence est de 900 MHz (mégahertz), ce qui, converti en densité de puissance, revient à 4,5 W/m2 (watt/mètre carré).
Les limites recommandées par de nombreux experts indépendants pour les radiofréquences (RF) sont très largement inférieures à celles de l’ICNIRP, d’un facteur de 100 000 environ, et donc aussi à celles actuellement en vigueur à Bruxelles (d’un facteur de 2000), en termes de densité de puissance. Par exemple, les auteurs du rapport BioInitiative[9] recommandent une limite de l’ordre de 5 μW/m2 (microwatt/m2 soit 0,04 V/m) pour l’exposition cumulée des ondes RF à l’extérieur des habitations. Pour la 2G, 3G et 4G, l’Académie européenne de médecine environnementale (EUROPAEM)[10] recommande 100 μW/m2 (0,2 V/m), mais 10 fois moins durant la période de sommeil et 100 fois moins pour les enfants et les personnes fragilisées (1 μW/m2, soit 0,02 V/m). L’Institut für Baubiologie[11] recommande des valeurs similaires.
Ces limites peuvent sembler basses, mais elles ne surprennent pas quand on sait que les valeurs retenues par l’ICNIRP représentent un milliard de milliards de fois le niveau du CEM naturel à ces fréquences (ce qui signifie que les limites proposées par les experts indépendants sont malgré tout plus d’un milliard de fois supérieures au CEM naturel).[12]
De plus, pour transporter les données, les CEM utilisés pour la téléphonie sont modulés, ce qui n’existe pas dans la nature et représente une composante peu comprise de leur toxicité, néanmoins importante selon certaines études[13].
Une procédure de mesure boiteuse
La Région bruxelloise suit les recommandations de l’ICNIRP pour le calcul ou la mesure des CEM-RF : le niveau d’intensité d’un CEM est moyenné sur 6 minutes (« valeur RMS »)[14] et ne rend absolument pas compte des pics d’intensité instantanés, lesquels sont la règle pour la téléphonie mobile et auxquels correspond une « valeur pic »[15]. Pour les effets biologiques des CEM, ce sont ces valeurs pic qui comptent ; pour illustrer cette différence fondamentale, disons simplement que, si vous deviez subir 100 piqûres d’aiguille de 1 mm de profondeur au niveau du cœur (valeur moyenne), vous ne garderiez aucune séquelle, tandis qu’une seule piqûre de 100 mm (valeur pic) pourrait être mortelle.
Le rapport entre la valeur pic et la valeur RMS en termes de densité de puissance est de l’ordre de 25 pour une antenne 2G, 3G ou 4G, mais est beaucoup plus important, de l’ordre de 1000, pour une antenne 5G.[16] De ce point de vue, la 5G pourrait s’avérer encore beaucoup plus toxique que les générations précédentes.
Pourquoi les auteurs du rapport ne font-ils pas mention de ce subterfuge pourtant bien connu ?[17]
Des auteurs du rapport désinformés ?
La section 3.6 du rapport (Santé humaine, page 39) est introduite par un préambule qui dit notamment que « l’état de l’art des connaissances exposé ci-dessous repose dès lors essentiellement sur les travaux préalables réalisés par le comité d’experts ».
Elle se termine par cette conclusion (page 41) : « Pour les fréquences utilisées actuellement, les données disponibles sont issues de 20 à 30 ans de recherches… En conclusion, l’état actuel des connaissances ne permet pas de démontrer d’effet néfaste, mais ne permet pas non plus de conclure à une absence totale d’effet sur la santé ».
Pour quiconque connaît un tant soit peu le domaine, cet extrait du rapport est choquant. D’une part, les premières données ont fait leur apparition dès après la fin de la 2e guerre mondiale, il y a près de 70 ans de cela, et d’autre part les « effets néfastes » sont largement démontrés, toutes choses faciles à vérifier.
En ce qui concerne la date des premières études sur la toxicité des CEM de RF artificiels, voici deux documents qui attestent de leur ancienneté. Ils montrent que la découverte des « effets néfastes » non thermiques remonte à près de 70 ans :
1. Le rapport d’un colloque sur les risques liés aux micro-ondes tenu en 1957 à Washington : Proceedings of tri-service conference on biological hazards of microwave radiation, 15–16 july 1957. Pattishall, Evan G. George Washington Univ, 1958.
https://archive.org/details/DTIC_AD0115603
2. More than 2000 Documents prior to 1972 on Bioeffects of Radio Frequency Radiation.
Glaser, Z.R. Institut de recherche médicale de la marine [étasunienne], 1972.
Une bibliographie de plus de 2000 références sur les réponses biologiques aux rayonnements de radiofréquence, publiées jusqu’en juin 1971.
Dr Magda Havas, PhD.
https://magdahavas.com/from-zorys-archive/pick-of-the-week-1-more-than-2000-documents-prior-to-1972-on-bioeffects-of-radio-frequency-radiation/
Parmi bien d’autres d’études produites il y a plus de 30 ans, il y a celles sur la barrière hématoencéphalique (BHE) et le système immunitaire.
Effet sur la barrière hématoencéphalique (BHE)
La BHE est une couche spéciale de cellules qui protège le cerveau en empêchant les toxines présentes dans le système sanguin de l’atteindre. L’ouverture de cette barrière peut entraîner des maladies du développement du système nerveux, des maladies neurodégénératives (Alzheimer, etc.) ainsi que le développement de tumeurs dans le cerveau.
En 1975, Allan Frey a publié le résultat de ses recherches dans les Annales de l’Académie des sciences de New York : l’exposition à des micro-ondes à 1,9 GHz de faible intensité ouvre la BHE chez les rats. Par la suite, d’autres études évaluées par des pairs ont confirmé les conclusions de Frey, en particulier celles publiées par l’équipe du professeur Leif G. Salford dans les années 1990 (Université de Lund). Leif G. Salford a exposé le résultat de ses recherches et ses inquiétudes devant le Parlement de l’UE en 2000.
– Permeability of the blood-brain barrier induced by 915 MHz electromagnetic radiation, continuous wave and modulated at 8, 16, 50, and 200 Hz
Leif G. Salford et autres. 1994.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8012056/
– Cell Phone Health Risk ?
Allan Frey. 2012.
Allan Frey revient sur son étude publiée en 1975 et explique comment des scientifiques corrompus l’ont discrédité en même temps qu’ils ont réussi à réduire à une peau de chagrin la recherche sur les effets sanitaires des radiations électromagnétiques aux États-Unis :
electrosmog.grappe.be/doc/sc/cerveau/Frey_Allan_Cell-Phone-Health-Risk_2012.pdf
– Nerve Cell Damage in Mammalian Brain after Exposure to Microwaves from GSM Mobile Phones
Leif G. Salford et autres. 2003. Accès libre.
https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.6039
– La présentation de Leif G. Salford devant le parlement de l’UE en 2000 : electrosmog.grappe.be/doc/sc/cerveau/Salford-Leif_Parlement-UE_2000.pdf
Système immunitaire
À partir de 1970, des études ont été menées en URSS sur les effets des CEM-RF sur le système immunitaire d’animaux de laboratoire. En voici les conclusions principales :

Une exposition quotidienne chronique de 100–500 μW/cm2 peut induire des réactions biologiques pathologiques irréversibles.
50 μW/cm2 est le seuil d’exposition pour des effets biologiques défavorables. Ces effets ne sont pas pathologiques, l’organisme pouvant compenser, mais à long terme la compensation continuelle peut entraîner des effets indésirables. Pour comparaison, la limite de l’ICNIRP aux fréquences considérées (autour de 2 GHz) est proche de 1000 μW/cm2.
Ces recherches ont aussi montré l’existence d’une relation de dose-dépendance des effets des CEM-RF sur le système immunitaire.

Source : Evidence for Effects on Immune Function. Rapport BioInitiative, section 8. https://bioinitiative.org
Effets génotoxiques
En 1995, Henry Lai, professeur de bio-ingénierie de l’université de Washington et N.P. Singh ont publié le premier article faisant état de dommages à l’ADN dans les cellules cérébrales de rats exposés à des radiations similaires à celles émises par les téléphones portables.[18]
En juin 2022, le même Henry Lai a fait un inventaire des études sur les effets génotoxiques des radiations électromagnétiques de très basse fréquence et de radiofréquence (RF). Concernant les RF, il a recensé un total de 423 études dont 291 (68 %) montrent des effets génétiques et 132 (32 %) n’en montrent pas.[19]
Le principe de précaution détourné
Page 27 du rapport : « Le seuil d’apparition des effets biologiques a été identifié à 4W/kg, soit 292 V/m2, ce qui correspond à une exposition au-delà de laquelle l’effet thermique est néfaste, car le corps n’est plus capable d’évacuer convenablement la chaleur. L’ICNIRP a établi des recommandations d’exposition maximales sur base du principe de précaution et des seuls effets connus et prouvés [c’est-à-dire le seul effet thermique, tous les autres effets étant niés]. Le principe de précaution implique que lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes et l’environnement, des mesures de protection doivent être prises sans avoir à attendre que la réalité ou la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Dès lors, l’ICNIRP applique un facteur de sécurité de 50 et recommande de limiter l’exposition de la population à des rayonnements ne dépassant pas 41,2 V/m. La norme bruxelloise actuelle de 6 V/m est donc 50 fois inférieure à la recommandation de l’ICNIRP ».
Les auteurs du rapport n’auraient pu mieux définir le principe de précaution, mais ils font preuve d’un aveuglement sidérant à propos de toute la littérature scientifique sur les effets biologiques et sanitaires des CEM-RF ce qui leur permet de dire, sans honte peut-être, que le principe de précaution est bien respecté. Ils refusent aussi d’entendre les appels des scientifiques et médecins de tous pays qui se multiplient depuis 20 ans. Par exemple, mentionnons l’appel initié en 2015 et signé en avril 2020 par 253 spécialistes des CEM de 44 pays différents ; ces scientifiques, qui tous ont publié des travaux de recherche évalués par des pairs sur les effets biologiques et sanitaires des CEM, réclament des limites d’exposition plus strictes et demandent que les impacts biologiques potentiels des technologies de télécommunication 4G et 5G sur les plantes, les animaux et les humains soient réexaminés (emfscientist.org). Autre exemple, l’appel international lancé en 2018 demandant l’arrêt du déploiement du réseau 5G terrestre et spatial (5gspaceappeal.org) ayant recueilli plus de 300 000 signatures de scientifiques (7000+), ingénieurs (14 000+), médecins (4400+) et citoyens.
Coût économique du déploiement de la 5G
L’augmentation de la consommation énergétique liée au déploiement de la 5G se traduira inévitablement par une augmentation du coût pour les utilisateurs du réseau mobile, d’autant plus importante qu’on assiste actuellement à une envolée des prix de l’électricité. C’est évident lorsqu’on sait que, uniquement pour le fonctionnement du réseau 5G, une augmentation de la consommation électrique du pays de l’ordre de 2 % est communément admise.
C’est à un point tel que la viabilité économique de la 5G a été mise en question par des employés d’Orange France dans un document interne qui a heureusement fuité ; ils contestent aussi le déploiement de la 5G sur la base de ses conséquences environnementales : www.stop5g.be/fr/doc/Orange_Pourquoi-stopper-la-5G_sept2020.pdf
 Francis Leboutte
 Porte-parole du Collectif stop5G.be

Le Collectif stop5G.be vous invite à répondre à l’enquête publique,
voir la rubrique Actions de son site :
www.stop5g.be/fr/#actions

___
[1] https://environnement.brussels/thematiques/ondes-et-antennes/enquete-publique-projet-de-plan-regional-sur-lenvironnement-electromagnetique-bruxelles
[2] CEM-RF : champ (ou radiation) électromagnétique de radiofréquence (ou encore micro-ondes).
[3] Voir La 5G et la démocratie cosmétique, la lettre d’une citoyenne tirée au sort refusant de participer à ce « jeu de dupes » sur le site du journal La Libre : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2021/04/01/la-5g-et-la-democratie-cosmetique-ESTTTZNHA5DIBK7ZIDXC5ELYNQ/
[4] Inondations dramatiques, feux de forêt gigantesques et autres catastrophes qui n’ont plus rien de naturel vu leur fréquence et leur taille, accélération de la chute de la biodiversité, etc.
[5] L’effet thermique : le réchauffement des tissus.
[6] Dans cette section consacrée à l’état de la santé humaine actuelle (avant déploiement de la 5G), il n’est pas fait mention d’effets sanitaires, bien que le cancer et d’autres pathologies soient cités dans les effets potentiels. Le rapport lui-même est à peine plus précis sur ce point (page 39).
[7] Dans un registre similaire (le cancer provoqué par les CEM de très basse fréquence), mais plus récent : Extremely low frequency electromagnetic fields and cancer: How source of funding affects results. David O.Carpenter. 2019. https://doi.org/10.1016/j.envres.2019.108688
[8] Les V/m (intensité du champ électrique) ne peuvent se comparer directement contrairement aux W/m2 (densité de puissance du champ électromagnétique). Il faut convertir les intensités en les densités de puissance puis comparer les densités. Alternativement, la densité de puissance variant comme le carré de l’intensité, il suffit de prendre le carré du rapport des intensités – (41,2/6) au carré égale environ 50.
[9] BioInitiative 2012. A Rationale for Biologically-based Exposure Standards for Low-Intensity Electromagnetic Radiation (Argumentation pour des normes de protection des rayonnements électromagnétiques de faible intensité fondés sur les effets biologiques). Le rapport BioInitiative est l’œuvre de 29 scientifiques indépendants de 10 pays, tous experts de la question (21 d’entre eux possèdent un ou plusieurs doctorats et 10, un ou plusieurs titres médicaux). Il dresse un état de la connaissance de l’effet des champs électromagnétiques (CEM) sur l’homme et les organismes vivants, sur la base de plusieurs milliers d’études scientifiques.

org (2012. 1500 pages). Depuis 2012, il a connu plusieurs mises à jour.
La traduction en français du résumé du rapport : grappe.be/doc/BIR/BioInitiative_Resume-pour-le-public_2014.pdf

[10] European Academy for Clinical Environmental Medicine, europaem.eu/en
[11] Institut für Baubiologie, baubiologie.de
[12] Planetary electromagnetic pollution: it is time to assess its impact. Priyanka Bandara, David O Carpenter. 2018. www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(18)30221–3/fulltext
[13] The roles of intensity, exposure duration, and modulation on the biological effects of radiofrequency radiation and exposure guidelines. Henry Lai & B. Blake Levitt. Electromagnetic Biology and Medicine. 2022. https://doi.org/10.1080/15368378.2022.2065683
[14] Root mean square : moyenne quadratique.
[15] Ou « valeur crête » (PEAK en anglais).
[16] La face cachée de la 5G (David Bruno, 2022), page 45.
[17] Par exemple, il est bien connu que la puissance de crête du signal d’une base de téléphone sans fil DECT peut être jusqu’à 100 fois supérieures à la puissance moyenne du dit signal.
[18] Acute low-intensity microwave exposure increases DNA single-strand breaks in rat brain cells. Henry Lai et N.P. Singh. 1995. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7677797/
[19] Genetic Effects of Non-Ionizing EMF Abstracts (2022) Henry Lai. 2022. https://bioinitiative.org/wp-content/uploads/2022/06/Genetic-Effects-of-Non-Ionizing-EMF-Abstracts-2022.pdf

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5G : le gouvernement bruxellois dans le déni climatique et sanitaire

À la fin du mois de juillet 2021, le gouvernement bruxellois a convenu de porter la limite de protection contre les CEM-RF (champs électromagnétiques de radiofréquence) de 6 V/m (0,1 W/m2)[note] à 14,5 V/m (0,56 W/m2) soit une multiplication par plus de 5 de l’impact que peut subir tout habitant de la Région du fait des antennes de téléphonie mobile et autres. Ce faisant, il ouvre aussi la porte au déploiement de la 5G, en évacuant sans état d’âme les conséquences délétères de ce déploiement, tant en termes de santé publique qu’en termes d’augmentation de consommation d’énergie et de ressources non renouvelables, donc des émissions de GES (gaz à effet de serre) et d’aggravation du réchauffement climatique. 

Le GIEC, dans son 6e rapport publié ce 9 août[note], tire une fois de plus la sonnette d’alarme : « L’influence humaine a sans équivoque réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres émergées. Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850. La concentration de CO₂ (gaz carbonique) dans l’atmosphère dépasse les 410 ppm, un niveau jamais atteint depuis deux millions d’années[note] ». 

Titom

Les températures vont continuer de grimper et même de plus en plus vite : sans mesures radicales de réduction des émissions de CO₂ (gaz carbonique) et de méthane, le réchauffement de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint près de 10 ans plus tôt que prévu, soit d’ici 2030, tout en sachant qu’une hausse de 2 °C de la température moyenne mondiale serait apocalyptique et que les engagements actuels de réduction d’émission des gaz à effet de serre nous mènent sur une trajectoire de + 3 degrés avant la fin du siècle. Le changement climatique « produit déjà de nombreux extrêmes climatiques dans chaque région du globe », comme vagues de chaleur démesurée, pluies intenses et inondations, sécheresses et ouragans. Au programme des prochaines années de notre coin d’Europe où nous sous-estimons largement notre vulnérabilité face au réchauffement : plus de journées caniculaires à plus de 35 °C, plus de sécheresse l’été et plus de pluies concentrées notamment l’hiver et donc plus d’inondations catastrophiques et mortelles comme nous venons de connaître en Belgique et en Allemagne. Les autres régions du globe ne seront pas en reste comme le montre la récente succession d’événements climatiques extrêmes : précipitations violentes suivies d’inondation à Moscou fin juin, en Inde et en Chine fin juillet, en Afghanistan, au Nigeria, au Panama, etc. ; méga-incendies en Sibérie (plus de 10 millions d’hectares réduits en cendre) et en Amérique du Nord, mais aussi en Grèce (plus de 100 000 hectares détruits) et en Turquie ; températures records à plus de 45 °C dans l’ouest du Canada et en Inde ; sécheresse et pénurie d’eau records en Iran, Angola, États-Unis et ailleurs. Personne ne s’étonnera que ce mois de juillet ait été le mois le plus chaud (+ 1,54 °C) depuis le début des mesures (142 ans)[note]. 

Se pourrait-il que les membres du gouvernement n’aient pas encore compris la relation qu’il y a entre la consommation d’énergie, la production de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, qu’il ne peut y avoir de réduction radicale de nos émissions de gaz à effet de serre sans une réduction équivalente de notre consommation d’énergie ? Ignoreraient-ils que la transmission des données par les techniques sans fil est énergétiquement inefficace par rapport à la transmission par fibre optique qui devrait être la seule technologie à promouvoir ? Ne sauraient-ils pas que la consommation d’énergie liée au déploiement de la 5G aboutira à une augmentation de 2 % de la consommation annuelle d’électricité du pays, ce à quoi il faut ajouter une quantité d’énergie encore supérieure pour les infrastructures et les équipements ?[note] N’auraient-ils pas lu le Haut Conseil pour le climat[note] selon lequel la mise en œuvre de la 5G pourrait correspondre à près d’un pour cent de toutes nos émissions de GES d’aujourd’hui ? Finalement, ne sauraient-ils pas que pour coller au scénario d’une limitation du réchauffement à 2 °C, un moindre mal néanmoins extrêmement douloureux, il faut réduire dès maintenant nos émissions de GES de 2 % par an, chaque année jusqu’en 2050 ? 

Ce gouvernement n’a, semble-t-il, pas encore pris conscience que tout nouveau projet devrait être passé au crible de l’impact sur le climat, la biodiversité et la durabilité. Soit il n’est en rien préoccupé par le réchauffement climatique et la préservation du bien commun, soit il est d’une ignorance crasse indigne de ceux qui sont chargés de la bonne marche d’un pays. 

Au plan sanitaire, en endossant cette hausse de la norme de protection, le gouvernement bruxellois poursuit la même politique du laisser-aller à l’œuvre depuis une dizaine d’années : en 2007, suivant l’avis du Conseil supérieur de la Santé, la limite avait été établie à 3 V/m (0,024 W/m2), avec l’intention de la réduire par la suite, le temps que les opérateurs s’adaptent. C’est le contraire qui s’est produit en 2013 où la limite a été multipliée par 4 en étant portée à 6 V/m (0,1 W/m2), au bénéfice de la 4G et des opérateurs. Aujourd’hui, par rapport à la norme de 2007, le gouvernement propose donc de multiplier la limite par plus de 20. 

Ce qui n’empêche pas le ministre de l’Environnement, Alain Maron, Ecolo (sic), de se réjouir (« Des hommes politiques satisfaits et optimistes », titrait le journal La Libre du 23 juillet 2021), en s’appuyant sur l’avis de la commission délibérative, ce processus mis en place pour donner l’illusion à 45 citoyens sélectionnés qu’ils pouvaient peser sur les décisions politiques alors que le seul objectif était de les utiliser pour cautionner le déploiement de la 5G[note] : « j’ai soutenu que la 5G nécessitait un débat serein avec la population. Je me réjouis que ce débat ait pu avoir lieu au sein de la commission délibérative, qui a réuni à la fois les citoyens et les politiques. Il ressort clairement de ces recommandations un souhait de pouvoir bénéficier de la 5G tout en gardant une norme protectrice et un encadrement des conséquences environnementales en termes d’énergie et de déchets ». Au-delà de toute turpitude, le ministre-président Rudi Vervoort (PS) fait de la surenchère en déclarant : « Et cela, sans transiger sur la protection nécessaire de nos concitoyennes et concitoyens, ni sur celle de l’environnement »[note]. 

Rappelons ici une fois de plus les limites recommandées par les experts scientifiques indépendants : les auteurs du rapport BioInitiative[note] recommandent une limite de l’ordre de 5 μW/m2 (microwatt/m2 soit 0,04 V/m) pour l’exposition cumulée des ondes de RF à l’extérieur des habitations. L’Académie européenne de médecine environnementale (EUROPAEM) recommande 100 μW/m2 (0,2 V/m), mais 10 fois moins durant la période de sommeil et 100 fois moins pour les enfants (1 μW/m2, soit 0,02 V/m). Donc, une limite de 100 000 à 500 000 fois moins que celle que soumettra Alain Maron au vote du Parlement bruxellois prochainement. Elle peut sembler basse, mais elle est encore un milliard de fois supérieure à l’intensité du CEM-RF naturel[note]. Rappelons aussi que, dès à présent, environ 5 % de la population souffre du syndrome d’électrohypersensibilité du fait de la pollution électromagnétique et que ce pourcentage et la souffrance de ces personnes ne pourront qu’augmenter avec l’augmentation de la limite de protection. 

Au mois de septembre ou d’octobre, lorsque le texte de loi réduisant la protection des citoyens à l’égard des CEM-RF et allant à l’exact opposé de ce qu’il faudrait faire pour atténuer le réchauffement climatique sera soumis au Parlement, assistera-t-on à un sursaut salvateur des députés bruxellois ? 

Francis Leboutte, ingénieur civil 

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Impact du déploiement de la 5G sur la consommation de l’énergie et le climat

Comme annoncé de longue date par quelques esprits éclairés, par exemple par le géophysicien Marion King Hubbert qui dès 1956 avait prévu le pic d’extraction du pétrole conventionnel étasunien de 1970[note], le pic de pétrole conventionnel mondial a été atteint en 2008. Vraisemblablement, le pic du pétrole conventionnel et non conventionnel confondu a eu lieu en novembre 2018 à hauteur de 84,6 millions de barils par jour[note].

Au vu de la pénurie annoncée, il serait de bonne politique de considérer que toute innovation technique doit être examinée à l’aune de son impact énergétique et que les seules acceptables devraient être celles qui contribueraient à une baisse de la consommation des combustibles fossiles.

L’émergence de chaque nouvelle génération de téléphonie mobile (2G, 3G et 4G) a été immanquablement suivie d’une forte augmentation des flux de données et, par conséquent, de la consommation d’énergie du réseau sans fil. Rien ne permet de penser que cela serait différent pour la 5G ; au contraire, comme pour les générations précédentes, la recherche de meilleures performances en termes de débit et de capacité entraînera une nouvelle explosion du trafic des données qui réduira à néant le bénéfice de toutes éventuelles améliorations de l’efficacité énergétique : c’est la conséquence de l’effet rebond ou paradoxe de Jevons du nom de l’économiste qui l’a énoncé au dix-neuvième siècle[note]. À supposer que la 5G soit énergétiquement plus efficace que les générations précédentes, ce qui est promis mais non démontré, l’effet rebond annulera son improbable bénéfice.

De fait, un site d’antennes 5G consomme de 3 à 3,5 fois plus d’électricité que l’équivalent en 4G selon un document de Huawei[note], ce qui est aussi confirmé par les opérateurs chinois précurseurs en la matière[note]. D’autre part, étant donné l’utilisation des ondes millimétriques par la 5G – des ondes qui sont fortement atténuées par le moindre obstacle comme les feuilles d’un arbre et la pluie – le déploiement de la 5G nécessite une multiplication des antennes, jusqu’à une antenne tous les 100 mètres en milieu urbain, par opérateur. Les antennes à elles seules représentant plus de la moitié de la consommation électrique des opérateurs, le déploiement de la 5G aura pour effet de tripler leur consommation d’électricité.

Selon Hugues Ferreboeuf et Jean-Marc Jancovici, ingénieurs et experts de la transition énergétique, l’impact des antennes 5G représentera dès lors une augmentation de 2% de la consommation d’électricité globale d’un pays comme la France (ou la Belgique). Ils précisent : « À cela il faudra rajouter l’énergie nécessaire à la fabrication des éléments de réseau, et surtout à la production des milliards de terminaux et d’objets connectés que nous souhaiterons relier via ce réseau (dans le monde, l’énergie de fabrication des terminaux, serveurs, et éléments de réseau représente 3 fois l’énergie de fonctionnement des réseaux, hors data centers). Alors qu’une augmentation de la durée d’utilisation des smartphones serait centrale pour réduire leur empreinte carbone, l’apparition de la 5G accélérerait leur remplacement, pour le plus grand bonheur des fabricants d’équipements »[note].

L’augmentation de 2% de la consommation électrique d’un pays liée aux antennes 5G ne représente donc que la partie émergée d’un iceberg principalement constitué par l’énergie nécessaire à l’ensemble des processus industriels liés au déploiement de cette technologie, en premier lieu la fabrication des terminaux (smartphones, tablettes, PC portables, etc.) encore et toujours promis à une obsolescence rapide.

Déployer la 5G contribuerait donc à gaspiller toujours plus vite cette ressource limitée qu’est le pétrole qui manquera ainsi grandement et cruellement aux générations futures pour assurer une transition vers une société durable et décente.

CLIMAT

La 5G est promue par l’industrie des télécoms comme une innovation technique majeure aux multiples qualités[note] qui contribuerait même à lutter contre le réchauffement climatique : selon Agoria[note], dans la brochure qu’elle a publiée en 2019, la 5G, l’IdO (internet des objets) et « l’utilisation massive d’objets connectés amélioreront la gestion de l’énergie et de l’environnement, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs climatiques européens ».

Pourtant la transmission des données par les techniques sans fil est intrinsèquement inefficace du point de vue énergétique : par exemple la 4G est environ 20 fois plus énergivore que la transmission filaire (fibre optique ou câble en cuivre)[note]. Elle constitue actuellement une part importante des 4% des gaz à effet de serre émis dans le monde par le numérique, dont la consommation d’énergie croît fortement, à hauteur de 9% par an[note]. Le déploiement de la 5G accélérerait plus encore cette tendance déjà délétère.

À l’heure où les signaux inquiétants se multiplient, comme la fonte accélérée des glaciers partout dans le monde et des records de température qui se répètent d’année en année, et alors que s’éloigne de plus en plus l’objectif visant à contenir le réchauffement planétaire à 1,5 degré, comme cela était prévu par l’accord de la COP21 à Paris en 2015, il est devenu impératif de limiter l’usage du sans-fil, voire même de le proscrire. Clairement, le déploiement de la 5G irait exactement à l’encontre de cet impératif.[note]

Francis Leboutte

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NOUVELLES TECHNOLOGIES ET TRANSITION NUMÉRIQUE, L’ILLUSION TECHNOCRATIQUE À LA LUMIÈRE DE LA 5G

PRÉAMBULE

Les multiples signaux que nous envoie la nature ainsi que l’état général de la vie et de la Terre qui l’accueille nous indiquent que nous sommes dans une période qui se caractérise par un risque inédit de disparition de l’espèce humaine. Les preuves sont sous nos yeux : nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces et la première causée par l’homme, la précédente s’étant caractérisée par une extinction massive de la vie animale et végétale, notamment les dinosaures, il y a 66 millions d’années.

« Une hausse supérieure [de 2°C de la température moyenne] entraînerait le risque d’un changement climatique catastrophique menant très certainement à des “points de non-retour” irréversibles, causés par des phénomènes tels que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, le rejet du méthane emmagasiné dans le permafrost arctique ou encore le dépérissement de la forêt amazonienne[note]». Toutes les études montrent pourtant que nous dépasserons les 2°C. « Il est fort probable que la hausse sera de l’ordre de 4°C – et il n’est pas exclu qu’elle atteigne 6°C. Une hausse de 4 à 6°C de la température mondiale serait dramatique. Elle mènerait à un changement climatique hors de tout contrôle, capable de faire basculer la planète dans un état radicalement différent. La Terre deviendrait un enfer[note]». « Les chiffres montrent que même une action rapide et durable au niveau mondial ne nous permettra probablement pas d’empêcher la température de la Terre de croître d’au moins 3°C. La fonte des glaces du Groenland aboutira à une augmentation du niveau des mers d’environ 7 mètres, redessinant de façon spectaculaire la géographie de la planète[note]». La barrière de corail ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, la désertification gagne partout du terrain, chaque jour des centaines d’hectares sont déforestés, des espèces disparaissent à jamais.

Au niveau social, tout est à l’avenant, jamais la misère n’a été aussi répandue : ici, au Nord, dans les foyers qui survivent ou dans nos rues, avec les SDF. Plus loin, dans les pays qui ne nous intéressent que parce qu’ils recèlent de matières premières qui permettent la continuité de nos modes de vie « non négociables ».

LA FUITE EN AVANT ALORS QU’IL Y A URGENCE

Soit, nous connaissons ces chiffres, faits et images médiatiques qui finissent par éroder notre moral. Mais alors que cette connaissance devrait nous enjoindre de tout faire pour ne plus jouer le jeu, coupant nos télés et recréant des agoras partout pour réfléchir au futur, dans un contexte d’état d’urgence écologique, les technocrates nous assurent le « changement dans la continuité », en promettant la transition énergétique et la révolution numérique, censées nous libérer du fardeau du travail et assurer une meilleure communication entre les hommes. Comme l’explique Clive Hamilton, « Les meilleurs climatologues du monde font aujourd’hui monter le signal d’alarme à un niveau sonore assourdissant, car le délai pour agir a pratiquement expiré, et pourtant, tout se passe comme si ce signal était inaudible à l’oreille humaine[note]».

Un des miracles de cette « transition » serait notamment la 5G, une technologie venant après la 4G et qui permettra d’atteindre des débits en terme de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde. Et comme le vent, la pluie et les marées, il ne sera pas question de la questionner, sauf sous la forme habituelle du spectacle où tout est déjà écrit mais où l’on nous fait croire dans les possibilités d’influer sur la trame du récit : l’option du refus n’étant pas prévue, on fera donc tout pour que vous ayez l’impression de le vouloir. En septembre 2018, Qualcomm, entreprise américaine active dans le domaine de la technologie mobile (chiffre d’affaires 25,3 milliards $[note]), n’affichait-elle pas dans Tout-Bruxelles, sur les supports propriété de l’entreprise JCDecaux, le message suivant : « La 5G va créer de nombreux emplois. Et notre travail, c’est de créer la 5G ». Dès lors, plus besoin de vrais débats contradictoires. Opérateurs téléphoniques, politiciens, médias, comité mis en place par la ministre bruxelloise de l’Environnement, tous sont acquis à la 5G, certains émettant des doutes affectés, d’autres marquant leur assurance, mais tous convaincus de ce qu’il faut atteindre. Notre chaîne nationale, la RTBF, éprise de cette croyance qu’« on n’arrête pas le progrès », illustre sous l’argument de la nécessité l’histoire qui s’écrit seule : « Mais il y a un timing à respecter. La Commission européenne veut que chaque État membre, (et ça vaut aussi pour la Belgique) dispose d’une couverture 5G dans, au moins, une ville pour 2020. Et en 2025, ce sera l’ensemble des zones urbaines qui devront disposer d’une couverture 5G. Y compris les grands axes routiers. On est vraiment dans la dernière ligne droite[note]», avant le mur…

À ce niveau, nous n’avons encore rien dit sur la 5G. Au fait des risques de disparition de notre civilisation, on pourrait se dire qu’elle est sans doute quelque chose de formidable, un antidote, en quelque sorte, qui nous permettra de nous en sortir. Qu’apportera réellement à l’homme cette innovation ? Nous sommes proches du néant : « Avec la 5G, les utilisateurs devraient pouvoir télécharger un film haute définition en moins d’une seconde (tâche qui peut prendre 10 minutes en 4G). Et les ingénieurs sans fil affirment que ces réseaux vont également stimuler le développement d’autres nouvelles technologies, telles que les véhicules autonomes, la réalité virtuelle et l’Internet des objets[note]».

En somme, nous devrions toujours évaluer la nouveauté à l’aune de cette question que posait George Orwell : « Cela me rend-il plus ou moins humain ? ». Si nous pouvons montrer tout ce que cette technologie ôtera à l’homme, il est impossible de dire ce qu’elle lui apportera et en quoi cela le rendra plus humain, c’est-à-dire capable de vivre pleinement en harmonie avec la nature, de se contenter du minimum, de saisir et comprendre ce qu’il vit, de se rapprocher des autres sans chercher à avoir plus. Qu’y a‑t-il d’humain à télécharger un film en moins d’une seconde ?

LA CROISSANCE, ENCORE ET TOUJOURS

L’unique leitmotiv, la croissance, signifie toujours plus de produits issus de l’exploitation de la terre et des hommes du « Sud », venant par avions, camions, supertankers : « L’association entre croissance économique et progrès est si profondément ancrée dans les modes de pensée – qu’ils soient progressistes ou conservateurs, elle est défendue avec tant de vigueur, qu’elle ne peut être fondée que sur un lien empirique banal entre augmentation de la consommation matérielle et augmentation du bonheur d’un pays[note]». Dominique Leroy, ancienne grande patronne de l’opérateur de téléphonie Proximus (entreprise publique classée en bourse, l’État étant actionnaire principal) n’allait-elle pas dans ce sens déjà en 2015, lorsqu’invitée au Parlement pour une « audition sur la future politique de Proximus », elle reviendra avec cette litanie du « retard » :

« L’Europe est actuellement à la traîne par rapport à l’Amérique et à l’Asie en matière de développements technologiques et de niveau des investissements dans les TIC. Cette baisse [de la croissance, en Europe, des revenus provenant de l’activité numérique] est due principalement à la législation trop stricte, qui entrave l’innovation[note]». L’argumentation est toujours identique : on se compare à l’autre et on en déduit qu’il faut aller plus vite[note]. Ensuite, on identifie les causes du retard (« des normes trop strictes ») et on fait pression (lobby, propagande médiatique, distributions d’« avantages » divers, mise en place de comités adoubés par les gouvernements). Dans ce processus, la nécessité économique fait loi : « Bien que les niveaux de prix soient importants, il faut investir en permanence au profit de l’économie numérique (…) Ce n’est qu’en investissant et en innovant qu’il est possible de générer une croissance ».

Jamais le bien commun ni l’environnement ne sont ainsi invoqués comme principes supérieurs[note]. Et ce n’est que logique, car on ne peut assurer en même temps la croissance économique et le bien commun. L’élément qui domine tout, c’est le principe de croissance, donc de profit : « Le déploiement de la 5G nécessite une densification du réseau, c’est-à-dire que concrètement, des antennes supplémentaires doivent être installées ». Nous ne sommes plus dans le domaine des propositions qui devront être soupesées ultérieurement lors d’un débat démocratique, mais dans celui de l’ordre, où la réalité n’aura qu’à s’adapter :

« L’innovation, surtout l’Internet des objets (Internet of things, IOF), y compris dans le domaine de la mobilité et de la cybersécurité, va radicalement modifier le paysage des télécoms. » Le paysage est pensé, il ne reste plus qu’à trouver les peintres. Il faut toutefois persuader les sujets que les peintres ne s’affairent que pour eux et constamment assurer le spectacle du bien commun en recourant aux professionnels de la communication : « La mission de Proximus est de maintenir les personnes en permanence en contact avec le monde de manière à ce qu’elles puissent vivre mieux et travailler plus intelligemment ».

