MANIFESTATION DES GILETS JAUNES À BRUXELLES: TÉMOIGNAGE

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Souvent revient lors des manifestations cette rengaine de « la violence des manifestants », justifiant de façon à peine cachée la répression policière. Si nous pensons que les réactions populaires s’inscrivent dans une réponse à la violence quotidienne de l’État et du capital qu’il sert, il faut aussi indiquer que les manifestants sont souvent pacifiques et que la provocation émane régulièrement des policiers. Temoignage d’un manifestant.

Présent parmi d’autres à la manifestation des gilets jaunes ce samedi, j’ai pu constater les moyens considérables mis en oeuvre  par le pouvoir  pour neutraliser et mater une contestation populaire légitime et fondée (la vie chère, la difficulté à joindre les deux bouts, l’accroissement des inégalités) . 

De rassemblement, il n’en fut pas question puisqu’il fut impossible de se rendre au cœur de ces institutions européennes qui imposent des budgets, appellent de concert avec le grand patronat  à toujours plus  de recul social , plus de flexibilité, plus de modération salariale, plaident pour toujours plus de  privatisation, de libéralisation et d’austérité… 

SUR LA TENUE DE LA MANIFESTATION

 En parlant de l’axe Arts — Belliard, Ilse van Keere, porte-parole de la police, prétend dans les médias qu’une zone de libre expression existait  pour les gens de bonne volonté qui voulaient s’exprimer sur leurs propres thématiques. Rien n’est plus faux ! 

Avant le début de la manifestation la police procédait déjà à des interpellations en sortie de gares. Pour les autres manifestants  contournant les  dispositifs de blocage et les barrages ceinturant les quartiers de l’Europe , ils n’avaient d’autres choix que de se rabattre  sur l’axe Arts-Loi … où les forces de « l’ordre » nous attendaient de pied ferme. 

Les « Michel Démission » , « La police avec nous »  scandés par les gilets jaunes n’y feront rien, la police restera intraitable. 

« Les forces de l’ordre ne parviennent pas à communiquer avec les manifestants » nous dit RTL. C’est un mensonge éhonté ! Les manifestants ont multiplié les tentatives de dialogues pacifistes avec la police.  Je l’ai vu , je l’ai entendu.

Les moyens répressifs mis en oeuvre  étaient colossaux. Ils laissent entrevoir ce que le pouvoir en place ‑ce pouvoir en perte de légitimité- est prêt à mettre en oeuvre pour se maintenir alors que tout montre que nous ne voulons plus de ce gouvernement  et de cette politique: des policiers en masse lourdement équipés, certainement plusieurs centaines, la cavalerie, des auto pompes et une multitude de fourgons. 

On évoquera la notion de  respect de l’ordre et le caractère « sauvage » de la manifestation pour justifier l’arbitraire: 400 arrestations pour 1000 manifestants ! C’est le commissaire Vandersmissen qui était content. 

Y avait ‑il 400 casseurs dans nos rangs ? Près d’un manifestant sur deux ? Bien sûr que non ! D’ailleurs personne ne sera en mesure de donner le nombre exact des quelques marginaux qui étaient venus pour casser puisque la police agissait sans discernement. Ce qu’elle  condamne aujourd’hui, c’est que le peuple remette en question des choix économiques et politiques ! Ses méthodes sont dignes des dictatures. 

Cette journée est historique. Elle démontre que notre gouvernement n’a absolument rien compris à ce mouvement et à ses aspirations profondes, qu’il n’est pas décidé à prendre en compte la souffrance des gens , qu’il est encore moins décidé à les écouter ni à se remettre en question. Nous avons assisté à une démonstration de mépris, de force et d’inflexibilité sans pareil. 

A nous d’en tirer les conclusions , à nous d’agir en conséquence là où nous le pouvons ! 

Laurent Bodenghien
Illustration: Julie Dall’Arche

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