PRÉPARER LE SUJET

11 septembre 2018 : « Le comité stratégique a officiellement remis mardi au Premier ministre Charles Michel, lors d’une cérémonie en grande pompe, organisée dans le musée rénové de l’Afrique à Tervuren, le Pacte National pour les Investissements Stratégiques (PNIS) [note], un plan qui pèse 150 milliards de projets à l’horizon 2030[note]». Ce plan stratégique s’articule principalement autour des investissements indispensables si la Belgique veut « emprunter le TGV numérique » (sic). À propos du comité stratégique, Charles Michel parlera d’« un panel d’experts apolitiques » qui fera des « propositions concrètes aux différents gouvernements du pays ». Il joue le jeu de l’unité, celui où s’exprimerait d’emblée le bien commun, occultant tous les intérêts patronaux : « Quand on parle de transition énergétique ou de mobilité, on parle aux 11 millions de Belges ». Certes, c’est pour notre bien à tous, mais sous aucun prétexte nous ne pourrions le refuser : « Les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, vont modifier radicalement toutes les facettes de notre vie et de notre travail, ainsi que l’ensemble de la société. La révolution numérique est à la fois un facteur de disruption et un moteur de croissance pour notre économie[note]». Sur le fait de « mettre ensemble décideurs privés et publics » avec « des budgets des différentes entités du pays, avec l’aval des parlements et du secteur privé », le fils de Louis ne s’expliquera pas cette brutale conversion du privé, subitement oublieux du retour sur investissement, désormais soucieux du seul bien des « 11 millions de Belges ». Conversion pour le moins étonnante…[note]

Cinq secteurs bénéficieront de cet « eldorado » : mobilité, énergie, enseignement, télécoms et santé. Votre bien-être comme mesure de toute chose, le complexe médiatico-politico-patronal fera tout pour vous en convaincre, en commençant par vous présenter tout ce qu’on perdrait si ça n’avait pas lieu : « Sans lui, ce serait une perte de prospérité de l’ordre de 50 milliards € ». Ce sera « au bénéfice de tout le monde, et d’abord, de nos citoyens » [note], répète Charles Michel, si nous ne l’avions pas compris. Ces citoyens, gavés par la propagande médiatique pendant des années, sur le « retard compétitif », « le risque de perdre des milliards et des avantages personnels inédits », seront prêts à accepter cette « innovation », ne percevant plus au moment voulu ce qu’on leur propose – et c’est encore mieux s’ils le demandent – comme ce qu’on leur impose.

On a pourtant du mal à saisir pourquoi, né d’une volonté de bien commun, le comité stratégique n’est composé que du seul milieu patronal : Michel Delbaere qui en est le Président, est CEO de Crop’s (production et vente de légumes, fruits et repas surgelés) et ancien patron du Voka, mais aussi, parmi d’autres multiples fonctions, président de Sioen Industries ; Dominique Leroy, CEO de Proximus ; Marc Raisière, CEO de Belfius ; Michèle Sioen, CEO de Sioen Industries (leader mondial  du  marché  des  textiles  techniques  enduits et des vêtements de protection de haute qualité), ancienne présidente de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), manager néerlandophone de l’année 2017, accessoirement impliquée dans le Luxleak ; le baron Jean Stéphenne, bien implanté dans les milieux universitaires  et  politiques,  comme  ses  autres  acolytes, ancien vice-président et manager général de la multinationale  pharmaceutique  GlaxoSmithKline  Biologicals, mais aussi président du CA de Nanocyl, spin off des universités de Liège et Namur, spécialisée dans les nanotubes de carbone (batteries, voitures, électronique…) ; Pieter Timmermans, administrateur de la FEB. Tous ces individus se connaissent, fréquentent les décideurs politiques auxquels ils transmettent les intérêts patronaux, ceux-ci les transformant en décisions politiques. Ils seront là pour vous convaincre, à l’instar du banquier Marc Raisière, qui nous mettra en garde : « Si nous ne réalisons pas ces investissements, ce sont les générations futures qui en seront les victimes, qui en supporteront les conséquences.»[note]  Tout cela « est véritablement réaliste » pour Dominique Leroy, grisée par les valeurs d’égalité et de justice. Tellement « réaliste », que le rapport du comité d’experts sur la 5G mis en place par la ministre bruxelloise de l’environnement conclura : « Un frein important aux nouvelles installations est l’opposition d’une certaine partie du public. Il est donc nécessaire de continuer d’informer et éduquer le public de façon objective, et de dépassionner le débat autant que possible ». Censés faire un rapport impartial visant normalement la protection de la population, les membres du comité, dont de nombreux scientifiques, recommanderont de « dépassionner le débat », pour réduire « l’opposition d’une certaine partie du public » et faire disparaître « le frein aux nouvelles installations ». La solution est donc de nous éduquer et nous informer. On compte sur eux.

À QUI PROFITE LE CRIME ?

Si l’intérêt public des innovations technologiques n’est jamais vraiment questionné chez ceux qui ont la responsabilité de les mettre en œuvre, c’est que les réponses à ces questions révéleraient que, au-delà des questions de santé, d’égalité ou d’environnement, l’initiative de ces projets émane de minorités qui en partageront seules les bénéfices : capitaines d’industries et patrons d’entreprises publiques, dont les choix économiques sont mis en place par des serviteurs politiques zélés qui en tireront, eux et parfois leurs proches, un jour ou l’autre, un avantage légal ou occulte, mais toujours illégitime et indécent.

À qui profite dès lors le déploiement de technologies comme la 5G ? Au-delà de toutes les considérations techniques qu’on nous vend comme un progrès, le véritable objectif demeure l’appât du gain. Sans celui-ci, il y a de fortes probabilités que personne n’aurait entendu parler de la 5G, aucune recherche scientifique n’aurait été lancée, ni publicités pour « préparer » le sujet. Il est dès lors évident que ceux qui escomptent s’enrichir un peu plus ne prôneront pas le principe de précaution, car ils savent à ce moment que les risques environnementaux, sociaux, sanitaires, rentreraient en contradiction avec l’intérêt supérieur de la finance… Ceux qui en recueilleront les fruits peuvent compter sur l’ensemble de la classe politique, parti Ecolo inclus : « Prenant acte du fait que le culte de la croissance constituait un obstacle immuable à toute action concernant le climat, les écologistes ont vite capitulé et affirment à présent que l’on peut avoir le meilleur de chacun des deux mondes, à savoir tout à la fois une atmosphère saine et une croissance économique solide, et qu’en vérité promouvoir les énergies renouvelables pour remplacer les énergies fossiles pourrait accélérer la croissance économique[note]». Les alliances entre libéraux et écolos aux dernières élections communales belges étayent ce constat. Il n’y a en effet plus une officine écolo sans son responsable en transition énergétique ou son conseiller numérique. Et pour ceux conscients que la transition est une chimère mais qu’elle sert provisoirement à assurer la croissance de leur capital, ils veilleront bien à se protéger des objets qu’ils promeuvent pour les autres, comme les patrons de la Silicon Valley mettent leurs enfants dans des écoles Waldorf sans écrans ni tablettes. Les zélateurs de la 5G vivront ainsi dans des zones décontaminées des ondes. Penser les fondements de toute création rend ainsi lucide et évite dans un premier temps de parler d’environnement, de santé, de biens communs… Il suffit de vérifier si la religion de la croissance primait dès le départ. Si on parvient à le démontrer, la conclusion arrive d’elle-même : le désir de croissance économique dans une société capitaliste où l’enrichissement repose sur un processus d’exploitation ne s’accorde jamais avec le respect de la nature, la justice sociale, le bien commun et l’intérêt de tous. L’esprit de lucre ne profite toujours qu’à une minorité et ne peut se concilier avec le souci de la vie. Ce qui suit illustre les vrais intérêts de la 5G.

LE CRÉDIT DE LA « SCIENCE »

En Belgique, les opérateurs (Proximus, Orange, Telenet) et leurs actionnaires « doivent » pouvoir compter sur le déploiement technologique ; ils ont donc obligatoirement besoin de l’État pour assouplir des « normes trop strictes » et ultérieurement assurer la mise en œuvre des infrastructures nécessaires sur tout le territoire. Mais ceci ne peut se faire, comme on l’a montré, sans feindre le processus démocratique parlementaire ; préparer la population (lui vendre le produit avant qu’il soit là), mais aussi apporter le crédit de la science en recourant aux experts scientifiques. La ministre bruxelloise du Logement, de la Qualité de vie, de l’Environnement et de l’Énergie, Céline Frémault, mettra donc dès 2015 sur pied un comité d’experts « indépendants ».

Mais arrêtons-nous un instant sur les opérateurs télécom, en particulier sur Proximus, entreprise « publique » cotée en bourse. Depuis janvier 2014, Dominique Leroy y était administratrice déléguée et présidente de son comité exécutif. On sait que les grands partis se partagent les postes d’administrateurs dans les plus importantes entreprises publiques : Loterie nationale, SNCB, Proximus, Vivaqua, sans parler des intercommunales (Publifin en offre un parfait exemple). On retrouve ainsi l’ancien député fédéral et homme aux multiples casquettes Stefaan De Clerck chez Proximus. Pourquoi trouverait-il dès lors excessif de toucher 270 000€ d’indemnités parlementaires, lorsqu’il quittera le parlement pour Belgacom[note] ? N’est-ce pas Proximus qui, il y a peu, affichait partout « Faites place à l’illimité » ?

On retrouve encore au CA : Karel De Gucht, Pierre Demuelenaere, Guido J.M. Demuynck, Martin De Prycker, Laurent Levaux, Tanuja Randery, Agnès Touraine, Catherine Vandenborre, Luc Van den Hove, Paul Van de Perre, Martine Durez et Isabelle Santens.

Ceux qui prendront les décisions qui impacteront le social et la nature durablement sont des technophiles liés à des multinationales, des fonds d’investissement, des universités, des banques, des entreprises publiques. Leroy et De Clerck iront présenter leur vision stratégique devant un parterre de parlementaires enthousiastes. Ces administrateurs choisis par le conseil des ministres décideront des orientations de Proximus dans le but principal de ne pas nuire aux actionnaires. Ainsi, c’est le conseil d’administration qui décidera du licenciement de 2 000 salariés, alors que le ministre Charles Michel feindra d’être surpris, ayant pourtant placé ses acolytes dans l’antre de l’opérateur télécom, à l’instar des autres « grands » partis. Il faut en effet, avec le soutien indispensable des médias, simuler l’étonnement pour donner l’impression que tout cela n’est pas mûrement pensé et stratégiquement organisé par une élite politico-financière qui vise les mêmes objectifs. Du spectacle, toujours[note].

En somme, avez-vous perçu dans le panel des administrateurs de Proximus un individu capable d’introduire ne fût-ce qu’une once de doute quant à la pertinence de déployer la 5G en Belgique ? N’y a‑t-il pas un patent conflit d’intérêt, dès lors que Proximus demeure une entreprise publique ? Comment par ailleurs assurer le bien commun et se soucier du principe de précaution dès lors que ces technocrates touchent des émoluments pharamineux, jusqu’à 1,55 millions d’€[note]

LE COMITÉ D’EXPERTS : LE RETOUR DE L’IMPARTIALITÉ ?

Devant cet étalage d’indécence, le recours à l’expertise scientifique allait pouvoir aider à la décision. Mais c’était sans compter que nous avions à nouveau affaire à des convaincus avant l’heure… C’est le 19 juin 2015 que le gouvernement bruxellois, sur proposition du cabinet de la ministre Frémault, approuve donc la composition du comité d’experts des radiations non-ionisantes. Si celui-ci est composé de 9 membres issus de plusieurs domaines (médical, scientifique, économique et technologique) [note], cette diversité occulte la réalité d’un comité globalement acquis à la cause technologique, les uns travaillant dans un secteur qui promeut la 5G, les autres étant directement liés aux opérateurs qui les financent. Ce groupe temporaire, dévolu à la tâche d’évaluer « de manière continue l’impact sur la santé des antennes de GSM », allait devoir non moins que statuer sur les normes de protection de la santé des Bruxellois.

LA COMPOSITION DU COMITÉ

1. TROIS MEMBRES AVEC UNE EXPERTISE SCIENTIFIQUE SUR LES EFFETS DES RADIATIONS NON-IONISANTES SUR LA SANTÉ ET/OU L’ENVIRONNEMENT :

Isabelle Lagroye est française et membre de l’ICNIRP, qui se présente comme une « commission scientifique indépendante pour promouvoir la protection contre les rayonnements non ionisants (RNI) dans l’intérêt de la population et de l’environnement[note]». Belle déclaration d’intention, mais il n’aurait pas été compliqué au parlement et au gouvernement bruxellois de découvrir ses conflits d’intérêts passés. Lagroye finance en effet ses recherches avec l’argent de France Telecom, Alcatel et Bouygues Telecom[note], réalise aussi des études financées par EDF. Elle est également membre de la Société française de radioprotection (SFRP), « dont les membres bienfaiteurs sont entre autres Areva, GDF-Suez, l’IRSN » [note].

Luc Verschaeve qui, sous l’onglet « Indépendance et intégrité scientifique », note sans humour : « Dans la recherche scientifique, il est important de lutter contre la fraude et d’éviter les conflits d’intérêts. C’est d’autant plus important quand la recherche est subventionnée par l’industrie (sic). La meilleure façon de garantir la qualité des recherches et l’intégrité des chercheurs, même sous pression de performance (sic), réside dans le maintien d’une culture de recherche optimale dans laquelle l’observation d’un code éthique strict est primordiale ». Et quoi de plus efficace pour parer à ce risque d’une recherche scientifique biaisée que de se conformer au « code d’éthique de la recherche scientifique en Belgique » et de s’assurer que « les chercheurs qui participent aux activités du BBEMG s’engagent à observer l’honnêteté scientifique complète ». Les lobbies tremblent. Nous voilà donc rassurés sur l’impartialité des recherches de BBEMG, « la collaboration avec Elia ne peut y exercer aucune influence (…), l’accord énonce clairement que les chercheurs bénéficient à tout moment d’une complète liberté scientifique et qu’ils sont totalement responsables des résultats de leurs recherches[note]. » Elia, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique, voit assurément ce code d’éthique d’un bon œil, elle qui fait certainement passer la santé et le bien-être de la population avant ses intérêts financiers. Enfin, ce n’est peut-être pas l’avis des riverains de Woluwé-Saint-Lambert qui s’étaient mobilisés contre les dangers d’émissions électromagnétiques mis en place par Elia. Ils reprochaient notamment à la commune d’avoir accepté la tenue d’une réunion d’information où Elia présente M. Verschaeve comme « expert indépendant », alors qu’ils voient en lui « cet énième contestataire d’alerte qui apparaît dans les médias ou les colloques afin de discréditer les alertes sanitaires sur les radiations[note]».

Jacques Van Der Straeten ne semble pas être l’objet de tels conflits d’intérêts. Ce médecin adopte pourtant la position « intermédiaire », typique de l’expert « faux trublion » qui, devant la marche en avant du progrès « inéluctable », préconise la prudence individuelle, propre à nos sociétés libérales : d’un côté laisser-faire total aux multinationales qui produisent les objets nocifs, choix individuel de se protéger ou non (pour autant qu’on puisse le faire) de cette nocivité de l’autre. C’est le modèle du paquet de cigarettes et des photos morbides qui l’accompagnent, de ce double message paradoxal où l’on nous vend du poison tout en nous invitant à s’en protéger, modèle qui exprime le rapport d’un État qui n’a plus prise sur le fonctionnement social, uniquement là pour garantir un contexte propice aux investissements et ajouter quelques touches de régulations palliatives pour conjurer les effets les plus visibles et empêcher un chaos total qui contreviendrait aux intérêts du capital. On laisse faire, donc, après on verra : « Puisque l’usage du GSM est actuellement généralisé, une alternative aux études de type cas-témoins est l’analyse de l’évolution avec le temps de la prévalence des tumeurs cérébrales[note]». C’est ce qui s’appelle « prendre les gens pour des cobayes[note]».

2. DEUX MEMBRES AVEC UNE EXPERTISE SCIENTIFIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS DES RADIATIONS NON-IONISANTES :

Yves Rolain, président du comité mis en place par Frémault, est membre de l’IEEE, dont « l’objectif principal est de promouvoir l’excellence et l’innovation technologique au bénéfice de l’humanité ». Le tableau de directeurs donne à lui seul une idée des motivations de ceux qui sont à la tête de l’organisation[note]. L’IEEE a organisé en 2019 son 2ème forum sur la 5G, dont l’objectif est de « mener des experts industriels, académiques et de la recherche à échanger leurs visions aussi bien que leurs avancées sur la 5G ». Elle titre : « Soyez partie prenante de la Collaboration Globale Créant la 5G pour le Bénéfice de la Société[note]». La messe est dite, les informations sur la 5G reprises sur le site ressemblant plus à une offre marketing qu’aux résultats d’une « recherche indépendante ». Rolain recevra un prix de l’IEEE en 2004, 2010, 2011, et 2012, rien à voir avec son intégrité…

Véronique Beauvois, ingénieure civile électricien à l’ULiège, fait aussi partie du BBEMG dont le bailleur de fonds est Elia. Elle travaille à l’institut Montefiore, qui est en lien avec un ensemble de sociétés spin-offs et se définit comme « une nouvelle société créée à partir d’un laboratoire de recherche dont l’objectif est de valoriser commercialement un résultat de recherche (une technologie). Pour ce faire, la société spin-off est en principe liée à l’université par le biais d’un contrat de licence qui établit les conditions du transfert de la technologie du laboratoire vers la société[note]». Difficile d’être plus clair.

Parmi celles-ci :

L’Association des Ingénieurs de Montefiore (AIM), où l’Université de Liège (ULiège) côtoie des sponsors comme Engie Electrabel, Lampiris, Euresis, Schneider Electric[note], Siemens, Sonaca, Tractebel ;Ampacimon, qui œuvre sur tous les continents pour optimiser le réseau, où l’on retrouve comme partenaires Elia, Alstom, Pôle Mecatech, Cigré, etc. ;Taipro, concepteur de microsystèmes, avec des partenaires comme Technord, Guardis, Biion, Safran ;Blacklight Analytics, qui lie les compétences informatiques aux systèmes énergétiques, travaillant notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Pas besoin de décrire les quatre autres « industries universitaires spin-offs », dès lors qu’on a compris que la recherche sert l’industrie, qui en retour récompense les chercheurs universitaires. Ce vivier d’acteurs universitaires, industriels et politiques qui s’agitent dans le domaine de la haute technologie constitue une garantie indispensable pour nos gouvernements. La santé, comme la nature, n’ont jamais aucune espèce d’importance face aux impératifs économiques.

3. DEUX MEMBRES DISPOSANT D’UNE EXPERTISE SCIENTIFIQUE CONCERNANT LES BESOINS MICROET MACROÉCONOMIQUES ET SOCIAUX EN MATIÈRE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES :

On est ici dans le domaine supra-social, celui où, après avoir reçu les rapports des experts, les relais politiques, « pour le bien-être de la population », peuvent agir.

Laura Rebreanu, membre de la Chambre de commerce et de l’Union des entreprises de Bruxelles, ne cache pas son enthousiasme pour la technologie comme outil indispensable à la transition énergétique : « Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, la transition vers une société “bas carbone”, limitant les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, devra être rapide et globale. Les compteurs intelligents sont indispensables pour y parvenir[note]. » Si on avait su, dès 1972 avec le Rapport Meadows que la solution était là, devant nous, dans les compteurs communicants ! « Entreprise résiliente », « stop au gaspi », « durable », « mobilité urbaine », « co-création », la représentante patronale a adopté la novlangue qui assure ce « changement dans la continuité ». Autre particularité de cette approche : il s’agit toujours d’encourager les nouvelles technologies et les bonnes habitudes individuelles, en veillant surtout à ne pas mettre en cause les plus grandes entreprises.

Walter Hecq, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management, 75 ans, trône depuis des décennies dans toutes les commissions.

4. DEUX MEMBRES DISPOSANT D’UNE EXPERTISE SCIENTIFIQUE CONCERNANT LES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION SANS FIL :

Sophie Pollin a fait son doctorat à l’Institut de Micro-Électronique et Composants. Après Berkeley, elle rejoint le « groupe sans-fil » à l’Imec de Louvain, où elle est depuis 2012 assistante-professeur. Dans son CV disponible sur le site de l’Imec, elle écrit : « L’Internet des objets promet de plus en plus de périphériques à connecter. Nous avons donc besoin de solutions qui s’adaptent parfaitement à la densité de nœuds, qui soient intelligentes, auto-apprenantes, hétérogènes. Le domaine complexe du sans-fil comprend des réseaux en essaim, des réseaux cellulaires LTE ainsi que de futurs réseaux de capteurs mobiles aériens. Beaucoup de défis intéressants et d’opportunités réunis! [note]». Rappelons tout de même que Pollin est censée « évaluer les effets des ondes électromagnétiques », notamment en termes de santé, alors qu’elle est salariée d’une entreprise dont le leitmotiv est : « Le pouvoir de la technologie ne doit pas être sous-estimé. La technologie a le pouvoir d’améliorer des vies. C’est pourquoi nous repoussons les limites de la technologie[note]».

David Erzeel travaille pour l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) qui réglemente ces deux matières et a publié, le 24 mars 2017, un communiqué de presse qui se félicite d’avoir « prolongé de 5 ans les droits d’utilisation de Broadband Belgium dans la bande de fréquences 3,5 GHz (…) pour introduire la technologie mobile 5G en Europe ». Pas étonnant dès lors que « l’IBPT doit promouvoir l’introduction de la 5G en Belgique. Il s’agit en effet de l’intérêt du consommateur et du fonctionnement du marché interne pour les communications électroniques[note]». L’ancien président de l’IBPT, Luc Hindryckx, est devenu lobbyiste à l’ECTA (European Competitive Telecommunications Association), organisme associé à de nombreux opérateurs. Ce n’est pas une exception, les anciens leaders de l’IBPT empruntant fréquemment les revolving doors entre public et privé (Belgacom, France Telecom, Orange, etc.).

Que peut-on dire à ces êtres altruistes qui mettent tout en œuvre pour assurer notre avenir, si ce n’est « merci » ?

LA SCIENCE, FER DE LANCE DU CAPITALISME

La science et ses temples universitaires ont dédié une partie de leurs activités au développement technologique, indispensable aux profits et participant au pillage de la planète. Parmi tous les exemples, Proximus, l’ULB et la VUB ont signé à Pékin en juin 2015 « un accord technologique avec Huawei », qui « fournira l’infrastructure 5G pour le «campus du futur» à Bruxelles[note]». S’il ne semble même pas contradictoire d’associer un opérateur et une multinationale à des universités censément indépendantes, c’est que ces dernières ne le sont plus du tout. En France, exemple parmi d’autres, l’IMS, laboratoire de l’intégration du matériau au système rattaché au CNRS, « s’attache à mettre au point cette puce «miracle» qui doit tenir, à terme, sur une tête d’épingle. Une création qui n’est cependant rendue possible que grâce au partenariat liant un laboratoire de l’IMS au géant des puces électroniques STMicroelectronics[note]». Peu importe qu’il faille « environ 72 litres d’eau pour produire l’une de ces petites puces qui font fonctionner ordinateurs portables, GPS, téléphones, iPads, téléviseurs, appareils photos, micro-ondes et voitures. En 2012, sans doute près de 3 milliards de puces ont été produites. Cela représente près de 200 milliards de litres d’eau. Pour des puces semi-conductrices[note]».

Le vœu de Céline Frémault est donc pieux lorsqu’elle délègue à son comité le soin d’évaluer les ondes électromagnétiques « au regard des évolutions des technologies et des connaissances scientifiques, des impératifs économiques et de santé publique ». C’est une pure aporie que de mettre dans une même phrase les « impératifs économiques » et les questions de santé : il n’y a pas de santé dès lors qu’on introduit la compétitivité et la croissance. Ce n’est donc pas l’évaluation du comité Frémault qui allait venir déterminer le déploiement ou non de la 5G, mais la décision déjà prise par les multinationales de le faire, soutenues par les élites politiques, qui allait déterminer la position d’un panel scientifique avalisant ce qu’il fallait avaliser. Pour faire court, Frémault, comme les autres, est une exécutante. La technocratie dicte donc ses choix aux politiques qui ne peuvent toutefois les accepter sans feindre le processus démocratique au moyen d’un comité d’experts afin de donner l’illusion d’une décision impartiale, experts déjà acquis à la cause.

Dès 2010, en effet, la Commission européenne fixait ses objectifs dans le « Plan numérique 2010 », qui aboutira en 2016 à définir « un plan d’action pour la 5G en Europe », titrant sans vergogne son premier paragraphe « le déploiement rapide de la 5G : une opportunité stratégique pour l’Europe ». On peut aussi y lire que déjà « en 2013[note], la Commission a lancé un partenariat public-privé (PPP-5G) doté de 700 millions € de financement public, dans le but de garantir la disponibilité de la technologie 5G en Europe d’ici à 2020. Cependant, les efforts de recherche ne suffiront pas à eux seuls pour assurer à l’Europe un rôle de premier plan dans le domaine de la 5G. Il faut mener une action plus large pour que la 5G et les services qui en découlent deviennent une réalité, notamment pour l’émergence d’un «marché domestique» européen pour la 5G ». Il était dès lors déjà évident qu’aucun débat public ne pourrait avoir lieu et qu’aucune opposition ne pourrait se faire entendre. Pendant que la presse vante à tort et à travers les « avantages indéniables de la 5G », sans jamais exprimer le moindre doute, les tractations politiques se font donc dans la discrétion. Est-ce surprenant quand on sait que les médias appartiennent à des grands groupes financiers qui ont des intérêts multiples, notamment dans les nouvelles technologies ? D’autres instances pourtant, soulignent le danger. Dans sa résolution 1815 datée de 2011, le Parlement européen énonce au point 6 : « Attendre d’avoir des preuves scientifiques et cliniques solides avant d’intervenir pour prévenir des risques bien connus peut entraîner des coûts sanitaires et économiques très élevés, comme dans le cas de l’amiante, de l’essence au plomb ou du tabac ». Rien n’y fera, la chose étant économiquement trop importante. En situation de crise profonde et de métamorphose du système capitaliste, la seule possibilité d’assurer sa durabilité se retrouve dans la fuite en avant technologique. De ce fait, les discours « verts » et les arguments en termes de progrès social des décideurs (politiciens et patronat confondus) occultent la manne que représente la transition technologique.

COMITÉ FREMAULT : CITER LES RÉSULTATS INQUIÉTANTS POUR MIEUX LES BALAYER

Le rapport du comité Fremault illustre cette réalité, où le doute ne profite qu’aux bénéficiaires de l’« impératif économique », offrant un florilège d’assertions/ contre-assertions, où d’un côté ils citent les résultats « préoccupants » des recherches scientifiques, pour de l’autre mieux les évacuer :

– « Cette décision a été prise par la majorité des experts concernés, sur la base de plusieurs études démontrant un risque accru de gliomes chez les utilisateurs de téléphones mobiles. Il n’y a toutefois aucune certitude et des études récentes tendent à prouver plutôt que le lien entre l’exposition et les gliomes diminue au lieu d’augmenter.

– Pour l’heure, il est toutefois trop tôt pour se prononcer définitivement étant donné que de nombreux cancers mettent des années à se déclarer et que l’utilisation du téléphone mobile est encore trop récente à ce stade (sic). Les indices sont encore moins nombreux en ce qui concerne les tumeurs cérébrales ou les autres cancers de la tête et du cou… La seule étude (sic) qui portait sur la téléphonie mobile et les tumeurs cérébrales chez les enfants et les adolescents n’a démontré aucun effet.

– Des études portant sur des effets potentiellement génétiques (pouvant avoir un lien indirect avec un cancer) n’ont pas débouché sur des effets évidents. Des effets alarmants ont été rapportés mais uniquement dans le cadre d’études dont la qualité peut être remise en question. Les indications sont également insuffisantes pour d’autres effets potentiels pouvant avoir, dans une certaine mesure, un lien avec le cancer.

– Des effets immunologiques ont été constatés, mais à ce jour, la pertinence biologique de ces observations n’est toutefois pas claire.

– Étant donné que nous tenons notre téléphone mobile contre la tête, d’aucuns craignent que le rayonnement qui parvient dans le crâne ait des effets nocifs sur le cerveau (pas seulement un cancer). Il y a des indications d’effets sur l’activité cérébrale, le sommeil, l’apprentissage ou la mémoire mais les effets sont limités et pour l’heure, il n’est absolument pas certain qu’ils aient un impact réel sur la santé (…) mais les résultats ne sont pas cohérents et n’ont probablement pas de signification fonctionnelle. C’est aussi le cas chez les enfants, où des résultats douteux ont été enregistrés. Aucune perturbation du mécanisme de thermorégulation n’a été démontrée chez l’adulte ou chez l’enfant. Il convient néanmoins de poursuivre la recherche.

– Plusieurs évaluations critiques de ces études arrivent à la même conclusion, à savoir qu’une perturbation de la barrière hémato-encéphalique sous l’action (notamment) de fréquences de téléphonie mobile est possible mais uniquement lorsque l’intensité de l’exposition est élevée et qu’il se produit donc des effets thermiques. On n’observe aucune perturbation de la barrière hémato-encéphalique en cas d’utilisation “normale” (sic) des appareils de communication mobile et donc d’exposition “normale”. Des expériences en laboratoire n’ont révélé aucune affection neurologique telle que la maladie d’Alzheimer, contrairement à ce que certains prétendent. Quelques études sur le sujet démontrent au contraire un effet protecteur (sic).

– Des études ont constaté des effets sur la reproduction et le développement. Par contre, aucun effet sérieux n’a pu être observé aux niveaux d’exposition qui nous intéressent. Aucun effet significatif n’a pu non plus être observé chez des souris qui avaient été exposées en permanence au rayonnement de systèmes de communication sans fil et ce, sur quatre générations. Il est invraisemblable qu’il puisse y avoir des effets sur le fœtus de mères exposées pendant la grossesse en raison des niveaux d’exposition extrêmement faibles. Il n’y a aucune indication sérieuse d’effets sur la qualité du sperme.

– Certains symptômes non spécifiques, tels que maux de tête, fatigue, vertiges et autres sont parfois attribués à une exposition aux fréquences radios. Il est ainsi fait mention d’»hypersensibilité électromagnétique». Des études antérieures (sic), qui ont été complétées par des études plus récentes, conduisent toutefois à la conclusion qu’il n’y a aucune preuve que l’exposition à des champs électromagnétiques provenant de téléphones mobiles par exemple, ait un lien de cause à effet avec ces symptômes. Au contraire, il y a des indications d’un effet “nocebo” ».

Concluant que, malgré les nombreuses études, « on ne peut répondre clairement par «oui» ou par «non» à la question «L’exposition aux champs électromagnétiques de systèmes de communication sans fil est-elle nocive pour la santé?» », la décision de déployer la 5G semble aller de soi. Ils préparent en outre le futur, anticipant les demandes ultérieures de l’industrie des télécommunications qui à l’évidence iront vers un toujours plus grand « assouplissement des normes » : « Il convient de noter que la limite d’exposition proposée ne signifie pas qu’au-delà de cette limite, des risques réels sont à prévoir. » À l’instar du nucléaire, le risque n’existe pas quand les intérêts économiques priment, même si on évoque des situations qu’on ne connaît pas[note]. Pour le comité, « il n’y a en réalité pas de véritable base scientifique à une norme aussi stricte. Le but a d’ailleurs toujours été que le gouvernement tienne compte des valeurs conseillées mais aussi d’autres considérations (p.ex. économiques) (sic), et fixe donc des normes indiquant la limite entre les niveaux d’exposition acceptables et inacceptables (…) Au vu des connaissances scientifiques actuelles, cette norme assouplie ne semble pas inique ».

Le comité, qui devrait statuer sur les risques sanitaires, s’appuie plutôt sur une réalité créée par les industriels et les publicitaires, pour alerter sur l’insuffisance des infrastructures dans l’avenir : « L’utilisation de plus en plus généralisée des smartphones et tablettes contribue à l’augmentation du trafic de données mobiles (« données » au sens large), et donc à l’accroissement de la pression sur les infrastructures existantes qui risquent de plus en plus de se trouver en sous-capacité ». Soulignant que « les trois moteurs de la croissance » sont le trafic des données mobiles, la mise sur le marché de tablettes, laptops, smartphones et des applications de plus en plus variées, le comité conclut que « cette évolution implique des mises à niveau continues des infrastructures existantes et demandent des investissements de la part des opérateurs. La 4G avec des antennes “LTE capables” sont multi-bandes et fonctionnent en multifréquence (…) tire le marché mondial et représente des montants de 4 milliards $ en 2015 (ABI Research, 2015). Elle préfigure l’arrivée de la 5G prévue en 2020 avec les antennes LTE‑B ».

Vous avez dit « comité d’experts », dont nombreux sont issus du monde scientifique ? Au fond, ceux-ci font tout le contraire de ce qu’on attend de scientifiques : ils partent des comportements généralisés (l’utilisation massive des technologies mobiles) pour en conclure qu’ils sont le signe du bien-être de la société[note], généralisant le fait qu’une utilisation massive est d’emblée la preuve d’une innocuité, (l’amiante en offrant, à un autre niveau, un bon contre-exemple). Le comité évoque l’argument habituel où aucune précaution dans le déploiement des nouvelles technologies n’a lieu d’être, car « cela ralentirait fortement le développement de la “ville intelligente”, qui a pour but d’améliorer la qualité de vie des populations citadines tout en contribuant à une utilisation plus efficace des ressources ». La suite est à l’avenant, où l’on explique que « des études économiques montrent que chaque € investi dans les réseaux très haut débit (fixe et mobile) génère 3€ de PIB, et 1,5€ de recettes fiscales et sociales », et qu’il « est dès lors nécessaire de simplifier la législation et de diminuer autant que possible les démarches et exigences administratives ». Pour celui qui n’aurait pas saisi : « La transition numérique souhaitée par le Gouvernement bruxellois ne pourra pas se faire sans un cadre juridique, fiscal et administratif favorable ». Tiens, en tout point correspondant à « la déclaration de politique régionale (20 juillet 2014) », qui a dit vouloir « faire de Bruxelles une capitale du numérique » ?

En fin de rapport, les suggestions du comité sont stupéfiantes. À propos du site internet de l’IBGE, le comité dira : « Pour éviter que ne s’installe un climat de méfiance vis-à-vis de tous les rayonnements, il est important de mener une communication claire. Le comité estime que le site Internet peut jouer un rôle important à cet égard. Le comité estime que le site Internet mérite une plus grande renommée ».

Il ajoute : « La propagation des ondes est une matière abstraite. Les ondes électromagnétiques présentent l’inconvénient de ne pas être observables par nos sens, ce qui rend le grand public réceptif aussi bien à l’information qu’à la désinformation. Les sources d’information liées à la Région sont parfois perçues comme partiales par le public et ne sont donc pas estimées à leur juste valeur. Le comité estime qu’il faut une communication scientifiquement correcte mais vulgarisée, qui sont (sic) impartiale et dont l’impartialité soit également reconnue par le grand public. Suggestion : Prévoyez un canal d’information de vulgarisation, indépendant et honnête, pour cette matière technique ».

Quand on sait d’où ils parlent, c’est pur cynisme.

UN MODÈLE INFAISABLE

« D’après les données dont nous disposons actuellement, la solution de la technologie est tout sauf probable[note]»

Amené à buter un jour ou l’autre sur les limites de la planète, ce modèle demeure infaisable, même si ceux qui veulent sa mise en œuvre pousseront l’extractivisme jusqu’au bout, relançant l’activité minière dans des pays qui l’avaient massivement délaissée, comme la France. La réalité de la finitude des ressources naturelles notamment, comme celle des métaux rares indispensables aux nouvelles technologies, imposent ainsi de rappeler quelques faits.

Dans le mythe de la transition énergétique, tout commence avec la maîtrise des métaux rares, comme auparavant avec le charbon puis le pétrole : « Tels des démiurges, nous en avons multiplié les usages dans deux domaines qui sont des piliers essentiels de la transition énergétique : les technologies que nous avons baptisées «vertes» et le numérique[note]». Si les prémices de la transition énergétique remontent aux années 1980 en Allemagne, c’est en 2015 que se fait la grande coalition de 195 États, lors de la COP21, débouchant sur l’accord de Paris où les États escomptent contrer le changement climatique et contenir le réchauffement en deçà de deux degrés[note] en substituant aux énergies fossiles les énergies vertes. Dans son ouvrage, fruit d’une enquête de six années, Guillaume Pitron imagine un sage, figure imaginaire, qui se rendrait à la tribune de la COP21, tenant ces propos : « Cette transition va mettre à mal des pans entiers de vos économies, les plus stratégiques. Elle précipitera dans la détresse des hordes de licenciés qui, bientôt, provoqueront des troubles sociaux et réprouveront vos acquis démocratiques (…) La transition énergétique et numérique dévastera l’environnement dans des proportions inégalées. En définitive, vos efforts et le tribut demandé à la Terre pour bâtir cette civilisation nouvelle sont si considérables qu’il n’est même pas certain que vous y parveniez », concluant : « votre puissance vous a aveuglés à un tel point que vous ne savez plus l’humilité du marin à la vue de l’océan, ni celle de l’alpiniste au pied de la montagne. Or les éléments auront toujours le dernier mot ![note]». Pitron souligne les questions les plus cruciales, qu’aucune des délégations présentes ne s’est posée : « Comment allons-nous nous procurer ces métaux rares sans lesquels ce traité est vain ? Y aura-t-il des vainqueurs et des vaincus sur le nouvel échiquier des métaux rares, comme il y en eut jadis avec le charbon et le pétrole ? À quel prix pour nos économies, les hommes et l’environnement parviendront-ils à en sécuriser l’approvisionnement[note]».

L’auteur souligne la dépendance nouvelle que nous nous créerons, encore plus dramatique que la précédente : « En voulant nous émanciper des énergies fossiles, en basculant d’un ordre ancien vers un monde nouveau, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance, plus forte encore (…) Nous pensions nous affranchir des pénuries, des tensions et des crises créées par notre appétit de pétrole et de charbon ; nous sommes en train de leur substituer un monde nouveau de pénuries, de tensions et de crises inédites[note]».

Par ailleurs se pose la question essentielle du « propre ici » qui repose sur du « sale là-bas » : dans les mines de graphite (ressource minière qui entre dans la fabrication des voitures électriques), « des hommes et des femmes, nez et bouches recouverts de simples masques, travaillent dans une atmosphère saturée de particules noircies et d’émanations acides. C’est l’enfer[note]». « Ce panorama des impacts environnementaux de l’extraction des métaux rares nous astreint, d’un coup, à poser un regard beaucoup plus sceptique sur le processus de fabrication des technologies vertes. Avant même leur mise en service, un panneau solaire, une éolienne, une voiture électrique ou une lampe à basse consommation portent le péché originel de leur déplorable bilan énergétique et environnemental. C’est bien le coût écologique de l’ensemble du cycle de vie des greentech qu’il nous faut mesurer – un coût qui a été précisément calculé[note]».

Sur la question de l’impossibilité de réaliser cette transition sans une consommation massive d’énergies et de matières premières (« des centrales à charbon, à pétrole, à gaz et nucléaires, des champs éoliens, des fermes solaires et des réseaux intelligents – autant d’infrastructures pour lesquelles il nous faudra des métaux rares »), Pitron a tenté à de multiples reprises de contacter Jeremy Rifkin, théoricien de la 3ème révolution industrielle et laudateur de la transition énergétique, sans succès. Et son explication à cette fuite offre une explication générale sur l’aveuglement massif et l’illusion des greentech : la transition énergétique et numérique a été pensée hors-sol. Quelles que soient ses applications, chacune d’elles en effet « procède d’abord beaucoup plus prosaïquement d’un cratère entaillé dans le sol (…) Au fond, nous ne réglons en rien le défi de l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes, nous ne faisons que le déplacer[note]».

ARTICULER LE REFUS DU MONDE QU’ON NOUS PRÉPARE ET LA LUTTE CONTRE LA RICHESSE INDÉCENTE

Placer nos espoirs dans les politiciens, les implorer de « prendre les bonnes décisions », c’est leur laisser le pouvoir d’imposer leurs solutions en usant des instruments médiatiques qu’ils contrôlent et qu’ils utiliseront pour nous faire croire que ces solutions sont le résultat de nos demandes et pour notre seul bien. Ainsi de la transition numérique, téléguidée par les multinationales et leurs serviteurs. La 5G, symbole de cette course en avant, nous promet l’enfer. Ce sont les capitaines d’industries, ceux qui montent leur société boîtes-aux-lettres au Luxembourg, les banquiers et autres agioteurs que l’ex-Premier ministre Charles Michel avait chargés, au nom du gouvernement, de réfléchir à un Pacte national d’investissements stratégiques, dont les commanditaires ne sont autres que les patrons de Belfius, Proximus, Sioens Industries, la Fédération des entreprises de Belgique… qui sont les véritables architectes qui vont « préparer notre pays à la prochaine décennie ». Il leur faudra pour cela « réaliser une série d’investissements urgents au cours des prochaines années. Ces investissements permettront de renforcer l’économie, l’innovation et l’emploi. Nous avons besoin de cette prospérité supplémentaire pour continuer à financer l’enseignement, les soins de santé et la protection sociale. Mettons-nous tous à la tâche pour mener ceci à bien. Construisons ensemble notre avenir. Car l’avenir nous appartient ! ». Certes, il leur appartient à eux seuls, pour l’instant, qui ne cherchent qu’une seule chose : conserver le pouvoir pour relancer la croissance afin d’assurer leurs profits[note]. Mais c’est de l’avenir des espèces vivantes et de la nature, pas de celui d’une minorité insatiable, imitée et soutenue à bras le corps par 10 % de la population, dont nous nous soucions. Et pour assurer cet avenir, il faudra inévitablement sortir de l’impératif de la croissance économique et oser des changements radicaux. Nous savons ce qu’il faut refuser et que nous devons renverser. Notre survie est à ce prix.

Alexandre Penasse

Pour poursuivre la réflexion, lire aussi : « Nous sommes en guerre contre la 5G », https://www.kairospresse.be/article/62899/, et tous les articles sur le site, en tapant dans la barre de recherche «5G»

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5G, ÉLECTROSMOG ET SANTÉ

Les promoteurs de la 5G, qui sont nombreux dans le monde industriel et le monde politique, proclament que si les limites d’exposition aux CEM (champs électromagnétiques) de l’OMS/ ICNIRP[note] sont suivies, il n’y a pas d’effet sanitaire à craindre. Comment ces limites ont-elles été établies ? Il faut remonter aux années 1980 où des expériences ont été menées pour évaluer « l’effet thermique immédiat » des micro-ondes (MO) et des radiofréquences (RF)[note] sur les êtres vivants, celui-là même qui est utilisé dans le four bien connu. C’est l’observation du comportement de rats de laboratoire exposés à ces radiations qui a servi de critère et au calcul de ces limites, qui n’ont donc été conçues que pour nous protéger de l’échauffement et des brûlures provoqués par ces ondes.

Se satisfaire de ces limites, c’est ignorer des décennies de recherche scientifique montrant les effets biologiques et sanitaires des micro-ondes, à des niveaux très inférieurs de ceux auxquels les effets thermiques sont observés. Ce qui, tout compte fait, ne devrait guère surprendre lorsqu’on sait que les milliards de cellules qui constituent le corps humain sont le champ de microcourants d’électrons, de protons (ions hydrogène H+) et d’autres ions, d’une importance vitale pour son bon fonctionnement. Ces courants,  bien  évidemment,  sont  perturbés  par  les champs  électriques  et  magnétiques  des  ondes  qui nous entourent, d’où les effets mis en évidence par des milliers d’études de tous types publiées dans les meilleures revues scientifiques à comités de lecture : études in vitro sur des cellules cultivées en laboratoire, études in vivo sur des animaux de laboratoire, études  cliniques  auprès  de  volontaires  et  études épidémiologiques (voir par exemple le Rapport BioInitiative dont il sera question plus loin). La liste des conséquences  certaines  ou  probables  donne  froid dans  le  dos  :  cancers  et  tumeurs  divers  (cerveau, nerf acoustique, glandes salivaires, sein…), leucémie infantile, maladie d’Alzheimer et autres maladies neurodégénératives, autisme, réduction de la qualité du sperme, cataracte, ouverture de la barrière hématoencéphalique, réduction de la production de mélatonine, troubles du sommeil, dépression, suicide, électrohypersensibilité (EHS), etc.

Mais le pire est sans doute l’impact démontré sur l’ADN et les conséquences irréversibles pour les générations futures avec la perspective d’une humanité diminuée[note]. Les compagnies d’assurance ne s’y trompent pas : aucune d’entre elles n’assure le risque lié aux CEM artificiels, pas plus que les fabricants de téléphones cellulaires et autres smartphones, qui recommandent de tenir ces appareils à une certaine distance du corps, se protégeant ainsi des poursuites judiciaires dont ils pourraient être l’objet.

Se satisfaire des limites de l’ICNIRP, c’est ignorer les appels des scientifiques et médecins de tous pays qui se multiplient depuis 20 ans. Un des premiers d’entre eux est l’appel de Freiburg de 2002 signé par plus de 1 000 médecins demandant notamment la « réduction massive des valeurs limites, des puissances d’émission et des charges en ondes radio », un appel d’ailleurs renouvelé en 2012 (www.freiburger-appell-2012.info). Le 15 octobre 2019, 252 spécialistes des CEM provenant de 43 pays différents avaient signé un appel adressé à l’ONU, l’OMS et l’UE, appel initié en 2015. Ces scientifiques, qui tous ont publié des travaux de recherche évalués par des pairs sur les effets biologiques et sanitaires des CEM non ionisants (RF), réclament des limites d’exposition plus strictes et demandent que les impacts biologiques potentiels des technologies de télécommunication 4G et 5G sur les plantes, les animaux et les humains soient réexaminés (www.emfscientist.org).

Les limites recommandées par ces experts en termes de prévention pour les RF sont très largement inférieures à celles de l’ICNIRP, d’un facteur 100 000 environ, et donc aussi à celles actuellement en vigueur à Bruxelles (d’un facteur 2 000). Les auteurs du rapport BioInitiative recommandent une limite de l’ordre de 5μW/m² (mi-crowatt/m² soit 0,04V/m) pour l’exposition « cumulée » des ondes RF à l’extérieur des habitations. Pour la 2G, 3G et 4G, l’Académie européenne de médecine environnementale (EUROPAEM) recommande 100μW/m2 (0,2V/m), mais 10 fois moins durant la période de sommeil et 100 fois moins pour les enfants (1μW/m2, soit 0,02V/m). Ces limites peuvent sembler basses, mais ce l’est moins quand on sait que les valeurs retenues par l’ICNIRP représentent un milliard de milliards de fois le niveau du CEM naturel à ces fréquences ; de plus, les CEM utilisés pour la téléphonie sont modulés et pulsés, ce qui n’existe pas dans la nature et représente une composante importante de leur toxicité.

La nouvelle norme de téléphonie 5G utilise les fréquences des normes précédentes, mais fera un saut dans l’inconnu en utilisant de plus les ondes millimétriques de haute énergie qui, jusqu’à présent, n’ont surtout été utilisées que par l’industrie de l’armement et les satellites de météorologie. Ces ondes étant fortement atténuées par les obstacles matériels (murs, feuilles, pluie…), la 5G nécessitera le placement d’antennes en grand nombre émettant à un niveau de puissance élevé, environ une tous les 100 mètres, multipliant ainsi la probabilité de fortes expositions, une probabilité encore renforcée par la prolifération des objets connectés, jusqu’à 1 million par km² (Internet des objets). Malgré ce que nous dit la science sur les effets biologiques et sanitaires de la 2G et la 3G, négligeant le principe de précaution, l’industrie, l’UE et une partie importante du monde politique poussent à l’installation immédiate et aveugle de la 5G, alors que quasiment aucune recherche biomédicale ne lui a été consacrée.

Les discours entendus lors des auditions de la Commission de l’économie de décembre 2019 au Parlement fédéral belge tenaient majoritairement du déni du risque sanitaire, lequel s’appuyait sur l’avis de l’ICNIRP, y compris dans le chef de Test Achats qui semble avoir oublié que le bien le plus précieux de ses abonnés est leur santé et non pas les objets connectés qu’ils devraient consommer en masse. L’ICNIRP est une institution privée de droit allemand qui fonctionne comme un club fermé, ce qui ne semble pas incommoder l’OMS et toutes les instances qui s’y réfèrent : ses membres décident seuls de qui peut y entrer et seuls y sont admis ceux qui défendent l’idée que s’il n’y a pas d’effets thermiques, il ne peut y avoir de conséquences sanitaires. Elle n’applique aucune règle de transparence ou d’indépendance, puisqu’au contraire la plupart de ses membres sont connus pour leurs liens présents ou passés avec l’industrie des télécoms (voir l’excellente enquête des journalistes d’Investigate Europe : www.investigate-europe.eu/publications/how-much-is-safe/).

À titre d’exemple, mentionnons Bernard Veyret (maintenant retraité) et son profil type de chercheur et scientifique proche de l’industrie, chargé de donner des avis en termes de santé publique : membre de l’ICNIRP, membre de la Société française de radioprotection (SFRP, l’équivalent français de l’ICNIRP), directeur d’un laboratoire d’études sur les CEM en France financé par Bouygues Telecom et membre du Conseil scientifique de Bouygues Telecom. Voir une interview instructive de cet éminent personnage : electrosmog.grappe.be/doc/lobby/ICNIRP/ (10 minutes).

La partie du présent article qui précède avait été soumise aux rédactions de Datanews et du Vif pour publication en réaction à une opinion passablement absconse[note] de Christian Vanhuffel, administrateur de FITCE.be[note] (cette opinion publiée dans Datanews le 27 décembre 2019 se voulait avant tout une ode aux thèses de l’ICNIRP). Après qu’elle ait été acceptée dans un premier temps, suite à de nombreuses tergiversations, j’ai finalement reçu une fin de non-recevoir exprimée en ces termes par Kristof Van Der Stadt (courriel du 28 février 2020 avec copie pour d’autres journalistes : Vincent Genot, Marie Gathon, Pieterjan Vanleemputten, Michel X, Els Bellens et Kevin Vander Auwera) : « Il me faut apporter ici une rectification. Nous avons entre-temps entièrement passé en revue l’opinion et avons finalement décidé de ne pas la publier sous cette forme, parce qu’après mûre réflexion, elle ne répond pas aux normes qualitatives que nous préconisons… Ce que nous nous proposons par conséquent de faire, c’est de résumer votre point de vue et de l’ajouter à l’interview d’un expert en rayonnement que nous publierons un de ces prochains jours ». Inutile de préciser que le résumé en question tenait en deux phrases vides de sens. D’autre part, l’expert en question n’était rien moins que Eric van Rongen, le président de l’ICNIRP, considérant sans doute qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même[note]. Je n’ai jamais obtenu de réponse à ma demande d’explications sur ces « normes qualitatives ».

Ce soutien sans faille au lobby de la 5G et aux normes de l’ICNIRP (avalisées par l’OMS) n’est pas un cas isolé dans les médias belges qui font régulièrement passer l’ICNIRP pour un organisme indépendant, en même temps que l’idée selon laquelle les CEM artificiels ne constituent pas de menace pour notre santé. Deux exemples parmi d’autres : La Libre Belgique du 30 avril publiait un article intitulé « 5G : le “vrai du faux”ou comment sortir de la guerre de tranchées », dans lequel on pouvait lire que « [l’ICNIRP] est un organisme indépendant qui fournit des avis et des conseils scientifiques ». Parmi ceux-ci figurait l’avis selon lequel « les recherches menées jusqu’ici montrent que les radiations émises par la 5G étaient inoffensives pour la santé » et de citer Test Achats qui semble être devenu la référence (sic) en la matière, et qui aurait « réalisé un dossier à la fois clair et complet sur le sujet » (Test Achats/Santé titrait en effet « Réseau 5G – Pas de panique » et arguait que « le sentiment d’angoisse [est] injustifié car il n’y a aucune preuve scientifique convaincante de la nocivité des ondes »). La lecture des dossiers de Test Achats sur la 5G est régulièrement recommandée, y compris par l’IBPT (Institut belge des services postaux et des télécommunications) dans ses réponses à des demandes d’information sur la 5G. Dans « Menaces sur la 5G : des associations évoquent des risques pour la santé », publié par Trends-Tendances le 30 avril, le journaliste Gilles Quoistiaux tient le même discours, mais, pire encore, il y fait un amalgame crapuleux entre l’action citoyenne (celle du collectif stop5G. be), la théorie du complot et les actes de vandalisme sur des antennes de téléphonie mobile.

ONDES ET IMMUNITÉ

Après cet interlude sur l’état des médias belges, abordons maintenant des choses très sérieuses : ce que nous dit la science biomédicale des ondes qui nous entourent, en particulier leurs effets sur le système immunitaire. Le système immunitaire a pour fonction d’identifier et d’éliminer les agents étrangers (virus et autres nuisibles) ainsi que les cellules anormales (cancéreuses, par exemple) avant qu’ils n’affectent notre santé. En bref, c’est un des éléments essentiels de défense de l’organisme contre les agressions qui nous permettent de rester en bonne santé[note].

Il ne devrait échapper à personne que, pour n’importe quel individu, un système immunitaire en bonne forme est indispensable pour réagir au mieux en cas de contamination par l’actuel coronavirus SRAS-CoV‑2[note] ; c’est d’autant plus important dans des pays comme la Belgique et la France où les gouvernements actuels n’ont pas été capables de mettre en place une politique de santé efficace pour limiter la propagation de la pandémie. Collectivement, ce n’est pas non plus un facteur à négliger en termes de propagation de la pandémie et de risque de surcharge ou de saturation du système de santé. D’autre part, un système immunitaire pleinement fonctionnel, du fait de sa capacité de mémoire et d’apprentissage, devrait permettre de mieux résister aux 2e et 3e vagues potentielles d’une pandémie, et ce individuellement et collectivement. Dès lors, il est utile de se poser cette question : dans quelle mesure les facteurs environnementaux, et en particulier celui de la pollution électromagnétique, affectent-ils le système immunitaire ?

La section 8 du Rapport BioInitiative 2012 consacre plus de 70 pages aux effets des CEM sur le système immunitaire sur la base d’une centaine d’études scientifiques sur le sujet[note]. Avant de poursuivre, il est utile de présenter plus en détail ce rapport et leurs auteurs. Ce rapport de 1.500 pages, sous-titré « Argumentation pour des normes de protection des rayonnements électromagnétiques de faible intensité fondés sur les effets biologiques », est l’œuvre de 29 scientifiques indépendants de 10 pays, tous experts de la question (21 d’entre eux possèdent un ou plusieurs doctorats et 10, un ou plusieurs titres médicaux) et il dresse un état de la connaissance de l’effet des CEM sur l’homme et les organismes vivants, sur la base de plusieurs milliers d’études scientifiques (EBF et RF)[note]. Parmi les auteurs, relevons la présence de Martin Blank, docteur en chimie physique (Université Columbia) et docteur en science des colloïdes (Université de Cambridge), qui a étudié les effets des CEM sur la santé pendant plus de 30 ans. Et encore, Paul Héroux, l’actuel directeur du Programme de santé au travail de la faculté de médecine de l’université McGill à Montréal, détenteur d’une rare triple expertise, en sciences physiques, génie électrique et sciences de la santé[note].

La première partie de la section 8 du Rapport BioInitiative reprend les conclusions d’un article de Olle Johansson[note], professeur au département de neuroscience du Karolinska Institute (Stockholm), qui tire un bilan d’une petite centaine d’études scientifiques sur les effets des CEM sur le système immunitaire. En introduction, il commence par poser une question que beaucoup posent ou se posent : « La biologie est-elle compatible avec les niveaux toujours croissants des CEM ? Ou, pour le dire en termes plus simples : pouvons-nous, en tant qu’êtres humains, survivre à cette pléthore de rayonnements ? Sommes-nous conçus pour une exposition à ces CEM toute notre vie, 24 heures sur 24 ? Sommes-nous immunisés contre ces signaux ou jouons-nous en fait avec l’avenir de notre planète en mettant toutes les formes de vie sur Terre en jeu ? La réponse semble être : non, nous ne sommes pas conçus pour de telles charges d’exposition aux CEM. Nous ne sommes pas immunisés. Nous jouons avec notre avenir ». Il continue sur le système immunitaire : « Très souvent, on dit que la plus grande menace de l’exposition aux CEM est le cancer. Cependant, ce n’est pas le scénario le plus effrayant. (…) Ou, comme l’indique cet article, imaginez que notre système immunitaire, qui tente de faire face aux signaux électromagnétiques toujours plus nombreux, ne puisse finalement plus le faire ! Le système immunitaire est-il conçu pour faire face à des “allergènes” inexistants auparavant mais maintenant présents en masse ? Serait-il possible que notre système immunitaire par extraordinaire dans le processus d’évolution ait cette capacité ? Est-ce que cela est probable, même au minimum ? Bien sûr que non ».

Les études considérées font état de changements immunologiques importants lors de l’exposition à des niveaux de CEM artificiels, souvent à des niveaux faibles ou très faibles (c’est-à-dire non thermiques), tant chez l’homme que l’animal, avec des changements physiologiques mesurables comme :

l’altération morphologique des cellules immunitaires ;l’augmentation des mastocytes (l’indication d’une réponse allergique) ;une dégranulation accrue des mastocytes ;une modification de la viabilité des lymphocytes ;une diminution du nombre de cellules NK ;une diminution du nombre de lymphocytes T[note].

Il est donc possible qu’une exposition continue aux CEM puisse entraîner un dysfonctionnement du système immunitaire, des réactions allergiques chroniques, des réactions inflammatoires et finalement une détérioration de la santé. D’autre part, l’implication du système immunitaire est évidente dans diverses altérations biologiques présentes chez les personnes atteintes d’électrohypersensibilité ou hypersensibilité électromagnétique (EHS)[note].

La 2e partie de la section 8 du rapport BioInitiative, page 458, est d’un intérêt particulier, car elle traite d’études menées en 1971 et les années suivantes dans l’ex-URSS, spécialement à l’institut de santé publique de Kiev, des études restées méconnues dans le reste du monde, mais qui ont fait que l’URSS a adopté des normes basées sur les effets biologiques, de sorte que les limites d’intensité des CEM y sont nettement plus basses qu’aux États-Unis et qu’en Europe de l’Ouest. Ceci dit, à la même époque, aux États-Unis et sous l’égide de l’armée principalement, d’autres types d’études avaient été menées qui auraient elles aussi dû mener à des normes plus rigoureuses, mais la pression et les intérêts du complexe militaro-industriel ont fait que seul l’effet thermique a finalement été pris en compte pour « protéger » le public.

La conclusion générale des études menées à Kiev de 1971 à 1975 était qu’une exposition prolongée aux CEM-RF de faible intensité entraîne des réactions autoallergiques. Dans une de ces études, des cobayes, des rats et des lapins exposés 7 heures par jour pendant 30 jours à un CEM de 50μW/cm² à 2,45 GHz avaient présenté une réponse auto-immune maximale 15 jours après la fin de la période d’exposition (pour information, la norme de l’ICNIRP à cette fréquence est de 987μW/cm²). Une autre conclusion importante était l’existence d’une relation de type « dose-effet » en termes d’effets biologiques des CEM-RF sur le système immunitaire, un critère essentiel dans la démonstration de l’effet d’un agent en pharmacologie.

Plus récemment, d’autres études sont venues renforcer le constat de l’effet nocif des CEM sur le système immunitaire, par exemple celle d’El-Gohary et Said publiée en 2016 dans la Revue canadienne de physiologie et pharmacologie[note]. Elle portait sur l’effet des CEM émis par un téléphone mobile sur le système immunitaire chez le rat et l’éventuel rôle protecteur de la vitamine D. Après une exposition aux CEM de 1 heure par jour pendant 1 mois, on a observé une diminution significative des niveaux d’immunoglobulines (des protéines dotées d’une fonction d’anticorps), du nombre de leucocytes totaux, de lymphocytes et d’autres cellules immunocompétentes, avec une réduction de l’effet en cas de supplémentation en vitamine D.

Comme pour les autres facettes de l’effet biologique et sanitaire des CEM (les atteintes de l’ADN et du génome humain, le cancer, les maladies neurodégénératives, etc., voir plus haut), l’ICNIRP et l’OMS ignorent volontairement la plupart des études menées sur l’effet des CEM sur le système immunitaire et s’en tiennent à des normes basées sur l’effet thermique, qui ne protègent nullement les populations.

Des nouvelles normes basées sur la biologie, protégeant réellement les humains et les autres espèces vivantes, doivent être établies, ce qui signifie probablement que dans de nombreux contextes, la limite protectrice devra être établie à une intensité de CEM nulle.

Les études sur les effets biologiques de la 5G et en particulier sur l’utilisation qu’elle ferait des ondes millimétriques sont quasiment inexistantes. Son déploiement est néanmoins affligé d’une certitude, dénié par certains malgré l’évidence : il s’accompagnera d’une croissance incontestable de la pollution électromagnétique, comme le prouve la demande insistante des opérateurs[note] pour augmenter la limite de protection à Bruxelles de 6V/m à 14,5V/m dans un premier temps, et à 41,2V/m ensuite. Si la 5G est déployée, cette croissance de la pollution se poursuivra ensuite par la prolifération des objets connectés qui est un des buts ultimes de la 5G, et par la mise en orbite des 50 000 satellites en projet, dont quelques-uns ont déjà été lancés.

Se pourrait-il que, miraculeusement, la 5G n’ait aucun effet biologique et sanitaire sur les êtres vivants, contrairement aux générations précédentes des normes de téléphonie mobile ? Seuls les lobbyistes acharnés de la 5G répondront par l’affirmative, par cynisme, cupidité ou stupidité.

Francis Leboutte, ingénieur civil, membre fondateur du collectif stop5G.be

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5G ET ÉCOLOGIE

À l’heure des manifestations pour le climat et les partis de tous bords semblent s’accorder, dans les discours, sur une réduction des émissions de gaz à effet de serre, les décision prises par les politiques indiquent plutôt une course folle vers toujours plus de croissance, notamment technologique. Alors que certains osent faire croire au potentiel écologique de la 5G, elle s’avère en fait un gouffre anti-écologique à travers le déferlement technologique qu’elle entraîne.

DE QUEL IMMATÉRIEL PARLE-T-ON ?

Le numérique n’a rien de virtuel ou d’immatériel. Il nécessite toute une infrastructure contenant entre autres des câbles terrestres et sous-marins en cuivre, des gigantesques data centers, des bornes wifi (la 3G consomme 15 fois plus d’énergie que le wifi, 23 fois plus pour la 4G)… À chaque technologie son lot de désastres environnementaux. L’extraction de quelques dizaines de métaux rares nécessite le recours aux énergies fossiles, le gaspillage d’énormes quantités d’eau, la destruction d’espaces naturels et le déversement de produits chimiques, sans parler des dégâts sanitaires et sociologiques sur les populations locales. Le numérique est en train de devenir le cœur de la catastrophe écologique. « Derrière le numérique, il y a l’extractivisme et le renouveau de l’industrie minière mondiale. En plus des métaux traditionnels, dont l’exploitation est redoublée, il faut extraire de manière massive et exponentielle des matières nouvelles et des terres rares, le lithium, le tungstène, le germanium… Cette fièvre extractive provoque des catastrophes écologiques en chaîne qui se produisent surtout loin des consommateurs du Nord[note] ».

Alors que l’impact environnemental des TIC[note] semble connu dans les milieux écologistes et militants, la propagande du Green by IT, l’utilisation « responsable » du numérique à des fins « écologiques », perdure : l’optimisation par les outils et services numériques seraient facteurs d’efficacité et de sobriété. La transition écologique, vue par les pouvoirs en place (étatiques et industriels) s’avère être une opération de greenwashing, opérant quelques aménagements par-ci par-là, et externalisant toujours plus les coûts écologiques de la technique, rendus invisibles par la délocalisation de la production industrielle (extraction, pollutions, déchets). Ce déferlement technologique se fait au mépris des peuples, de leur santé, des communs.

Au Pérou, le gouvernement met tout en œuvre pour favoriser les multinationales d’extraction de cuivre, alors que la population souffre de pénuries en eau et que le pays est parmi ceux, avec le Mexique et le Chili, qui comptent le plus de conflits miniers. L’essor des TIC explique, selon Apoli Bertrand Kameni[note], « le déclenchement, la fréquence et la poursuite des conflits politiques et armés en Afrique » ces 30 dernières années. L’extraction de tantale, de germanium, de cobalt en République démocratique du Congo, ne sont pas pour rien dans les conflits qui rythment l’ancienne colonie belge.

DES MÉDIAS PLUS QU’ENTHOUSIASTES

En 2020, les technologies numériques représentent plus de 4 % des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. C’est deux fois plus qu’en 2007. Cette pollution provient du fonctionnement d’Internet (transport et stockage des données, fabrication et maintenance de l’infrastructure du réseau) et de la fabrication de nos équipements informatiques. L’extraction des minerais à la base des équipements numériques et des objets connectés détruit un peu plus chaque jour des écosystèmes entiers et les conditions de vie des communautés qui vivent à proximité des sites miniers. Internet, vu comme un bien public par certains responsables politiques, connaît un essor pour des usages pourtant loin d’être essentiels. Alors que le streaming vidéo représente 60 % des flux de données, les promesses de la 5G, loin d’être immatérielles et sans impact donc, nous font entrer dans une ère du tout connecté, concernant véhicules, montres, mobilier urbain, caméras de surveillance, mais aussi bétail (à quand le bétail humain ?). C’est déjà le cas dans certaines entreprises et là aussi le Covid-19 permet certaines applications auxquelles les pires régimes répressifs n’ont même pas songé.

Au-delà du capitalisme qui nous pousse à la consommation, l’idéologie de l’innovation pour l’innovation est promue du matin au soir par les industriels, les médias et la classe politique. Il faut passer au réseau 5G « parce qu’on peut le faire ». Nous ne savons pas pour quoi, mais nous en avons besoin, c’est certain. Pour quels usages et dans quelles finalités, la question semble impossible à prendre en compte. Pour en savoir plus sur les affaires du monde, la lecture des médias économiques s’avère très riche en informations. Les médias vaguement de gauche sont souvent en retard d’une guerre et, en matière de technologies, les industriels ont souvent plusieurs longueurs d’avance. Il suffit de lire, par exemple, cet article de l’Usine digitale : « Covid-19 : Le déploiement de la 5G à la peine en Europe, la Chine et les États-Unis en avance sur leur calendrier. Les spécialistes des télécoms tirent la sonnette d’alarme quant à l’important retard accumulé par les États européens en matière de déploiement de la 5G. Si certains ont décidé de renvoyer l’attribution des fréquences à des jours meilleurs, la Chine et les États-Unis ont poursuivi l’installation des infrastructures au cours de la pandémie de Covid-19. De quoi soutenir la reprise de leurs économies respectives après la crise sanitaire[note] ».

Du côté des médias alternuméristes[note], la confusion domine : « La 5G cristallise beaucoup des craintes liées au numérique. La technologie promet l’hyper-connectivité. Elle est aussi vendue comme un moyen d’absorber la très forte croissance du trafic de données, de mails, de vidéos, etc. Or, beaucoup de voix commencent à s’élever contre cette hausse du trafic et prônent au contraire une sobriété numérique, plus adaptée à la transition écologique[note]. » Telle est la conclusion d’un article de média tendance style jeunes branchés écolos. Cette conclusion pourrait se trouver également dans un média généraliste car la fameuse transition écologique, vers laquelle tout le monde se dirigerait main dans la main – industriels, politiques et sages citoyens –, s’avère être l’horizon indépassable, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Pourtant, cette transition qui mélange climat, numérique et écologie s’avère de la part de ses promotteurs tout à fait complémentaire des technologies intrusives et des nuisances qu’elle provoque. « Elle inquiète, mais a‑t-on raison de détester la 5G ? » Le titre de l’article résume à lui seul le contenu du texte. Rendre sérieux les arguments en faveur de la 5G, puis décrédibiliser ceux des opposants et finir par une conclusion qui laisserait entrevoir une critique.

Au-delà des nuisances environnementales multiples – les mouvements « alternatifs » l’oublient souvent –, l’écologie consiste également dans la recherche d’autonomie. Or, ce glissement auquel nous assistons en période de stratégie du choc permis par la crise sanitaire du Covid-19 mène droit vers davantage de répression, de contrôle de populations et de gestion à travers des outils technologiques. Ce dont les capitalistes rêvaient, le Covid-19, l’a rendu possible. Le collectif Écran total et Ecologistas en Accion[note], le relevaient dans un texte commun, cette crise globale pose la question de « la dépendance des peuples envers un système d’approvisionnement industriel qui saccage le monde et affaiblit notre capacité à nous opposer concrètement aux injustices sociales. Il faut comprendre que l’informatisation va à l’encontre de ces nécessaires prises d’autonomie : le système numérique est devenu la clé de voûte de la grande industrie, des bureaucraties étatiques, de tous les processus d’administration de nos vies qui obéissent aux lois du profit et du pouvoir. »

Robin Delobel

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LA 5G AU COEUR D’UNE GUERRE FROIDE CHINE-ÉTATS-UNIS ?

L’opposition entre les États-Unis et la Chine, présentée comme une bataille juridique et commerciale, masque en réalité un conflit pour le leadership politique et technologique pilotant la croissance économique. Alors qu’on assiste à une informatisation de tous les domaines de la vie[note], la technologie 5G promet d’accélérer cette emprise numérique dans des proportions démesurées. « Plus que le grand public, elle concerne les usines, les ports, les hôpitaux, les autoroutes… La 5G ambitionne de révolutionner nos vies » dixit le média économique Les Échos. Une technologie déterminante pour l’économie du futur et pour laquelle la propagande bat son plein. De nombreux articles de presse relatent les différentes modalités d’application, les retards de l’Europe, les retombées économiques… Son impact potentiel « pour l’économie » serait, selon la Commission européenne, de 113 à 225 milliards € de bénéfices par an en 2025 ; pour l’Union européenne, plus du tiers concernerait le secteur automobile (avec le nouveau marché des voitures autonomes). « La 5G uniquement en phase de test, l’Europe est à la traîne… en 2020 tout devrait s’accélérer, objectif de la Commission européenne : avoir dans chaque pays européen une ville connectée à la 5G[note] ». Deux types de propagandes s’observent, le TINA (There is no alternative) technologique et la propagande occidentale face à la Chine, nouvel ennemi désigné des États-Unis.

« Huawei pas aussi regardant que nous sur la protection des données » affirme une journaliste dans un reportage d’Arte, qui cible notamment les « portes numériques dérobées » redoutées par le gouvernement états-unien et qui expliqueraient cette guerre commerciale. Pourtant la journaliste le rectifiera plus tard, les premiers à avoir utilisé cette technologie de surveillance sont les États-Unis, comme l’a dénoncé Edward Snowden. Ironie du sort, les informations diffusées dans les médias en Europe véhiculent régulièrement l’idée que les Chinois seraient peu regardants sur la sécurité des données alors que le scandale qui a entraîné la directive européenne RGDP vient des États-Unis.

Les enjeux autour de la 5G, personnalisés par le conflit autour de Huawei sont présentés comme cruciaux, car il en va de la première place dans l’économie du futur, avec son lot de marchandises à produire et à consommer. Une économie en préparation depuis quelques années mais qui n’attend que la 5G pour se déployer, et ainsi « autoriser des usages jusqu’alors limités, voire impossibles : robotisation accrue dans l’industrie, déploiement massif de flottes de voitures autonomes, développement des “villes intelligentes” qui optimiseront leurs réseaux d’énergie, de transport, etc. Sans oublier des produits et services encore inconnus » dixit le journal La Croix[note]… La 5G, loin de se résumer uniquement à une nouvelle génération de réseau téléphonique, implique en réalité un déploiement massif de nouveaux équipements, allant de l’antenne au smartphone du consommateur, de nouveaux gisements immenses en termes de rendements économiques potentiels.

L’ÉMERGENCE DE LA CHINE COMME PUISSANCE NUMÉRIQUE

Si l’ascension économique de la Chine a été fulgurante depuis son ouverture à l’économie mondiale dans les années 1980, son émergence comme puissance technologique de premier ordre est peut-être encore plus impressionnante. Il y a 20 ans, la Chine accusait encore un retard technologique considérable sur les pays dits « développés », et en particulier sur les États-Unis. Internet n’est arrivé dans le pays qu’en 1994 et les premières entreprises numériques chinoises n’ont été créées qu’à la fin de cette décennie.

20 ans plus tard, la Chine est désormais le principal rival des États-Unis dans certains des secteurs technologiques et économiques les plus en pointe, souvent loin devant l’Union européenne[note]. Plusieurs raisons expliquent ce succès. Elles commencent à être connues mais on peut les résumer rapidement. D’abord, l’existence d’un gigantesque marché intérieur ayant le mandarin pour langue commune. Ensuite, des mesures protectionnistes qui ont permis à certaines entreprises chinoises (en particulier dans le numérique) de croître à l’abri de la concurrence étrangère. Enfin, une politique industrielle volontariste ayant notamment cherché à remonter les chaînes de valeur mondiales à travers des soutiens ciblés à des secteurs stratégiques, ou encore des transferts de technologies imposés aux entreprises étrangères désireuses d’opérer dans le pays.

LE TOURNANT DES ANNÉES 2010

Ces différents éléments sont présents de longue date, mais ils vont connaître une réorientation et un coup d’accélérateur décisifs dans la foulée de la crise économique de 2008. Celle-ci entraîne en effet une baisse de la demande mondiale, en particulier en provenance des pays occidentaux, qui pousse la Chine à vouloir sortir encore plus rapidement de son rôle « d’atelier du monde » et à se réaffirmer en même temps comme une puissance économique et politique de premier plan. Peu après son arrivée au pouvoir, en 2013, l’actuel président de la République, Xi Jinping, lance ainsi deux plans d’envergure qui vont traduire cette ambition à la fois sur le plan interne et international : Le plan « Made in China 2025 » et les « nouvelles routes de la soie[note] ».

Le premier vise à faire de la Chine un leader mondial dans une dizaine de secteurs industriels stratégiques pour l’économie du futur (technologies de l’information, robotique, aérospatial, etc.), à travers notamment des investissements importants en recherche et développement. Le second est un gigantesque plan d’infrastructures destiné à encore mieux connecter l’économie chinoise avec les différentes zones d’extraction, de production et de consommation mondiales, tout en défendant une mondialisation sino-centrée et plus respectueuse des intérêts des pays en développement. Dans les deux cas, les technologies numériques jouent un rôle clé dans les projets soutenus et les entreprises technologiques chinoises en profitent pour renforcer encore plus leurs capacités d’innovation ainsi que leur puissance économique et commerciale[note].

« L’AFFAIRE HUAWEI » ET LA « GUERRE COMMERCIALE » SINO-AMÉRICAINE

Parmi ces entreprises, on retrouve notamment Huawei, que la plupart d’entre nous connaissent pour ses smartphones (les deuxièmes smartphones les plus vendus dans le monde, devant les iPhone d’Apple et derrière le coréen Samsung), mais qui est aussi et surtout devenu le leader dans les réseaux 5G. En effet, non seulement Huawei est l’entreprise qui déclare le plus de brevets à l’heure actuelle dans ce domaine, mais elle propose également ses produits et services à un meilleur prix que la plupart de ses concurrents. Résultat, elle mène la course au déploiement mondial de la 5G. Or, cette situation est intolérable pour les États-Unis, et ce pour plusieurs raisons.

Commerciales et sécuritaires d’abord. Pour les Américains, le succès de Huawei est en effet emblématique de la façon dont la Chine serait parvenue à se hisser au sommet de l’économie mondiale grâce à des pratiques économiques et commerciales « déloyales ». Officiellement, la décision américaine de bannir Huawei de ses marchés publics et de toutes transactions avec des entreprises américaines a ainsi été justifiée par les supposées pratiques d’espionnage de la firme, lesquelles mettraient également en péril la sécurité nationale des États-Unis. De la même manière, c’est également la « déloyauté » chinoise qui a été dénoncée pour justifier la guerre commerciale lancée par les États-Unis contre la Chine dans la foulée de l’élection de Donald Trump. Or, si ces arguments sont en partie fondés, ils omettent soigneusement de préciser que les États-Unis ne sont pas en reste en termes de pratiques déloyales et d’espionnage, et que de nombreuses multinationales américaines ont été parmi les principaux gagnants de la stratégie de développement chinoise…

UNE GUERRE D’HÉGÉMONIE

Ces arguments servent ainsi surtout à masquer la raison principale qui explique l’offensive économique des États-Unis contre la Chine en général, et Huawei en particulier : la crainte géopolitique des États-Unis de voir leur statut de superpuissance menacé. La « guerre commerciale » entre les deux pays fait ainsi partie d’une guerre d’hégémonie plus large, dans laquelle les Américains ne cherchent pas tant à mettre fin à des pratiques déloyales qu’à freiner l’ascension d’un rival de plus en plus puissant. Ce n’est pas un hasard si les principales récriminations américaines vis-à-vis de la

Chine portaient sur le plan « Made in China 2025 », ni si c’est justement Huawei qui a fait l’objet de l’offensive la plus virulente. Dans les deux cas, on parle en effet de la maîtrise de technologies décisives pour l’économie et l’armée de demain. La 5G, par exemple, est considérée comme l’infrastructure-clé des futures évolutions numériques, notamment parce qu’elle permet d’échanger des quantités colossales de données à une vitesse jusqu’ici inégalée. Contrairement à une idée répandue, son intérêt réside donc surtout dans ses applications industrielles (commerciales, mais aussi militaires) et assez peu dans ses avantages pour les consommateurs lambda. À tel point qu’un récent document du Conseil de sécurité national américain considérait que si la Chine parvenait à dominer l’industrie des réseaux de télécommunication, « elle deviendrait la grande gagnante tant sur les plans politique et économique que militaire »[note].

UNE « GUERRE FROIDE » QUI EN RAPPELLE UNE AUTRE

Difficile, dans ce contexte, de ne pas faire de parallèles entre les débats actuels entourant la 5G et d’autres, plus anciens, concernant le nucléaire. En effet, dans les deux cas, on retrouve des technologies dont les partisans vantent les promesses illimitées, tout en en minimisant les risques sanitaires et écologiques, mais aussi les enjeux géopolitiques. Les développements du nucléaire ont ainsi été au cœur de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS (à la fois comme cause et comme conséquence) avec des résultats dramatiques pour les populations mondiales. Aujourd’hui, la 5G apparaît comme un des enjeux centraux de la nouvelle guerre froide (numérique) qui oppose désormais les États-Unis et la Chine avec, là encore, des conséquences potentiellement catastrophiques pour le reste de la planète. Au minimum, cette situation devrait pousser un maximum d’acteurs nationaux et internationaux à défendre une logique de « non-alignement numérique[note] » axée notamment sur la mise en place de mécanismes et d’institutions de contrôle démocratique des principales infrastructures du numérique. Dans l’idéal, elle devrait surtout contribuer à interroger la pertinence même de technologies comme la 5G, dont il apparaît de plus en plus, à l’image du nucléaire, que les risques pourraient bien dépasser de loin les avantages…

La concurrence économique exacerbée entre la Chine et les États-Unis entraîne un déferlement technologique stimulé de part et d’autres, actualisé par des tentatives de relance de la croissance et de toutes les nuisances qui y sont associées. La presse généraliste qui participe grandement au TINA technologique semble s’en accommoder. À l’heure de la crise globale, où crise économique, financière, sociale et sanitaire viennent s’ajouter à la crise écologique qui pousse tant de jeunes à manifester dans les rues, les perspectives politiques et médiatiques face à la 5G vont rarement dans un sens de refus d’une technologie présentée comme une solution pour des problématiques écologiques. L’internet des objets, les smarts cities et les voitures « autonomes » sont présentées généralement comme des outils pour répondre à « l’urgence climatique », alors qu’en réalité ces technologies engendrent extractivisme et pollutions démesurées, ainsi que de nombreuses autres nuisances. Sans attendre une évolution des positionnements politiques et médiatiques, au niveau citoyen, d’autres perspectives sont possibles, comme le soulignait Matthieu Amiech[note] dans une interview au site Reporterre. « Un enjeu capital est le refus de la surveillance par drones, smartphones, reconnaissance faciale, qui se met en place dans cette période de confinement décidé par les autorités publiques ».

Robin Delobel et Cédric Leterme (chargé d’étude au GRESEA et au CETRI)

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Articles

LA 5G ? LE « MAÎTRE ACHAT »

En mars 2020, Test-Achats, organisme qui publie une revue dans laquelle est évaluée la qualité de différents produits de consommation – sans jamais remettre en question cette dernière –, publiait un article sur la 5G intitulé « Dangereuse, la 5G ? »[note]. L’interrogation était trompeuse : véritable plaidoyer pour cette technologie, niant les nombreuses études scientifiques alertant sur sa nocivité et les multiples appels demandant un moratoire, Test-Achats réduisit ces doutes à des « rumeurs [qui] ont le chic pour susciter injustement de l’inquiétude ». Les réactions ne se firent pas attendre.

Comme revue dont le fonds de commerce repose largement sur la publication de testings sur des objets high-tech, Test-Achats était mal placé pour émettre un avis impartial. Mais de là à écrire un texte-propagande pour la 5G, qui sera repris par des quotidiens pour appuyer leur position[note] ou dans les réponses de certains ministres à des citoyens inquiets[note], il y a un pas.

Sous son premier titre « Voici pourquoi il n’y a pas d’inquiétude à se faire », Test-Achats avance qu’ « après examen de toutes les recherches scientifiques internationales », il n’y a rien à craindre, développant en quatre points leur argumentation[note], concluant par un paragraphe titré « Toujours pas rassuré(e) ? ». Ainsi, Test-Achats reconnaît tacitement son parti-pris, car des études qui mettent en évidence les dangers de la 5G, il y en a eu, tout comme le risque majeur pour la biodiversité[note] qu’elle représente. Exit aussi l’Appel international contre la 5G. Test-Achats aurait-il quelques intérêts à ne pas dire la vérité. Certains lecteurs l’ont pensé.

Lettre d’un lecteur à Test-Achats

« Nous envisageons de nous désabonner suite à l’article «5G» du Test-santé 156, d’une légèreté inouïe et pour le moins suspect. Avez-vous creusé dans le détail les possibles liens directs, indirects, du passé et du présent, avec le monde des opérateurs, de Mme Dillen et, surtout, de Guy Vandenbosch, auquel elle se réfère avec une surprenante prudence, ainsi que de la KU Leuven en général (lobbying, partenariats privé/public, e.a.)? »

Leur réponse : langue de bois et bla bla bla

Cher abonné, nous prenons bonne note de votre réaction et la comprenons certainement. Veuillez trouver ci-dessous la réponse de nos services de test santé suite aux réactions, publications, opinions suscitées par notre article sur la 5G : « Dans certains dossiers emblématiques et souvent particulièrement complexes, touchant notamment à la santé publique, il est normal qu’il y ait débat. Notre association plonge d’ailleurs depuis 60 ans ses racines dans le débat et la contradiction démocratiques, mais toujours sur base scientifique (particulièrement en matière de santé et d’alimentation mais aussi de sécurité domestique ou de durabilité…). Nous comprenons, jusque dans une certaine mesure, que des opinions divergentes s’expriment et nous reconnaissons ne pas posséder la science infuse en la matière, pas plus que nos détracteurs ne la possèdent. Une position dans une matière aussi délicate n’est pas figée, mais, obéissant à nos principes d’indépendance et d’expertise, il faut aussi éviter de répéter ce que certains voudraient entendre. Il faut la faire évoluer avec cohérence. Bien sûr, la crise sanitaire de cette année 2020 rend les choses encore plus compliquées et l’attitude de l’un ou l’autre opérateur voulant forcer le barrage irrite encore un peu plus dans une partie de l’opinion publique. Nous le comprenons aussi. Contrairement à ce qui est prétendu à partir d’impressions et de faux-semblants, nous n’avons pas choisi le camp de la technologie ou des lobbys puissants que nous affrontons nous-mêmes sur d’autres terrains depuis de nombreuses années. Notre camp est celui de la protection des consommateurs et de leur santé. Contrairement à certains propos, nous nous basons sur des études réalisées au niveau international notamment par les autorités de santé qui ont analysé à charge et à décharge plusieurs milliers de pages de littérature et d’études scientifiques, en évitant le cherry picking (utiliser uniquement les arguments qui soutiennent votre objectif), ce qui est plutôt le fait de nos détracteurs. Nous avons également consulté des experts externes. À noter que cette même démarche est partagée par bon nombre d’organisations de consommateurs dans toute l’Europe. Dans une optique fort manichéenne, ces détracteurs ont pour cible ceux qui ne pensent pas comme eux. Si vous n’êtes pas de notre avis, vous êtes forcément contre nous… L’ennemi étant identifié, leur propre cause est passée sous silence, faisant oublier les fondamentaux : un objectif de santé publique, le rôle des pouvoirs publics dans la fixation des normes, les obligations des opérateurs en termes de transparence et de qualité, la nécessité de faire avancer le débat démocratique,

… Et pourtant, nous ne demandons rien d’autre que la garantie de ces fondamentaux. Alors quel combat pour quelle cause avec quelles armes ? Et l’ennemi sera démasqué. Vous pouvez également consulter notre site web à l’adresse www.testachats.be, où vous trouverez beaucoup d’autres informations. Restant à votre disposition, nous vous prions de croire, à l’assurance de nos sentiments distingués

Pas convaincu, le lecteur renvoie :

Je suis étonné de n’avoir aucune réponse à la question précise que j’avais posée le 4/5/20. Je n’obtiens qu’une réponse-type de nature générale, plutôt convenue et passe-partout, sur la problématique partisans/détracteurs …; décevant. Quelques considérations de ma part:

certains de vos détracteurs pratiquent peut-être le cherry picking, mais il s’est clairement avéré, grâce notamment à des lanceurs d’alertes et journalistes à la conscience professionnelle aiguë, que les industries responsables depuis de nombreuses années de terribles dégâts sanitaires et environnementaux et de millions de décès à l’échelle mondiale (tabac, amiante, automobile, chimie, agro-alimentaire industriel de la malbouffe, …) ont fait, font et feront encore longtemps et sans scrupules, plus fort : faire fi du principe de précaution, pratiquer le lobbying massif, instrumentaliser, manipuler, conditionner par les bombardements publicitaires (y compris dans les médias de service public) , stipendier (y compris certains experts, décideurs politiques, …), voire carrément mentir (dieselgate, e.a.); alors, qu’est-ce qui est le mieux : le possible cherry picking avec comme objectifs essentiels l’application du principe de précaution sanitaire et, donc, la protection de la santé, ou les stratégies comme celles-là dans le but principal de créer et d’accumuler le maximum de profits ? Doit-on vraiment croire que les opérateurs partisans acharnés et intéressés de la 5G seraient les seuls à agir de manière vraiment soucieuse de la santé des citoyens ? Ni les universités (sous-financées par les pouvoirs publics, e.a. en matière de recherche, et de plus en plus infiltrées par les opérateurs commerciaux et donc dépendantes de ceux-ci pour leur fonctionnement ) ni des associations comme la vôtre ne sont à l’abri desdits agissements…

quant aux fondamentaux démocratiques dont vous parlez – à respecter par vos détracteurs et les industries/opérateurs et commerciaux de toutes natures … – : c’est précisément dans de nombreux régimes officiellement démocratiques, se basant sur ces fondamentaux, que les dégâts dont je parle ci-avant sont depuis bien longtemps causés – alors que certains freins légaux en principe efficaces existent –… , du fait notamment du non-respect de principes démocratiques élémentaires  et  des  règles/normes  légales par les responsables de ces dégâts; et, trop souvent, aucune véritable sanction n’est prise. C’est au cœur de notre démocratie belge qu’un opérateur Télécom peut tranquillement décider de déjà introduire la 5G dans plusieurs communes, au nez et à la barbe des décideurs politiques, alors que les citoyens y sont massivement opposés (87%, sauf erreur de ma part). Une réaction forte et/ou une sanction sera-t-elle prise à l’encontre de cet opérateur ? J’en doute …en Belgique, mais aussi dans nombre d’autres pays démocratiques, la confiance des citoyens dans le monde politique est au plus bas (20% seulement a confiance!) et leur confiance dans les médias traditionnels et les journalistes est en forte baisse. Cela mérite une réflexion en profondeur, e.a. quant aux raisons: une trop grande impuissance/allégeance vis-à-vis des agissements du «monde des affaires» (e.a.), y serait-elle notamment pour quelque chose?

Cordialement. Patrick Buyle

Il n’a obtenu aucune réponse…

AP

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La menace 5G

https://player.vimeo.com/video/453264709

Ceux qui veulent disposer d’outil permettant un contrôle total de la population entendent imposer, « à tout prix », la mise en place du réseau de communication hertzien 5G. Sur le site de notre confrère pour.press, Alain Adriaens a été interviewé[note] et a décrit le « monde sans humains » que prépare la 5G.

Alain Adriaens est aussi un des contributeurs du numéro spécial de Kairos, « 5G: face au conte de fées, le compte des faits ». Si vous voulez encore plus d’arguments et des données pour juger du grave danger que représente l’imposition de cette technologie dite « de rupture », vous pouvez lire les 40 pages de ce dossier[note].

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À propos de la 5G, Sciensano désinforme les citoyens

Lettre ouverte de Paul Lannoye, Président du Grappe ASBL, Docteur en Sciences physiques et Député européen honoraire pour www.stop5G.be

On attend d’une institution publique chargée d’informer les citoyens de notre pays sur les problèmes de santé publique qu’elle se base sur des faits et utilise des arguments scientifiquement valides pour étayer ses propos. Dans le communiqué de presse, publié le 8 juin dernier, sous la responsabilité de Mme Ledent, il est facile de vérifier que ce n’est pas le cas. Au lieu d’informer correctement, ce texte constitue un plaidoyer unilatéral et totalement biaisé en faveur du déploiement de la 5G, présentée en conclusion comme un indispensable outil sans lequel l’accès aux services de secours par le réseau mobile de télécommunications serait mis en danger ! 

Ce texte est d’une telle indigence que l’ignorer m’a paru, dans un premier temps, être l’attitude la plus raisonnable. C’était une erreur. Depuis lors, les porte-parole des opérateurs de télécommunications, relayés largement par les médias, l’ont brandi comme garantie de la pertinence de leur projet. En outre, une parlementaire bruxelloise l’a utilisé comme base d’une intervention publique diffamatoire et caricaturale de l’opposition à la 5G. 

Passons en revue certaines affirmations prétendument basées sur la science qui constituent l’essentiel du texte de Sciensano. 

1. Les risques pour la santé peuvent être évalués sur base de recherches existantes effectuées sur des fréquences comparables à celles de la technologie 5G. Je rappelle que la bande de fréquences attribuée par l’IBPT ce 18 juillet dernier à 5 opérateurs est de 3600 à 3800 MHz. Cette bande de fréquences n’a, à ce jour, fait l’objet que de très rares études, comme l’admet d’ailleurs l’ANSES, l’organisme public français en charge de cette problématique, dans un rapport préliminaire[note]. Comme la fréquence est un paramètre important dans la qualification et la quantification des effets biologiques d’un rayonnement électromagnétique, il est imprudent et scientifiquement mal fondé de considérer a priori qu’on en sait assez pour accepter leur utilisation sans risque. 

2. Beaucoup plus grave : il est incorrect d’affirmer que les limites d’exposition appliquées en Belgique pour les radiofréquences nous protègent déjà des effets nocifs sur notre santé. Ces limites nous protègent bien contre les effets thermiques, mais en aucun cas contre les effets biologiques qui se manifestent à des niveaux d’exposition nettement plus faibles (de mille à cent mille fois). Ces effets biologiques, en cas d’exposition régulière, ou pire encore, permanente, peuvent entrainer des dommages à la santé particulièrement pour les enfants et les embryons. L’abondante littérature scientifique révélant ces graves problèmes de santé a fait l’objet d’une méta-analyse exhaustive dès 2007 par un groupe de scientifiques, spécialistes parmi les plus respectés en matière de bioélectromagnétisme[note]. Cette méta-analyse a été actualisée par ce groupe en 2012 et régulièrement mise à jour[note]. Plusieurs milliers de publications se sont ajoutées à charge des rayonnements de hautes fréquences ; il est confirmé que le caractère pulsé des rayonnements de la téléphonie mobile est un facteur aggravant des nuisances provoquées sur le vivant. Les dommages à la santé bien identifiés et répertoriés dans la littérature scientifique sont : 

Les lésions de l’ADN cellulaire ; Le stress cellulaire ; L’altération de l’expression des gènes ; L’infertilité et l’altération de la qualité du sperme ; La perturbation du sommeil ; Les troubles cardiaques, incluant la tachycardie, l’arythmie et l’arrêt cardiaque ; Les troubles neurologiques, en ce compris la dépression et l’autisme ; Le cancer. 

Les processus essentiels de l’organisme humain sont altérés par le stress permanent provoqué par une exposition chronique aux rayonnements électromagnétiques, avec pour conséquence des troubles des fonctions métaboliques, immunitaires et reproductives. Le mécanisme biologique expliquant ces problèmes de santé a été proposé par Martin Pall dès 2013[note] et cautionné par la communauté scientifique au fil du temps. Le rapport du Conseil Supérieur de la Santé de Belgique de 2019 reprend à son compte cette explication lorsqu’il dit que « les rayonnements non ionisants de micro-ondes pulsées agissent via activation des canaux calciques dépendants du voltage, induisant des impacts biologiques à des niveaux non thermiques »[note]. Il importe d’attirer l’attention sur le fait qu’avec la 5G, on entre dans une ère où la pollution électromagnétique n’épargnera personne, sachant que la multiplication des antennes, stations de base (leur nombre serait augmenté d’un facteur 5) et mini-antennes à balayage électronique seront capables de cibler partout les smartphones et les objets connectés. 

3. Sciensano admet que « les fréquences plus élevées sont considérées comme indispensables au fonctionnement optimal du réseau 5G (par exemple 26 et 66 GHz) ». L’insistance mise sur la faible profondeur de pénétration des ondes de hautes fréquences et dont les longueurs d’onde vont du centimètre au millimètre laisse entendre que l’organisme humain ne serait guère menacé, seules les couches superficielles de la peau et des yeux pouvant subir quelques effets éventuels. Cette présentation abusivement rassurante fait l’impasse sur la sensibilité particulière de certains organes superficiels et sur les mécanismes biologiques qui impliquent les cellules superficielles dans le fonctionnement global de l’être humain, mécanismes qu’on ne connaît pas encore parfaitement à ce jour.

Une étude récente (2018) publiée par Betzalal et al. a montré que les glandes sudoripares des couches supérieures de la peau jouent un rôle d’antenne, ce qui augmente significativement l’absorption spécifique des ondes millimétriques[note]. Une autre, toujours en 2018, révèle l’apparition de pics de température dans la peau des personnes exposées du fait des salves de quelques millisecondes transmises par les dispositifs sans fil[note]. Les experts de Sciensano admettent qu’on en est actuellement au stade des premières recherches, lesquelles sont encore en cours. Ils déclarent qu’en cas d’incertitude sur la sécurité pour notre santé, le principe de précaution doit être appliqué. Cette déclaration est pertinente, mais laisse sous-entendre qu’on n’est pas du tout confronté à une telle incertitude, ce qui est incorrect. 

4. Enfin, l’affirmation selon laquelle « il n’existerait aucune explication scientifique au fait que le rayonnement 5G aurait un effet quelconque sur la propagation du coronavirus » et qu’il s’agirait d’une fausse nouvelle est une contre-vérité grossière. Plusieurs études scientifiques montrent que si une exposition de courte durée aux rayonnements de radiofréquences renforce le système immunitaire, une exposition prolongée, au contraire, l’affaiblit. Le mécanisme en cause est bien compris et a fait l’objet de plusieurs publications : les rayonnements de micro-ondes ouvrent les canaux calciques des membranes cellulaires (voir réf 4 et 5) et augmentent la concentration en radicaux libres. Le terrain est en fait rendu très favorable à la réplication des virus. Il est donc scientifiquement plausible que la propagation des infections virales soit accélérée par l’exposition aux rayonnements de micro-ondes.

Au même titre que la pollution atmosphérique, la pollution électromagnétique devrait être considérée comme un co-facteur potentiel dans la pandémie actuelle, comme l’ont suggéré plusieurs scientifiques aussi compétents que respectés[note], ainsi que plusieurs députés européens dans une question prioritaire posée à la Commission en avril 2020[note]. En conclusion, je voudrais insister sur la nature de la controverse scientifique qui voit s’affronter les partisans du paradigme « thermique », les anciens, et les défenseurs du paradigme « biologique » que j’appellerai les modernes. Le paradigme « thermique » est celui adopté à l’origine par les scientifiques et les ingénieurs impliqués dans le développement des technologies des télécommunications à des fins militaires ou civiles. Ce paradigme est basé sur le postulat implicite de la nécessité de ce développement, sachant que les nuisances éventuellement provoquées doivent être limitées et être aussi faibles que possible sans toutefois entraver ce développement.

L’ICNIRP (Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants) est une commission d’experts issus de ce monde des ingénieurs et des physiciens acquis à ce paradigme « thermique » et proche des milieux industriels. Ses recommandations sont à la base de toutes les législations en vigueur depuis 30 ans et sont la source unique des recommandations de l’OMS et de l’UE, malgré l’accumulation de données scientifiques confirmant le caractère obsolète du paradigme « thermique » et l’existence de dommages à la santé à des niveaux d’exposition bien en dessous du seuil thermique. L’ICNIRP est un comité d’experts parmi d’autres. Il n’est pas indépendant, mais lié à l’industrie. En aucun cas, il n’est une autorité scientifique incontestable, comme l’ont montré dans un rapport récent les députés européens Michèle Rivasi (biologiste) et Klaus Buchner (Physicien)[note].

Le communiqué de presse publié par l’ICNIRP le 11 mars dernier et consacré à la présentation des nouvelles lignes directrices pour la protection contre les rayonnements non ionisants a permis à son président, le docteur Van Rongen, de déclarer que l’application de ces lignes directrices permettra un déploiement de la 5G sans aucun dommage à la santé ! En plein débat sur la problématique de la 5G, cette déclaration a manifestement pour seul objectif de clore rapidement et définitivement ce débat en faveur des intérêts industriels et d’un choix de société imposé aux populations aux dépens de la santé. En fondant son analyse sur les seules recommandations de l’ICNIRP, Sciensano se fourvoie dangereusement et ce qui est beaucoup plus grave désinforme la population. C’est ce qu’a déjà fait Test Achats, cité en référence par Sciensano, on se demande bien pourquoi.

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Le Ciel, la vie, et la 5G…

Alors que les autorités politiques, inféodées aux puissances de l’argent, veulent nous imposer la 5G, détruisant notre planète pour « télécharger un film en moins d’une seconde », nous avons rencontré Giles Robert, directeur de l’Observatoire centre Ardenne, le dernier lieu en Belgique d’où l’on puisse encore voir le ciel et ses étoiles sans que les pollutions lumineuse et atmosphérique nous l’occultent*. Comme disait Bernard Moitessier dans La longue route: « Si un marchand pouvait éteindre les étoiles pour que ses panneaux publicitaires se voient mieux dans la nuit, peut-être le ferait-il ». Il avait vu juste. Une interview d’Alexandre Penasse, une réalisation de Terangi Teuira.

Pour la version longue de l’interview: https://odysee.com/@Kairospresse:0/le-ciel,-la-vie,-et-la-5g…-(version:c

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Special 5 — 5G

5G : un condensé de l’impérialisme technologique

La technocratie entend prendre la direction absolue des affaires du monde. Sa volonté de tout contrôler, de tout rentabiliser en étendant le marché aux moindres recoins des activités humaines, atteint des sommets de démesure. Cette soif de conquête de tous les territoires où tente encore de se réfugier un peu d’humanité se traduit de mille façons, mais il est une technologie qui matérialise de manière exemplaire cette volonté de domination totale : la cinquième génération des standards pour les télécommunications par voie hertzienne (sans fil), l’omniprésente 5G, dont on pourrait voir les antennes émettrices s’installer partout.

On vous le dit, on vous le répète, on vous l’assène sans relâche : vous êtes morts d’impatience de voir arriver cette 5G, car avec elle vous pourrez, en une ou deux secondes, télécharger un film sur votre smartphone (que vous mettrez une heure et demie à visionner). Non ? Cela voudrait-il dire que vous n’êtes pas encore un esclave de l’addiction aux technologies de l’hyperconnexion ? Soyez sans crainte, on va tout faire pour que vous succombiez à cette autre épidémie…

L’ennui avec ces gens qui veulent rester sourds au chant des sirènes du progrès techno-scientiste sans limites, c’est qu’ils organisent des résistances qui freinent l’expansion du modèle néolibéral. Ainsi, il y a ces électro-hypersensibles qui développent des symptômes plus ou moins lourds et qui sont toujours plus nombreux suite à l’intensification de l’omniprésent bain d’ondes électromagnétiques. L’OMS qualifie ces gens qui souffrent de victimes d’« intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques » (IEI-CEM). L’important est le mot idiopathique qui signifie « maladie ou symptôme dont on n’a pu attribuer la cause ». Même s’ils ont des symptômes bien réels, on dira que cela ne vient probablement pas de la 5G ou autres ondes électromagnétiques, que c’est « dans leur tête »… Des hypocondriaques à confier aux psys donc. Notre système immunitaire, particulièrement précieux en ces temps pandémiques, sera lui aussi dans la tourmente des ondes. Et encore toutes les autres oppositions à la 5G pour des raisons de santé seront écartées, avec la même bonne vieille technique des semeurs de doute : les promoteurs de l’hyperconnexion généralisée ont assez de moyens pour trouver les scientifiques mercenaires qui décrédibiliseront les études montrant les graves dangers sanitaires d’un excès d’ondes électromagnétiques. Même si des centaines de scientifiques signent des pétitions adjurant d’appliquer le principe de précaution, rien n’y change : la mégamachine a lancé son offensive 5G et, comme pour le tabac ou l’amiante, fera tout pour cacher le plus longtemps possible les dégâts sanitaires que ce « progrès » causera.

Mais il y a aussi celles et ceux qui ne veulent pas d’un modèle de société où l’humain ne sera plus autonome mais dirigé, materné, infantilisé par des algorithmes et des machines qui feront tout à sa place. Ceux-là ont compris que la 5G est un outil indispensable à l’extension de la société de contrôle total et de domination technocratique au service des puissants. Les promoteurs de la 5G feront donc tout pour décrédibiliser ces gens un peu trop lucides à leur goût et ils ne lésineront pas sur les moyens. On va traiter ces résistants de passéistes, d’obscurantistes, de bio-conservateurs. Mais comme leurs arguments sont rationnels et bien argumentés, ils convainquent de plus en plus de personnes qui apprécient d’autres valeurs que le toujours plus de la confortable dépendance aux technologies. Nos apprentis-sorciers électro-magnétiseurs imaginent donc une habile manipulation : on fera dire aux opposants ce qu’ils ne disent pas. Ainsi, s’ils s’interrogent sur l’utilisation de la 5G pour tracer tout un chacun et, notamment ces temps-ci, les potentiels porteurs de virus du Covid-19, on insinuera qu’ils disent que la 5G est la cause de l’épidémie. Comme ils ont le contrôle des médias dominants, ce mensonge sera diffusé largement et le bon peuple croira que ces opposants sont décidément des farfelus qu’il ne faut pas écouter…

Malgré cette stratégie bien orchestrée par les multinationales qui sont derrière cette adoration pour la 5G, le consensus souhaité n’a toujours pas lieu. On use donc aussi de l’argument utilisé par les transhumanistes : « D’accord, ce que nous vous proposons n’est pas très bien, mais si nous ne le faisons pas, les Chinois perfides ou les milliardaires étatsuniens de la Silicon Valley vont nous devancer dans la course à la domination mondiale et nous serons largués et deviendrons des “colonies numériques” ». Cet argument est rabâché par le docteur Folamour Laurent Alexandre et par le « sociologue des réseaux » Manuel Castells qui, l’an dernier déjà, se réjouissait de l’arrivée de la 5G, et proposait une idée géniale pour faire front à la « Chimerica » : « Et pourtant, les possibilités sont immenses. Pourquoi ne pourrait-on pas profiter de la 5G pour développer en Europe ce qu’on appelle l’État-providence ? » (Le Soir, 19 juin 2019). Sans paraître s’en inquiéter, il avouait plus loin que le cocktail d’ondes ira « jusqu’à la saturation maximale » ! Comme pas mal de nos concitoyens n’ont guère envie d’adopter les modes de vie autoritaires de l’Empire du Milieu ou du chacun pour soi de chez l’Oncle Sam, cet argument ne convainc guère, lui non plus. Quant à retourner hypothétiquement à l’État-providence, voilà bien un argument de vente aussi démagogique que peu souhaitable, tant cette forme politique historique a aussi joué son rôle dans l’avènement de la civilisation industrielle et bureaucratique que nous connaissons et subissons.

Reste donc la ruse et la force. Face à une opinion publique de plus en plus rétive au discours mensonger des prophètes du bonheur par la soumission aux techniques imposées sans qu’on demande l’avis aux citoyens, il faut avancer vite. On crée donc des comités d’avis qui conseilleront les politiques. Ceux-ci seront composés d’experts scientifiques qui, tiens quel hasard, viennent en majorité des multinationales qui promeuvent la 5G. Et comme les politiques sont rarement des scientifiques, ils seront facilement bernés et accepteront de laisser libre cours à ceux qui promettent beaucoup d’emplois via la croissance de nouveaux objets : voitures électriques autonomes, milliards d’objets connectés qui, grâce à l’« indispensable » 5G, délivreront les stupides humains de toutes les tâches un peu concrètes qu’ils doivent encore effectuer. Tous seront des rois… fainéants.

Réalisant que plus les citoyens seront informés, et plus ils refuseront la 5G et son monde, ces promoteurs essaient d’appliquer en urgence la technique de La stratégie du choc décrite par Naomi Klein : profiter du désarroi des populations lors d’une crise (ici la pandémie à Covid-19) pour avancer subrepticement leurs pions. Ainsi, l’IBPT (Institut belge des services postaux et des télécommunications) essaie de faire adopter des normes « provisoires » permettant la 5G, alors que seul un gouvernement de plein exercice peut le faire. De même, Proximus voulait lancer dans 30 communes des « expérimentations » de quasi-5G en modifiant quelque peu la 4G. Heureusement, Louvain-la-Neuve, suivie par d’autres, a interdit cette manœuvre frauduleuse, faisant reculer l’indélicat opérateur téléphonique… dont l’État belge est l’actionnaire majoritaire. Les sociétés sans scrupules, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît.

Face à la capacité d’amplification des contre-vérités que sont la publicité et les médias intégrés dans le système technicien, les opposants à cette pointe émergée de l’iceberg de l’impérialisme technologique qu’est la 5G ont une voix bien peu entendue. Ils n’ont que des faits et des arguments (scientifiques, politiques, éthiques) étayés à opposer au rouleau-compresseur des promesses fallacieuses des marchands d’illusions connectées qui ne sont que des sbires au service du productivisme le plus débridé. Ce sont ces faits que vous trouverez détaillés dans les pages qui suivent.

Alain Adriaens et Bernard Legros

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HORS-SÉRIE SUR LA 5G

Pour ceux qui ne sont pas abonnés au journal Kairos (car ces derniers le recevront dans leur boîte à lettres), vous pouvez précommander le prochain hors-série de Kairos portant sur la 5G. Pour le recevoir en même temps que les abonnés, les paiements sont acceptés jusqu’au mercredi 10 juin. 

Ce hors-série sera également distribué dans les librairies (dès le 19 juin) et il sera encore possible de le commander ultérieurement via l’adresse commande@kairospresse.be.

AU SOMMAIRE:

- 5G : un condensé
de l’impérialisme technologique 

- Nouvelles
technologies et transition numérique : l’illusion
technocratique à la lumière de la 5G

- 5G, électrosmog
et santé

- 5G et écologie

- La 5G au cœur
d’une guerre froide Chine-États-Unis ?

- En guise de
conclusion : l’alibi de la santé

Virement bancaire de 8 € + frais de port pour la Belgique 3€, total 11€ (17€ pour la France) : 

Faire le versement à: Propriétaire du compte: Kairos asbl Numéro de compte: 523–0806213-24 IBAN: BE81 5230 8062 1324 SWIFT: TRIOBEBB Banque: Triodos

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Nous sommes en guerre contre la 5G

« Toute société fétichiste est une société dont les membres suivent des règles qui sont le résultat inconscient de leurs propres actions, mais qui se présentent comme des puissances extérieures et supérieures aux hommes, et où le sujet n’est que le simple exécuteur de lois fétichistes ». Anselm Jappe, La société autophage[note].

Le déploiement progressif dans l’espace social d’innovations technologiques pensées par et pour l’industrie, qui ont des influences, économiques, sociales, sanitaires, écologiques, donc un impact évident sur la société et le vivant, n’a le plus souvent jamais été décidé démocratiquement. Rappelons-le donc : voter pour un candidat n’a jamais indiqué un transfert de souveraineté et un accord tacite sur la liberté de ne pas nous consulter entre deux scrutins pour des questions essentielles. Quand ils ne s’embarrassent pas des circonvolutions habituelles, les journalistes aux ordres révèlent la réalité de la démocratie de façade dans laquelle nous vivons, comme Yves Calvi qui, lors d’un « débat » sur la réforme des retraites en France, énonçait : « Pourquoi fait-on semblant qu’il y a des choix à faire alors qu’il n’y en a pas ? »[note]. La décision du Premier ministre français d’engager le 49.3 lui donnera raison quelques semaines plus tard[note]. C’est bien cela qui se passe : le vote est un blanc-seing, prétexte à tout faire pour satisfaire les intérêts des industriels et de la finance. Concernant l’invasion technologique de nos vies, l’opposition politique n’est que de surface, tous les partis s’accordant peu ou prou sur la fameuse « transition », laissant les TIC envahir l’école, les objets connectés se généraliser et les ondes s’amplifier, sans que le peuple n’ait jamais pu donner son avis à leur sujet[note].

On travestit toutefois nécessairement ces coups de force en bienfaits au seul service de l’individu et de la société[note], mais ceux qui ont un intérêt financier à la voir se mettre en œuvre sont les mêmes qui disposent des canaux pour nous informer[note]. S’ajoute donc au fait de ne pas pouvoir nous prononcer collectivement sur ce que nous voulons ou non, celui de ne pas disposer d’une information largement diffusée qui nous permettrait de construire une opposition à ce qu’on nous impose. Cette stratégie qui prend la forme d’une décision de l’oligarchie, prise en amont de toute vie démocratique dans un contexte de privatisation de l’information, est propre à nos « libérales-démocraties » qui, pour nous donner l’illusion qu’on choisit soi-même ce qu’on a choisi pour nous, passent par plusieurs phases qui peuvent se chevaucher :

1. Les choix technologiques qui sont proposés à un moment donné ont, avant même d’être rendus public, été pris antérieurement dans les Conseils d’administration des entreprises, les dîners d’affaires et réunions politiques, les forums internationaux et autres institutions supranationales non-démocratiques comme la Commission européenne. Ce qui dérange l’ordre établi n’atteint pas le stade du débat médiatique, mais est étouffé par toutes sortes de pressions, avant (on n’en parle alors pas du tout) ou après (on en parle mais peu et mal). Les transfuges du monde de l’industrie vers la politique et vice versa étant la norme, où que l’on soit on demeure au service des mêmes. Un exemple parmi d’autres : Luc Windmolders, directeur du service juridique chez l’opérateur Base, a quitté sa fonction pour devenir directeur de la cellule stratégique Agenda numérique, Télécoms et Poste au cabinet du ministre Alexander De Croo. Pas étonnant dès lors que ce dernier nous réponde, lorsque le collectif stop5G.be interpellera le cabinet pour demander une rencontre : « Nous n’allons pas arrêter la 5G. Nous poursuivons une politique qui veut stimuler au maximum le développement de la 5G. Si vous souhaitez une réunion sur les effets – à mon avis inexistants – des rayonnements, vous devez vous adresser à l’autorité compétente. Le gouvernement fédéral n’a aucune autorité sur les normes de rayonnement ». Luc Windmolders a également travaillé pour l’opérateur de télécommunications néerlandais KPN et a siégé au Conseil d’administration de l’association européenne de l’industrie des télécoms ECTA, association internationale sans but lucratif enregistrée au Moniteur belge. L’ex vice-premier ministre britannique, Nick Clegg, n’avait-il pas lui été embauché par Facebook, pour « adoucir les relations avec les autorités européennes »[note]? José Manuel Barroso n’est-il pas passé directement chez Goldman Sachs après sa fonction comme Président de la Commission ? Jean-Claude Juncker n’a‑t-il pas œuvré à faire du Luxembourg un paradis fiscal avant de prendre la relève de Barrosso ? Tout est à l’avenant : la fonction politique, si l’on sait parler aux lobbies, mais surtout leur répondre, fera office de strapontin propulsant vers les mêmes entreprises que l’on aura aidées en répercutant efficacement la pression industrielle sur les textes de lois et facilitant les décisions favorables à leur business. 

2.
Lorsque certains choix industriels sont économiquement trop
importants pour les entreprises, c’est-à-dire qu’ils promettent
des marges de profit dont ils ne peuvent se passer dans un
environnement concurrentiel, ces choix ne doivent surtout pas faire
l’objet d’une contestation populaire qui risquerait de les voir
échouer. Le débat médiatique ne peut donc avoir lieu et les titres
de presse et de télévision sont performatifs, c’est-à-dire
qu’ils parlent déjà au présent de ce qui n’est pas encore là.
Télévisions, radios et journaux suivent et font exister dans la
réalité ce qui n’existe pas, préparant les esprits à
l’acceptation. Se crée alors naturellement dans la conscience du
sujet l’impression que la chose est en quelque sorte déjà
« implémentée ». 

Deux
exemples. Le magazine Le Vif l’Express publie en février
2020 un dossier sur la 5G, couverture pleine page : « 5G.
Une révolution et des craintes ». Le titre à l’intérieur
du journal a oublié les craintes : « Comment la 5 G va
changer nos vies ». Illustration de couverture : un
grand 5G en rouge, la lettre et le chiffre remplis de lignes qui
s’entrecroisent, symbolisant un réseau ; en arrière-plan la
Terre vue de l’espace, et des petits icônes représentant un
ordinateur, une manette de console de jeu, une tête avec casque
virtuel… Le titre annonce ce qui n’est pas encore là,
prophétise, et, par sa seule énonciation, génère un effet sur les
consciences, car il faut imaginer que davantage de gens verront le
titre que ceux qui consulteront le dossier. Dès lors, sous forme de
perspective future inévitable, la couverture remplit une fonction
publicitaire. Mais peu de craintes toutefois que celui qui se
plongerait dans la lecture de ce dernier, trouve quelques arguments
fondés qui lui permettraient de s’opposer. Arrêtons-nous plus
longuement sur l’introduction de l’article, sorte de conte de fée
futuriste : « Au loin, le balai des grues du port,
entièrement robotisé, ressemble à une immense fourmilière
téléguidée. Le son d’une notification vous sort de vos pensées,
pendant que votre voiture autonome vous emmène au bureau. L’agenda
de la matinée s’affiche sur le pare-brise, à côté de la météo.
Pour commencer, une téléconférence avec un partenaire japonais.
L’appli de traduction simultanée se chargera de faciliter vos
échanges. Le week-end s’annonce plus sympa : vous aviez promis
au fiston d’assister à un Real-Barça plus vrai que nature, depuis
la maison, casques de réalité virtuelle vissés sur la tête. Un
billet « VR 360 », c’est plus cher, mais ça vaut le coup. A
tout moment, vous pouvez passer de la projection tribune à la vue
joueur, comme si vous étiez sur la pelouse. Un nouveau bip met fin à
vos songes. Un drone rouge et jaune de réanimation file à toute
vitesse au-dessus de la voiture, qui s’écarte un peu plus tard
pour laisser passer l’ambulance. Encore 8 minutes avant d’arriver.
Juste le temps de vérifier que tout va bien à la maison :
votre Home Companion a fini de passer l’aspirateur et vient de
laisser sortir le chat ». 

La
vie après le Corona ?

On
aurait pu attendre du service public une autre fonction que celle de
porte-parole de la Silicon Valley, mais non. « A quoi
ressembleront nos villes de demain ? », interroge la
présentatrice de La Première (RTBF) ce matin du 20 janvier 2020.
« C’est la question que nous nous posons dans cet épisode.
Avec la révolution technologique, on parle souvent de la smart
city pour répondre aux défis urbains du futur. On vous emmène
cette semaine pour une promenade en ville, direction 2060, c’est
parti » (Musique, fond de piano, voix féminine qui
raconte la vie en 2060)

« Il
est déjà 7h22, son bol connecté vient de trembler, si elle n’a
pas terminé son petit déjeuner dans 2minutes21, le trajet qui lui a
été attribué devra être recalculé. C’est déjà arrivé trois
fois depuis le début du mois, ça commence à faire un peu trop et
elle pourrait prendre des pénalités. 7h24, elle jette les restes de
ses céréales dans un trou au milieu de la table, la nourriture est
directement aspirée dans les conduits du réseau de gestion des
déchets. Une voix annonce : « 56 grammes ». C’est
bon, elle n’a pas encore utilisé son quota poubelle. 7h26, elle
passe la porte, pile dans les temps. Le bracelet qu’elle porte
vient de vibrer, le trajet a commencé. Elle ne sait exactement quel
véhicule va arriver, où elle va passer, quel itinéraire, quels
seront les moyens de transport : voiture autonome pour 4
personnes, capsule suspendue qui glisse sur un rail magnétique pour
25, train pour 300…, il y a plusieurs combinaisons possibles. Pas
besoin de faire de requête particulière pour le voyage, une fois
son horaire encodé au travail, le système sait qu’elle devra s’y
rendre pour 8h00. Son trajet est recalculé en permanence en fonction
des milliers d’autres trajets qui ont lieu en ce moment dans la
ville, mais une fois que l’itinéraire est fixé, il faut s’y
tenir. C’est le meilleur moyen pour que les trajets soient rapides,
sécurisés, et qu’il y ait toujours une place assise. 7h26, c’est
un deux roues qui arrive, avec chauffeur, c’est plutôt rare, il
l’emmène à la gare, ce sera donc un trajet en train. 7h35, elle
est assise dans le wagon, le trajet est rapide, fluide, calme. 7h56,
elle passe la, porte du centre de commandement, son bracelet vibre,
signal que sa présence au travail est enregistré. La porte du
bureau s’ouvre, les écrans sont là, partout sur les murs, sa
place l’attend. Une journée entière à regarder les images de
caméras de surveillance, la foule, les déplacements, une journée à
surveiller que l’activité de la ville glisse, sans accroc ».
Un rêve de vie pour cette jeune fille, n’est-ce pas ? 

Nous
sommes sur une radio publique belge, qui participe à sa manière de
la folie collective. « Pour bien comprendre de quoi il
s’agit », après cette petite promenade dans le futur
qu’on prépare dans le présent, la journaliste reçoit Carine
Basile, directrice du Smart City Institute… sponsorisé par
Proximus, Total, Vinci Energies, la Région wallone et Digital
Wallonia. A la radio publique, on ne vous aide pas à penser mais à
vous habituer au monde que ces derniers nous préparent. 

Ces
deux passages, étrangement proches dans leur manière d’aborder
l’avenir et de penser le monde, n’ont rien à envier à Orwell ou
Huxley. Se projetant dans l’avenir, ces récits journalistiques
permettent de mieux saisir une des caractéristiques des médias
dominants, à savoir de feindre continuellement qu’ils ne font que
représenter la réalité, la répercuter après-coups en quelque
sorte, alors qu’ils en sont les créateurs. Ils ne sont rien
d’autre que ceux qui donnent à la réalité la représentation
qu’ils veulent, et qui en ont le monopole, permettant à la
prophétie de s’auto-réaliser.

Pur
hasard, décision prise par des journalistes manquant paradoxalement
de temps pour s’informer ? Le 27 décembre, Datanews,
magazine propriété de Roularta, au même titre que Le
Vif, publie
« Groen
et Ecolo sont sélectivement aveugles aux preuves scientifiques ».
Francis Leboutte leur
envoie
quelques jours plus tard un mail et demande un droit de réponse,
concernant notamment « les
assertions de Monsieur Vanhuffel à propos de la pollution des ondes
électromagnétiques, de leurs impacts sanitaires et les limites
d’exposition ».
Le rédacteur en chef Kristof Van der Stadt lui répond : « Le
droit de réponse est réservé aux parties directement impliquées.
Cela dit, d’autre part nous sommes prêts à mettre en évidence les
vues de stop5g.be.
Ce que je propose, c’est que vous transformez le texte en opinion au
nom de stop5G.be, avec des références à des études pertinentes ?
Qu’en pensez-vous? ».
Passons le fait que ceux qui contestent ont des opinions, les autres
ce sont des faits, même s’ils sont sponsorisés par les
opérateurs. Après de multiples échanges et atermoiements, le
rédacteur en chef prévoit la publication de l’article le 21
février, mais le 28, nouveau retournement : « Il
me faut apporter ici une rectification. Nous avons entre-temps
entièrement passé en revue l’opinion et avons finalement décidé
de ne pas la publier sous cette forme, parce qu’après mûre
réflexion, elle ne répond pas aux normes qualitatives
(sic) que
nous préconisons. Mais par ailleurs, nous ne voulons certainement
pas non plus passer sous silence l’existence d’organisations
telles Stop5G, qui réfutent les normes d’ICNIRP, de l’Organisation
mondiale de la santé et de l’UE. Ce que nous nous proposons par
conséquent de faire, c’est de résumer votre point de vue
et
de l’ajouter à l’interview d’un expert en rayonnement que nous
publierons un de ces prochains jours. »

Les échanges se clôtureront le 2 mars par la réponse de Francis Leboutte au rédacteur en chef Kristof Van der Stadt : « En fait, j’ai été informé que, le jour même de votre réponse, vous avez déjà publié ce dont vous faites état ci-dessous dans la version flamande de Datanews où, en ce qui concerne l’avis du collectif stop5G.be et mon article vous en dites à peine plus, c’est-à-dire que mon article « ne répond pas aux normes qualitatives que nous préconisons ». D’autre part, je constate que l’expert que vous avez interviewé, Eric van Rongen, est le Président de l’ICNIRP, l’institution dont l’indépendance par rapport à l’industrie et la validité des avis sont largement contestées par le monde scientifique. Mais quelles sont ces normes qualitatives ? Je doute que vous les ayez appliquées à l’article de Monsieur Vanhuffel publié le 27 décembre et auquel j’avais réagi, le trouvant particulièrement peu objectif. D’autre part, sachez que mon article est le reflet de ce que pensent les membres fondateurs du collectif stop5G.be parmi lesquels il y a 2 ingénieurs civils ainsi qu’un docteur et une licenciée en sciences physiques ; que tous étudient la question de la pollution électromagnétique depuis plusieurs années et même plus de 10 ans pour deux d’entre eux. Il ne vous serait pas facile de trouver un tel concentré de compétence en la matière en Belgique ».

On
se demande en effet quelles sont leurs « normes qualitatives ».
Sans doute celles des «  managers
IT et les utilisateurs finaux dans les entreprises, les pouvoirs
publics, l’enseignement et les associations IT »,
et le « public
cible »
de Data
News :
les
« professionnels
IT, c’est-à-dire les CIO, General managers, Responsables RH et
Finances »7.
Ce qui nous fait dire qu’on perd notre temps avec ces médias, le
groupe Roularta faisant partie du problème et non de la solution. 

3.
Alors que les gens entendent parler de « ce
qui va arriver »,
les industriels créent conjointement les objets qui établiront une
sorte de lien de cause à effet. On parlait de 5G, mais pas des
objets qui en auront l’utilité, il faut donc créer ceux-ci. Les
smartphones, drones, consoles portables, caméras, robots…
« compatibles » avec la nouvelle technologie, deviennent
des « causes » qui demandent des « effets »,
et importent dans le corps social une véritable demande active.
D’une chose pour laquelle les gens n’avaient rien demandé, la
nouvelle technologie se mue en innovation générant de faux besoins,
qui avec le temps deviendront indispensables par l’effet d’un
choix politique, entraînant « de
tels bouleversements qu’essayer de s’en passer devient très
difficile8 »
(à l’instar par exemple de la voiture individuelle, de la carte de
banque ou, pas encore, mais ils s’y attellent, du smartphone).
Ainsi, ces faux besoins créés par le secteur publicitaire vont
escamoter l’origine de l’offre et de façon pernicieuse,
renverser son fondement profondément antidémocratique en quelque
chose qui répondrait à une demande collective. Dans ce subterfuge,
le mensonge est permanent. 

4.
Une fois le besoin créé, l’objet ne peut plus se penser de façon
systémique, c’est-à-dire être pris mentalement dans un contexte.
Que la 5G et tous les objets dont la nouvelle technologie accélérera
l’obsolescence (pour assurer la compatibilité) et augmentera la
production (infrastructure pour assurer la couverture triplée),
soient issus d’un esclavage moderne et d’un extractivisme
destructeur est secondaire dès lors que l’objet est peu ou prou
passé dans le domaine de l’addiction. On n’a jamais vu un
héroïnomane en manque philosopher sur la condition sociale des
cultivateurs de pavot.

5. Si contestation conséquente il y a néanmoins, les forces de l’ordre médiatiques et policières n’étant pas parvenues à contrôler l’information et les corps, il faudra ressortir les vieilles tromperies, comme le sentiment national (le spectre de la « Chine » et de « Huawei »… « L’Europe fixe des règles de sécurité stricte pour la 5G », Le Soir, 30/01/20), pour feindre qu’on protège le bien commun, alors que parler de « sécurité nationale », c’est déjà passer une étape et accepter tacitement la chose. Cette contestation ne pourra bien évidemment pas faire l’objet d’une médiatisation. Si elle transparaît toutefois dans les organes d’information du pouvoir, ce sera à des heures de faible écoute et, toujours, sous forme caricaturale, sans laisser le temps de l’argumentation, pour un spectateur déjà quotidiennement noyé sous la « nécessité technologique »9.

6. Ce fonctionnement médiatico-politico-industriel n’apparaît pas subitement, mais est en œuvre depuis longtemps. L’individu ne dispose ainsi souvent plus de la capacité de le saisir, alors qu’il est soumis à un matraquage médiatique depuis l’enfance, dans l’espace public et au sein même de la sphère privée, dont la diffusion pernicieuse dans les esprits, en l’absence de contre-discours propagé à grande échelle, génère passivité et désintérêt pour le politique, la consommation offrant une forme d’exutoire au désengagement de chacun dans l’organisation de sa vie. 

Table
ronde au Parlement européen

C’est
dans ce contexte que doivent se penser leurs « discussions ».
Le menu est déjà écrit, les plats aux fourneaux, et ils feignent
une participation collective à leur élaboration alors qu’ils nous
serviront les mets qu’ils ont préparés de leur seule initiative.
Les lobbies sont omniprésents, aguerris et dotés de techniques de
corruption efficaces. À ce niveau, le Parlement européen n’a plus
beaucoup à voir avec une instance qui prendrait des décisions dans
le sens du bien commun, mais un organe qui, privé de pouvoir
d’initiative, n’examine que les textes proposés par la
Commission, se contentant d’aménager superficiellement des
décisions technocratiques dont ils ne peuvent rien dire sur les
fondements et l’orientation sociétale qu’ils provoquent. Les
lobbies industriels ont leur place au Parlement européen, ils sont
là chez eux. 

Dans
ce monde clos et protégé de la réalité qu’est le Parlement
européen, le
député bulgare Ivo Hristov organise le
10 décembre
2019
une
table ronde, intitulée « 5G deployment in the EU -
opportunities and challenges ». Le titre n’exprime aucun
doute et illustre ce que nous disions précédemment : la chose
est
« là », il s’agit uniquement de ménager les
susceptibilités et de rassurer la populace. L’atmosphère feutrée
de la salle où la rencontre a lieu accentue cette illusion d’être
un « élu » : bien au chaud, tapis au sol, assis
dans de confortables fauteuils, entouré de personnes propres sur
elles, l’air sérieux, l’humour calculé et affecté marque d’une
reconnaissance mutuelle, signe de crédit et de certitude. On pose
donc des questions à des gens sérieux qui répondent sérieusement ;
ils sont mesurés et rassurent souvent explicitement sur l’égale
importance qu’ils accordent à leur combat (la 5G) et à la
sauvegarde de la nature. Depuis en effet que les écologistes de
parti ont capitulé devant le capital et ouvert la voie à la
croissance verte, la nature est un business. « Dans
le développement durable, il y a les trois P, un des P c’est
profit, à côté de planet et de people, donc je n’ai aucun
problème de parler de profit dans un cadre de développement
durable, aucun problème avec ça »,
nous disait un dirigeant de multinationale10.
La nature, on la cite pour mieux l’écarter. Cela
ne pose aucun problème. 

Mère
nature est donc convoquée religieusement car son absence serait plus
bruyante que sa simple évocation : ne rien dire pourrait en
effet s’avérer suspect, signe éventuel d’un non-dit, d’un
évitement qui risquerait d’instiller le doute chez certains. De
même, il est de bon ton d’inviter un opposant parmi les partisans.
Le 10 décembre, on faisait jouer ce rôle à Paul Lannoye, seul
réfractaire à la 5G, étayant son argumentaire sur des faits fondés
sur le bien commun. Porter une autre voix dans une telle assemblée,
c’est donc involontairement leur servir d’instrument qui offre la
preuve de leur ouverture. Les six autres ? Samuel Stolston,
modérateur, digital editor chez Euractiv, expert dans le
réseau 5G ; Jeremy Godfrey, directeur des régulateurs
européens pour les communications électroniques (Berec), dont la
fonction est notamment de promouvoir les services à haute-vitesse,
de supporter une économie digitale compétitive, ou encore
d’habiliter la 5G ; Marc Vancoppenolle, à la tête des
« government relations » chez Nokia Belgique, qui
consiste notamment à travailler avec les institutions et les
actionnaires pour créer un cadre politique favorable et un
environnement régulatoire favorisant les investissements haut-débit
et la digitalisation ; Lazlo Toth, directeur de politique
publique chez GSMA Europe, qui représente le bras européen de
l’industrie de la communication mobile mondiale ; Vladimir
Pulkov, à la tête du Intelligent Communications Infrastructures R&D
Laboratory, au Sofia Tech Park, en Bulgarie ; George Oikonomou,
Ingénieur dans l’équipe 5G à VMware. On croirait une blague. Ce
n’en est pas une. 

L’œuvre
théâtrale est parfaite, comme lorsque Samuel Stolton demande au
cadre de Nokia, Marc Vancoppenolle, d’expliquer comment la 5G va
permettre aux citoyens d’accéder plus facilement aux services
publics. Se soignant pour la plupart dans des cliniques privées qui
les mettent à l’abri de la réalité du secteur de la santé en
Belgique, en France et ailleurs, ils ne suspectent sans doute même
pas la catastrophe en cours dans les hôpitaux publics. 

Vladimir
Pulkov expliquera qu’il est ingénieur télécom et « ne
peut pas commenter les questions liées à la santé car il n’est
pas un expert à ce sujet », mais que « nous avons
des forces motrices qui nous obligent à implémenter la 5G. La 5G
est en fait une opportunité, une chance de réaliser toutes les
choses dont on a besoin dans le futur. Nous parlons de smart
cities, d’intelligence artificielle… Peut-on avoir de
l’intelligence artificielle sans big data ? Non.
Peut-on avoir de la big data sans communication sans fil ?
Non. Nous parlons de la réalité augmentée, où tout le monde va
maintenant ». Pour aider à ce qu’on reconnaisse que tout
cela n’est qu’un grand spectacle, j’adresse une question à
Valdimir Pulkov, fervent fidèle : 

-
« Mr. Pulkov, quand vous parlez que les gens veulent
développer des smart cities, je crois qu’on est quand même
au Parlement européen, qui représente [est censé représenter]
le peuple européen… Moi je n’ai pas envie de smart cities,
il y a plein de gens que je connais qui n’ont pas envie de smart
cities ; Je constate quand même que vous êtes 6, qu’il y
en a 5 qui représentent l’industrie. Quels sont vos intérêts Mr.
Pulkov pour dire que les gens veulent des smart cities, qui
vous a payé, qui a payé les autres. C’est quand même effarant de
voir quelqu’un qui bosse pour Nokia [Marc Vancoppenolle]
venir nous expliquer ce que la 5G va nous apporter. J’aimerais que
vous vous expliquiez un peu là-dessus. Je vous vois plutôt comme un
apôtre du Progrès qui dit « la 5G viendra »…
Il ne manque plus qu’à mettre les mains en l’air ; mais je
pense qu’on est dans une période où l’urgence climatique,
sociale, demande d’autres réponses ».

Le
modérateur demandera à Vladimir Pulkov de répondre à la
question : 

-
« Non, je ne veux pas répondre sur ce point. Ok… J’ai
juste dit si… Je commente à nouveau : il y a des forces
motrices, si nous voulons des smart cities, nous devons le
faire ; vous ne voulez pas de smart cities, ok. Je suis
un ingénieur télécom, un chercheur dans le domaine des télécoms
et je pense, depuis plus de 30 années d’expérience,
qu’on a vu la 1G, 2G, 3G, 4G… Donc, mes attentes sont qu’il y
aura la 5G, parce qu’il y a des forces motrices pour cela. Comment
cela va-t-il être implémenté, dans quel sens, on doit le
considérer tous ensemble ». Amen. 

https://youtu.be/nZRkY4SGdTI

Parlement
européen : 5G, ciel et satellites 

Le
20 février, à l’initiative de la député européenne Michèle
Rivasi, a lieu une seconde table ronde « 5G, ciel et
satellites : pollution du spectre radio, comment partager les
fréquences de notre Espace commun mondial ». Les invités :
Giles Robert, directeur de l’observatoire Centre-Ardenne, le seul
et unique d’où on puisse encore voir correctement le ciel étoilé
en Belgique ; Éric Allaix, de l’organisation météorologique
mondiale ; Philippe Achilleas, professeur en droit public à
Paris (Paris-Sud, Panthéon-Sorbonne), spécialiste en droit relatif
à l’espace et droit des télécommunications. S’y ajoute
Branimir Stantachev, de la DG Connect de la Commission européenne. 

Le
discours de ce dernier, responsable du développement et de la mise
en œuvre au niveau des politiques européennes de diffusion sans fil
et la large bande, est rôdé, automatisé. Une machine. Depuis 2008
à la Commission européenne, il a débuté sa carrière
professionnelle en 1995 à la chaire Vodafone pour les systèmes de
communications mobiles de l’Université de Dresde en Allemagne. Il a
ensuite travaillé pour Philips, Qimonda (fabricant de
semi-conducteur, Munich) et Signalion (fournisseur de solutions pour
les fabricants et opérateurs d’infrastructures sans fil, Dresde). Le
12 et 13 février 2018, il est l’un des orateurs pour la conférence
européenne sur la 5G, dont la liste des sponsors laisse à elle
seule entendre de qui Branimir est l’envoyé spécial. Logiquement,
il passe donc du privé vers les instances politiques qui permettront
de continuer à servir ses anciens patrons. Dans le Parlement,
après trois interventions qui toutes, peu ou prou, soulignent
les risques que comporterait le déploiement de la 5G, je pose ma
question à Branimir Stantachev : — « Vous terminez
tout à l’heure en disant que les affaires sont la pierre angulaire
de la question de la 5G. Je crois que vous avez tout dit. Votre
discours est effrayant. Vous tenez le double discours typique de
l’industrie, c’est-à-dire « on fait attention à la
santé », mais en même temps « on s’en fout
complètement ». Il faut quand même rappeler qui est votre
patron, c’est Thierry Lebreton [Thierry Breton, actuel
commissaire européen au Marché Intérieur] qui vient d’une
grosse boîte de Telecom [entreprise de services numériques
Atos], qui a été placé par Macron. Je crois que la question
essentielle, et cette vidéo que je suis en train de faire passera,
c’est que la souveraineté populaire n’est plus du tout présente.
Vous venez d’avoir trois discours ici, qui vous parlent à la fois
d’un paysage commun universel qui va être détruit [le ciel
étoilé, intervention de Giles Robert], peut-être que ça ne
vous intéresse pas que nos enfants voient encore les étoiles ;
d’un risque majeur également en termes de préventions
météorologiques [intervention d’Eric Allaix] ; ainsi
que d’une utilisation rationnelle d’un bien commun qui n’existera
plus du tout [Philippe Achilleas], et vous continuez, les yeux
fermés, à nous proposer un modèle que la plupart des gens ne
veulent plus. En Suisse, il y a une énorme coalition de personnes
qui disent non à la 5G, en Belgique il y en a de plus en plus…
Alors je vous pose la question : quel est votre intérêt pour
le bien commun et le peuple, à qui on va imposer des choses qui sont
totalement… à une époque, alors qu’on vit la sixième crise
d’extinction des espèces, qu’on risque que l’espèce humaine
disparaisse dans peut-être moins de 50 ans, j’ai des enfants de 10
et 6 ans et je ne sais pas ce qu’ils vont devenir, et
vous nous foutez des trucs dont en fin de compte on n’a pas besoin,
qu’est-ce que vous dites à cela ? » 

Après
cette assez longue question, Branimir Stantachev me regarde et me
demande, en anglais, si je peuxlui reposer la question. Il
n’avait pas mis son casque. Il écoutait donc sans comprendre.

-
« Pourquoi Monsieur Stantachev ne met pas son casque ?
Pas possible ! Je vais donc recommencer la même chose ?
Donc je vous dis que vous tenez le double discours habituel de
l’industrie où à la fois vous nous dites que… [Branimir
Stantachev ne trouve pas la fréquence pour la langue de traduction].
Y’a un système qui bloque quand on pose des questions un peu
trop dérangeantes… ? Vous terminez tout à
l’heure votre allocution en disant que les affaires sont la pierre
angulaire de… (idem)… je crois que vous dites tout, je
rappelle qui est votre patron, Thierry Breton, qui vient d’une
grosse boîte de Télécom. Je crois qu’on pose la question
essentielle ici de la souveraineté populaire. Il y a trois personnes
qui viennent de parler et qui ont évoqué la destruction d’un
paysage commun universel, le fait que la prévention météorologique
qui permet de sauver des milliers de personnes risque d’être
totalement mise à mal et que le bien commun qu’est l’espace
risque… quand on envoie 42.000 satellites, on ne peut plus parler
d’utilisation rationnelle de l’espace. De plus en plus de gens se
prononcent contre la 5G. On vient de découvrir en Suisse que
beaucoup de gens sont malades, ont des troubles neurologiques, des
troubles du comportement, ne savent plus dormir… Il y a des
reportages qui sortent là-dessus. Vous continuez à nous imposer
quelque chose qu’au fait on ne veut pas. Je rappelle quand même
qu’on est dans une époque où on vit la 6ème
crise d’extinction des espèces – la dernière était celle du
Crétacé-Tertiaire, c’était les dinosaures qui ont disparu – on
sait maintenant qu’elle est causée par l’homme. Quand va-t-on
arrêter ce délire ? Je répète encore ce que j’ai dit, j’ai
des enfants de 10 ans et 6 ans, j’ai peur pour leur avenir.
Monsieur [une personne dans le public] disait tout à l’heure
qu’il y a d’autres solutions… La grande solution c’est
surtout celle de changer de paradigme. Je rajoute une chose, c’est
que j’ai été au forum de la 5G à Diamant [quartier de
Bruxelles], c’était introduit par une copine Commissaire de
Monsieur Breton [Miapetra Kumpula-Natri, voir plus bas], qui
remerciait dans la salle les lobbies, Nokia, Ericsson, etcetera, qui
avaient fait pression sur elle les dernières années… C’était
tout un monde qui était là, je n’ai vu aucun représentant du
peuple, peut-être quelques parlementaires… Quelle est votre
position par rapport à la souveraineté populaire ? On sait que
ce n’est que du business. Alors dites-le : « C’est
que du business, on s’en fout du peuple », mais c’est
que du business. Vous ne gagnez pas comme moi une somme
dérisoire, et vous n’êtes pas en train de lutter. Vous avez un
salaire énorme, comme tous les autres qui travaillent là-dedans.
Désolé, mais à la fin c’est tellement absurde… ».

Il
finira par « répondre » : 

« Merci d’exprimer ces inquiétudes, bien sûr nous les prenons au sérieux, du côté de la Commission, en ne regardant pas uniquement le côté économique des choses, mais nous surveillons également l’impact social et bien sûr l’impact sur la santé humaine. Je crois qu’à cet égard la Commission a été cohérente dans le suivi et l’évaluation de l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé publique. Nous avons un mécanisme en place à la Commission, basé sur un travail avec des experts de comités particuliers. Peut-être avez-vous entendu parler du comité Scheer [comité scientifique qui dépend de la DG santé] et de ce comité qui hérite d’un autre dans le passé avec un autre nom et a déjà produit, je crois cinq avis, sur l’impact des champs électromagnétiques sans aucune conclusion négative jusqu’à présent. En ce qui concerne l’impact de la 5 G, je pense que la 5 G est une technologie “next génération”, utilise basiquement les fréquences qui sont déjà harmonisées ? Pour les communications mobiles, ce ne sont pas de nouvelles fréquences, ce sont des fréquences déjà en usage et l’impact électromagnétique de cette utilisation sera comparable à ce qu’il était avant. Bien sûr nous avons d’autres fréquences qui pourraient être utilisées, ondes millimétriques… qui ont toutefois une propagation très différente et d’autres caractéristiques et là, nous avons réalisé des études qui montrent qu’il n’y aura qu’un impact marginal de ces fréquences dans l’augmentation générale de l’exposition aux champs magnétiques. Nous sommes également conscients que, par exemple, des organismes internationaux comme l’OMS ou le centre international de recherche sur le cancer ont aussi leurs vues sur l’impact des OEM : ils les catégorisent comme possiblement cancérogènes ce qui est la même catégorie que par exemple, manger des cornichons, manger des légumes conservés dans du vinaigre, et c’est une catégorie moins dangereuse que par exemple l’effet de boire du café très chaud ou même avoir un travail de nuit. Je crois que nous devrions être très prudents sur les bilans et ces bilans sur l’impact des OEM devraient être basés sur des preuves et des recherches très profondes et c’est ce que nous avons toujours fait (…). 

L’échange est impossible. Nous vivons dans d’autres mondes. Seulement, ses principes à lui deviennent réalité. 

Le
Forum de la 5G

Au
forum de la 5G, ce 29 janvier, pas besoin de s’encombrer de
« dissidents », inutile de feindre que l’on débat :
ici tout le monde est d’accord. On parle pour agir. On prépare le
terrain. On prophétise et on anticipe les écueils qui pourraient se
mettre en travers de la voie sacrée de la 5G. Plus de 200 personnes
des 5 continents, badges Huawei, Nokia, Facebook, Ericsson,
Qualcomm…, et de multiples opérateurs de télécommunications.
Ici, pas de traduction simultanée, tout le monde parle anglais. 

Le
modérateur de la première session est Amit Nagpal, de Aetha
Consulting, une organisation de consultance dans l’industrie des
télécoms, qui conseille de nombreux opérateurs dans le monde (KPN,
Orange, Türc Telecom…), mais a aussi parmi ses clients la
Commission européenne. La session pour introduire la grand-messe
s’intitule « Où en sommes-nous ? Les premières
expériences avec la 5G », résumé par ses mots dans le
dépliant reprenant les conférences de la journée : « La
5G est là. Partout dans le monde, le déploiement commercial a
débuté. Nous avons pu commencer à voir les premiers exemples de
réseau 5G à être mis en place, et les premières applications
mobiles deviennent disponibles (…) ». Le premier à
prendre la parole est Pearse O’Donohue, directeur à la Commission
européenne de Futur Networks, de la DG Connect, collègue de
Branimir Stantachev. 

Lui
succède à la chaire Miapetra Kumpula-Natri, parlementaire
européenne représentant la Finlande. Alors qu’elle prend la
parole pour prêcher, elle introduit son intervention de façon
surprenante et décomplexée, indiquant qui dirige vraiment le
Parlement et prend les décisions en matières de 5G : «Je
vois beaucoup d’acteurs importants de la 5G, que nous avons
vraiment besoin de renforcer en Europe. Et je suis heureuse de voir
de nombreux visages ici, qui ont fait pression sur moi (That was
lobbying me) durant la dernière législation au Parlement ».Aucune honte. Pas d’hérétique dans l’assistance
pense-t-elle, elle peut sans vergogne nommer ce qui est. 

Miapetra Kumpula-Natri a raison de remercier les industriels dans la salle ce 29 janvier. Reprise dans la liste des orateurs de l’ECTA, l’association européenne de l’industrie des télécoms, la parlementaire parlera beaucoup de la nécessité de créer le besoin qui amènera la demande de 5G, alors que celui-ci est quasi inexistant encore en Europe. Leur stratégie de guerre est donc maintenant au stade que nous avons décrit en préliminaire de ce texte : provoquer le lien de cause (la généralisation des objets nécessitant la 5G) à effet (la demande des infrastructures nécessaires pour répondre au fonctionnement de ces objets). 

https://youtu.be/ryJ17W0I5no

Travestissant
les mots sans complexe, elle parle de « souveraineté
technologique »,
oxymore s’il en est, la souveraineté étant justement ce que la
technologie éradique en se développant. Au Parlement,
Vladimir Pulkov et d’autres parlaient d’« écosystème
favorable à la 5G ».
Point d’importance que ces mots soient profondément antinomiques
et suscitent chez celui qui a encore la capacité de penser, un
sentiment de dissonance, eux sont tels des prêtres qui partent dans
des envolées lyriques où il n’y a plus que la croyance qui
importe. On dirait des politiciens : comme eux ils adoptent ce
langage qui « a
pour fonction de rendre le mensonge crédible et le meurtre
respectable, et de donner à ce qui n’est que du vent une apparence
de consistance11 ».
On a envie de leur demander d’arrêter leurs litanies, mais leurs
mots ne sont que les témoins de leurs actes en train se faire. Nous
ne pourrons les arrêter si nous restons sur le terrain symbolique,
ils partent gagnants : les médias qui ont ce monopole de la
représentation
du réel, leur appartiennent, et ils s’assureront que ceux-ci nous
répètent inlassablement ce que nous devons aimer et participera de
notre bonheur. 

Vient
ensuite Frédéric Pujol, responsable des activités Technologie et
Radio et spectre chez Idate DigiWorld. Qui est Idate DigiWord ?
C’est le cabinet qui a été sélectionné pour réaliser
l’Observatoire européen de la 5G pour la Commission européenne.
Il établit ainsi un rapport trimestriel sur le processus de
déploiement de la 5G et annonce sur la première page de son site
qu’il est sous le haut patronage du Président de la République
français Emmanuel Macron. Frédéric Pujol réalise diverses
missions pour la Commission européenne, des opérateurs de mobile
japonais et d’autres entreprises privées. Les liens se font, quand
on sait que Macron a appuyé la candidature de Thierry Breton comme
commissaire européen au marché intérieur… Thierry Breton,
serviteur zélé de l’industrie, passé du privé (Directeur
Général Adjoint puis Directeur Général chez Bull group,
CEO de Thomson, CEO de France Telecom, Président-directeur général
du groupe Atos jusqu’en 2019) au public (Ministre de l’Économie
et de la Finance français puis Commissaire européen). 

Le
messianisme technologique

Jouissant
pour la plupart des fruits que leur confère leur croyance, pouvoir
et argent, ces apôtres sont atteints d’une forme de folie qui les
empêche d’appréhender le monde et de saisir ce qui s’y passe,
défendant des projets qui leur assurent un mode de vie qui les met à
l’abri du besoin et de la pensée. Ils sont pétris de cette
certitude propre aux fidèles du Progrès, assurés qu’ils ne
peuvent se tromper et que notre seule et unique erreur serait celle
de rester à la traîne, en regard des Chinois, Sud-Coréens… Les
médias, dans cette propagation de foi, suivent et font exister dans
les représentations ce qui pourrait encore être refusé. Ils
entérinent quotidiennement le monde dans lequel nous sommes, n’y
voyant qu’à de rares occasions quelques défauts accessoires. 

Ce
sont de véritables discours religieux, des messes avec les prêcheurs
et les fidèles. Les prosélytes au micro proviennent de Nokia, du
Forum coréen pour la 5G, de l’Icnirp, de la Commission et du
Parlement européens, et ont leurs relais politiques et médiatiques.
Ceux qui parlent sont mus par quelque chose qui transcende la
détermination : ils croient et sont sûrs de ce qu’ils
croient. Leur diocèse industriel leur offrant par ailleurs des
conditions de vie qui laissent peu de place à un doute qui, s’il
devait les rendre plus libres, impliquerait un changement de vie
qu’ils ne veulent pas engager. Ils ne peuvent toutefois cyniquement
déclarer que la nature et la santé sont sans importance pour eux,
ils doivent donc dire ce qu’ils ne font pas, pendant qu’ils font
ce qu’ils ne disent pas. Il y a lieu de considérer le malaise
moderne aussi dans ce double bind, ces injonctions
paradoxales, messages pérennes et structurels, qui rassurent ceux
qui veulent que rien ne change, mais sont profondément
déstabilisants pour les autres, en permanence plongés dans un
double discours dont ils perçoivent La fausseté, la tête entre
deux écouteurs émettant des messages paradoxaux. 

Mais selon les pays, la propagande ne sera pas toujours suffisante et on lui préférera des méthodes plus musclées. HyeonWoo Lee, Vice-Président du 5G Forum Korea, est d’une franchise qui laisse entendre que la méthode est habituelle : « En Corée, le gouvernement est très agressif pour promouvoir la 5G ». 

Ici,
pas encore besoin de l’armée ou de la police pour imposer des
technologies qui trouvent leur source dans la soif de profit et de
domination12.
Le Coronavirus
fait œuvre de stratégie du choc, l’Institut
Belge des Services Postaux et des Télécommunications (IBPT)
annonçant en plein confinement que « concernant
l’introduction de la nouvelle technologie 5G, l’IBPT propose, en
l’attente d’un accord politique entre le gouvernement fédéral
et les entités fédérées, d’octroyer des droits d’utilisation
provisoires ».
Alors que les gens sont cloîtrés chez eux, l’IBPT organise, ce
n’est pas une farce, une consultation publique jusqu’au 21 avril
à ce sujet. L’IBPT, on en avait déjà parlé13,
c’est l’organisation dont l’ancien Président,
Luc Hindryckx, est passé à l’ECTA, et dont nombreux autres ont
rejoint, ou viennent, de l’industrie des télécom. 

On espère que les dubitatifs auront saisi que l’enjeu dépasse de loin la 5G. Ce n’est pas moins que l’avenir de l’humanité qui est en jeu. Les choix à venir seront décisifs, les refus aussi donc, dont la 5G fait naturellement partie. Le capitalisme du désastre persiste et signe, continue à piller le non-Occident, sous prétexte de « transition », assurant cet art du changement dans la continuité dont il est maître. Si une résistance massive à ce futur qu’on nous prépare n’a pas lieu, c’est tout notre rapport à l’autre et au monde qui risque de basculer dans une dimension dont on voit déjà poindre les prémices, au moment même où nous devrions revenir à quelques valeurs fondamentales, notamment nous considérer comme espèce faisant partie d’un grand tout, où la nature et l’autre ne sont plus à notre service mais en coexistence. Ce sera bien pour nous, mais aussi et surtout pour ceux dont notre mode de vie a justifié et justifie le massacre, séculaire et quotidien. 

Retrouver
du sens, c’est cela. Non ? 

Alexandre
Penasse

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La 5G au Parlement européen: quand les technophiles faisaient semblant de débattre…

Dans ce monde clos et protégé de la réalité qu’est le Parlement
européen, le 10 décembre 2019, le député bulgare Ivo Hristov organise
une table ronde, intitulée « 5G deployment in the EU — opportunities and
challenges ». Parmi les orateurs, le seul opposant à la 5G est Paul
Lannoye, président du GRAPPE et chroniqueur au journal KAIROS. Les
quatre autres ? Samuel Stolston, modérateur, « digital
editor » chez Euractiv, expert dans le réseau 5G ; Jeremy Godfrey,
directeur des régulateurs européens pour les communications
électroniques (Berec), dont la fonction est notamment de promouvoir les
services à haute-vitesse, de supporter une économie digitale
compétitive, ou encore d’habiliter la 5G ; Marc Vancoppenolle, à la tête
des « government relations » chez Nokia Belgique ; Lazlo Toth,
directeur de politique publique chez GSMA Europe, qui représente le bras
européen de l’industrie de la communication mobile mondiale ; Vladimir
Poulkov, à la tête du « Intelligent Communications Infrastructures
R&D Laboratory », au Sofia Tech Park, en Bulgarie ; George
Oikonomou, Ingénieur dans l’équipe 5G à VMware. On croirait à une
blague, mais ce n’en est pas une, mais le plus incroyable et que nous
jouions encore dans ce jeu de dupes. 

Nous vous offrons ici la réponse de Vladimir Pulkov à la question du
journaliste de Kairos, Alexandre Penasse, qui illustre parfaitement la
fatalité religieuse de leur discour, et l’omerta autour de leur intérêt à
défendre ces technologies que nous n’avons pas demandées. 

Plus d’infos sur www.kairopresse.be

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Articles

La 5G ou la folie déguisée sous les habits de la nécessité*

Préambule :
En l’an 2020, ce 25 janvier, nous remercions, dans sa bonne grâce,
le pouvoir communal bruxellois de nous autoriser une « manifestation
statique » ; mais « une
interdiction de tout moyen d’amplification autre qu’un
mégaphone ». Pourtant, des
moyens d’amplification, les publicitaires en ont eu, notamment
Qualcomm, entreprise américaine active dans le domaine de la
technologie mobile (chiffre d’affaires 25,3 milliards de dollars)
qui, en septembre 2018, inondait Bruxelles avec des affiches apposées
sur les supports propriété de l’entreprise JC Decaux, avec le
message : « La 5G va créer
de nombreux emplois. Et notre travail, c’est de créer la 5G ».
Huawei, elle, affichait dans tout
Bruxelles lors des campagnes électorales de mai 2019 :
« Vote for 5G. Voter ce n’est pas seulement par rapport à
des candidats, mais aussi des idées ». 

Pourquoi
le collectif stop5G.be ?

Nous
sommes réunis aujourd’hui pour la journée internationale contre
la 5G, alors que le collectif belge stop5G.be naissait dans la
continuation de la lutte contre les compteurs communicants, autre
« innovation » que la sphère politico-industrielle veut
nous imposer. 

En
septembre 2017, dans un appel à l’Union européenne, plus de 180
scientifiques et médecins de 36 pays mettaient en garde contre les
dangers de la 5G. En 2019, un appel international, organisé sous
forme de pétitions signées par 172.395 personnes et organisations
de 204 pays et territoires, est adressé aux gouvernements fédéral
et régionaux belges. Le chien aboie, la caravane passe. Comme le
disait Albert Camus, l’absurde naît de cette confrontation entre
l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. Nous
sommes plongés dans l’absurde.

Si
nous pensons évidemment que la santé est primordiale dans le combat
contre la 5G, nous sommes persuadés que se focaliser sur ce seul
aspect est risqué. Car l’industrie des télécommunications et les
fabricants d’objets connectés disposent d’une armée de
scientifiques payés pour obtenir les résultats qui leur convient,
créant le doute propagé par des médias à leur service. Le Monde,
en septembre 2019 titrait « “5G
appeal” : pourquoi cette pétition sur les ondes et la santé
est exagérément alarmiste ».
Rappelons que Le Monde est détenu par Xavier Niel, Matthieu Pigasse
et Daniel Kretinsky, hommes d’affaires multimillionnaires qui ont
sûrement quelques intérêts à voir se déployer la 5G… Dans la
balance politique, l’économie et la technologie ont plus de poids
que la santé, et les semeurs de doutes font leur travail et nous
amènent sur un terrain où les deux camps s’affrontent : ceux
qui y croient et ceux qui n’y croient pas. 

Il
faut donc également penser en amont, à la source des intérêts
derrière les projets de 5G. À ce niveau, plus de camps de ceux qui
y croient ou pas, plus de doutes : la
5G est un projet au service unique de multinationales
qui escomptent des gains financiers extraordinaires dans un monde où
des milliards d’objets seraient connectés — la 5G permettrait
également un contrôle sans précédent des populations. 

Doit-on
attendre quelque chose des acteurs
politiques ? Récemment, après
avoir interpellé le cabinet du ministre de l’Agenda
numérique, des Télécommunications et de la Poste, Philippe De
Backer, pour une rencontre concernant nos inquiétudes au sujet de la
5G, son directeur pour la cellule stratégique Agenda numérique,
Télécoms et Post, Luc Windmolders, nous
répondra :

« Nous
n’allons pas arrêter la 5G. Nous poursuivons une politique qui
veut stimuler au maximum le développement de la 5G. Si vous
souhaitez une réunion sur les effets — à mon avis inexistants —
des rayonnements, vous devez vous adresser à l’autorité
compétente. Le gouvernement fédéral n’a aucune autorité sur les
normes de rayonnement ».

Qui
est Luc Windmolders, pour ne citer que lui ? Le
directeur de la cellule stratégique du ministre a travaillé chez
l’opérateur de télécommunications néerlandais KPN et a été,
ces deux dernières années, Chief Legal
& Corporate Officer chez BASE
Company. Luc Windmolders a également siégé au conseil
d’administration de l’association européenne de l’industrie
des télécoms ECTA.

Les
industries font pression pour un assouplissement des normes, et
placent pour ce faire à des postes clés des hommes et des femmes
dévolus à leur cause. 

Peut-on
attendre des médias de masse qu’ils
nous informent?
Il y a quelques mois, quand on préviendra un journaliste du Soir
d’une séance de discussion et d’échanges au sujet des compteurs
dits communicants et de la 5G, en avril 2019, Michel de Muêlenaere,
journaliste, répondra : « Ras
le bol des anti-tout. Vous n’arrêterez pas le progrès ».
Les médias dominants qui appartiennent en Belgique aux familles les
plus riches du pays aiment le Progrès — et la 5G —, parce que ça
rapporte, et ils ont à leur disposition des journalistes
révérencieux et obéissants. 

La
RTBF quant à elle déploie une énergie considérable depuis des
années pour nous faire accepter la 5G. Un article parmi d’autres,
de 2018, titré « La Belgique
sera-t-elle prête pour la 5G »,
disait : Il y a un timing à
respecter. La Commission européenne veut que chaque État membre (et
ça vaut aussi pour la Belgique) dispose d’une couverture 5G dans,
au moins, une ville pour 2020. Et en 2025, ce sera l’ensemble des
zones urbaines qui devront disposer d’une couverture 5G. Y compris
les grands axes routiers. On est vraiment dans la dernière ligne
droite ». 

Mais
la question est en fait plus profonde, philosophique :
que voulons-nous pour notre avenir ? Il est à peu près certain
qu’un changement climatique aux conséquences imprévisibles aura
lieu. Alors que nous devrions tout à fait bouleverser notre
paradigme, on nous propose de continuer à surconsommer et à
polluer, de remplacer nos robustes compteurs d’eau, de gaz et
d’électricité par des compteurs communicants ou de transformer
nos villes en smart cities où tout sera connecté. 

Nous
n’en voulons pas.

Pour
le collectif stop5G.be

Alexandre
Penasse

*Discours
lors de la journée
mondiale contre la 5G – 25 janvier 2020 — Bruxelles

Plus
d’infos sur : www.stop5g.be

Voir
également l’article : « Nouvelles
technologies et transition numérique, l’illusion technocratique à
la lumière de la 5G », sur
www.kairospresse.be

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DÉNONCER LA 5G: RASSEMBLEMENT À BRUXELLES CE SAMEDI 25 JANVIER

Après la 4G, voici qu’on veut nous imposer la 5, alors qu’ailleurs ils parlent déjà de la 6. Le rouleau compresseur technologique continue irrémédiablement, mais nous a‑t-on demandé notre avis, nous a‑t-on expliqué les dessous de l’affaire[note].

Sous de fallacieux et bien fragiles arguments (charger un film en 2 secondes…) face aux défis de notre temps (pérenniser l’espèce humaine), se cache le projet d’une production massive d’objets connectés (des milliards), mais aussi d’une possibilité inédite de contrôle de la population. La santé? Peu d’importance face aux impératifs économiques. Ce n’est pas nouveau, non?: amiante, tabac, pesticides, pollution de l’air… La justice sociale? Aucun intérêt face aux profits d’une minorité.

Nous ne laisserons pourtant plus faire leur business as usual, qu’ils l’entendent. Recréons une agora, parlez-en à vos voisins, amis, famille: nous ne sommes pas des cobayes!

KAIROS, signataire de l’appel, invite avec le collectif Stop5G à un rassemblement revendicatif et informatif, ce samedi 25 janvier à Bruxelles. Nous faisons également suivre à nouveau notre communiqué du 14 novembre 2019 relayant un mouvement mondial dénonçant la 5G.

SAMEDI 25 JANVIER 2020, 13H-16H, GARE CENTRALE, BRUXELLES

Dans le cadre de la journée mondiale du 25 janvier contre le déploiement de la 5G (voir stop5ginternational.org), le collectif stop5G.be organise un rassemblement revendicatif et informatif (stand) à Bruxelles, Place de l’Albertine, à côté de la gare Centrale, de 13 h à 16 h.

Au préalable, un appel international signé par près de 200.000 personnes et organisations de 203 nations et territoires avait été adressé au mois de novembre 2019 aux gouvernements fédéral et régionaux de Belgique par le collectif stop5G.be.

Les discours officiels visent à nous convaincre que le seul enjeu de la 5G consiste à faire partie du groupe des dominants dans la compétition économique mondiale grâce à cette nouvelle technologie de télécommunication qui assurera une interconnexion généralisée partout et en tout moment.

Pourtant, au-delà même des problèmes fondamentaux de santé publique que les gouvernements choisissent d’ignorer, les interrogations sont nombreuses quant à l’avenir que trace cette fuite en avant vers le meilleur des ondes : toxicité pour le vivant, croissance de la consommation énergétique, mutation du travail et de l’emploi, épuisement des ressources en métaux rares et en eau, faible taux de recyclage des alliages, surveillance rapprochée des citoyens et atteinte aux libertés, conflits internationaux…

Même les milieux industriels s’interrogent sur la faisabilité économique d’un déploiement qui exige d’énormes investissements dont la rentabilité est loin d’être assurée sauf si les pouvoirs publics contribuent de manière significative…

Enfin, il va de soi que la technologie 5G, du fait de la croissance sans limites des transferts de données entraînera une augmentation significative de la consommation d’énergie et des ressources. À ce titre, elle va à l’encontre d’une politique écologiquement responsable et des objectifs affichés par l’Union européenne et les signataires de l’accord de la COP21 en 2015 en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Plus d’information sur la manifestation : www.stop5g.be/fr

COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF POUR L’ARRÊT DU DÉPLOIEMENT DE LA 5G

14 NOVEMBRE 2019

Le collectif stop5G.be a été créé le 14 novembre 2019 à l’occasion de la remise de la pétition internationale aux ministres belges des différents niveaux de pouvoir dont c’est la compétence. L’objectif premier du collectif est l’arrêt du déploiement de la 5G, la 5ème génération des normes de la téléphonie mobile. À ce jour, le collectif rassemble déjà une dizaine d’ASBL et d’associations de fait dont vous pouvez consulter la liste ici.

L’appel international www.5gspaceappeal.org signé par 172.395 personnes et organisations de 204 nations et territoires, en date du 6 novembre 2019, est adressé aujourd’hui aux gouvernements fédéral et régionaux de Belgique. Partout dans le monde, cette semaine, les 204 nations et territoires adresseront l’appel à leurs gouvernements respectifs.

Le déploiement sur terre et dans l’espace de la 5G, 5ème génération des normes de la téléphonie mobile, est en cours ou se prépare dans de nombreux pays. Des dizaines de satellites de télécommunication 5G ont déjà été lancés par des sociétés étasuniennes.

Cette nouvelle réalité entraînera un changement environnemental sans précédent à l’échelle planétaire. Pour la mise en œuvre de l’internet des objets (IdO), l’industrie prévoit l’installation de millions d’antennes 5G, une tous les 50 à 150 mètres en milieu urbain[note], et la mise en orbite de plusieurs dizaines de milliers de satellites. Les prévisions font état de 20 milliards d’objets connectés (émetteurs) en 2020, 30 milliards en 2022 et bien plus par la suite[note] : jusqu’à un million d’objets au kilomètre carré pourraient communiquer.

Malgré un déni généralisé, nous disposons de preuves scientifiques suffisantes indiquant que les champs électromagnétiques (CEM) de radiofréquences[iii] (RF) utilisées par les techniques de communication sans fil déjà déployées, sont nuisibles aux êtres vivants. Plus de 1.500 études scientifiques évaluées par des pairs[note] rassemblent des données cliniques probantes tout comme des preuves expérimentales de dommages à l’ADN, aux cellules et aux organes d’une grande variété de végétaux et d’animaux. Des données épidémiologiques viennent étayer la thèse selon laquelle l’origine de beaucoup de maladies de la civilisation moderne, comme le cancer et la maladie d’Alzheimer, peut être expliquée, au moins en partie, par la pollution électromagnétique.

Si les plans de l’industrie des télécommunications pour la 5G se concrétisent, aucun être vivant ne pourra se soustraire à une exposition permanente à des radiations RF artificielles dont la toxicité est déjà avérée. Les conséquences probables de la prolifération des satellites 5G font craindre le pire : dégradation de la santé humaine et des écosystèmes à l’échelle planétaire, perturbation de l’ionosphère et de la magnétosphère entraînant un changement des propriétés électromagnétiques de la Terre, destruction de la couche d’ozone et augmentation de l’effet de serre suite à la combustion des carburants des fusées porteuses de satellites.

Les caractéristiques techniques de la 5G diffèrent fortement de celles des technologies existantes et font peser sur les êtres vivants des risques sanitaires potentiellement supérieurs à ceux induits par les générations antérieures (2G, 3G et 4G), sans parler de la puissance concentrée des faisceaux 5G qui pourrait donner lieu à des expositions locales et instantanées bien supérieures aux expositions actuelles. À ce jour, aucune évaluation des impacts sanitaires et environnementaux de la 5G n’a été réalisée. Son déploiement relève d’une expérimentation à grande échelle sur les êtres vivants. Par ailleurs, dans une situation climatique et sociale où l’urgence serait d’agir ensemble pour assurer l’avenir de l’humanité, une fuite en avant technologique avec des projets comme celui de la 5G est la pire des voies à prendre.

Nous demandons donc aux gouvernements fédéral et régionaux de Belgique l’arrêt du déploiement de la 5G sur son territoire. Étant donné les études scientifiques existantes et les dizaines d’appels émis par le corps médical et les spécialistes de la question[note], le principe de précaution doit primer. D’autre part, le code de Nuremberg interdit les expérimentations sur des humains non consentants.

Nous demandons également à nos gouvernements d’intervenir à l’UE, au Conseil de l’Europe et à l’ONU pour l’interdiction mondiale des satellites 5G et, à tout le moins, de leurs émissions au-dessus du continent européen et des eaux internationales limitrophes.

Des mesures immédiates doivent être prises pour protéger tous les êtres vivants, conformément aux impératifs éthiques et aux conventions internationales :

- Arrêter le déploiement de la 5G sur la Terre et dans l’espace afin de protéger les êtres humains, plus particulièrement les fœtus, les enfants, les adolescents et les femmes enceintes, ainsi que les autres êtres vivants.

- Respecter la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et la résolution 1815 du Conseil de l’Europe sur les champs électromagnétiques en informant les citoyens, notamment les enseignants et les médecins, à propos des risques sanitaires des rayonnements émis par les technologies sans fil, ainsi que la façon dont ils peuvent réduire leur exposition.

- Privilégier et mettre en œuvre des réseaux de télécommunications câblés à la place du sans-fil. Favoriser l’usage des solutions filaires partout où cela est techniquement possible, en particulier dans les habitations, les lieux de travail et les lieux où séjournent des enfants, des femmes enceintes et des personnes vulnérables (crèches, garderies, écoles, hôpitaux.).

- Constituer immédiatement, en dehors de toute participation de l’industrie, des groupes internationaux de scientifiques indépendants, exempts de conflits d’intérêts et spécialistes des champs électromagnétiques et de leur impact sanitaire et environnemental; ils établiront de nouvelles normes internationales de sécurité applicables aux champs électromagnétiques artificiels qui prennent en compte les effets biologiques de l’exposition sur tous les êtres vivants et pas uniquement les effets thermiques sur les êtres humains.

- Constituer immédiatement, en dehors de toute participation de l’industrie, des groupes internationaux de scientifiques ayant une expertise dans le domaine des champs électromagnétiques, de la santé, de la biologie et de la physique atmosphérique. Ils élaboreront un cadre réglementaire exhaustif garantissant que l’espace extra-atmosphérique est sûr pour les êtres humains et non humains en tenant compte des CEM artificiels, des gaz et de la suie noire éjectés par les moteurs des fusées ainsi que des débris spatiaux résultant de cette activité. Ils prendront la mesure des impacts sur la couche d’ozone, le réchauffement climatique, l’atmosphère et la vie sur la Terre. La technologie spatiale tout autant que la technologie terrestre doit être viable pour les adultes, les enfants, les animaux et les végétaux.

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IL EST URGENT D’ARRÊTER LE DÉPLOIEMENT DE LA 5G

L’appel international www.5gspaceappeal.org signé par 172 395 personnes et organisations de 204 nations et territoires, en date du 6 novembre 2019, est adressé aujourd’hui aux gouvernements fédéral et régionaux de Belgique.Partout dans le monde, cette semaine, les 204 nations et territoires adresseront l’appel à leurs gouvernements respectifs.

Le déploiement sur terre et dans l’espace de la 5G, 5e génération des normes de la téléphonie mobile, est en cours ou se prépare dans de nombreux pays. Des dizaines de satellites de télécommunication 5G ont déjà été lancés par des sociétés étasuniennes.

Cette nouvelle réalité entraînera un changement environnemental sans précédent à l’échelle planétaire. Pour la mise en ouvre de l’internet des objets (IdO), l’industrie prévoit l’installation de millions d’antennes 5G, une tous les 50 à 150 mètres en milieu urbain[note], et la mise en orbite de plusieurs dizaines de milliers de satellites. Les prévisions font état de 20 milliards d’objets connectés (émetteurs) en 2020, 30 milliards en 2022 et bien plus par la suite[note] : jusqu’à un million d’objets au kilomètre carré pourraient communiquer.

Malgré un déni généralisé, nous disposons de preuves scientifiques suffisantes indiquant que les champs électromagnétiques (CEM) de radiofréquences[note] (RF) utilisées par les techniques de communication sans fil déjà déployées, sont nuisibles aux êtres vivants. Plus de 1 500 études scientifiques évaluées par des pairs[note] rassemblent des données cliniques probantes tout comme des preuves expérimentales de dommages à l’ADN, aux cellules et aux organes d’une grande variété de végétaux et d’animaux. Des données épidémiologiques viennent étayer la thèse selon laquelle l’origine de beaucoup de maladies de la civilisation moderne, comme le cancer et la maladie d’Alzheimer, peut être expliquée, au moins en partie, par la pollution électromagnétique.

Si les plans de l’industrie des télécommunications pour la 5G se concrétisent, aucun être vivant ne pourra se soustraire à une exposition permanente à des radiations RF artificielles dont la toxicité est déjà avérée. Les conséquences probables de la prolifération des satellites 5G font craindre le pire : dégradation de la santé humaine et des écosystèmes à l’échelle planétaire, perturbation de l’ionosphère et de la magnétosphère entraînant un changement des propriétés électromagnétiques de la Terre, destruction de la couche d’ozone et augmentation de l’effet de serre suite à la combustion des carburants des fusées porteuses de satellites.

Les caractéristiques techniques de la 5G diffèrent fortement de celles des technologies existantes et font peser sur les êtres vivants des risques sanitaires potentiellement supérieurs à ceux induits par les générations antérieures (2G, 3G et 4G), sans parler de la puissance concentrée des faisceaux 5G qui pourrait donner lieu à des expositions locales et instantanées bien supérieures aux expositions actuelles. À ce jour, aucune évaluation des impacts sanitaires et environnementaux de la 5G n’a été réalisée. Son déploiement relève d’une expérimentation à grande échelle sur les êtres vivants. Par ailleurs, dans une situation climatique et sociale où l’urgence serait d’agir ensemble pour assurer l’avenir de l’humanité, une fuite en avant technologique avec des projets comme celui de la 5G est la pire des voies à prendre.

Nous demandons donc aux gouvernements fédéral et régionaux de Belgique l’arrêt du déploiement de la 5G sur son territoire. Étant donné les études scientifiques existantes et les dizaines d’appels émis par le corps médical et les spécialistes de la question[note], le principe de précaution doit primer. D’autre part, le code de Nuremberg interdit les expérimentations sur des humains non consentants.

Nous demandons également à nos gouvernements d’intervenir à l’UE, au Conseil de l’Europe et à l’ONU pour l’interdiction mondiale des satellites 5G et, à tout le moins, de leurs émissions au-dessus du continent européen et des eaux internationales limitrophes.

Des mesures immédiates doivent être prises pour protéger tous les êtres vivants, conformément aux impératifs éthiques et aux conventions internationales :

- Arrêter le déploiement de la 5G sur la Terre et dans l’espace afin de protéger les êtres humains, plus particulièrement les foetus, les enfants, les adolescents et les femmes enceintes, ainsi que les autres êtres vivants.

- Respecter la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et la résolution 1815 du Conseil de l’Europe sur les CEM en informant les citoyens, notamment les enseignants et les médecins, à propos des risques sanitaires des rayonnements émis par les technologies sans fil, ainsi que la façon dont ils peuvent réduire leur exposition.

- Privilégier et mettre en ouvre des réseaux de télécommunications câblés à la place du sans-fil. Favoriser l’usage des solutions filaires partout où cela est techniquement possible, en particulier dans les habitations, les lieux de travail et les lieux où séjournent des enfants, des femmes enceintes et des personnes vulnérables (crèches, garderies, écoles, hôpitaux.).

- Constituer immédiatement — en dehors de toute participation de l’industrie — des groupes internationaux de scientifiques indépendants, exempts de conflits d’intérêts et spécialistes des CEM et de leur impact sanitaire et environnemental ; ils établiront de nouvelles normes internationales de sécurité applicables aux CEM artificiels qui prennent en compte les effets biologiques de l’exposition sur tous les êtres vivants et pas uniquement les effets thermiques sur les êtres humains.

- Constituer immédiatement — en dehors de toute participation de l’industrie — des groupes internationaux de scientifiques ayant une expertise dans le domaine des CEM, de la santé, de la biologie et de la physique atmosphérique. Ils élaboreront un cadre réglementaire exhaustif garantissant que l’espace extra-atmosphérique est sûr pour les êtres humains et non humains en tenant compte des CEM artificiels, des gaz et de la suie noire éjectés par les moteurs des fusées ainsi que des débris spatiaux résultant de cette activité. Ils prendront la mesure des impacts sur la couche d’ozone, le réchauffement climatique, l’atmosphère et la vie sur la Terre. La technologie spatiale tout autant que la technologie terrestre doit être viable pour les adultes, les enfants, les animaux et les végétaux.

Collectif pour l’arrêt du déploiement de la 5G

Contact :

Paul Lannoye (Grappe asbl), paul.lannoye@skynet.be, 081 44 53 64Francis Leboutte (Fin du nucléaire asbl), francis.leboutte@algo.be, 04 388 39 19Stéphanie D’Haenens (IEB asbl), stephanie.dhaenens@ieb.be, 02 801 14 93Wendy de Hemptine (ondes.brussels), ondes.brussels@gmail.comColette Devillers (AREHS), info@arehs.beAlexandre Penasse (Kairos), info@kairospresse.be

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AVEC LA 5G… TOUS COBAYES ?

Le 14 septembre 2016, la Commission européenne lançait son plan stratégique pour le déploiement de la cinquième génération (5G) d’infrastructures et de réseaux de télécommunications mobiles. L’ambition affichée était, grâce à un partenariat entre Commission, États membres et industriels d’aboutir au plus tard en 2020 à rendre la 5G opérationnelle en Europe.

Le calendrier semble s’être un peu assoupli entretemps puisque, toujours selon la Commission, chaque pays devra disposer d’au moins une ville couverte par la 5G dès 2020. En Belgique, la Région bruxelloise veut être le bon élève de la classe. Le gouvernement bruxellois a signé un protocole d’accord avec les trois opérateurs mobiles pour établir un réseau 5G dans les délais voulus. Petit problème : ces mêmes opérateurs exigent que les valeurs-limites d’exposition aux ondes électromagnétiques soient relevées pour permettre le fonctionnement du nouveau réseau. Mais à quoi peut bien servir ce nouveau réseau de télécommunications, alors que le réseau actuel (4G) n’est pas encore totalement présent ? L’explication est simple. La vision du futur largement partagée par la technocratie européenne et les lobbies industriels et cautionnée par une classe politique éblouie exige de tout mettre en œuvre pour favoriser le déferlement technologique, garant de la croissance économique.

En l’occurrence, il s’agit de généraliser l’internet des objets, de commercialiser la voiture autonome et de favoriser l’utilisation permanente de l’intelligence artificielle. Tout cela implique un saut quantitatif et qualitatif (étant donné les nouveaux types d’usage) dans les télécommunications mobiles, d’où la 5G. Car la 5G devrait permettre des débits de 10 Gbits par seconde et un délai de connexion fortement réduit. Ce dernier atout est essentiel pour nombre d’objets connectés, particulièrement pour les voitures autonomes. Ce qui n’est pas du tout évoqué, c’est que cela implique une exposition fortement accrue aux rayonnements de radiofréquences, puisque les rayonnements de la 5G s’ajouteront à ceux de la 2G, de la 3G, de la 4G, du Wi-Fi, etc.

On sait par ailleurs que la 5G met en œuvre des ondes millimétriques (les fréquences sont supérieures à 6GHz). Ces ondes ont beaucoup de mal à traverser les obstacles solides. En clair, la transmission, pour être effective, nécessite l’implantation de nombreuses antennes y compris à l’intérieur des centres commerciaux, des hôpitaux et des bureaux, en particulier en milieu urbain. On parle d’une antenne pour 10 à 12 habitations, ce qui signifie en conséquence une irradiation généralisée de tous les résidents. Il est important de préciser que les ondes millimétriques étaient jusqu’ici réservées aux usages militaires. Les raisons en sont certes la difficile transmission en présence d’obstacles solides et en temps de pluie. Mais aussi le fait que les effets sur la santé n’ont été que peu investigués. Comme le fait remarquer l’International Society of Doctors for Environment[note], les données actuellement disponibles sont suffisantes pour croire à la forte probabilité d’effets sur la santé humaine, plus particulièrement pour les personnes les plus vulnérables, c’est-à-dire les enfants et les femmes enceintes. Pour des fréquences supérieures à 30GHz, une exposition est susceptible en effet d’altérer les gènes, de stimuler la prolifération cellulaire et est capable de modifier la synthèse des protéines impliquées dans les processus inflammatoires et immunologiques. Fort logiquement, cette association de médecins estime qu’il est contraire à l’éthique d’ignorer ces risques pour la santé et de soumettre les populations à des expériences dangereuses. Elle demandait en avril dernier à ce que les institutions publiques en charge de la santé environnementale soient impliquées activement dans toutes les décisions en la matière.

« Les données actuellement disponibles sont suffisantes pour croire à la forte probabilité d’effets sur la santé humaine »

Cette prise de position ne fait que renforcer la demande de moratoire transmise en septembre 2017 à la Commission européenne par plus de 170 scientifiques et médecins de 37 pays. Considérant que les dangers de l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences sont déjà démontrés pour des niveaux d’exposition largement inférieurs aux valeurs limites adoptées dans l’Union européenne, ces scientifiques expriment leur « préoccupation sérieuse » concernant l’accroissement permanent et universel de l’exposition à ces champs électromagnétiques résultant de la 5G. Ils demandent donc un moratoire sur son déploiement jusqu’à ce que des études d’impact sanitaire et environnemental sérieuses et indépendantes aient été réalisées préalablement à toute mise sur le marché. Cet appel a été ignoré par la Commission européenne. Obsédée par les perspectives de croissance économique qu’elle prétend pouvoir attendre de la 5G, il n’est pas question pour elle de mettre des bâtons dans les roues du progrès sous prétexte de désagréments de santé éventuels.

Qu’en est-il en Belgique ? Les prises de position des différentes familles politiques ne laissent guère d’illusions sur leur niveau de perception des enjeux. Le 11 octobre dernier, à la question posée par la rédaction de La Libre Belgique : «  Faut-il imposer la 5G sur le territoire de toutes les communes ? »… les partis francophones ont été clairs. Tous se sont déclarés favorables au principe d’un déploiement généralisé même si certains n’apprécient pas le terme « imposer » et proposent une concertation avec les habitants et les communes (Défi, PTB et Ecolo).

La préoccupation de santé publique est évoquée timidement par le PS et le PTB, pour qui il faut étudier les impacts sur la santé pendant ou après son déploiement (tous cobayes). Pour Ecolo, il faut que la 5G remplace toutes les autres technologies «  de manière à ne pas cumuler les sources de rayonnement électromagnétique ». Cette condition impossible vise à résoudre un problème de dissonance cognitive : il s’agit de ne pas dire non au « progrès », c’est-à-dire de dire oui, en refusant ses inéluctables dégâts.

Alors… Est-il trop tard pour refuser le statut de cobaye qui nous est à nouveau imposé ?

Pour paraphraser un ancien ministre célèbre, je dirais : «  il n’est pas trop tard mais il est temps ». La 5G est présentée comme un nouvel outil indispensable prétendent-ils en chœur ? Je suggère de poser deux questions aux décideurs politiques. Pensez-vous que la voiture autonome résoudra les problèmes d’embouteillages, de pollution atmosphérique et d’émission de CO2 et réduira les risques d’accident provoqués par la circulation automobile ?

Pensez-vous que les objets connectés répondent aux besoins réels et aux souhaits de nos concitoyens ? Personnellement, je n’ai encore rencontré personne qui ait répondu positivement à ces deux questions.

Paul Lannoye, Président du Grappe

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NOUVELLES TECHNOLOGIES ET TRANSITION NUMÉRIQUE, L’ILLUSION TECHNOCRATIQUE À LA LUMIÈRE DE LA 5G

« Le pire des catastrophismes n’est pas d’annoncer les catastrophes quand on pense qu’elles se préparent, mais bien de les laisser survenir par le seul fait qu’on ne les a pas prévues et, pire encore, qu’on s’est interdit de les prévoir. C’est pourquoi je classerais volontiers dans la catégorie des  »catastrophistes » les innombrables auteurs qui s’emploient à rassurer l’opinion, sans mettre en cause le système mondial, sa dynamique et son évolution ».François Partant, La ligne d’horizon, essai sur l’après-développement.

« Si nous voulons empêcher une catastrophe mondiale, nous devons sans délai opter pour une action radicale, et agir vraiment, cette fois. Mais je ne pense pas que nous soyons prêts à le faire. Je pense que nous sommes foutus ».Stephen Emmott, 10 Milliards.

« Nos dirigeants sont, en général, ceux qui ont le mieux intériorisé les objectifs du système et, par conséquent, sont immunisés contre les arguments et les preuves qui pourraient le remettre en question »[note]Clive Hamilton, Requiem pour l’espèce humaine.

PRÉAMBULE

Les multiples signaux que nous envoie la nature ainsi que l’état général de la vie et de la Terre qui l’accueille nous indiquent que nous sommes dans une période qui se caractérise par un risque inédit de disparition à grande échelle de l’espèce humaine. « Après une décennie marquée par la quasi absence d’actions concrètes, même en retenant les hypothèses les plus optimistes concernant la probabilité que le monde prenne les mesures nécessaires, et même en supposant qu’il n’y ait rien que nous « ignorions ignorer », un changement climatique aux conséquences dramatiques est à peu près certain »[note]. Les preuves sont sous nos yeux : nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces et la première causée par l’homme, la précédente, l’extinction Crétacé-Tertiaire, s’étant caractérisée par une disparition massive des animaux et des végétaux, notamment les dinosaures, il y a 66 millions d’années ; « le littoral arctique recule de 30 mètres par an dans des régions comme la mer de Laptev et la mer de Beaufort. Le Groenland et l’Antarctique perdent actuellement près de 475 milliards de tonnes de glace chaque année dans l’Océan (…) La fonte des glaces résultant de nos activités entraîne le rejet de quantités considérables de méthane contenues dans l’océan Arctique »[note] ; etc., etc.

« Une hausse supérieure [de 2° de la température moyenne] entraînerait le risque d’un changement climatique catastrophique menant très certainement à des « points de non-retour » irréversibles, causés par des phénomènes tels que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, le rejet du méthane emmagasiné dans le permafrost arctique ou encore le dépérissement de la forêt amazonienne »[note]. Toutes les études montrent pourtant que nous dépasserons les 2°. « Il est fort probable que la hausse sera de l’ordre de 4°C – et il n’est pas exclu qu’elle atteigne 6°C. Une hausse de 4 à 6°C de la température mondiale serait dramatique. Elle mènerait à un changement climatique hors de tout contrôle, capable de faire basculer la planète dans un état radicalement différent. La Terre deviendrait un enfer »[note]. « Les chiffres montrent que même une action rapide et durable au niveau mondial ne nous permettra probablement pas d’empêcher la température de la Terre de croître d’au moins 3°. La fonte des glaces du Groenland aboutira à une augmentation du niveau des mers d’environ 7 mètres, redessinant de façon spectaculaire la géographie de la planète »[note]. La barrière de corail ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, la désertification gagne partout du terrain, chaque jour des centaines d’hectares sont déforestés, des espèces disparaissent à jamais.

Au niveau social, tout est à l’avenant, jamais la misère n’a été aussi répandue : ici, au « Nord », dans les foyers qui survivent ; dans nos rues, avec les SDF, laissés-pour-compte de la mondialisation, qui meurent seuls alors que des milliards ne passent jamais par les caisses de l’État, filant directement vers les paradis fiscaux et que huit personnes possèdent plus que la moitié de l’humanité. Plus loin, dans les pays qui ne nous intéressent que parce qu’ils recèlent de matières qui permettent la continuité de nos modes de vie « non négociables », où nous plaçons dictateurs et autres despotes qui assureront nos importations et, pour ceux qui se rebifferaient et tenteraient l’indépendance, nous leur enverrons nos troupes au nom des Droits de l’homme et autres valeurs pétries d’altruisme.

LA FUITE EN AVANT ALORS QU’IL Y A URGENCE

Soit, nous connaissons ces chiffres, ces faits, ces images que les médias de masses nous passent avec fréquence, entre deux pages de publicités, imposant cette double dimension schizophrénique changement/continuité, qui finit par éroder notre moral[note]. Mais alors que cette connaissance devrait nous enjoindre de tout faire pour ne plus jouer le jeu, coupant nos télés et recréant des agoras partout pour réfléchir au futur, dans un contexte d’État d’urgence écologique révélant bien plus de pertinence que les gesticulations anti-terroristes des gouvernements, les technocrates nous assurent le « changement dans la continuité[note] », en promettant la transition énergétique et la révolution numérique, censées nous libérer du fardeau du travail et assurant une meilleure communication entre les hommes. Comme l’explique Clive Hamilton, « Les meilleurs climatologues du monde font aujourd’hui monter le signal d’alarme à un niveau sonore assourdissant, car le délai pour agir a pratiquement expiré, et pourtant, tout se passe comme si ce signal était inaudible à l’oreille humaine ».[note]

Un des miracles de cette « transition » serait notamment la 5G, une technologie venant après la 4G et qui permettra d’atteindre des débits en terme de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde. Et comme le vent, la pluie et les marées, il ne sera pas question de questionner, sauf sous la forme habituelle du spectacle, où tout est déjà écrit mais où l’on nous fait croire dans les possibilités d’influer sur la trame du récit : l’option du refus n’est pas prévue, on fera donc tout (à renfort de propagande publicitaire dans les rues, à la télévision, la radio, dans les journaux) pour que vous ayez l’impression de le vouloir, d’exprimer votre moi profond quand vous demanderez la 5G. En septembre 2018, Qualcomm, entreprise américaine active dans le domaine de la technologie mobile (Chiffre d’affaires 25,3 milliards de dollars[note]), n’affichait-elle pas dans Tout Bruxelles, sur les supports propriété de l’entreprise JC Decaux, le message : « La 5G va créer de nombreux emplois. Et notre travail, c’est de créer la 5G ». Dès lors, plus besoin de vrais débats contradictoires. Opérateurs téléphoniques, politiciens, médias, comité mis en place par la Ministre bruxelloise de l’environnement, tous sont acquis à la 5G, certains émettant des doutes affectés, d’autres marquant leur assurance, mais tous convaincus de ce qu’il faut atteindre. Notre chaîne nationale, la RTBF, éprise de cette croyance arbitraire et illusoire qu’« on n’arrête pas le progrès », illustrant sous l’argument de la nécessité l’injonction de l’histoire qui s’écrit seule : « Mais il y a un timing à respecter. La Commission européenne veut que chaque État membre, (et ça vaut aussi pour la Belgique) dispose d’une couverture 5G dans, au moins, une ville pour 2020. Et en 2025, ce sera l’ensemble des zones urbaines qui devront disposer d’une couverture 5G. Y compris les grands axes routiers. On est vraiment dans la dernière ligne droite »[note], avant le mur…

À ce niveau, un extraterrestre débarqué sur la Terre ne serait pas convaincu par tout ce que nous venons de dire, car nous n’avons encore rien dit sur la 5G. Au fait des risques de disparition de notre civilisation, dont il a pris connaissance ici, s’il est un tant soit peu lucide et sain d’esprit, il doit se dire que la 5G est sans doute quelque chose de formidable, un antidote en quelque sorte, ce remède qui nous permettra de nous en sortir. Nous n’osons pas lui expliquer ce qu’apportera réellement à l’homme cette innovation, tellement nous sommes proches du néant : « Avec la 5G, les utilisateurs devraient pouvoir télécharger un film haute définition en moins d’une seconde (tâche qui peut prendre 10 minutes en 4G). Et les ingénieurs sans fil affirment que ces réseaux vont également stimuler le développement d’autres nouvelles technologies, telles que les véhicules autonomes, la réalité virtuelle et l’Internet des objets »[note].

En somme, nous devrions toujours évaluer la nouveauté à l’aune de cette question que posait George Orwell : « Cela me rend-il plus ou moins humain ? ». Si nous pouvons montrer tout ce que cette technologie ôtera à l’homme, il est impossible de dire ce qu’elle lui apportera, alors qu’une grande partie n’a déjà rien, et qui le rendra plus humain, c’est-à-dire capable de vivre pleinement en harmonie avec la nature, de se contenter du minimum, de saisir et comprendre ce qu’il vit, de se rapprocher des autres sans chercher à avoir plus. Qu’y a‑t-il d’humain à télécharger un film en moins d’une seconde ?

LA CROISSANCE, ENCORE ET TOUJOURS

Le seul et unique leitmotiv, toujours : la croissance, signifiant toujours plus de produits issus de l’exploitation de la terre et des hommes du « Sud », venant par avions, camions, supertankers : « L’association entre croissance économique et progrès est si profondément ancrée dans les modes de pensée – qu’ils soient progressistes ou conservateurs, elle est défendue avec tant de vigueur, qu’elle ne peut être fondée que sur un lien empirique banal entre augmentation de la consommation matérielle et augmentation du bonheur d’un pays »[note]. Dominique Leroy, grande patronne de l’opérateur de téléphonie Proximus (entreprise publique classée en bourse, l’État étant actionnaire principal) n’allait-elle pas dans ce sens déjà en 2015, lorsqu’invitée au Parlement pour une « audition sur la future politique de Proximus », elle reviendra avec cette litanie du « retard »:

« L’Europe est actuellement à la traîne par rapport à l’Amérique et à l’Asie en matière de développements technologiques et de niveau des investissements dans les TIC. Cette baisse [de la croissance, en Europe, des revenus provenant de l’activité numérique] est due principalement à la législation trop stricte, qui entrave l’innovation »[note]. L’argumentation est toujours identique : on se compare à l’autre et on en déduit qu’il faut aller plus vite[note]. Ensuite, on identifie les causes du retard (« des normes trop strictes ») et on fait pression (lobby, propagande médiatique, distributions d’« avantages » divers, mise en place de comités adoubés par les gouvernements…). Dans ce processus, la nécessité économique fait loi : « Bien que les niveaux de prix soient importants, il faut investir en permanence au profit de l’économie numérique (…) Ce n’est qu’en investissant et en innovant qu’il est possible de générer une croissance ».

Jamais le bien commun ni l’environnement ne sont ainsi invoqués comme principes supérieurs[note]. Et ce n’est que logique, car on ne peut assurer en même temps la croissance économique et le bien commun. L’élément qui domine tout, c’est le principe de croissance, donc de profit, le reste devant suivre obligatoirement : « Le déploiement de la 5G nécessite une densification du réseau, c’est-à-dire que concrètement, des antennes supplémentaires doivent être installées ». Nous ne sommes plus dans le domaine des propositions qui devront être soupesées ultérieurement lors d’un débat démocratique, mais dans celui de l’ordre, où la réalité n’aura qu’à s’adapter : « L’innovation, surtout l’Internet des objets (“Internet-of-things”), y compris dans le domaine de la mobilité et de la cybersécurité, va radicalement modifier le paysage des télécoms. » Le paysage est pensé, il ne reste plus qu’à trouver les peintres. Il faut toutefois persuader les sujets que les peintres ne s’affairent que pour eux et constamment assurer le spectacle du bien commun en recourant aux professionnels de la communication : « La mission de Proximus est de maintenir les personnes en permanence en contact avec le monde de manière à ce qu’elles puissent vivre mieux et travailler plus intelligemment ».

PRÉPARER LE SUJET

11 septembre 2018 : « Le comité stratégique a officiellement remis mardi au Premier ministre Charles Michel, lors d’une cérémonie en grandes pompes, organisée dans le musée rénové de l’Afrique à Tervuren, le Pacte National pour les Investissements Stratégiques (PNIS)[note], un plan qui pèse 150 milliards de projets à l’horizon 2030[note] ». Ce plan stratégique s’articule principalement autour des investissements indispensables si la Belgique veut « emprunter le TGV numérique » (sic). À propos du comité stratégique, Charles Michel parlera d’« un panel d’experts apolitiques » qui fera des « propositions concrètes aux différents gouvernements du pays ». Le premier ministre joue le jeu de l’unité, celui où s’exprimerait d’emblée le bien commun, occultant tous les intérêts patronaux : « Quand on parle de transition énergétique ou de mobilité, on parle aux onze millions de Belges ». Certes, c’est pour notre bien à tous, mais sous aucun prétexte nous ne pourrions le refuser : « Les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, vont modifier radicalement toutes les facettes de notre vie et de notre travail, ainsi que l’ensemble de la société. La révolution numérique est à la fois un facteur de disruption et un moteur de croissance pour notre économie»[note]. Sur le fait de « mettre ensemble décideurs privés et publics » avec « des budgets des différentes entités du pays, avec l’aval des parlements, et du secteur privé », le fils de Louis ne s’expliquera pas, cette brutale conversion du privé subitement oublieux du retour sur investissement, désormais soucieux du seul bien des « 11 millions de Belges », étant pour le moins étonnante.[note]

Cinq secteurs bénéficieront de cet « eldorado » : mobilité, énergie, enseignement, télécoms et santé. Votre bien-être comme mesure de toute chose, le complexe médiatico-politico-patronal fera tout pour vous en convaincre, en commençant par vous présenter tout ce qu’on perdrait si ça n’avait pas lieu : « Sans lui, ce serait une perte de prospérité de l’ordre de 50 milliards d’euros ». Ce sera « au bénéfice de tout le monde, et d’abord, de nos citoyens »[note], répète Charles Michel, si nous ne l’avions pas compris. Ces citoyens, gavés par la propagande médiatique pendant des années, sur le « retard compétitif », « le risque de perdre des milliards et des avantages personnels inédits », seront prêts à accepter cette « innovation », ne percevant plus au moment voulu ce qu’on leur propose, et c’est encore mieux s’ils le demandent, comme ce qu’on leur impose. 

On a pourtant du mal à saisir pourquoi né d’une volonté de bien commun, on retrouve dans le comité stratégique le seul milieu patronal: Michel Delbaere qui en est le Président, est CEO de Crop’s (production et vente de légumes, fruits et repas surgelés) et ancien patron du Voka, mais aussi, parmi d’autres multiples fonctions, président de Sioen Industries ; Dominique Leroy, CEO de Proximus ; Marc Raisière, CEO de Belfius ; Michèle Sioen, CEO de Sioen Industries (leader mondial du marché des textiles techniques enduits et des vêtements de protection de haute qualité.), ancienne présidente de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), manager néerlandophone de l’année 2017, accessoirement impliquée dans le Luxleak ; le baron Jean Stéphenne, bien implanté dans les milieux universitaires et politiques, comme ses autres acolytes, ancien vice-président et manager général de la multinationale pharmaceutique GlaxoSmithKline Biologicals, mais aussi président du CA de Nanocyl, spin off des universités de Liège et Namur, spécialisée dans les nanotubes de carbone (batteries, voitures, électronique…) ; Pieter Timmermans, administrateur de la FEB. Tous ces individus se connaissent, fréquentent les décideurs politiques, étant ceux qui réellement transmettent les intérêts patronaux aux politiciens qui les transforment en décisions politiques, les électeurs étant encore persuadés que c’est eux qui décident. Ils seront là pour vous convaincre, à l’instar de Marc Raisière, le banquier, qui nous mettra en garde, en nous disant « si nous ne réalisons pas ces investissements, ce sont les générations futures qui en seront les victimes, qui en supporteront les conséquences.»[note] Tout cela « est véritablement réaliste », pour Dominique Leroy, CEO de Proximus, grisée par les valeurs d’égalité et de justice. 

Tellement « réaliste », que le rapport du comité d’experts sur la 5G mis en place par la ministre bruxelloise de l’environnement conclura : « Un frein important aux nouvelles installations est l’opposition d’une certaine partie du public. Il est donc nécessaire de continuer d’informer et éduquer le public de façon objective, et de dépassionner le débat autant que possible ». Censés faire un rapport impartial visant normalement la protection de la population, les membres du comité, dont de nombreux scientifiques, recommanderont de « dépassionner le débat », pour réduire « l’opposition d’une certaine partie du public » et faire disparaître « le frein aux nouvelles installations ». La solution donc : nous éduquer et nous informer. On compte sur eux.

À QUI PROFITE LE CRIME ?

Si l’intérêt public des innovations technologiques n’est jamais vraiment questionné chez ceux qui ont la responsabilité de les mettre en œuvre, c’est que les réponses à ces questions révéleraient que, au-delà des questions de santé, d’égalité ou d’environnement, l’initiative de ces projets émane de minorités qui en tireront seules les bénéfices : capitaines d’industries et patrons d’entreprises publiques, dont les choix économiques sont mis en place par des serviteurs politiques zélés qui en tireront, eux et parfois leurs proches, un jour ou l’autre, un avantage légal ou occulte, mais toujours illégitime et indécent.

À qui profite dès lors le déploiement de technologies comme la 5G ? Au-delà de toutes les considérations techniques qu’on nous vend comme un progrès, le véritable intérêt, celui qui fonctionne comme moteur, objectif visé de toutes choses, demeure l’appât du gain. Sans celui-ci, il y a de fortes probabilités que personne n’aurait entendu parler de la 5G, aucune recherche scientifique n’aurait été lancée, ni publicités pour « préparer » le sujet. Il est dès lors évident que ceux qui escomptent s’enrichir un peu plus ne prôneront pas le principe de précaution, car ils savent à ce moment que les risques environnementaux, sociaux, sanitaires, rentreraient en contradiction avec l’intérêt supérieur de la finance… Ceux qui recueilleront les fruits de la croissance savent en outre qu’elle a avec elle l’ensemble de la classe politique, parti Ecolo inclus : « Prenant acte du fait que le culte de la croissance constituait un obstacle immuable à toute action concernant le climat, les écologistes ont vite capitulé et affirment à présent que l’on peut avoir le meilleur de chacun des deux mondes, à savoir tout à la fois une atmosphère saine et une croissance économique solide, et qu’en vérité promouvoir les énergies renouvelables pour remplacer les énergies fossiles pourrait accélérer la croissance économique »[note]. Les alliances entre libéraux et écolos aux dernières élections communales belges étant là pour encore étayer ce constat. Il n’y a en effet plus une officine écolo sans son responsable en transition énergétique ou son conseiller numérique. Et pour ceux conscients que la transition est une chimère mais qu’elle sert provisoirement à assurer la croissance de leur capital, ils veilleront bien à se protéger des objets qu’ils promeuvent pour les autres, comme les patrons de la Silicon Valley mettent leurs enfants dans des écoles Waldorf sans écrans ni tablettes. Les zélateurs de la 5G vivront ainsi dans des zones décontaminées des ondes, se mettant eux et leurs enfants à l’abri des pollutions qu’ils encouragent.

Penser les fondements à la source de toute création apporte donc une certaine lucidité et évite dans un premier temps certaines considérations : pas besoin ici de parler d’environnement, de santé, de biens communs… il suffit de vérifier si la religion de la croissance primait sur tout le reste dès le départ. Si on parvient à le démontrer, la conclusion arrive d’elle-même : le désir de croissance économique dans une société capitaliste où l’enrichissement repose sur un processus d’exploitation, ne s’accorde jamais avec le respect de la nature, la justice sociale, le bien commun et l’intérêt de tous. L’esprit de lucre ne profite toujours qu’à une minorité et ne peut se concilier avec le souci de la vie. Ce qui suit illustre les vrais intérêts de la 5G.

LE CRÉDIT DE LA « SCIENCE »

En Belgique, les opérateurs (Proximus, Orange, Telenet) et leurs actionnaires, « doivent » pouvoir compter sur le déploiement technologique, ils ont donc obligatoirement besoin de l’État pour assouplir des « normes trop strictes » et ultérieurement assurer la mise en œuvre des infrastructures nécessaires sur tout le territoire. Mais ceci ne peut se faire, comme on l’a montré, sans feindre le processus démocratique parlementaire ; préparer la population (lui vendre le produit avant qu’il soit là) ; mais aussi apporter le crédit de la science, que le recours aux experts scientifiques leur fournira. La ministre bruxelloise du Logement, de la Qualité de vie, de l’Environnement et de l’Énergie, Céline Fremault, mettra donc dès 2015 sur pied un comité d’experts « indépendants ».

Mais arrêtons-nous un instant sur les opérateurs télécom, dont nous ne décrirons que Proximus, entreprise « publique » cotée en bourse. Depuis janvier 2014, Dominique Leroy y est administratrice déléguée et présidente de son comité exécutif. Avant cette fonction, qui lui rapporte la bagatelle de 936.903€ (chiffre de 2017, l’équivalent de 78.075,25€/mois), Dominique Leroy a travaillé 24 ans chez Unilever, siégeant au comité de direction de Unilever Benelux[note]. Elle est aux Conseils d’Administration de BICS et Be-Mobile et présidente du conseil consultatif international de la Solvay Business School, membre indépendant du Conseil d’Administration de Lotus Bakeries et d’Ahold Delhaize. On sait que les grands partis se partagent les postes d’administrateurs dans les plus importantes entreprises publiques : Loterie nationale, SNCB, Proximus, Vivaqua, sans parler des intercommunales (Publifin en offrant un parfait exemple). On retrouve ainsi Stefaan De Clerck chez Proximus, lui qui a été député de 1990 à 2013 au Parlement fédéral, ministre à deux reprises et bourgmestre pendant 11 ans à la ville de Courtrai[note]. Cette expérience politique n’aura pas été vaine et l’aidera à franchir les portes de l’entreprise où il porte de multiples casquettes : il préside le Conseil d’Administration, est président de la Commission Paritaire, du Fonds de Pension et de Proximus Art ASBL, administrateur de la Proximus Foundation et de ConnectImmo. On le retrouve ailleurs, comme membre de l’Orientation Council d’Euronext, du Comité Stratégique de la FEB, du Conseil d’Administration de Voka, de la BBR (Benelux Business Roundtable), du Advisory Board de KPMG et membre du Bureau de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Pourquoi Stefaan De Clerck trouverait-il dès lors excessif de toucher 270.000€ d’indemnités parlementaires, lorsqu’il quittera le Parlement pour Belgacom[note]. N’est-ce pas Proximus qui, il y a peu, affichait partout « Faites place à l’illimité » ?

On retrouve encore au CA l’ancien Commissaire européen au Commerce, ministre belge des Affaires étrangères (2004–2009), vice-Premier ministre (2008–2009) et commissaire européen à la Coopération internationale, à l’Aide humanitaire et à la Réaction aux crises (2009–2010), Karel De Gucht, qui est aussi professeur à la VUB, Président de l’IES (Institute of European Studies), membre du Conseil consultatif de CVC Capital et siège au Conseil d’Administration d’ArcelorMittal SA et de Merit Capital NV. Les autres viennent ou sont passés par la holding belge Ackermans & van Haaren, sont administrateurs de Pairi Daiza, BSB et Guberna (Pierre Demuelenaere) ; de Liquavista (société technologique spécialisée dans la création d’écrans) Philips, KPN, Kroymans Corporation BV, Tom Tom, etc. (Guido J.M. Demuynck) ; de Alcatel-Lucent, directeur associé de Qbic Fund (un fond inter-universitaire qui s’occupe de transformer des découvertes technologiques en business durable), Barco, Caliopa, une start-up spécialisée en photonique sur silicium (Martin De Prycker) ; de McKinsey & Co, Cockerill-Sambre, ABX Logistics, Aviapartner, bpost, FN Herstal, Investsud (Laurent Levaux) ; Schneider Electric (spécialiste mondial de la gestion de l’énergie et des automatismes), Colt Technology Services (l’un des principaux fournisseurs télécoms paneuropéens), BT Global Services, McKinsey, où l’administratrice actuelle de Proximus s’est spécialisée dans la stratégie de croissance technologique et télécom au service d’importantes multinationales (Tanuja Randery) ; CEO d’Act III Consultants (cabinet de conseil dédié aux transformations numériques), ancienne PDG de Vivendi Universal Publishing, McKinsey, Darty Plc et Neopost SA, CA de The French-American Foundation, The Women’s Forum et de l’IDATE (Agnès Touraine) ; Chief Financial Officer d’Elia, comité de direction d’APX-ENDEX, Coopers & Lybrand, Contassur (Catherine Vandenborre) ; imec ; Technology and Strategy Committee d’ASML, spécialiste des nanotechnologies (Luc Van den hove) ; GIMV, Sidmar (Arcelor-Mittal), Sunparks (division de Sunair), Greenbridge Incubator (université de Gand) et du Scientific Investment Board (université de Bruxelles), bpost, Five Financial Solutions (corporate finance), membre du conseil consultatif de plusieurs start-ups high-tech (Paul Van de Perre) ; membre de la commission de budget, du comité de rémunération, du conseil de régence de la Banque nationale de Belgique, présidente du conseil d’administration de bpost, administratrice de Belgacom sa ; administratrice de Invest Mons-Borinage-Centre IMBC ; membre du comité d’audit du FOREM, Chief Financial et Accounting Officer chez bpost, Membre du CA de Ethias DC, professeur de gestion et d’analyse financière à l’université de Mons-Hainaut (Martine Durez) ; la dernière, Isabelle Santens, apporte la touche « mode » au CA, étant Managing Director d’Andres NV, une société de mode belge concevant, produisant et distribuant les marques de vêtements pour femmes Xandres, Xandres xLine et Hampton Bays[note].

On aura trouvé cette description un peu longue, mais elle est essentielle pour comprendre qui commande et prendra les décisions qui impacteront le social et la nature durablement. Car, poussés par cette équipe de technophiles liés à des multinationales, des fonds d’investissement, des universités, des banques, des entreprises publiques…, Dominique Leroy et Stefaan De Clerck iront présenter leur vision stratégique lors de l’« audition sur la future politique de Proximus », devant un parterre de parlementaires enthousiastes. Ce sont ces administrateurs, choisis par le Conseil des ministres pour représenter les différents partis, qui décideront des principales orientations de Proximus dans le dessein principal de ne pas nuire aux actionnaires. Ainsi, c’est le Conseil d’administration qui décidera du licenciement de 2.000 postes, alors que le ministre Charles Michel feindra d’être surpris, ayant pourtant placé ses acolytes dans l’antre de l’opérateur télécom, à l’instar des autres « grands » partis. Il faut en effet, avec le soutien indispensable des médias, simuler l’étonnement pour donner l’impression que tout cela n’est pas mûrement pensé et stratégiquement organisé par une élite politico-financière qui vise les mêmes objectifs. Du spectacle, toujours[note].

En somme, avez-vous perçu dans le panel des administrateurs de Proximus, un individu capable d’introduire ne fût-ce qu’un doute quant à la pertinence de déployer la 5G en Belgique ? N’y a‑t-il pas un patent conflit d’intérêt, dès lors que Proximus demeure une entreprise publique ? Comment par ailleurs assurer le bien commun dès lors que la patronne de Proximus touche 936.000€/an, Stefaan De Clerck pour avoir assisté à huit réunions du CA et onze des différents comités de Proximus, 186.244€, Karel De Gucht 72.000€[note] ; quand les jetons de présence au CA de Telenet tournent autour de 3.500€, avec des rémunérations fixes de 45.000€/an, 120.000€ pour le président du CA[note] ? ; que Yves Leterme, Patrick Dewael, Siegfried Bracke, pour ne citer qu’eux, ont facturé Telenet pour des conseils rendus, respectivement 55.000€, 82.000€, 66.000€[note] ?; que chez Orange, le PDG avait touché en 2016, 1,55 millions d’€[note] ? Peut-il encore y avoir dans de tels cas un souci du bien commun et une prééminence du principe de précaution ?

LE COMITÉ D’EXPERTS : LE RETOUR DE L’IMPARTIALITÉ ?

Devant cet étalage d’indécence, le recours à l’expertise scientifique allait pouvoir apporter des éléments et trancher quant à la décision à prendre. Mais c’était sans compter sur le fait que nous avions à nouveau affaire des convaincus avant l’heure — d’avoir à juger qui allait composer le jury…

C’est le 19 juin 2015 que le gouvernement bruxellois, sur proposition du cabinet de la ministre Fremault, en charge de l’environnement, approuve donc la composition du comité d’experts des radiations non-ionisantes. Si celui-ci est composé de neuf membres issus de plusieurs domaines (médical, scientifique, économique et technologique)[note], cette diversité occulte la réalité d’un comité globalement acquis à la cause technologique, les uns travaillant dans un secteur qui promeut la 5G, les autres étant directement liés aux opérateurs qui les financent. Ce groupe temporaire, dévolu à la tâche d’évaluer « de manière continue l’impact sur la santé des antennes de GSM », allait devoir non moins que statuer sur les normes de protection de la santé des Bruxellois.

« Pour assurer à long terme une protection satisfaisante des Bruxellois, ce comité d’experts est essentiel pour évaluer les effets des ondes électromagnétiques au regard des évolutions des technologies et des connaissances scientifiques, des impératifs économiques et de santé publique. »Céline Fremault, ministre de l’Environnement

LA COMPOSITION DU COMITÉ

1. Trois membres avec une expertise scientifique sur les effets des radiations non-ionisantes sur la santé et/ou l’environnement :

- Isabelle Lagroye (IMS de Bordeaux, Bioélectromagnétisme) est française et membre de l’ICNIRP, la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants, dont « les expertises sont une référence internationale et servent de base à de nombreux pays occidentaux, dont la France, pour définir un seuil limite d’exposition aux ondes »[note]. L’ICNIRP se présente comme une « commission scientifique indépendante pour promouvoir la protection contre les rayonnements non ionisants (RNI) dans l’intérêt de la population et de l’environnement »[note]. Belle déclaration d’intention, mais il n’aurait pas été compliqué au Parlement et au Gouvernement bruxellois de découvrir les conflits d’intérêts passés de celle qui en est une des membres. Isabelle Lagroye finance en effet ses recherches avec l’argent de France Telecom, Alcatel, Bouygues telecom[note]. Plus récemment, on découvre sur le site de l’OMS qu’elle réalise des études financées par EDF. Isabelle Lagroye est également membre de la Société Française de Radioprotection (SFRP), « dont les membres bienfaiteurs sont entre autres Areva, GDF-Suez, l’IRSN »[note], qui au départ s’évertuait à propager l’idée que le nucléaire est sans danger, et possède aujourd’hui une branche « rayonnements non-ionisants », qui continue le même travail de propagande. 

- Luc Verschaeve (Institut de Santé Publique, Departement Biomedische Wetenschappen), est président de la Belgian BioElectroMagnetics Group (BBEMG), qui sous l’onglet « Indépendance et intégrité scientifique », note, sans humour : « Dans la recherche scientifique, il est important de lutter contre la fraude et d’éviter les conflits d’intérêts. C’est d’autant plus important quand la recherche est subventionnée par l’industrie (sic). La meilleure façon de garantir la qualité des recherches et l’intégrité des chercheurs, même sous pression de performance (sic), réside dans le maintien d’une culture de recherche optimale dans laquelle l’observation d’un code éthique strict est primordiale ». Et quoi de plus efficace pour parer à ce risque d’une recherche scientifique au service de ceux qui la paient, que de se conformer au… « code d’éthique de la recherche scientifique en Belgique », et de s’assurer que « les chercheurs qui participent aux activités du BBEMG s’engagent à observer l’honnêteté scientifique complète ». Les lobbies tremblent. Nous voilà donc rassurés sur l’impartialité des recherches de BBEMG, « la collaboration avec Elia ne peut y exercer aucune influence » (…), « l’accord énonce clairement que les chercheurs bénéficient à tout moment d’une complète liberté scientifique et qu’ils sont totalement responsables des résultats de leurs recherches.»[note] Elia, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique qui représente au total plus de 8.600km de lignes et de câbles souterrains répartis sur l’ensemble du pays et emploie 1.300 personnes, voit assurément ce code d’éthique d’un bon œil, elle qui fait certainement passer la santé et le bien-être de la population avant ses intérêts financiers. Enfin, ce n’est peut-être pas l’avis des riverains de Woluwé-Saint-Lambert qui s’étaient mobilisés contre les dangers d’émissions électromagnétiques liés à des tranchées 150.000 volts mis en place par Elia. Ces derniers reprochaient notamment à la commune d’avoir accepté l’organisation d’une réunion d’information où Elia présente M. Verschaeve comme « expert indépendant », alors qu’ils voient en lui « cet énième contestataire d’alerte qui apparaît dans les médias ou les colloques afin de discréditer les alertes sanitaires sur les radiations »[note].

- Jacques Van Der Straeten ne semble pas l’objet de tels conflits d’intérêts d’une recherche dite au service de la population tout en étant financée par des opérateurs. Ce médecin adopte pourtant la position « intermédiaire », typique de l’expert « faux trublion » qui, devant la marche en avant du progrès « inéluctable », préconise la prudence individuelle, propre à nos sociétés libérales : d’un côté laissez-faire total aux multinationales qui produisent les objets nocifs, choix individuel de se protéger ou non (d’autant qu’on puisse le faire) de cette nocivité de l’autre. C’est le modèle du paquet de cigarettes et des photos morbides qui l’accompagnent, de ce double message paradoxal où l’on nous vend du poison tout en nous invitant à s’en protéger, si l’on veut, modèle qui exprime le rapport d’un État qui n’a plus prise sur le fonctionnement social, uniquement là pour garantir un contexte propice aux investissements et ajouter quelques touches de régulations palliatives pour conjurer les effets les plus visibles et empêcher un chaos total qui contreviendrait aux intérêts du capital. On laisse faire donc, après on verra : « Puisque l’usage du GSM est actuellement généralisé, une alternative aux études de type cas-témoins est l’analyse de l’évolution avec le temps de la prévalence des tumeurs cérébrales »[note]. C’est ce qui s’appelle « prendre les gens pour des cobayes »[note].

2. Deux membres avec une expertise scientifique sur les propriétés des radiations non-ionisantes :

- Yves Rolain (VUB, Wireless Communications), président du comité mis en place par Fremault, est membre de IEEE, « the world’s largest technical professional organization dedicated to advancing technology for the benefit of humanity », dont « l’objectif principal est de promouvoir l’excellence et l’innovation technologique au bénéfice de l’humanité ». Le tableau de directeurs donne à lui seul une idée des motivations de ceux qui sont à la tête de l’organisation[note]. L’IEEE qui organisera en octobre 2019, son 2ème forum sur la 5G (The 2019 IEEE 2nd 5G World Forum : « 5GWF’19 »), dont l’objectif est de mener des experts industriels, académiques et de la recherche à échanger leurs visions aussi bien que leurs avancées sur la 5G ». Alors, comme l’IEEE le titre : « Soyez partie prenante de la Collaboration Globale Créant la 5G pour le Bénéfice de la Société »[note]. La messe est dite, les informations sur la 5G reprises sur le site ressemblant plus à une offre marketing qu’aux résultats d’une « recherche indépendante », certains « articles » ayant manqué leur publication dans un folder de Proximus, comme « Tout ce que vous devez savoir sur la 5G »[note]. Yves Rolain recevra un prix de l’IEEE en 2004, 2010, 2011, et 2012. Ne croyez pourtant pas que cela puisse éroder son intégrité…

Doit-on pourtant s’étonner si dans le rapport 2016 du département Elec de la VUB, deux projets que mène Yves Rolain (un entre 2014 et 2019, l’autre depuis 2005), on trouve dans la case « montant », la note « Confidentiel », alors même qu’on ne stipule pas l’organisme donateur ?

- Véronique Beauvois (ULG, Applied and Computational electromagnetics), ingénieure civile électricien à l’ULiège, fait aussi partie du BBEMG dont le bailleur de fonds est Elia. Un entretien avec elle, publié dans un mémoire de fin d’études,[note] en dit long sur le rapport entre les deux entités :

« — Au niveau du BBEMG, comment fonctionne-t-il ?

- Le groupe du BBEMG est maintenant financé par Elia. Des projets leur sont proposés et Elia peut accepter ou pas de les financer. Une fois le financement attribué, les chercheurs ont toute la liberté pour publier ».

Elle travaille à l’institut Montefiore, qui est en lien avec un ensemble de sociétés spin-offs, qui se définit comme « une nouvelle société créée à partir d’un laboratoire de recherche dont l’objectif est de valoriser commercialement un résultat de recherche (une technologie). Pour ce faire, la société spin-off est en principe liée à l’université par le biais d’un contrat de licence qui établit les conditions du transfert de la technologie du laboratoire vers la société »[note]. Difficile d’être plus clair.

Parmi celles-ci :

- L’Association des Ingénieurs de Montefiore (AIM), où l’Université de Liège (Ulg) côtoie des sponsors comme Engie Electrabel, Lampiris, Euresis, Schneider Electric[note], Siemens, Sonaca, Tractebel ;

- Ampacimon, qui œuvre sur tous les continents pour optimiser le réseau, où l’on retrouve de nouveau comme partenaires, Elia mais encore Alstom (transport ferroviaire), Pôle Mecatech (regroupement de près de 250 acteurs industriels et académiques impliqués dans des projets communs de génie mécanique), Cigré (organisation mondiale dans le domaine de l’électricité à haute tension), etc. ;

- Taipro, concepteur de microsystèmes, avec des partenaires comme Technord (spécialisée dans le génie électrique, en intégrant les nouvelles technologies de l’industrie 4.0 pour « garantir une productivité et une flexibilité optimales des processus industriels de ses clients »), Guardis (systèmes d’information et sécurité informatique), Biion (automatisation et supervision de procédés industriels pharmaceutiques et biotechnologies), Safran (groupe international de haute technologie spécialisé dans l’aéronautique) ;

- Blacklight Analytics, qui lie les compétences informatiques aux systèmes énergétiques, travaillant notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Pas besoin de décrire les quatre autres « industries universitaires spin-offs », dès lors qu’on a compris que la recherche sert l’industrie, qui en retour récompense les chercheurs universitaires. De là à dire que la recherche est orientée, que les programmes se calquent sur les intérêts de l’industrie, c’est une évidence. Une scientifique de l’ULB que nous avons interviewée, nous disait[note] :

- L’université met des antennes sur ses toits, et reçoit de l’argent pour ce faire. Elle a mis le wifi partout, dans tous les auditoires et les lieux publics. Alors dire que cette technologie est nuisible, cela ne peut se faire!

Kairos: Est-ce que vous savez qu’il y a un contrat entre l’ULB et Huawei ?

- Oui je l’ai appris. Monsieur André Fauteux me l‘a envoyé, en me disant : « Vous connaissez ça sans doute Madame ? » — « Non », ai-je répondu. C’est un contrat pour installer la 5G.

Kairos: Vous voulez dire que l’université ne peut plus dire ce qu’elle veut dès lors qu’elle a des intérêts économiques avec des opérateurs et des producteurs de gsm ?

- Oui, c’est exactement ça. On ne peut pas dire que ces choses-là sont nuisibles.

Kairos: Est-ce qu’on vous l’a dit clairement ?

Quasi. Le doyen m’a dit : « Il y a du wifi ici Madame, et je ne sens rien », sous-entendu : c’est ce vous devez dire aussi.

Ce vivier d’acteurs universitaires, industriels et politiques qui s’agitent dans le domaine de la haute technologie constitue une garantie indispensable pour nos gouvernements qui se fixent l’unique objectif de la croissance et l’accumulation illimitée du capital. La santé, comme la nature, n’ont jamais aucune espèce d’importance face aux impératifs économiques.

3. Deux membres disposant d’une expertise scientifique concernant les besoins micro- et macro- économiques et sociaux en matière de télécommunications mobiles :

On est ici dans le domaine supra-social, celui où, après avoir reçu les rapports qu’ils attendaient des experts qu’ils avaient payés, les relais politiques, « pour le bien-être de la population », peuvent agir. 

- Laura Rebreanu, représentante patronale, membre de la chambre de commerce et de l’Union des entreprises de Bruxelles, ne cache pas son enthousiasme pour la technologie comme outil indispensable à la transition énergétique : « Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, la transition vers une société ’’bas carbone’’, limitant les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, devra être rapide et globale. Les compteurs intelligents sont indispensables pour y parvenir. »[note] On est sauvé ! Si on avait su, dès 1972, quand le Rapport Meadows alertait sur les risques inhérents à notre modèle de société si nous ne changions pas de cap, alors que la solution était là, devant nous, dans les compteurs communicants. « Entreprise résiliente », « stop au gaspi », « durable », « mobilité urbaine », « cocréation », la représentante patronale a adopté parfaitement ce vocabulaire de la novlangue qui assure ce « changement dans la continuité » où l’on se dote de nouveaux mots pour faire croire qu’on fait autre chose alors qu’on continue comme avant. Autre particularité de cette approche : il s’agit toujours d’encourager les nouvelles technologies et les bonnes habitudes individuelles, en veillant surtout à ne pas mettre en cause les plus grandes entreprises responsables du pillage de la planète.

- Walter Hecq, CEESE1/ULB, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management (SBS-EM), 75 ans, trône depuis des décennies dans toutes les commissions, et participe à quelques débats dont le thème nous met la puce à l’oreille.[note]

4. Deux membres disposant d’une expertise scientifique concernant les technologies de communication sans fil :

- Sophie Pollin (KUL, Telecommunications and Microwaves) a fait ses recherches de doctorat à l’Imec (Institut de Micro-Électronique et Composants). Après Santa Clara, Berkeley, elle rejoint le bercail et le « groupe sans-fil »(wireless group) à l’Imec de Louvain, où elle est depuis 2012 assistante-professeur. Dans son CV disponible sur le site de l’Imec, elle écrit : « L’Internet des objets promet de plus en plus de périphériques à connecter. Nous avons donc besoin de solutions qui s’adaptent parfaitement à la densité de nœuds, qui soient intelligentes, auto-apprenantes, hétérogènes. Le domaine complexe du sans-fil comprend des réseaux en essaim, des réseaux cellulaires LTE ainsi que de futurs réseaux de capteurs mobiles aériens. Beaucoup de défis intéressants et d’opportunités réunis! ».[note] Sophie Pollin a sans doute croisé dans les couloirs de l’Imec, Luc Van den hove, président et CEO de celle-ci, accessoirement membre du conseil d’administration de Proximus (Voir Supra). Rappelons tout de même que Sophie Pollin étant censée « évaluer les effets des ondes électromagnétiques », notamment en termes de santé, alors qu’elle est salariée d’une entreprise dont le leitmotiv est : « Le pouvoir de la technologie ne doit pas être sous-estimé. la technologie a le pouvoir d’améliorer des vies. C’est pourquoi nous repoussons les limites de la technologie »[note].

- David Erzeel travaille pour l’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT) qui réglemente ces deux matières. C’est l’IBPT qui, le 24 mars 2017 publie un communiqué de presse qui se félicite d’avoir « prolongé de 5 ans les droits d’utilisation de Broadband Belgium dans la bande de fréquences 3,5GHz (…) bande de fréquences 3,5GHz en question [qui] fait partie de la bande de fréquences 3,4–3,8GHz, désignée par le « Radio Spectrum Policy Group » européen dans son avis du 9 novembre 2016 comme la principale bande de fréquences, avec les bandes de fréquences 700MHz et 26GHz, pour introduire la technologie mobile 5G en Europe ». Pas étonnant dès lors que « l’IBPT doit promouvoir l’introduction de la 5G en Belgique. Il s’agit en effet de l’intérêt du consommateur et du fonctionnement du marché interne pour les communications électroniques »[note]. L’ancien président de l’IBPT, Luc Hindryckx, est devenu lobbyiste à l’ECTA (European Competitive Telecommunications Association), organisme associé à de nombreux opérateurs. Ce n’est pas une exception, les anciens leaders de l’IBPT empruntant fréquemment les revolving doors entre public et privé (Belgacom, FranceTelecom, KPN Orange, etc.). Quand on sait que les hautes fonctions vont et viennent de Proximus, Orange et les autres grands opérateurs, on comprend pour qui travaille l’IBPT.

Que peut-on dire à ces êtres dépourvus d’intérêts égoïstes qui mettent tout en œuvre pour assurer notre avenir et celui de tous les êtres vivants, si ce n’est « merci » ?

LA SCIENCE, FER DE LANCE DU CAPITALISME

La science et ses temples universitaires ont dédié une partie de leurs activités au développement technologique, lequel est indispensable au profit des multinationales et participe au pillage de la planète. Parmi tous les exemples, Proximus, l’ULB (Université libre de Bruxelles) et la VUB (Vrije universiteit van België) ont signé à Pékin en juin 2015 « un accord technologique avec Huawei », Huawei qui « fournira l’infrastructure 5G pour le ’’campus du futur’’ à Bruxelles »[note]. S’il ne semble même pas contradictoire d’associer un opérateur et une multinationale à des universités censées indépendantes, c’est que ces dernières ne le sont plus du tout. En France, exemple parmi d’autres, l’IMS, laboratoire de l’intégration du matériau au système rattaché au CNRS, « s’attache à mettre au point cette puce « miracle » qui doit tenir, à terme, sur une tête d’épingle. Une création qui n’est cependant rendue possible que grâce au partenariat liant un laboratoire de l’IMS au géant des puces électroniques STMicroelectronics »[note]. Peu importe qu’il faille « environ 72 litres d’eau pour produire l’une de ces petites puces qui font fonctionner ordinateurs portables, GPS, téléphones, iPads, téléviseurs, appareils photos, micro-ondes et voitures. En 2012, sans doute près de 3 milliards de puces ont été produites. Cela représente près de 200 milliards de litres d’eau. Pour des puces semi-conductrices »[note].

Le vœu de Céline Frémault est donc pieux, lorsqu’elle délègue à son comité le soin d’évaluer les ondes électromagnétiques « au regard des évolutions des technologies et des connaissances scientifiques, des impératifs économiques et de santé publique ». C’est une pure aporie que de mettre dans une même phrase les « impératifs économiques » et les questions de santé : il n’y a pas de santé dès lors qu’on introduit la compétitivité et la croissance. Ce n’est donc pas l’évaluation du comité Fremault qui allait venir déterminer le déploiement de la 5G, mais la décision déjà prise par les multinationales de le faire, soutenues par les élites politiques, qui allait déterminer la position d’un panel scientifique avalisant ce qu’il fallait avaliser. Pour faire court, Céline Fremault, comme les autres, est une exécutante. La technocratie dicte donc ses choix aux politiques qui ne peuvent toutefois les accepter sans feindre le processus démocratique. Le politique met donc en place un comité d’experts afin de donner l’illusion d’une décision impartiale, mais choisit des membres déjà acquis à la cause.

Dès 2010 en effet, la Commission européenne fixait ses objectifs dans le « Plan numérique 2010 », qui aboutira en 2016 à définir « un plan d’action pour la 5G en Europe », titrant sans vergogne son premier paragraphe « le déploiement rapide de la 5G : une opportunité stratégique pour l’Europe ». On peut aussi y lire que déjà « en 2013[note], la Commission a lancé un partenariat public-privé (PPP-5G) doté de 700 millions d’€ de financement public, dans le but de garantir la disponibilité de la technologie 5G en Europe d’ici à 2020. Cependant, les efforts de recherche ne suffiront pas à eux seuls pour assurer à l’Europe un rôle de premier plan dans le domaine de la 5G. Il faut mener une action plus large pour que la 5G et les services qui en découlent deviennent une réalité, notamment pour l’émergence d’un «marché domestique» européen pour la 5G ». Il était dès lors déjà évident qu’aucun débat public ne pourrait avoir lieu, bien avant déjà les déclarations d’intention de déploiement de la 5G, et, surtout, qu’aucune opposition ne pourrait se faire entendre.

Pendant que la presse vante à tort et à travers les « avantages indéniables de la 5G », sans jamais exprimer le moindre doute, les tractations politiques se font donc dans une étonnante discrétion. Est-ce surprenant quand on sait que les médias appartiennent à des grands groupes financiers qui ont des intérêts multiples et variés, notamment dans les nouvelles technologies. D’autres instances pourtant, soulignent le danger. Dans sa résolution 1815 datée de 2011, le Parlement européen énonce au point 6 : « Attendre d’avoir des preuves scientifiques et cliniques solides avant d’intervenir pour prévenir des risques bien connus peut entraîner des coûts sanitaires et économiques très élevés, comme dans le cas de l’amiante, de l’essence au plomb ou du tabac ». Rien n’y fera, la chose étant économiquement trop importante, entendez « primordiale pour assurer la continuité de l’enrichissement des plus riches et une forme de contrôle totalitaire[note] ». Il est évidemment primordial de laisser le jeu se faire dès lors qu’en situation de crise profonde et de métamorphose du système capitaliste, la seule possibilité d’assurer sa durabilité se retrouve dans la fuite en avant technologique. De ce fait, les discours « verts » et les arguments en termes de progrès social des décideurs (politiciens et patronat confondus) occultent la manne que représente la transition technologique.

COMITÉ FREMAULT : CITER LES RÉSULTATS INQUIÉTANTS POUR MIEUX LES BALAYER

Le rapport du comité Fremault illustre cette réalité, où le doute ne profite qu’aux bénéficiaires de l’« impératif économique », offrant un florilège d’assertions/contre-assertions, où d’un côté ils citent les résultats « préoccupants » des recherches scientifiques, pour de l’autre mieux ne pas s’en préoccuper, et les évacuer :

- « Cette décision a été prise par la majorité des experts concernés, sur la base de plusieurs études démontrant un risque accru de gliomes chez les utilisateurs de téléphones mobiles. Il n’y a toutefois aucune certitude et des études récentes tendent à prouver plutôt que le lien entre l’exposition et les gliomes diminue au lieu d’augmenter ».

- « Pour l’heure, il est toutefois trop tôt pour se prononcer définitivement étant donné que de nombreux cancers mettent des années à se déclarer et que l’utilisation du téléphone mobile est encore trop récente à ce stade (sic). Les indices sont encore moins nombreux en ce qui concerne les tumeurs cérébrales ou les autres cancers de la tête et du cou… La seule étude (sic) qui portait sur la téléphonie mobile et les tumeurs cérébrales chez les enfants et les adolescents n’a démontré aucun effet ».

- « Des études portant sur des effets potentiellement génétiques (pouvant avoir un lien indirect avec un cancer) n’ont pas débouché sur des effets évidents. Des effets alarmants ont été rapportés mais uniquement dans le cadre d’études dont la qualité peut être remise en question. Les indications sont également insuffisantes pour d’autres effets potentiels pouvant avoir, dans une certaine mesure, un lien avec le cancer ».

- « Des effets immunologiques ont été constatés, mais à ce jour, la pertinence biologique de ces observations n’est toutefois pas claire ».

- « Étant donné que nous tenons notre téléphone mobile contre la tête, d’aucuns craignent que le rayonnement qui parvient dans le crâne ait des effets nocifs sur le cerveau (pas seulement un cancer). Il y a des indications d’effets sur l’activité cérébrale, le sommeil, l’apprentissage ou la mémoire mais les effets sont limités et pour l’heure, il n’est absolument pas certain qu’ils aient un impact réel sur la santé (…) mais les résultats ne sont pas cohérents et n’ont probablement pas de signification fonctionnelle. C’est aussi le cas chez les enfants, où des résultats douteux ont été enregistrés. Aucune perturbation du mécanisme de thermorégulation n’a été démontrée chez l’adulte ou chez l’enfant. Il convient néanmoins de poursuivre la recherche ».

- « Plusieurs évaluations critiques de ces études arrivent à la même conclusion, à savoir qu’une perturbation de la barrière hémato-encéphalique sous l’action (notamment) de fréquences de téléphonie mobile est possible mais uniquement lorsque l’intensité de l’exposition est élevée et qu’il se produit donc des effets thermiques. On n’observe aucune perturbation de la barrière hémato-encéphalique en cas d’utilisation « normale » (sic) des appareils de communication mobile et donc d’exposition « normale ». Des expériences en laboratoire n’ont révélé aucune affection neurologique telle que la maladie d’Alzheimer, contrairement à ce que certains prétendent. Quelques études sur le sujet démontrent au contraire un effet protecteur (sic) ».

- « Des études ont constaté des effets sur la reproduction et le développement. Par contre, aucun effet sérieux n’a pu être observé aux niveaux d’exposition qui nous intéressent. Aucun effet significatif n’a pu non plus être observé chez des souris qui avaient été exposées en permanence au rayonnement de systèmes de communication sans fil et ce, sur quatre générations. Il est invraisemblable qu’il puisse y avoir des effets sur le fœtus de mères exposées pendant la grossesse en raison des niveaux d’exposition extrêmement faibles. Il n’y a aucune indication sérieuse d’effets sur la qualité du sperme ».

- « Certains symptômes non spécifiques, tels que maux de tête, fatigue, vertiges et autres sont parfois attribués à une exposition aux fréquences radios. Il est ainsi fait mention d’  »hypersensibilité électromagnétique ». Des études antérieures (sic), qui ont été complétées par des études plus récentes, conduisent toutefois à la conclusion qu’il n’y a aucune preuve que l’exposition à des champs électromagnétiques provenant de téléphones mobiles par exemple, ait un lien de cause à effet avec ces symptômes. Au contraire, il y a des indications d’un effet « nocebo » ».

Concluant que malgré les nombreuses études, « on ne peut répondre clairement par « oui » ou par « non » à la question « L’exposition aux champs électromagnétiques de systèmes de communication sans fil est-elle nocive pour la santé? » », la décision de déployer la 5G semble pourtant aller de soi. Ils préparent en outre le futur, anticipant les demandes ultérieures de l’industrie des télécommunications qui à l’évidence iront vers un toujours plus grand « assouplissement des normes » : « Il convient de noter que la limite d’exposition proposée ne signifie pas qu’au-delà de cette limite, des risques réels sont à prévoir. » À l’instar du nucléaire, le risque n’existe pas quand les intérêts économiques priment, même si on évoque des situations qu’on ne connaît pas[note]. Pour le comité, « il n’y a en réalité pas de véritable base scientifique à une norme aussi stricte. Le but a d’ailleurs toujours été que le gouvernement tienne compte des valeurs conseillées mais aussi d’autres considérations (p.ex. économiques) (sic), et fixe donc des normes indiquant la limite entre les niveaux d’exposition acceptables et inacceptables (…) Au vu des connaissances scientifiques actuelles, cette norme assouplie ne semble pas inique ».

Le comité, qui devrait statuer sur les risques sanitaires, s’appuie plutôt sur une réalité créée par les industriels, le publicitaires et les multinationales de télécoms, pour alerter sur l’insuffisance des infrastructures dans l’avenir : « l’utilisation de plus en plus généralisée des smartphones et tablettes contribue à l’augmentation du trafic de données mobiles (« données » au sens large), et donc à l’accroissement de la pression sur les infrastructures existantes qui risquent de plus en plus de se trouver en sous-capacité ». Soulignant que « les trois moteurs de la croissance » sont le trafic des données mobiles, la mise sur le marché de tablettes, laptops, smartphones et des applications de plus en plus variées, le comité conclut que « cette évolution implique des mises à niveau continues des infrastructures existantes et demandent des investissements de la part des opérateurs. La 4G avec des antennes “LTE capables“ sont multi-bandes et fonctionnent en multifréquence (…) tire le marché mondial et représente des montants de 4 milliards de $ en 2015 (ABI Research, 2015). Elle préfigure l’arrivée de la 5G prévue en 2020 avec les antennes LTE‑B ».

Vous avez dit « comité d’experts », dont nombreux sont issus du monde scientifique ? Au fond, ceux-ci font tout le contraire de ce qu’on attend de scientifiques : ils partent des comportements généralisés (l’utilisation massive des technologies mobiles) pour en conclure qu’ils sont le signe du bien-être de la société[note], généralisant le fait qu’une utilisation massive est d’emblée la preuve d’une innocuité, (l’amiante en offrant, à un autre niveau, un bon contre-exemple). Le comité évoque l’argument habituel où aucune précaution dans le déploiement des nouvelles technologies n’a lieu d’être, car « cela ralentirait fortement le développement de la « ville intelligente », qui a pour but d’améliorer la qualité de vie des populations citadines tout en contribuant à une utilisation plus efficace des ressources ». La suite est à l’avenant, où l’on explique que « des études économiques montrent que chaque euro investi dans les réseaux très haut débit (fixe et mobile) génère 3€ de PIB, et 1,5€ de recettes fiscales et sociales », et qu’il « est dès lors nécessaire de simplifier la législation et de diminuer autant que possible les démarches et exigences administratives ». Pour celui qui n’aurait pas saisi : « La transition numérique souhaitée par le Gouvernement bruxellois ne pourra pas se faire sans un cadre juridique, fiscal et administratif favorable ». Tiens, en tout point correspondant à « la déclaration de politique régionale (20 juillet 2014) », qui a dit vouloir « faire de Bruxelles une capitale du numérique » ? 

En fin de rapport, les suggestions du comité sont stupéfiantes. À propos du site internet de l’IBGE, le comité dira : « Pour éviter que ne s’installe un climat de méfiance vis-à-vis de tous les rayonnements, il est important de mener une communication claire. Le comité estime que le site Internet peut jouer un rôle important à cet égard. Le comité estime que le site Internet mérite une plus grande renommée ».

Il ajoute : « La propagation des ondes est une matière abstraite. Les ondes électromagnétiques présentent l’inconvénient de ne pas être observables par nos sens, ce qui rend le grand public réceptif aussi bien à l’information qu’à la désinformation. Les sources d’information liées à la Région sont parfois perçues comme partiales par le public et ne sont donc pas estimées à leur juste valeur. Le comité estime qu’il faut une communication scientifiquement correcte mais vulgarisée, qui sont (sic) impartiale et dont l’impartialité soit également reconnue par le grand public. Suggestion: Prévoyez un canal d’information de vulgarisation, indépendant et honnête, pour cette matière technique ».

Quand on sait d’où ils parlent, c’est pur cynisme.

UN MODÈLE INFAISABLE

« D’après les données dont nous disposons actuellement, la solution de la technologie est tout sauf probable »[note]

Amené à butter un jour ou l’autre sur les limites de la planète, ce modèle demeure infaisable, même si ceux qui veulent sa mise en œuvre pousseront l’extractivisme jusque dans ces dernières limites, relançant l’activité minière dans des pays qui l’avaient massivement délaissée, comme la France. La réalité de la finitude des ressources naturelles notamment, comme celle des métaux rares indispensables aux nouvelles technologies, imposent ainsi de rappeler quelques faits.

Dans le mythe de la transition énergétique, tout commence avec le pouvoir que l’homme obtient par la maîtrise des métaux rares, comme il l’avait eu auparavant avec le charbon puis le pétrole : « Tels des démiurges, nous en avons multiplié les usages dans deux domaines qui sont des piliers essentiels de la transition énergétique : les technologies que nous avons baptisées « vertes » et le numérique »[note]. Si les prémisses de la transition énergétique remontent aux années 80 en Allemagne, c’est en 2015 que se fait la grande coalition de 195 États, lors de la COP21 à Paris, débouchant sur l’accord de Paris où les États escomptent contrer le changement climatique et contenir le réchauffement en deçà de deux degrés,[note] en substituant aux énergies fossiles les énergies vertes. Dans son ouvrage fruit d’une enquête de 6 années, Guillaume Pitron imagine un sage, figure imaginaire, qui se rendrait à la tribune de la COP21, tenant ces propos : « Cette transition va mettre à mal des pans entiers de vos économies, les plus stratégiques. Elle précipitera dans la détresse des hordes de licenciés qui, bientôt, provoqueront des troubles sociaux et réprouveront vos acquis démocratiques (…) La transition énergétique et numérique dévastera l’environnement dans des proportions inégalées. En définitive, vos efforts et le tribut demandé à la Terre pour bâtir cette civilisation nouvelle sont si considérables qu’il n’est même pas certain que vous y parveniez », concluant : « votre puissance vous a aveuglés à un tel point que vous ne savez plus l’humilité du marin à la vue de l’océan, ni celle de l’alpiniste au pied de la montagne. Or les éléments auront toujours le dernier mot ! »[note]. Guillaume Pitron souligne les questions les plus cruciales, qu’aucune des 196 délégations présentes ne s’est posée : « Comment allons-nous nous procurer ces métaux rares sans lesquels ce traité est vain ? Y aura-t-il des vainqueurs et des vaincus sur le nouvel échiquier des métaux rares, comme il y en eut jadis avec le charbon et le pétrole ? À quel prix pour nos économies, les hommes et l’environnement parviendront-ils à en sécuriser l’approvisionnement »[note].

L’auteur souligne la dépendance nouvelle que nous nous créerons, encore plus dramatique que celles que nous nous sommes créées précédemment : « En voulant nous émanciper des énergies fossiles, en basculant d’un ordre ancien vers un monde nouveau, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance, plus forte encore (…) Nous pensions nous affranchir des pénuries, des tensions et des crises créées par notre appétit de pétrole et de charbon ; nous sommes en train de leur substituer un monde nouveau de pénuries, de tensions et de crises inédites »[note].

Par ailleurs, se pose la question essentielle du « propre ici » qui repose sur du « sale là-bas » : dans les mines de graphite (ressource minière qui entre dans la fabrication des voitures électriques), « des hommes et des femmes, nez et bouches recouverts de simples masques, travaillent dans une atmosphère saturée de particules noircies et d’émanations acides. C’est l’enfer »[note]. « Ce panorama des impacts environnementaux de l’extraction des métaux rares nous astreint, d’un coup, à poser un regard beaucoup plus sceptique sur le processus de fabrication des technologies vertes. Avant même leur mise en service, un panneau solaire, une éolienne, une voiture électrique ou une lampe à basse consommation portent le péché originel de leur déplorable bilan énergétique et environnemental. C’est bien le coût écologique de l’ensemble du cycle de vie des greentech qu’il nous faut mesurer – un coût qui a été précisément calculé »[note].

Sur la question de l’impossibilité de réaliser cette transition sans une consommation massive d’énergies et de matières premières (« des centrales à charbon, à pétrole, à gaz et nucléaires, des champs éoliens, des fermes solaires et des réseaux intelligents – autant d’infrastructures pour lesquelles il nous faudra des métaux rares »), Guillaume Pitron a à de multiples reprises tenté de contacter Jeremy Rifkin, grand théoricien de la troisième révolution industrielle et laudateur de la transition énergétique, sans succès. Et l’explication de Guillaume Pitron à cette fuite offre une signification plus générale sur l’aveuglement massif et l’illusion des greentech, reposant sur un fait majeur : la transition énergétique et numérique a été pensée hors-sol. Quelles que soient ses applications, chacune d’elles en effet « procède d’abord beaucoup plus prosaïquement d’un cratère entaillé dans le sol (…) Au fond, nous ne réglons en rien le défi de l’impact de l’activité humaine sur les écosystèmes, nous ne faisons que le déplacer »[note].

ARTICULER LE REFUS DU MONDE QU’ON NOUS PRÉPARE ET LA LUTTE CONTRE LA RICHESSE INDÉCENTE

Placer nos espoirs dans les politiciens, les implorer de « prendre les bonnes décisions », c’est leur laisser le pouvoir d’imposer leurs solutions en usant des instruments médiatiques qu’ils contrôlent et qu’ils utiliseront pour nous faire croire que ces solutions sont le résultat de nos demandes et pour notre seul bien. Ainsi de la transition numérique, téléguidée par les multinationales et leurs serviteurs. La 5G, symbole de cette course en avant, nous promet l’enfer.

Ce sont les capitaines d’industries, ceux qui montent leur société boîtes-aux-lettres au Luxembourg, les banquiers et autres agioteurs que le Premier ministre Charles Michel a chargés au nom du Gouvernement de réfléchir à un Pacte national d’investissements stratégiques, dont les commanditaires ne sont autres que les patrons de Belfius, Proximus, Sioens Industries, la Fédération des entreprises de Belgique… qui sont les véritables architectes qui vont « préparer notre pays à la prochaine décennie ». Il leur faudra pour cela « réaliser une série d’investissements urgents au cours des prochaines années. Ces investissements permettront de renforcer l’économie, l’innovation et l’emploi. Nous avons besoin de cette prospérité supplémentaire pour continuer à financer l’enseignement, les soins de santé et la protection sociale. Mettons-nous tous à la tâche pour mener ceci à bien. Construisons ensemble notre avenir. Car l’avenir nous appartient ! ».Certes, il leur appartient à eux seuls, pour l’instant, qui ne cherchent qu’une seule chose: conserver le pouvoir pour relancer la croissance afin d’assurer leurs profits[note].

Mais c’est de l’avenir des espèces vivantes et de la nature, pas de celui d’une minorité insatiable, imitée et soutenue à bras le corps par 10% de la population, dont nous nous soucions. Et pour assurer cet avenir, il faudra inévitablement sortir de l’impératif de croissance économique et oser des changements radicaux. Nous savons ce qu’il faut refuser et qui nous devons renverser. Notre survie est à ce prix.

Alexandre Penasse

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5G — DEMANDE D’INTERVIEW DE LA MINISTRE CÉLINE FREMAULT

Lettre ouverte à la Ministre Fremault, dont nous n’attendons évidemment rien, instrument au service des multinationales qu’elle est. Mais ce « rien » est important, car il souligne le désintérêt suprême de ceux censés nous représenter [note]; il faut donc le mettre en évidence. Nous suivons la « procédure » de demande d’interview. Le premier courrier, sans réponse, a été envoyé le 26 octobre; nous lui envoyons un second aujourd’hui. Si aucune réponse: un nouveau sera envoyé dans une semaine, puis tous les deux jours, enfin après 8 jours, tous les jours. N’obtenant certainement aucun rendez-vous pour une interview, nous tenterons d’autres choses.

Bonjour, 

En tant que journal indépendant qui publie depuis plus de 6 ans en Belgique des analyses et études d’intérêt général, nous aimerions rencontrer la ministre Fremault autour de la question de la technologie 5G et de sa volonté de la déployer dans la ville de Bruxelles. 

Traitant le sujet des ondes électromagnétiques et des technologies de la communication depuis des années, ayant interrogé de nombreux experts sur le sujet, nous avons des questions qui nous paraissent essentielles à lui poser. Nous pensons que les gens doivent connaître les positions de la ministre sur les dangers de cette technologie que nous avons mis en évidence et les réponses qu’elle a à leur offrir. 

Assurés que vous prendrez en compte notre demande, nous sommes disposés à rencontrer la Ministre dès que possible. 

Cordialement, Alexandre PenasseRédacteur en chef de KAIROS

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Articles

Communiqué de presse des Verts européens

L’Union européenne oscille de l’obsession pour le climat au déni des autres dossiers écologiques. Un inquiétant recul vient d’avoir lieu sous nos yeux. Les pesticides sur notre continent ont encore de beaux jours devant eux, grâce aux forces politiques qui n’en démordent pas du dogme du Marché : ce seront les profits à l’infini, et tant pis pour la santé des populations à moyen et long terme. Anti-productivisme, plus que jamais!

Strasbourg, le 22 novembre 2023.

Règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR). Le Parlement européen enterre la réglementation européenne sur les pesticides.

Aujourd’hui, les membres du Parlement européen ont rejeté le règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR). Les députés du centre, de droite et d’extrême droite, encouragés par les lobbies des grandes industries agroalimentaires, ont réussi à affaiblir le texte dans des domaines cruciaux. En plus d’adopter des objectifs de réduction irresponsables, ils ont également supprimé la protection des jardins d’enfants, des écoles, des hôpitaux et des maisons de retraite dans les zones dites sensibles, ainsi que des règles contraignantes pour la lutte intégrée contre les parasites alors qu’il s’agit d’un outil capital pour la mise en œuvre de pratiques durables dans l’agriculture. En fin de compte, le texte n’était bon pour personne. Les membres du Parlement européen n’ont réussi à protéger ni notre santé ni notre planète.

Déclaration de Sarah Wiener, députée européenne du Groupe des Verts/ALE et rapporteur du Parlement européen pour le SUR : 

« Aujourd’hui, les membres du Parlement européen ne sont pas parvenus à trouver un accord sur la proposition de règlement sur les pesticides. C’est un coup dur pour la protection de l’environnement et de la santé publique. La majorité des députés européens ont fait prévaloir les profits des grandes entreprises agricoles au détriment de la santé de nos enfants et de la planète.   Les négociations sont en cours depuis des mois et nous avons réussi à obtenir un rapport solide au sein de la commission ENVI. Mais, relayant les intérêts du secteur agroalimentaire, les eurodéputés de droite et d’extrême droite, ainsi que certains membres de Renew et du S&D, ont voté pour un rapport en plénière terriblement affaibli. En particulier, en ce qui concerne la protection de la santé publique et de la biodiversité, ainsi que le soutien aux agriculteurs. L’objectif du SUR est de réduire de moitié l’utilisation des pesticides chimiques d’ici 2030. Mais, sans règles contraignantes pour la lutte intégrée contre les parasites et en l’absence de contrôle, ce n’est que de l’écoblanchiment. Ce n’était tout simplement pas un texte pour lequel nous pouvions voter en toute conscience. L’alliance entre l’extrême droite, les conservateurs et les libéraux a réussi à annihiler la position du Parlement en votant également contre le renvoi en commission. Cela signifie que les négociations en trilogue ne peuvent pas débuter et qu’il n’y aura tout simplement pas de nouveau règlement sur l’utilisation durable des pesticides.”

Guendalina de Sario, Conseillère Presse et Média BXL, Groupe des Verts/ALE  www.verts-ale.eu

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Numérisation de l’École, le pacte faustien/d’excellence

« Notre principal effort est de veiller à ce que tout le monde puisse suivre le rythme des changements et à ce que personne ne soit mis de côté lorsque les exigences du travail changent.[note] »Olaf Scholtz, chancelier de la République Fédérale d’Allemagne.

Illustration : Barbara Lemarchal

La numérisation de l’École serait-elle devenue un marronnier ? C’est en tout cas un thème que votre serviteur[note] a abordé plusieurs fois depuis une douzaine d’années[note] en lanceur d’alerte, jusqu’à présent en vain. Car la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas la Suède. Au printemps dernier, celle-ci a décidé de faire marche arrière — normal, avec un gouvernement de centre-droit, entends-je déjà — en enlevant les écrans et en réintroduisant les manuels scolaires. Il se fait que les derniers tests PISA ne donnaient pas une image très glorieuse du niveau des élèves suédois… L’exemple de politiques reconnaissant leur erreur fera-t-il tache d’huile ? On ne peut que l’espérer. Dans nos contrées, nous n’y sommes pas encore, les zéla- teurs de l’École numérique sont toujours au taquet[note] ; à les écouter, là résideraient un destin et une vertu, celle de l’innovation, et même de la disruption. Pour l’institution scolaire, il s’agit toujours de « pré- parer les jeunes au monde qui les attend ». Mais quel monde ? Un cauchemar cybernétique répandant H24 un poison aussi intelligent qu’artificiel[note] ? Et « implémenté » par qui ? Le peuple souverain ? Quoiqu’il en soit, la perspective n’est pas très motivante… 

La citation ci-dessus relève à la fois de la langue de bois et de la realpolitik néolibérale à laquelle les dirigeants nous ont habitués depuis 4 décennies : marchez ou crevez, braves gens ! Ou dit plus gentiment : adaptez-vous[note]. Nous aurions envie de demander à Scholtz les précisions suivantes : 

1. Pourquoi tout le monde devrait-il suivre le rythme des changements ? 

2. De quels changements s’agit-il ?3. Tout changement est-il nécessairement un progrès, a fortiori dans le domaine technique ? 

4. Qui dicte les exigences du travail ? 

Répondons brièvement à sa place. 

La diversité régnant par définition dans le corps social, tout le monde n’est pas obligé de marcher au pas cadencé. Que ceux qui se pâment devant le « progrès technique » y aillent, grand bien (ou mal) leur fasse ; mais qu’ils fichent la paix aux autres. 

Des changements surtout technologiques, qui nous sont imposés à la fois d’en haut — UE, OCDE, WEF pour le volet institutionnel, GAFAM et clubs patronaux pour le volet commercial — et d’à côté — tous les agents (famille, amis, collègues) qui fonctionnent, se robotisent, oubliant qu’ils sont nés humains et qu’il convient donc de vivre en humain.

Bien sûr que non. Citons par exemple la bombe atomique, les mines anti-personnel, les pesticides, la nanotechnologie, les réseaux asociaux d’Internet, le QR-code, les « vaccins » à ARN messager, la 5G, la monnaie numérique, etc.

Les propriétaires des outils de travail, autrement dit, de nos jours, principalement les entreprises transnationales, dont les quatre volontés sont obligeamment relayées par les États et les médias dominants.

DANS LES LIVRES… 

Ceux qui ont quitté l’enseignement depuis 2019 — par pension, détachement professionnel ou démission — n’endurent plus la pression à la numérisation. S’ils ne sont pas définitivement dégoûtés, ils peuvent lire les chercheurs[note], universitaires ou non, qui décortiquent l’école numérique et l’addiction aux écrans, comme ces deux Québécois professeurs de philosophie, Eric Martin et Sébastien Mussi, auteurs de Bienvenue dans la machine. Enseigner à l’ère numérique (Écosociété, 2023), un essai philosophico-politique à mettre dans les mains de tout enseignant. On peut voir ces auteurs comme des représentants de ce que devrait être une authentique écologie politique, mâtinée de luddisme[note] et de décroissance. Ils enquêtent sur le cas du Québec à partir de chiffres assez comparables à ceux des pays européens. Ils constatent que « […] on branche, on arrime l’école sur le développement technico-économique et sur les systèmes autonomes qui ont pris le contrôle de notre monde[note] » et que « la nouvelle éducation ne sert plus à initier et à inviter les nouveaux venus à la société, à la culture, au monde commun qui lui préexistent ; bien au contraire, elle est mobilisée pour dissoudre le rapport à la société, à la culture locale aussi bien qu’universelle, au politique. Elle produit alors des individus déracinés, hors sol, avant de les repiquer au sein des réseaux informatique et des organisations multinationales du capitalisme globalisé[note] ». Bien que l’école en ligne, généralisée pendant la période covidienne, soit inefficace, les politiques de nos contrées persistent et signent ; l’apprentissage à travers les réseaux (networking) est un des chevaux de Troie de la marchandisation de l’école ; l’arrivée de l’intelligence artificielle (comme Chat GPT) signifie l’obsolescence prochaine des professeurs, dont le rôle se bornera à « tenir la main aux enfants qui devraient subir ce processus de dés-humanisation[note] » ; ajoutons‑y encore le remplacement du principe de précaution par le « principe d’irresponsabilité », l’extension du contrôle, le déni de démocratie, l’illusion d’une école « verte », le risque cognitif… Voici le règne des « bouffons cybernétiques » acteurs de ce « totalitarisme systémique » dont parlait le sociologue canadien Michel Freitag. Martin et Mussi exhortent à aller résolument à contre-courant de la tendance actuelle, car il s’agit ni plus ni moins de sauver l’École de l’assaut des machines de guerre du transhumanisme. 

ET SUR LE TERRAIN 

Après la théorie, il était temps d’aller aussi sur le terrain pour rencontrer un acteur qui a allumé des contre-feux pour tenir la bête informatique à distance. Dominique Verlinden est le directeur de l’école communale du centre, à Uccle. Depuis cette rentrée 2023, les compétences numériques font officiellement leur apparition dans l’enseignement primaire, à charge pour les instituteurs/trices de se former rapidement. Mais le directeur ne l’entend pas de cette oreille, ce qu’il avait déjà formulé dans Le Soir du 29 août : « En tant que président de l’Union des directeurs d’écoles communales (UDEC), je suis régulièrement appelé dans les médias. J’ai donc donné une interview dans Le Soir qui est tombée à pic. La journaliste ne venait pas spécialement chercher une contre-argumentation, mais c’est avec celle-ci qu’elle a conclu son article ! L’École devrait s’abstenir de renforcer l’attrait pour les écrans. Pourtant il y a encore, hélas, des établissements qui misent tout sur les machines numériques. À l’inauguration de l’un d’eux, à Bruxelles, j’avais vu un énorme écran avec lequel de jeunes enfants d’une section maternelle s’amusaient, en testant ses multiples possibilités tactiles. Cette mode m’inquiète, elle devient un argument commercial pour attirer les élèves : “Venez chez nous, nous proposons des tablettes et des tableaux blancs interactifs dans les classes !”. Mais pour faire quoi de mieux que ce qu’on fait déjà sans l’informatique ? La grande mode est aussi au codage. Des petites boîtes informatiques nous contactent, mais nous déclinons leur offre, comme la demande de certains parents d’intégrer des petits robots à l’apprentissage. Heureusement, la plupart d’entre eux sont de plus en plus sensibles aux arguments contre le numérique à l’école. Dans le cadre du Pacte d’excellence, tous les niveaux de l’enseignement obligatoire ont dû élaborer un “plan de pilotage”, qui est une analyse approfondie de leur situation et de leurs pratiques, également à partir de données chiffrées disponibles. L’état des lieux portait évidemment aussi sur le numérique, parmi 15 autres thématiques. Dans un second temps, les écoles ont fixé des objectifs d’amélioration, qui sont évidemment variables d’un établissement à l’autre. Bien qu’on y ait argumenté dans le sens de la plus grande méfiance à l’égard des écrans, le plan de pilotage a pourtant été bien reçu par les autorités, les délégués aux contrats d’objectifs et les directeurs de zones. Est-ce que l’argumentaire a été lu en profondeur ? Je ne sais pas… J’y ai fait un compte-rendu de ce qui existe dans notre école en matière de numérisation scolaire mais en parlant aussi d’autres priorités, comme celle de compenser le syndrome du “manque de nature” particulièrement présent en milieu urbain. J’affichais la couleur et citais de nombreuses références, dont les ouvrages de Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital et Faites-les lire ![note] Je suis satisfait d’avoir intégré toutes ces remarques dans ce document officiel, validé par les instances communales et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est une petite victoire symbolique que je peux revendiquer pour résister quelque peu à d’éventuelles pressions à la numérisation. Elle a aussi une dimension politique, au sens noble du terme… Enseigner est en effet un acte politique : dans quelle société veut-on vivre ? » 

« J’ai pris conscience du problème de la numérisation de l’école progressivement, car on ne voyait pas les choses arriver directement. Remarquons que le numérique n’est pas seulement présent dans la classe, mais en dehors, dans la préparation des cours. Les enseignants communiquent entre eux sur des réseaux sociaux à propos de leurs pratiques, ce qui est en soi une bonne chose. Mais comme les partages de ressources “pédagogiques” sont pléthoriques, certains vont littéralement “à la pêche” sur Internet, en s’appropriant des outils conçus par d’autres, sans recul ni réflexion… Il y a aussi des enseignants qui utilisent leur smartphone en classe, par exemple pour scanner des QR-codes lors de la correction d’un exercice. En quoi une telle pratique sert-elle la cause ? Certains sont même devenus des “ambassadeurs” de Microsoft en recevant des outils gratuits, perdant du coup leur autonomie et leur liberté de pensée. Ils deviennent de véritables influenceurs ! On est loin de l’enseignant-chercheur que je préconise. D’un autre côté, il y a les questions éthiques et écologiques qui sont bien connues, et qu’il faut intégrer dans la réflexivité des acteurs de l’école. Tout comme les questions économiques, qui montrent des disparités entre les familles. Visons la cohérence et la conscience. Les instituteurs et institutrices de mon établissement adhèrent à ce discours en théorie. Même si certains vont quand même ponctuellement “à la pêche sur le Net”, aucun ne me demande du matériel informatique, sauf lorsque cela est justifié, par exemple pour un enfant dyslexique ou dyspraxique. Il y a une dizaine d’années, le parc informatique de l’école a été démantelé au profit de projets ayant du sens, comme le rayonnement musical et l’initiation à l’environnement, ou encore tous les projets visant à améliorer le bien-être et le vivre-ensemble. » 

« Du côté des enseignants, qui ont un rôle crucial à jouer, je considère qu’ils doivent lire davantage et devenir des enseignants-penseurs-chercheurs aptes à s’affranchir des courants de pensée dominants et à faire des choix assumés. Par exemple, notre établissement possède un jardin dans lequel sont organisées plein d’activités pédagogiques ; ça, c’est bien plus important pour les écoliers que de leur mettre une tablette dans les mains ! Le problème des enseignants non lecteurs, c’est que paradoxalement ils sont chargés de transmettre le goût de la lecture, celle-ci étant au centre de tous les enjeux d’apprentissages. Or les inégalités de lecture sont abyssales entre les écoliers, certains lisant en deux jours ce que d’autres liront en un an ! Pour combattre cette tendance, les enseignants doivent commencer par lire eux-mêmes, ce qui est hélas loin d’être gagné actuellement, puisqu’ils sont nombreux à n’avoir qu’une faible culture générale, gavés d’émissions et de séries sans intérêt… Il est difficile d’agir directement sur le milieu familial, contrairement à l’école, où il est de mon devoir d’aller à contre-sens de la tendance dominante, de lutter contre l’abêtissement et de développer une vision ambitieuse pour les enfants que nous accueillons et pour la société dans laquelle nous vivons. » 

Merci Monsieur Verlinden, tout espoir n’est pas perdu ! 

Bernard Legros 

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